Effets secondaires ou effet de loupe ?
On avait annoncé la mis en place d’un dispositif sans précédent de surveillance de la campagne nationale de vaccination. Et force est bien aujourd’hui de constater que ce dispositif fonctionne ; avec toutes les conséquences que l’on peut désormais imaginer sur la poursuite de la campagne. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps, bulletin n°2 du 13 novembre 2009, accessible en ligne, pdf gratuit) vient ainsi de publier son dernier bilan. Nous apprenons ainsi qu’entre le 21 octobre et le 10 novembre 2009, environ 100 000 doses du vaccin antigrippal administré sous la marque Pandremix. Cette vaccination a concerné les personnes volontaires membres des personnels de santé, médico-sociaux et de secours des établissements hospitaliers.
L’’Afssaps explique avoir eu connaissance de 91 signalements d’ « effets indésirables » adressés par les professionnels de santé. Cette agence prend soin de rappeler que tout événement indésirable observé après l’administration du vaccin peut être lié à une autre cause (comme certaines affections de la personne vaccinée…). « Par conséquent, l’analyse de la causalité nécessite d’avoir toutes les informations disponibles afin de permettre d’évaluer le rôle propre du vaccin lui-même » ajoute-t-elle.
Détaillons. La majorité des cas rapportés (91.0%) a été « d’intensité bénigne à modérée ». Toutefois quatre d’entre eux ont nécessité une hospitalisation. Les cinq cas restants jugés médicalement significatifs n’ont nécessité qu’une simple surveillance, et leur évolution a été rapidement favorable (3 cas de malaise associé à une augmentation de la pression sanguine, 1 cas de sensation vertigineuse et 1 cas de douleur intense au site d’injection)
Au total l’Afssaps a recensé 82 signalements d’effets indésirables « non graves », correspondant à un total de 230 réactions indésirables survenues dans les heures suivant la vaccination. Elles sont classées en trois groupes. Tout d’abord les
« réactions au site d’injection » (douleur, induration, œdème). Ensuite les « réactions allergiques » (érythème, urticaire général ou urticaire localisé). Enfin les « réactions générales » (fièvre, maux de tête, fatigue, syndrome grippal). Signalons encore un cas de conjonctivite bilatérale, un cas d’hématome au niveau de la cheville et un cas de saignement du nez, tous d’évolution favorable, ont été signalés. « L’imputabilité de ces cas au vaccin est douteuse » souligne l’Afssaps.
Les quatre notifications d’effets « graves » 1 concernent : deux affections neurologiques, une réaction allergique et une affection respiratoire. Citons l’Afssaps.
Il s’agit :
. d’un homme de 34 ans avec des antécédents de troubles neurologiques à type de paresthésies notamment engourdissement des membres inférieurs ; douze années avant la vaccination par Pandemrix, a présenté des signes cliniques comparables trois jours après l’injection du vaccin. Les résultats préliminaires issus des examens neurologiques suggèrent une deuxième poussée de démyélinisation centrale. Cependant, les résultats des examens en cours sont nécessaires pour établir la cause. A l’heure actuelle, l’état du patient toujours hospitalisé s’améliore.
. d’une femme de 37 ans sans antécédents médicaux particuliers a présenté des paresthésies (fourmillements, troubles de sensibilité), ascendantes des pieds jusqu’au cou et irradiant vers les membres supérieurs, 6 jours après la vaccination par Pandemrix. Une régression des signes cliniques après échanges plasmatiques en hôpital de jour a permis son retour à domicile. Un diagnostic de syndrome de Guillain-Barré de forme modérée est suspecté. Cependant, les résultats des examens en cours sont nécessaires pour établir la cause. Il s’agit d’une maladie rare dont l’incidence annuelle est d’environ 2,8 cas pour 100 000 habitants par an. On estime qu’en France 1 700 patients sont hospitalisés chaque année pour un syndrome de Guillain-Barré. Ce risque augmente lorsqu’on est atteint de la grippe.
