Les Ch’tis italiens dénoncent Dany Boon


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Le film s’appelle Benvenuti al Sud. Ce n’est pas un remake italien de Bienvenue chez les Ch’tis, mais la transposition littérale du film de Dany Boon. Seule différence : le voyage se fait cette  fois du Nord au Sud, le personnage principal étant muté de Lombardie à une bourgade près de Naples, après avoir vainement, et malhonnêtement, intrigué pour être nommé à Milan. Réalisé par Luca Miniero, le film est interprété par Luca Bisio dans l’emploi précédemment tenu par Kad Merad, le personnage étant rebaptisé Alberto. Lequel Alberto s’attend évidemment à ne trouver sur les lieux de sa nouvelles affectation que brutes demeurées, mafieux sanguinaires et montagnes d’ordures dans les rues. Ce postier-là rencontrera à son tour des braves gens dans un paysage de rêve, mais devra ensuite user de subterfuges envers sa femme, convaincue qu’il risque sa vie chaque jour dans une contrée barbare. On l’a compris, le film suit pas à pas les mêmes péripéties qui ont valu un triomphe à Bienvenue chez les Ch’tis, avec ses plus de 20 millions d’entrées en France, soit le plus grand succès de tous les temps pour un film français.

La bande annonce de Benvenuti al Sud

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Le film de Dany Boon est donc désormais devenu une sorte de franchise internationale, Boon faisant d’ailleurs une brève apparition chez ses confrères ultramontains,  en ch’ti de passage dans le Mezzogiorno. D’autres transpositions sont en projet, dont une aux Etats-Unis, avec Will Smith. Et Benvenuti al Sud, sorti la semaine dernière, est d’ores et déjà à son tour un énorme succès commercial dans son pays. Sans probablement pouvoir égaler les records historiques de son grand frère français, il obtient une fréquentation très supérieure à ce que tout le monde attendait, y compris ses producteurs.

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Grand bien leur fasse à tous, serait-on tenté de dire. Sans doute. Mais ce succès, qui pourrait très bien être réitéré dans d’ autres contextes, raconte aussi autre chose. Il témoigne combien se sont trompés ceux qui ont vu dans Bienvenue chez les Ch’tis une mise en scène attentive aux singularités de la France actuelle– soit l’explication de la grande majorité des chroniqueurs de la victoire foudroyante du film au box office. En avons nous lu et entendu, des commentateurs qui ont cru pouvoir expliquer son triomphe par cette finesse d’analyse. En ce cas, il aurait fallu que la version italienne comporte de sérieuses variantes. En effet les différences sont considérables entre les deux pays, précisément sur les soi-disant enjeux de société du scénario. Rien n’est plus  éloigné que le rapport au régional et au local tel que vécu en France et en Italie, tout comme les rapports à la nation, et la vérité de ce qui existe comme représentations (elles-mêmes fantasmatiques, mais pas les mêmes fantasmes) du Nord de la France pour le reste des Français et du Sud de l’Italie pour les autres Italiens.

Si Bienvenue chez les Ch’tis peut si bien être cloné en Italie (et ailleurs), c’est qu’en fait il ne disait rien de précis sur le Nord de la France, ou sur la relation nation/région, ou sur le rapport contemporain à la mobilité à l’intérieur de la France, ou sur quoique ce soit de genre. Il ne faisait qu’agencer avec une habileté extrême, et même un talent certain, des stéréotypes qui n’ont aucune pertinence sociologique particulière. Le film de Dany Boon était extraordinairement efficace, son score au box-office l’atteste. Mais comme symptôme des réalités de ce pays, il était sans intérêt – et il faut beaucoup de paresse pour se contenter de l’équation à zéro inconnue « succès commercial = richesse de sens ».

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