GrippeA: plus d’épidémie et pluie d’accusations

Les chiffres sont là. Et personne ne songerait sérieusement à les remettre en question: la France n’est plus aujourd’hui en situation épidémique vis-à-vis du nouveau virus H1N1.

Pour autant nous sommes loin, bien loin d’en avoir fini avec la première pandémie grippale du XXIe siècle. Et ce pour deux raisons principales. La première est que personne n’est en mesure de prévoir ce que sera dans les semaines, les mois et les années à venir la dynamique d’un virus à bien des égards atypique: un virus qui – si la chose était possible – semble prendre un malin plaisir à déjouer les prévisions des experts en virologie.

CC Flickr chrisstreeter

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Démocratie sanitaire : droit ou devoir vaccinal ?

L’alliance des extrémismes politiques américains contre le vaccin

Il  y a quelques jours Slate.fr nous apprenait, sous la signature de Christopher Beam (de Slate.com) que l’on observait la formation aux Etats-Unis d’une « étrange alliance de l’extrême gauche et de l’extrême droite américaines » qui ne veulent ni l’une ni l’autre de la vaccination contre la grippe pandémique.

Superbe sujet pour journalistes avant que politiciens et sociologues ne leur volent ; superbe sujet qui, nous semble-t-il n’a pas pris corps en France. Ni la fille de Jean-Marie Le Pen ni Olivier Besancenot (pour ne parler que de ce couple) n’ont, à notre connaissance, pris publiquement la parole sur le thème pandémique. Pas plus que Nicolas Sarkozy ; à la différence – notable – de Barak Obama.

Comment comprendre ?  Avant de lire Antoine Flahault un conseil : lire (ou relire) Christopher Beam.

Jean-Yves Nau

« J’ai vacciné, personnellement, et sans déplaisir »

Un de nos fidèles lecteurs écrivait récemment sur ce blog un commentaire où il expliquait nous trouver, Jean-Yves et moi, sinon déprimés du moins lassés par ces débats. Ce n’est pas exact, me semble-t-il. Nous sommes l’un et l’autre trop passionnés par cet événement extraordinaire, au sens propre du terme, qu’est la pandémie pour qu’il induise aujourd’hui chez nous on ne sait quelle forme de lassitude mélancolique. Il est vrai que notre intérêt se manifeste parfois sous la forme « épidémiologique », voire parfois « entomologique », et qu’à ce titre il peut paraître froid à certains.

Nous vous demandons de bien vouloir accepter nos excuses si nous pouvons vous donner l’impression de trop regarder nos congénères comme des arthropodes dans l’insectarium. Même si Jean-Yves est davantage mû par la collection des faits de l’actualité et leur analyse, et moi par leur rapprochement avec les données acquises de la science, notre démarche commune part du même principe et de la même motivation.

Lorsque notre ministre a parlé « d’enfants gâtés » à propos de ceux qui refusaient la vaccination, j’ai posté un commentaire sur le volet « gâtés » de l’expression. Le billet de Jean-Yves de ce jour me conduit à traiter aujourd’hui le volet « enfants » qui n’est pas neutre non plus puisque le terme de « pédagogie » que l’on entend souvent à propos de la promotion de la santé est de la même origine étymologique (pedes, enfant). Le concitoyen a peut-être été trop infantilisé par les experts, puis par les pouvoirs publics pendant plus d’un siècle d’éducation à la santé dans la société moderne.

Aujourd’hui les temps changent. Une fraction, extrémiste, de la population peut s’exprimer bruyamment. Mais il existe aussi  bel et bien une majorité silencieuse qui refuse le discours des experts fondé sur les preuves scientifiques et repris par les autorités de santé. Avec 83% d’opposants en France à la vaccination, et 60% aux USA, ce n’est pas nous qui inventons le désamour de nos contemporains vis-à-vis des experts. Force est bien de constater que nous sommes loin, très loin, du plébiscite !

On nous a dit un jour : « Il est obligatoire maintenant d’attacher votre ceinture de sécurité ». Nous n’avons pas bronché. A bien y regarder pourtant, sur le fond, c’était déjà une atteinte à notre liberté individuelle. J’ai le droit de me jeter d’un pont, mais pas celui de conduire sans ceinture. Je ne menace pourtant personne sans ceinture. Enfin, personne d’autre que moi. Mais le gouvernement veille sur moi, malgré moi, et m’attache, comme j’attachais mes enfants sur leur siège « réhausseur », sans qu’ils n’y trouvent à redire ; même si je dois bien reconnaître que parfois ils se débattaient.

Puis on nous a dit, il n’y a pas si longtemps : « Fumer tue » ; on avait ordonné aux fabriquant d’imprimer cette formule sur les paquets de cigarettes, en grosses lettres noires. Pourquoi ?  Pour mieux nous montrer que si nous n’avions pas compris d’emblée au fil du temps, cela finirait bien par entrer dans nos têtes ;  un peu comme le mot de la maîtresse sur le cahier de textes, quand nous étions/quand j’étais  en primaire et que nous n’avions pas rendu nos devoirs en temps et en heure.

