Jean-Claude Brialy dans Le Genou de Claire
Il était très sérieux, et très drôle. Il semblait tout savoir, et être prêt à tout oublier dans l’instant pour suivre des yeux une jeune fille qui passait sur le trottoir d’en face. Il était aussi un sportif – regardez-le cavaler sur la plage dans le making of de son «Conte d’été», disponible en DVD. Le «Grand Momo», comme l’appelait ses copains des «Cahiers du cinéma» dans les années 50, était, oui, un professeur, un savant, un érudit. Quand son ami et ancien collègue Jacques Rivette lui donnera (dans «Out One») le rôle d’un universitaire spécialiste de Balzac, ce ne sera pas un rôle de composition. Et nul cinéaste de première grandeur n’aura comme lui pratiqué, avec modestie et passion, la réalisation de films pour la télévision scolaire.
Eric Rohmer par Carole Bellaïche
Animateur du Ciné-club du Quartier latin depuis 1948, fondateur de «La Gazette du cinéma» en 1950 (à laquelle collaborent les tout jeunes Godard et Rivette), il rejoint très vite les nouveaux «Cahiers du cinéma», toujours sous son véritable nom, Maurice Schérer. Aussi fou de littérature que de cinéma, il avait déjà publié un roman chez Gallimard, «Elisabeth», sous le nom de Gilbert Cordier. Prof de lettres cherchant très vite à devenir cinéaste, il avait mis en chantier très tôt des courts métrages qui s’appelaient «Journal d’un scélérat» (1950, d’après Stroheim, perdu), «Charlotte et son steak» (1951, starring JL Godard, tordant), «Les Petites Filles modèles» (1952, inachevé et invisible), un «Bérénice» inspiré d’Edgar Poe, où Rohmer joue Egée et dont Rivette est le chef op’ (1954), «La Sonate à Kreutzer» (1956) produit par Godard et dont il partage la vedette avec un débutant nommé Jean-Claude Brialy.
La liberté du stratège
Dans ces années-là, Eric Rohmer est, plus encore qu’un critique, un théoricien, qui réfléchit en termes très nouveaux les rapports entre le cinéma et les autres arts, surtout les arts plastiques et la littérature – ses principaux textes pour les Cahiers sont réunis dans l’indispensable «Le Goût de la beauté» (Editions Cahiers du cinéma, 1984).
Les Amours d’Astrée et de Céladon (2007)
Le plus intéressant, le plus significatif, c’est la simultanéité d’une activité intellectuelle de haute volée et l’implication dans une pratique survoltée, volontiers joueuse, celle des courts métrages. Ainsi sera Eric Rohmer.
(…) Lire l’article complet, publié sur slate.fr le mardi 12 Janvier 2010