Aujourd’hui, 9 mars 2011, sortie en salle de Dharma Guns de FJ Ossang
C’est un homme qui cherche. Il ne trouve pas toujours. Ceux qui trouvent toujours sont soit Picasso, soit des idiots. Et encore, Picasso… FJ Ossang, lui, il cherche. Quelque chose qui a à voir avec la beauté, les mythes, les strates de nos rêves, de nos souvenirs, des histoires que nous avons aimées, qui nous ont fait peur. Il y a eu un accident, avant. Un trou noir. Il y a des papiers, des masques. La voiture fonce dans la nuit. La femme se sauve parmi les rochers. Il y a un bateau, qui certainement trafique. Il y a des hommes aux mines inquiétantes, un hôpital, des grottes, des armes, un fort contraste du noir et blanc et noir. Noir surtout. Vous qui cherchez ici une logique narrative abandonnez tout espoir. Vous êtes dans l’enfer du récit. Il n’y a pas un récit, il y en a 100, il y en a 1000. Ça gronde comme un ressac, ça vient des tréfonds. Nosferatu effleure le front de Robert Bresson, il rit.
Voilà un sacré bout de temps que Ossang arpente ces landes de l’esprit, ces isthmes du défi. L’Affaire des Division Morituri, Le Trésor des îles chiennes. Des titres qui en racontent déjà plus que tout le scénario de 80% des films qui occupent nos écrans, les grands écrans vaincus, envahis. Les petits, excusez-moi… Ossang enfante des films comme des vertiges, où la musique et la lumière dansent quelque chose de sauvage. Je ne me souviens pas bien. Cela fait quelque mois déjà que j’ai vu le film. Je ne me rappelle pas de l’histoire (hihi). Je me rappelle de la joie. Je me rappelé de la vibration. Des êtres nés dans le territoire des cauchemars échangent des paroles maigres, des formules qui émettent des signaux tout à fait différents de ce que disent les mots. Il y a un mouvement, plusieurs. Ossang essaie, il se plante parfois. Mais ça repart, ça surgit, ça appelle. Des plans comme des loups dans la nuit, comme Orphée aux Enfers. Des personnages comme des riffs de guitare électrique.
C’est la guerre, et elle est perdue, forcément. Mais il faut la faire, pas d’échappatoire. Joao Cesar Monteiro le savait lui aussi. C’est un horizon noir qui ondule comme la croupe d’une femme dans l’onde du désir, comme un être de chair sombre et dérangeante, je ne sais pas, trop de présence, trop d’urgence, trop de tristesse. Il faudrait dire : la beauté, mais le mot est devenu intouchable, comme s’il avait une maladie honteuse. La beauté, oui. C’est elle. Le film s’appelle Dharma Guns (La Succession Starkov). C’est un film.
Merci pour ce rappel salutaire au sens propre. Si la poésie ne nous sauvera pas, c’est que nous sommes réellement perdus.
Beau texte Jean-Michel. Je me souviens d’un temps où l’on avait pu chatter avec F.J. Ossang sur le site des Cahiers du cinéma. C’était bien.