. d’une réaction allergique à type d’oedème de Quincke est survenue dans les minutes suivant la vaccination chez une femme de 26 ans sans aucun antécédent personnel ou familial d’allergie. Son état s’améliore sans aucune séquelle sous traitement adapté.
. d’une femme de 30 ans, avec des antécédents médicaux d’allergie aux poils de chat, a présenté un tableau clinique associant bronchospasme (spasme des bronches), dyspnée (essoufflement), fièvre et urticaire le soir même de la vaccination par Pandemrix. Son état s’améliore sous traitement adapté.
Pour l’Afssaps la plupart des cas déclarés au système de pharmacovigilance correspondent à des effets attendus de ce vaccin. « Deux des quatre cas graves, concernant des affections neurologiques, font partie des catégories d’effets indésirables identifiés dans le plan de gestion des risques européen et national des vaccins H1N1. Aussi, les effets indésirables portés à la connaissance de l’Afssaps à la date du 10 novembre 2009 ne remettent pas en cause la balance bénéfice-risque du Pandemrix ».
Que conclure ? Que c’est sans aucun doute ici un remarquable travail de transparence en matière de politique sanitaire ; un travail qui, s’il avait été mené en son temps aurait peut-être permis de prévenir la bien triste affaire du vaccin contre l’hépatite virale B (en France ou celle de la vaccination contre la rougeole en Grande Bretagne). Mais comment ne pas penser que cette même transparence aura immanquablement des effets potentiellement négatifs en termes d’ « adhésion » de la population au dispositif d’immunisation gratuit et non obligatoire qu’on lui propose ? Et on a parfois le sentiment que cette même transparence peut prendre une sorte de dimension contagieuse, s’apparenter à une forme de puits sans fond. De ce point de vue le traitement de l’affaire, désormais célèbre du premier cas observé ici de syndrome de Guillain et Barré (qui nous aidera à faire un jour l’historique et le descriptif de ce syndrome entré en quelques jours dans le langage commun ? ) est exemplaire. Les autorités sanitaires annoncent dans la soirée du jeudi 12 novembre l’existence de ce cas. Le lendemain plusieurs médias radiophoniques reprochent à Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de « sembler faire marche arrière » en indiquant au Sénat que le lien de causalité n’est pas établi, que la relation entre vaccin et syndrome était même contestée et que ce syndrome était sans doute dû à un état grippal que la personne avait avant la vaccination. Ainsi ce vaccin protègerait même contre le syndrome de Guillain et Barré. Où est donc la « marche arrière » ? Et les autorités sanitaires d’être cette fois accusée d’avoir annoncé beaucoup trop vite l’existence de ce syndrome avant d’avoir fait la pleine lumière… Et les mêmes autorités d’être accusées de se tirer une balle dans le pied en péchant par excès de transparence…
Interrogé sur le grill des ondes, le Pr Didier Houssin directeur général de la santé : « Il est très important dans ce domaine de dire tout ce que l’on sait en sachant que bien souvent on a pas mal d’ignorance. Un cas de ce type était déjà public puisqu’il est survenu dans un établissement de santé. L’information était déjà connue et il était bien préférable de dire ce que l’on savait plutôt que de donner le sentiment que l’on cachait quelque chose. Le lien avec la vaccination n’est pas démontré mais il était important de donner connaissance de cet événement à l’ensemble des Français. Survenir « après » cela ne veut pas dire survenir « à cause de ». Vous allez avoir bientôt des gens qui vont mourir brutalement de mort subite, des femmes qui vont avorter, des grossesses qui ne vont pas aller à terme …. Et un certain nombre de ces personnes auront eu quelques jours ou quelques semaines avant une vaccination. La question bien évidemment ne manquera pas de se poser d’un possible lien. C’est tout le travail de l’Afssaps que d’analyser tous ces cas. »
Oui mais revenons sur le cas du syndrome de Guillain et Barré. La journaliste : « Oui mais si ce syndrome est dû au fait que la personne avait un syndrome grippal pourquoi l’a-t-on vaccinée alors que l’on ne doit pas vacciner les personnes présentant les symptômes d’un syndrome grippal ? » Le Pr Didier Houssin : « Oui vous avez raison, c’est un point qui mérite d’être souligné. Mais il peut y avoir parfois des syndromes grippaux qui débutent sans manifestations cliniques très importantes et que la vaccination soit faite alors que les signes ne se sont pas manifestés. Mais là encore ce n’est qu’une explication car la grippe n’est pas la seule en cause. » Pout finir le directeur général de la santé dira que l’on estime, avec le recul, que probablement « un cas de ce type de syndrome sur un million » peut être dû à la vaccination.
