Le seul dispositif “Lycéens au cinéma” d’Ile de France a concerné plus de 45 000 élèves cette année
C’est une des réussites les plus certaines et les plus porteuses d’effets dont la France puisse s’enorgueillir parmi les dispositions créées depuis 20 ans. Sous le nom (contestable) d’ « Education à l’image », il s’agit de la mise en place d’un maillage très complet, sur tout le territoire et de la maternelle à la terminale, de rencontres entre le cinéma et les enfants et adolescents, selon d’autres motivations que celles mises en place par le marché. Salués dans le monde entier, servant d’inspiration et de référence dans de nombreux pays, ces dispositifs font travailler ensemble enseignants, artistes et professionnels du cinéma, formateurs spécialisés, responsables de salles et décideurs culturels à tous les échelons territoriaux, du niveau national au niveau local, en croisant les compétences rattachées aux ministères de l’Education nationale, de la culture et de la Jeunesse et des sports.
Soit des dizaines de milliers d’intervenants permanents ou occasionnels, qui organisent chaque année, selon des modalités variées, la rencontre entre des dizaines d’œuvres de cinéma et des centaines de milliers d’élèves. « Rencontre avec des films » signifie non seulement de voir ces films (classiques du cinéma mondial, réalisations venues des quatre coins de la planète, œuvres permettant la découverte des innombrables possibilités du langage cinématographique), mais de les voir dans un environnement qui permet d’en comprendre les singularités et les enjeux, d’apprendre à apprécier autre chose que ce vers quoi incline le goût jour après jour formaté par la plus puissante industrie du monde contemporain, le marketing. C’est la tâche assumée sous l’égide des structures dont les principales s’appellent Ecole et cinéma , Collège au cinéma et Lycéens et apprentis au cinéma, mais auxquelles participent de nombreux autres organismes, comme la Ligue de l’enseignement, la Société des réalisateurs de films, l’association d’enseignants cinéphiles Les Ailes du désir, la Fédération des salles Art et essai…
Tâche immense, dont on voit qu’elle ne concerne pas le seul goût de voir des films, mais la construction d’imaginaires et de mentalités plus ouverts et plus complexes. L’accomplissement de cette tâche suppose des choix, des défis, et un énorme travail pédagogique, travail qui se situe aux limites de la pratique habituelle dans les établissements scolaires – ce n’est pas la moindre ses vertus. Il va de soi qu’un tel ensemble de dispositifs, fondés sur la collaboration entre des professions aux objectifs, aux habitudes et aux rythmes très différents, et reposant en grande partie sur l’engagement personnel, est fragile. Et qu’il n’existe que grâce à une dynamique dont il appartient aux politiques de l’accompagner et autant que possible de la soutenir.
Or c’est à l’exact opposé qu’on assiste aujourd’hui, avec la mise en place à la sauvette d’un projet baptisé Ciné Lycée, et annoncé par le ministre de Luc Chatel comme devant entrer en vigueur dès la rentrée prochaine. Ce projet, qui bénéficie des apparences de la modernité et de la rationalité, est destructeur pour les dispositifs existants, et n’apporte pas grand chose. Ces choix et la procédure de sa mise en œuvre sont hélas exemplaires de ce qui se produit actuellement à beaucoup plus vaste échelle dans les domaines de l’éducation et de la culture. Qui trouverait le sujet marginal au regard des problèmes actuels devrait au contraire s’aviser de ce qu’il a de symptomatique, outre ses enjeux spécifiques, et qui ne sont pas minces.
Le 18 mai, le Ministre de l’Education nationale a donc annoncé la création de la plateforme Ciné Lycée, site de VOD qui rendrait accessibles 212 films aux élèves des 4000 lycées et lycées professionnels dès la rentrée prochaine. Ces films auraient été sélectionnés par 75 experts en cinéma sous la direction de Claude jean Philippe, selon l’annonce officielle. Du pipeau ! Je le sais, je suis un de ces experts. Tout ce que nous avons fait a été, dans un contexte entièrement différent, de dresser il y a trois ans des listes, comme les cinéphiles aiment à en fabriquer en permanence, pour désigner « les meilleurs films du monde ». Le résultat de ces cogitations a été publié dans un livre, 100 Films pour une Cinémathèque idéale paru en 2008 aux Editions des Cahiers du cinéma. Une approche qui fait inévitablement place à une sorte de consensus moyen, et fort peu innovant vu la moyenne d’âge des participants. Une approche qui n’a rien à voir avec la conception d’une programmation destinée aux adolescents.