Tabac prohibé ? Nous n’avons pas non plus –osons le mot-  « bronché ». Sur cette pente (montante ?) on est bien sûr allé plus loin. On nous a bientôt interdit de consommer du tabac dans nos bureaux, quand bien même y étions-nous parfois désespérément solitaires. Conséquence immédiate et quotidienne : nous avons vu descendre aux rez-de-chaussée des tours et des entreprises les nouveaux parias ; ceux  de l’addiction tabagique. Comment ne pas voir là la résurgence d’une trop vieille symbolique, celle qui veut qu’une fraction du peuple reste sur le seuil, n’ayant plus –pour l’heure- le droit de faire partie de la communauté. Comme jadis : puni, au coin de la salle de classe, au vu et au su de tous. La punition a-t-elle encore des vertus thérapeutiques quand elle devient pluri quotidienne à l’âge adulte ?

Je me souviens avoir vu deux policiers en tenue arriver en extrême urgence pour verbaliser un pauvre homme qui fumait tranquillement une cigarette. Nous étions alors dans l’immense hall aéroportuaire de Dulles,  Washington DC. Sans doute peut-on assister aujourd’hui (ou assisterons-nous demain)  à la même scène à Roissy-Charles de Gaulle ou sur le quai de la gare Montparnasse ou de Rennes,  de Vierzon ou de Saint-Pierre-des-Corps. Car nous savons bien que a loi n’est ce qu’elle est que si elle est la loi pour tous.

L’usage de l’automobile, donc ; puis la consommation de tabac ; puis celle des boissons que l’on qualifiait d’ « alcoolisées » avant de passer à « alcooliques ». Ici le dispositif se met en place aussi progressif qu’implacable.

Et les succès sont au rendez-vous : la sécurité routière a grandement progressé,  la consommation de tabac a stoppé sa courbe ascendante, la consommation d’alcool décroit depuis un demi-siècle. Poursuivons : l’espérance de vie croît parallèlement, les paramètres jugeant de notre santé publique s’améliorent. Jamais, sans doute, dans l’histoire de l’humanité n’avons-nous été à ce point  triomphants sur les fronts sanitaires.

Pourquoi ne pas applaudir ? Le premier vœu que se font la plupart des habitants de la planète à l’aube de la nouvelle année est bien celui d’une « bonne santé ».  En écho nos dirigeants (que nous avons directement ou pas élus) ont, face au risque pandémique, voulu répondre de façon adéquate. Et ils réussissent plutôt bien jusqu’à présent. Les faits sont là. Les doses vaccinales  aussi. Disponibles. Probablement efficaces. Sans doute bien tolérées.

Mais vous avez peur d’une piqûre ? Et cela devrait enrayer la machine bien huilée mise en place ? C’est une blague n’est-ce pas ?  Je me souviens avoir voulu prendre à bras le corps  la question de la couverture vaccinale contre la grippe saisonnière pour les personnels de santé de l’Hôpital Tenon de Paris lorsque j’y dirigeais le département de santé publique. J’avais alors osé mettre tout le personnel du département sur le pont : internes,  stagiaires, infirmières, médecins. Plusieurs collègues m’avaient alors prêté main forte. Nous sillonnions de jour comme de nuit tous les services de l’hôpital avec un charriot mobile et nous avons fait grimper très sensiblement le taux de couverture qui est rapidement devenu le plus élevé de tous les établissements de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (juste devant celui d’Ambroise-Paré à Boulogne qui s’était associé à la même opération).

A cette époque  j’ai donc vacciné, personnellement et sans déplaisir, des centaines de personnes : infirmières, aides soignantes, médecins et chefs de service. Je me souviens que la principale raison que me donnaient ceux qui (bien  peu nombreux) refusaient la vaccination (car cette dernière était bien évidemment effectuée sur une base volontaire)  était la « peur de la piqûre ». Ces professionnels qui passaient une bonne partie de leur activité soignante à injecter, inciser, ponctionner et cautériser refusaient ce soir l’indolore injection du vaccin grippal saisonnier qu’on leur proposait (car c’est probablement la plus indolore des injections, même si le bras est assez souvent un peu « courbaturé » le lendemain).  Ainsi va la vie.

Eduquer ? Informer ? Promouvoir ? La « communication » est sans aucun doute une question à « travailler ». Mais  plus profondément c’est bien la conception des rapports humains que nous avons à prendre à bras le corps. Celle de l’infinie complexité des rapports entre ceux qui « savent  déjà » et ceux qui « ignorent encore ». De la complexité plus grande encore entre ceux qui ont pour mission officielle de (tenter de) modifier les comportements de leurs congénères ; congénères  qui ne l’entendent pas toujours de cette oreille.

Ceintures automobiles, tabac, alcool, nouvelle grippe et démocratie sanitaire ? Mais parlons-en ! Si l’on faisait aujourd’hui voter les Français  que répondraient-ils ? Pourquoi les décisions de santé publique ne s’appuient-elles pas davantage sur des règles démocratiques communes ? Pourquoi le médecin, le professionnel de santé publique, le préfet ou la ministre auraient-ils à devoir « convaincre » qu’il faut se faire vacciner ? Ces experts et politiques redouteraient-ils de ne pas avoir la majorité de l’opinion acquise à leurs arguments ? Le « bon peuple » ne serait-il pas définitivement  « mûr » pour saisir tous les enjeux de ces questions qui « nous »  concernent au premier chef ? La problématique du pour et du contre  la vaccination contre la grippe pandémique (qui n’est pas « obligatoire ») résume tout ceci. A nous tous d’en profiter, de rebondir pour nous parler et partager. A nous tous, à notre façon, d’enquêter, de  mieux comprendre, d’enseigner.

Antoine Flahault

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