Jean-Yves Nau
(1) D’une manière générale le suivi national de pharmacovigilance renforcé repose sur la notification des événements indésirables médicamenteux par les professionnels de santé au réseau national des 31 centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) et aux laboratoires pharmaceutiques. Ainsi tout médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien ou sage-femme ayant constaté un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à un médicament, qu’il l’ait ou non prescrit, doit en faire la déclaration immédiate au CRPV. Tout autre professionnel de santé (personnel soignant) peut aussi signaler de tels événements. Dans le contexte particulier de la pandémie, l’Afssaps a également prévu que les patients, s’ils le souhaitaient, puissent déclarer eux-mêmes des événements indésirables qu’ils suspectent d’être liés à la vaccination H1N1 au moyen d’un formulaire de déclaration téléchargeable, disponible sur son site (pdf en ligne).
Doutes sur le bénéfice et Bénéfices du doute
Les dispositifs de vigilance sanitaires ont toujours été mis en place à la suite de crises sanitaires. Et c’est après la survenue de phocomélies (absence ou raccourcissement de la racine des membres) chez les nouveaux nés de femmes ayant pris de la thalidomide que le concept de pharmacovigilance s’est progressivement mis en place dans les différents pays développés (recommandation de l’OMS, dès 1962, un an après l’identification du drame). Ajoutons ici que c’est après l’affaire dite des syndromes de Guillain et Barré (en 1976 aux Etats-Unis) que le concept de vaccinovigilance a complété le dispositif de sécurité sanitaire ; ou encore que c’est après l’affaire du sang contaminé que les dispositifs d’hémovigilance ont été installés en France. De la même manière en 2003 la crise de canicule en France a contribué à renforcer la veille sanitaire.
Tous ces dispositifs de vigilance reposent principalement sur la déclaration spontanée d’événements indésirables. La première difficulté est de déterminer la relation causale entre l’événement et la prise du produit de santé (médicaments, vaccins, produits dérivés du sang, etc…). Nous y reviendrons plus bas.
La deuxième difficulté est de déterminer la fréquence de survenue de ces événements, car le degré de sous-notification n’est jamais connu avec précision. Un exemple (réel) : je me suis fait vacciner récemment contre la grippe H1N1pdm au sein de l’hôpital qui m’emploie. La vérité est qu’au bout de quelques heures j’ai eu sacrément mal au point d’injection (le muscle deltoïde de l’épaule gauche) ; au point que la douleur m’a empêché de bien dormir deux nuits de suite. Mais je ne l’ai déclaré à personne. On ne peut donc pas mesurer la fréquence des phénomènes sur les registres de déclarations d’effets indésirables, notamment les phénomènes bénins. On peut en revanche penser qu’on sait mieux approcher la réalité pour les phénomènes plus graves et plus rares comme les bronchospasmes, les œdèmes de Quincke ou les syndromes de Guillain et Barré.
La troisième difficulté, la plus importante, est la réévaluation du rapport entre les bénéfices et les risques du vaccin. En effet, ce rapport n’en est pas un, au sens mathématique du terme (notre co-auteur-blogueur, Jean Rabat en sera fort marri). On ne sait pas dire par exemple « lorsque ce rapport est supérieur à 2,5 alors le produit mérite sa place dans la pharmacopée ». On ne sait seulement même pas calculer ce « rapport ». D’une part on ignore ce qui est au numérateur (comment quantifier les bénéfices de la vaccination pour le patient ?), et d’autre part comment décider du dénominateur (comment additionner les douleurs au point d’injection avec les bronchospasmes et les syndromes de Guillain et Barré ?).