En réalité, le maître d’ouvrage de ce projet se révèle être France Télévision, dont on ne voit pas bien la qualification en termes de travail pédagogique dans le champs cinématographique. On voit en revanche très bien se profiler la possibilité de rentabiliser un catalogue de droits, sans autre logique artistique ou d’enseignement. Et il ne suffira pas de brandir quelques titres-étendards, Citizen Kane, Les Enfants du paradis ou Metropolis, pour remplacer le travail de construction de programmes mené par les responsables pédagogiques. A cette étroitesse rigide du choix s’ajoute une procédure encore plus absurde : en fait seulement « une vingtaine » des fameux 212 titres (inconnus à ce jour) seront accessibles chaque mois. Un brillant conseiller en communication a eu l’idée d’ajouter que l’ensemble du catalogue serait accessible chaque année pendant le Festival de Cannes, on ne rigole pas.
Lors de son discours de vœux au monde culturel du 7 janvier, Nicolas Sarkozy en plein élan visionnaire s’exclamait : « tout le territoire devra être couvert par des conventions entre les écoles et les lieux de culture d’ici la fin 2010. Pour rendre la culture accessible à tous et partout, un portail internet vient d’être inauguré, il réunit toutes les ressources des institutions culturelles, nationales et par région. Un deuxième portail internet sera inauguré en 2010 pour que tous les Lycées et toutes les Universités de France puissent visionner des films de cinéma du patrimoine français et international, sans oublier des captations d’opéras, de théâtre, et des promenades virtuelles dans les collections des musées. (…) Les films, aussi : on ne fera pas concurrence aux salles de cinéma en permettant aux lycéens de voir dans leurs établissements les films. On crée un public. Il en va de même pour les théâtres. Allons chercher le public, n’attendons pas qu’il vienne! Donnons à tous la chance de rencontrer ces œuvres! Cet objectif, nous devons l’atteindre dès 2010 ».
Conçue à la va-vite pour répondre à l’injonction présidentielle, aussi désinvolte vis-à-vis de l’existant que du possible et du souhaitable, cette réforme est annoncée sans répondre à aucune des questions qu’elle devrait résoudre. Ainsi est-il prévu que les films choisis (par qui ?) soient projetés, au rythme de « deux ou trois par trimestre », dans les lycées ? Où exactement ? Avec quels appareils ? On ne sait pas (« au moins un projecteur vidéo relié à une connexion Internet » lit-on sur le site du Ministère, merci pour l’exigence et la précision). Les régions découvrent avec une joie non dissimulée qu’elles seraient supposées assumer le coût de ces équipements. Pour septembre prochain, c’est une blague.
Les élèves de l’option cinéma du Lycée Marguerite de Navarre à Alençon (Orne)
Ce qui n’est pas une blague est qu’un des effets collatéraux est de rompre au passage la collaboration entre établissements scolaires et salles de cinéma qui participaient à ces dispositifs, grâce au travail de participation et d’accompagnement des exploitants engagés. Un système « gagnant-gagnant », puisqu’il avait aussi l’avantage de contribuer au financement de ces cinémas, souvent les plus fragiles, tout en habituant les élèves à l’expérience de la salle de cinéma, et à la découverte d’autres types de salles que le multiplexe du coin. De même le système tend à priver d’une source de revenus les ayant-droits de films de grande qualité, petits distributeurs courageux pour qui ce marché était un soutien bienvenu.
