Claude Chabrol est mort ce dimanche 12 septembre 2010, à l’âge de 80 ans. C’est vrai? Oui hélas, c’est vrai. Mais avec lui, il y a motif à se poser la question. Il aurait aimé fabriquer un canular à propos de sa propre mort. Chabrol s’était méthodiquement construit une réputation de farceur. Sans doute l’homme avait des dispositions pour la blague, mais il ne s’agit pas ici d’anecdotes d’adolescent turbulent ou de bonhomme goguenard, prompt à la galéjade. Il s’agit de son travail, de son art, et de sa survie. Trois grands mots qu’il se sera toujours refusé à prononcer – mais dont il appréciait qu’on comprenne que c’était bien ça qui était en jeu.
Chabrol avait construit les conditions nécessaires à la poursuite de ce qu’il aimait le plus au monde: faire des films. Pas raconter des blagues ni manger à une table gastronomique, même si il aimait ça, aussi. A la fin des années 50, beaucoup de jeunes gens s’apprêtent à devenir réalisateur. Nous savons aujourd’hui qu’une petite dizaine sont de grands artistes en herbe.
Parmi eux, deux seulement vont établir les conditions pérennes pour exercer leur activité de cinéaste, par des voies radicalement opposées: Eric Rohmer et Claude Chabrol. Alors que Rohmer construisait avec sa société, les Films du Losange, l’enclave à l’intérieur de laquelle il pourrait travailler à sa guise, Chabrol entrait presqu’aussitôt «dans le système», travaillant pour des producteurs établis.
Stratège débonnaire mais sophistiqué, il saurait jouer au mieux de ce cadre pour faire ce qu’il avait envie de faire. C’est un jeu où il arrive qu’on perde, et cela donna ce qu’il appelait «des merdes absolument saisissantes» (citons Le Sang des autres, Jours tranquilles à Clichy, assez peu en fait) ou des mauvais films (une petite dizaine). Mais cet homme-là a réalisé 55 longs métrages en 50 ans, plus quelques sketches mémorables et 21 téléfilms. Qui dit mieux dans le cinéma français (ou ailleurs)? Personne.
(…) Lire l’article complet, publié sur slate.fr le dimanche 12 septembre 2010