Le plus simple que l’on pourrait tenter de faire serait de mettre dans les deux termes du rapport des fréquences de décès (décès évités par la vaccination versus décès suspectés d’être dus à la vaccination). Encore faudrait-il les connaître, et ce n’est pas le cas (aujourd’hui), ni pour le numérateur, ni pour le dénominateur. Et puis, nous ne fonctionnons pas avec un rationnel purement mathématique ou épidémiologique. Fort heureusement peut-être, d’ailleurs. Ainsi, quand bien même nous expliquerait-on avec précision que l’on a 100 fois moins de risque de mourir en se faisant vacciner que sans vaccin, le seul fait de savoir que l’on risque, avec le vaccin, une maladie neurologique inconnue et un peu mythique comme le syndrome de Guillain et Barré peut suffire à nous en détourner.
Il faut en outre compter ici avec de nombreux autres paramètres : peur de la piqûre (cela n’a rien d’insultant de dire que certains de nos concitoyens ont peur de la piqûre ; on m’a reproché un jour d’avoir dit que bon nombre de personnels soignants avaient peur de la piqûre : or c’est un fait, ce n’est pas un jugement) ; refus quasi « militant » d’un vaccin dont on nous aurait trop rabattu les oreilles ; ou encore je ne sais quels motifs conscients ou inconscients (qui ne sont pas moins ou plus nobles, mais qui sont). La mathématique fournit un éclairage. Elle n’est pas la Lumière de toutes nos actions, loin de là. D’autres déterminants entrent en jeu dans notre processus complexe de décision. Ils mériteraient d’ailleurs d’être davantage explorés par les sciences sociales.
Revenons un instant à la détermination du lien causal. Lorsqu’une réaction allergique (urticaire, bronchospasme, œdème de Quincke, crise d’asthme, choc anaphylactique) survient dans les heures après l’injection vaccinale, la relation causale prête peu à discussion. S’il n’y a pas eu absorption concurrente d’une substance allergisante connue, on peut dire avec une forte probabilité de certitude que le vaccin est en « cause ». Lorsqu’il s’agit d’une douleur au point d’injection, d’une réaction locale, si aucune piqûre de moustique ne vient interférer dans l’histoire, sous nos latitudes et à pareille époque de l’année, on peut aussi signer la relation de « cause à effet ». Pour toutes les autres notifications d’effets indésirables on entre dans les brouillards de la causalité incertaine. Un cancer du poumon qui serait détecté le lendemain de l’injection verrait bien sûr rejeter le lien de causalité par tous les cancérologues qui diraient qu’il faut du temps pour une tumeur de se développer et qu’une nuit n’y suffit pas. Que dire d’une maladie neurologique survenant trois jours après l’injection vaccinale ? Une maladie dont on ignore tout des mécanismes de survenue, de l’origine, y compris en dehors de toute vaccination ? Une maladie qui n’a rien de spécifique de la vaccination, car aucune maladie n’est « spécifique » de la vaccination anti-grippale. C’est alors formidablement difficile.