Ignorant délibérément l’immense travail d’accompagnement pédagogique existant, le projet compte sur l’apparition dans chaque établissement d’un enseignant volontaire, affublé du titre de « référent culturel » (mais où vont-ils chercher ça ?), et qui aura charge de choisir les films montrés, de mobiliser les élèves, de faire circuler une documentation fournie en ligne par France Télévision… Aucune formation, aucun accompagnement n’est prévu. Et puisqu’on est sur Internet, les élèves pourront ensuite écrire ce qu’ils pensent du film, soit ce qui se fait déjà sur des centaines de sites, dont Allociné est sans doute le plus fréquenté. Ce qui vaut à ce fer de lance de la découverte du cinéma innovant d’être également associé au projet. Patrice Duhamel, directeur général de France Télévision, assure que cette société « sera à la disposition des lycées pour obtenir que les réalisateurs avec lesquels elle est en contact viennent discuter des films ». Orson Welles et Fritz Lang vont avoir de quoi occuper leurs loisirs.
En principe, Ciné lycée ne remet pas en cause les dispositifs existants, il s’y ajoute. Mais confrontés à des restrictions de toutes sortes, et sommés de mettre en place ce nouveau projet, on voit bien que les chefs d’établissement ne manqueront pas de remettre en cause les actions existantes, infiniment plus ambitieuses, et qui s’inscrivent, elles, dans le temps scolaire, devenu une peau de chagrin. Sous ses airs cool et hightech, Ciné lycée programme en réalité la destruction à court terme de la fragile et féconde construction existante.
Alors que la réforme était en préparation, le Blac (Collectif de l’action culturelle cinématographique et audiovisuelle, qui fédère l’ensemble des organisations où on travaille à la rencontre entre les films et les publics, pas seulement dans le contexte scolaire), avait demandé au ministre d’être associé à ce projet. Le conseiller du ministre, Raphaël Muller, avait reçu les représentants du Blac le 25 février et leur avait promis que rien ne serait décidé sans eux. Il était justement question de se revoir en mai. Au lieu de quoi, sans qu’on n’ait jamais entendu le Ministre de la culture ou le Centre national du cinéma sur un sujet qui relève pourtant aussi de leurs compétences, une réforme qui concrétise toutes les inquiétudes est annoncée au débotté par Luc Chatel au cours de ce même mois de mai. La classe.
Révélateur des dégâts dramatiques que peuvent faire la démagogie, la vénalité de certains et/ou l’incompétence.
Syndicat des Distributeurs indépendants – SDI
Consternant.
Bonjour,
Je vous contact dans le cadre d’un appel à courts métrages pour notre festival, à Saint-Maur (94) dont la prochaine édition aura lieu les 15,16 et 17 octobre prochain. De tous thèmes et tous formats, il est ouvert aux réalisateurs de moins de 30 ans.
Il offre un tremplin aux cinéaste amateurs, en proposant des dotations financières importantes, du prêt de matériel, ainsi que des rencontres avec des professionnels. Et puis c’est une expérience des plus valorisantes pour tout cinéaste amateur.
Nous avons surtout une sélection dédiée aux moins de 18 ans !
Pour mieux nous connaitre, je vous invite à jeter un coup d’œil sur le site du festival :
http://www.saint-maur.com/festival
Nous restons à votre disposition pour tout complément d’information : 01.48.83.59.81
N’oubliez pas que les inscriptions se termine le 30 juin.
Cordialement,
Nicolas Lemoine, du comité d’organisation du festival “Sur les Pas de Mon Oncle”
S’il ne s’agit pas d’un effet d’annonce comme c’est devenu maintenant courant. C’est consternant, désolant et décourageant.Un nouveau coup bas pour le monde du cinéma et plus particulièrement pour les exploitants . Pour compléter, je propose que dés le CM1 on donne des cours de piratage des films !!!!!!!!
Qu’en pense notre Ministre de la Culture ( ancien exploitant de salles de cinéma ) ? Et la Directrice du CNC ?
Emmener les enfants du primaire au cinéma a toujours été pour nous un acte militant, c’est à dire pas évident pour tout le monde. Avec 2h de cours par semaine en moins et un programme identique, on monte d’un cran. Mais Mr Chatel ne nous impressionne toujours pas. On continue…
Enseignante de lettres en lycée, j’ai été séduite par le projet, ayant longtemps travaillé sur le dispositif Collège au cinéma. Nommée “réfrent culturel” de mon établissement, je cherche désesprérément sur le net cette fameuse plateforme … encore un effet d’annonce,? une de plus comme tout ce qui a accompagé la réforme des lycées…