Attention cependant. Dire qu’il est difficile de déterminer le lien de cause à effet, ne doit pas laisser sous-entendre, d’un revers de main, que toutes ces réactions ne sont pas d’origine vaccinale. Elles peuvent l’être. Ce sont des médecins français qui les premiers ont signalé des tendinites liées à un antibiotique (de la famille des fluoroquinolones). Qui aurait pu croire qu’un antibiotique aurait pu causer des dommages à l’un des endroits les moins vascularisé du corps humain (les tendons), et selon un processus qui s’apparente davantage aux traumatismes des sportifs qu’à une réaction indésirable médicamenteuse ? Eh bien, aujourd’hui, plus personne ne doute, dans la communauté médicale internationale que les fluoroquinolones sont des antibiotiques qui peuvent entraîner des tendinites ; voire mêmes des ruptures du tendon d’Achille, tout à fait spectaculaires et invalidantes. Donc, si le plus souvent les dispositifs de pharmacovigilance, ou de vaccinovigilance ne permettent pas à coup sûr de déterminer que tel événement est lié à tel produit, ce sont néanmoins des éléments concourant à la sécurité sanitaire destinés le cas échéant à tirer précocemment la sonnette d’alarme. Ils permettent la détection de cas graves et inattendus. Lorsque les effets rapportés sont graves mais attendus, ils permettent éventuellement la détection de leur augmentation, bien que ce soit là un exercice plus difficile encore. Ils contribuent à un meilleur pilotage de la politique vaccinale à l’échelon national et international.
Antoine Flahault
lire le billetQuel spectacle ! Et osons les qualificatifs : quel triste et pitoyable, quel désespérant et régressif spectacle ! Pas un jour sans qu’un médecin parisien de renom (mandarin « émérite », mandarin définitivement à la retraite ou mandarin mort-né), sur les ondes ou sur les écrans, ne nous parle de son cas. Les différentes formes séculaires de la danse du ventre ont sans aucun doute leurs raisons et leur vertu. Il reste à démontrer ce qu’il en est, ce qu’il en sera, de cette nouveauté parisienne qu’est la danse du ventre médicale et vaccinale.
Le journaliste : « allez-vous ou non faire vacciner, docteur ? » Et le docteur au salon de dire oui, de dire non, de dire peut-être, de dire je vous attends. Comment raisonnablement comprendre ? Il fallait, sur ce thème, entendre (dans l’aube du lundi 9 novembre) un célèbre syndicaliste français de l’urgence réanimatrice invité à s’exprimer sur les ondes d’une station qui ne renie pas ses racines luxembourgeoises. Ce praticien est célèbre depuis l’été 2003 pour avoir (fort justement) trouvé (par le plus grand des hasards) les moyens d’attirer l’attention du plus grand nombre sur les premières conséquences sanitaires d’une canicule.
Hier il expliquait publiquement les raisons profondes qui le poussaient à refuser l’immunisation. Aujourd’hui il bredouille pourquoi, en définitive « il s’est fait piquer ». On croit comprendre qu’il a voulu de la sorte protéger des « malades immunodéprimés ». Dont acte. Puis il ajoute en substance que la politique gouvernementale du « tout vaccinal » est une erreur, sinon une faute. Il ajoute que pour ce qui est des personnes âgées mourir prématurément de la grippe ou d’autre chose…. Aussitôt le journaliste de faire remarquer au médecin qu’il y a six ans il développait une argumentation inverse. Et le médecin de rétorquer que cela n’a rien à voir. Et les auditeurs d’être conviés à passer à un autre sujet ; par exemple le XXème anniversaire du début de la chute du Mur de Berlin.
Au même instant ou presque, soit trois jours de l’ouverture des 1 000 centres de vaccination Roselyne Bachelot, ministre française de la Santé présentait à la presse la campagne et le dispositif de pharmacovigilance « activé autour des effets secondaires du vaccin ». Pour la ministre de la Santé, qui se fera vacciner –publiquement- au lendemain de l’anniversaire de l’armistice ce dispositif va fonctionner « dans une transparence totalement inédite dans l’histoire sanitaire de notre pays ».
Un premier rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) mis en ligne le 9 novembre (et qui devrait être actualisé chaque semaine, tous les mercredis) concerne les 50 000 premiers professionnels de santé qui se sont fait inoculer le vaccin commercialisé sous la marque Pandemrix. Ce rapport fait état d’une trentaine de cas d’effets indésirables, d’intensité bénigne à modérée, survenus dans les heures suivant l’injection : des réactions au site d’injection parmi lesquelles prédomine la douleur (24 cas), 1 cas d’urticaire localisé et 25 cas de réactions générales, essentiellement maux de tête, fièvre et fatigue. Trois cas de malaise associés à une poussée hypertensive ont été relevés, avec retour rapide à la normale.
On ajoutera (pourquoi ?) un cas de conjonctivite bilatérale, un cas d’hématome au niveau de la cheville et un cas de saignement nasal. Tous ont connu des évolutions favorables et rapides. « À ce jour, selon Mme Bachelot, rien ne distingue ce bilan de celui observé pour d’autres vaccins contre la grippe, des vaccins très largement utilisés. ». « Dans tous les cas, chronologie n’est pas causalité, souligne pour sa part Jean Marimbert, directeur général de l’Afssaps. Chaque cas a été notifié à l’un des 31 centres régionaux de pharmacovigilance) soit par les professionnels de santé ayant constaté un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû au vaccin, soit par les patients eux-mêmes, au moyen d’un formulaire téléchargeable, fera l’objet d’une analyse de la causalité avec toutes les informations disponibles, afin de permettre d’évaluer le rôle propre du vaccin lui-même. Ce n’est qu’au terme de cette démarche que l’imputabilité pourra être établie. »
S’agissant du désormais célèbre syndrome de Guillain-Barré, régulièrement évoqué par les adversaires de la vaccination, le Pr Didier Houssin, directeur général de la santé, a annoncé la création imminente d’un observatoire qui réunira les plus importants centres neurologiques français, pour assurer un suivi en temps réel. Le Pr Houssin a tenu a rappeler que l’on recensait en moyenne chaque année en France entre 1 700 et 1 800 cas de ce syndrome ; soit trois à cinq par jour. Il s’agit donc de vérifier si l’incidence des cas dépasse ce « bruit de fond ». Il ajoute que la cause principale de ce syndrome étant une infection virale, il y a tout lieu de considérer que la vaccination devrait réduire le nombre des cas. A suivre.
Dans l’attente, et jusqu’au 6 décembre, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé va lancer une nouvelle campagne d’information destinée à convaincre les quelque 6 millions de personnes concernées par la première vague à se rendre à leur centre de vaccination (personnels de santé, femmes enceintes, entourage des nourrissons de moins de six mois, asthmatiques ou personnes atteintes de bronchite chronique obstructive). Un spot va être diffusé sur les chaînes nationales (hertziennes, câbles, TNT) pour mettre en valeur l’importance individuelle et collective que revêt la vaccination, avec une voix off qui précise : « On peut tous faire quelque chose pour limiter la propagation de l’épidémie. Contre la grippe, la meilleure protection, c’est la vaccination. » Depuis le début de la vaccination réalisée au sein des hôpitaux, seuls 80 000 praticiens hospitaliers, ou médecins et infirmiers de ville se sont fait vacciner. Pour le Pr Houssin il s’agit là d’un « pourcentage faible ». La proposition de vaccination des quelque 12 millions d’enfants scolarisés (de la maternelle au lycée) commencera à partir du 25 novembre. On devrait ainsi, avant la fin de l’année, voir ce qu’il en sera du pourcentage.
Jean-Yves Nau
11 novembre 2009 : veillée d’armes vaccinales
Bénéfices versus risques. La question des effets indésirables du vaccin se pose aujourd’hui notamment au regard des bénéfices attendus, durant cette période qui précède le véritable démarrage de la campagne vaccinale. Cette question sera peut-être au centre des débats dans quelques mois, lorsque seront rapportées des suspicions de réactions imputées (à tort ou à raison) au nouveau vaccin antigrippal. Et il ne suffit pas de mettre en ligne un système de recueil d’effets indésirables pour que la question soit résolue ; loin de là.
Comme le souligne le directeur général de l’Afssaps dans les propos que rapporte Jean-Yves Nau ci-dessus, la seule séquence chronologique ne suffit pas : le fait qu’un syndrome de Guillain et Barré surviennent quelques semaines après l’injection vaccinale ne signe pas la responsabilité du vaccin. Car comme le rappelle le directeur général de la santé, on dénombre quotidiennement en France entre trois et cinq syndrome de ce type (indépendamment de tout vaccin) dont, qui plus est, on connaît mal l’origine. Nous pouvons donc d’ores et déjà imaginer que bon nombre des cas qui surviendront (par le « simple » fait du hasard) dans la fenêtre de temps qui suivra l’injection vaccinale seront attribués à tort à la vaccination.
Dans ce contexte il faudrait arriver à faire le tri entre ceux qui surviennent par le fait du hasard et ceux qui pourraient être dus au vaccin. Est-ce possible ? On peut en douter. Nous sommes là dans une problématique hautement délicate, un écheveau pathologique pratiquement indémêlable. Car les évènements indésirables pouvant être imputés au geste vaccinal sont toujours des événements très rares et pour lesquels on ne connaît ni les mécanismes physiopathologiques ni l’origine précise. Et ce sont précisément ces « événements » qui alimentent les polémiques vis-à-vis des vaccins : la sclérose en plaque pour le vaccin contre l’hépatite virale de type B (en France), les syndromes autistiques pour le vaccin contre la rougeole (en Grande Bretagne), l’invagination intestinale du nourrisson pour le vaccin contre le rotavirus (aux USA), le syndrome de Guillain et Barré pour la vaccination anti-grippale (un peu partout).
Les études épidémiologiques qui sont lancées une fois que la suspicion est là ne permettent pas, bien souvent, de conclure. Certaines études semblent a priori convaincantes dans un sens. D’autres le sont dans l’autre. Et l’on sort de toute cette littérature « avec la tête comme une citrouille » comme l’évoquait l’une de nos lectrice-blogueuse à propos des multiples controverses scientifiques autour de ce vaccin.
Résumons-nous. Ces questions ne sont pas simples, et elles le sont d’autant moins que les « événements » auxquels nous faisons référence sont rarissimes : de l’ordre de 1 cas pour 100 000, voire par million d’injections. Ce ne sont pas, pour la plupart, des cas mortels ; et en l’occurrence de très loin moins mortels que le syndrome de détresse respiratoire aiguë qui, lui, peut sans difficulté être associé au virus de la grippe, et qui peut tuer une fois toutes les 10 000 infections. Pour autant, et quelques soient les incertitudes qui demeurent dans ce domaine, personne ne souhaite voir augmenter le nombre de ces événements indésirables dans les semaines à venir.
Mais plutôt que de nourrir des oppositions sans issue comment ne pas nous réjouir de voir que, d’une certaine façon, nous changeons d’époque. L’ensemble de la communauté scientifique mondiale spécialiste du sujet va enfin pouvoir se mobiliser au même moment sur ces sujets. C’est à la fois heureux : plus les chercheurs sont nombreux à se pencher sur une question, plus la chance d’en trouver des solutions est élevée. A l’inverse, aucun utopisme : nous avons la quasi-certitude que la profusion des études ajoutera (au moins de manière momentanée) à la confusion et aux controverses (et donc la citrouille n’a pas fini de désenfler…). Me reviennent ici en mémoire les propos d’un éditorialiste de la revue Science qui traitait des nombreuses études épidémiologiques foisonnant de-ci, de-là, en quête d’associations controversées et souvent peu reproductibles. L’éditorial était titré : « Epidemiology faces its limits » (large extrait gratuit en ligne, en anglais). Et bien oui : l’épidémiologie, les épidémiologistes se heurtent à des verrous technologiques. Cette discipline rencontre ses propres limites dès lors lorsqu’elle va s’intéresser à des risques très rares, peu connus, à des associations de faible force.
Désespérer ? Certainement pas ! Cette situation délicate ne doit en rien s’opposer à une vigilance accrue, à une véritable veillée d’armes : déploiement d’études en cas de doute, coopération internationale sur ces sujets avec les puissants moyens dont, fort heureusement, nous disposons aujourd’hui. Signalons déjà, avant la bataille, l’article paru dans le Lancet, le 31 octobre dernier par Steven Black et coll. (seul le résumé en anglais est gratuit en ligne). Ce travail préoccupé par le risque de rumeur dévastatrice dans ce domaine dans les mois à venir, tente de chiffrer à l’avance, comme pour prendre date, les taux de base, sorte de bruit de fond, des principaux événements indésirables généralement attribués aux vaccins à tort ou à raison, mais ici avant même que le vaccin H1N1 ait été seulement mis sur le marché. Les auteurs de ce papier expliquent, un peu comme l’a fait le directeur général de la santé en France vis-à-vis du syndrome de Guillain et Barré, qu’il faut s’attendre à voir survenir durant les semaines qui suivront la vaccination, à tout le moins, les événements qui seraient survenus en l’absence de vaccination.
Antoine Flahault
lire le billetGrippe: Vaccination et panique à bord
Un groupe de spécialistes lance un appel planétaire pour que l’on fasse au mieux la lumière sur la réalité des effets secondaires des vaccins anti-pandémiques
Avec cette première pandémie grippale du XXIème siècle nous voguons décidément collectivement vers des horizons bien incertains. Avec, au centre d’une boussole perdant le nord, les questions en cascades soulevées par la vaccination. Cela vaut pour la France comme nous venons, une nouvelle fois, de l’observer ces derniers jours au travers des embarras croissants de Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé perdant progressivement pied pour justifier sa politique du « tout vaccinal » ; ou plus précisément –et c’est bien là que blesse le bât – du « tout vaccinal proposé ».
Mais changeons un instant de jumelles et l’on découvre bien vite que des problématiques voisines émergent ici ou là tant dans la communauté internationale des « experts » (en virologie, immunologie, épidémiologie, veille sanitaire, santé publique, économie, calculs bénéfices-risques, éthique etc.) que dans celle, souvent plus ou moins consanguine, des responsables sanitaires politiques. C’est, d’une certaine manière, l’objet d’un vibrant et assez étonnant appel que vient de diffuser sur son site la célèbre revue médicale britannique The Lancet (pdf gratuit en ligne, en anglais).
Résumons ici au plus serré le propos. Une pandémie émerge et, par définition, se propage (et s’installe dans le temps) à des rythmes variables dans les deux hémisphères. Des vaccins sont élaborés dans l’urgence ; ils sont acquis, dans des conditions plus ou moins transparentes, par les pays les plus riches de la planète. Ces derniers expliquent, air connu, qu’ils aideront les plus pauvres à ne pas être totalement démunis lorsque la bise pandémique sera venue. Dans tous les cas de figure on proposera cette vaccination à de très larges fractions de la population le plus souvent des hommes et des femmes jeunes, très jeunes ou, plus tard, plus âgés. Le scénario n’est pas sans reproduire celui que la France a connu avec la vaccination contre l’hépatite virale de type B sur laquelle il faudra bien, un jour, revenir pour, entre panique et déni, dire la réalité.
The Lancet, donc, sur le site duquel un groupe de chercheurs et d’institutions sanitaires tente de prévenir les possibles (et redoutables) erreurs d’interprétations qui pourraient, demain, résulter des campagnes vaccinales massives anti-pandémiques. Ils tentent en quelque sorte de déminer un terrain qu’ils savent –que nous savons – miné. Mais laissons-donc ici pleinement la parole à l’expert, au pédagogue, au citoyen.
Jean-Yves Nau
Sauvera-t-on le soldat Ryan ?
Comme Jean-Yves Nau le suggère cette vaccination de masse entreprise au niveau mondial pourrait-elle se solder par une suspicion généralisée vis-à-vis du vaccin ? Et ce en raison d’effets secondaires vaccinaux plus ou moins hypothétiques, en tout cas difficiles à interpréter, comme nous en avons eu l’expérience douloureuse en France avec la campagne d’incitation à la vaccination généralisée contre l’hépatite B ? Cet appel des chercheurs dans le Lancet est à la fois louable et bien sûr utopique.
On peut bien évidemment le qualifier de« scientiste », au sens propre du terme (et surtout pas sectaire). Il voudrait répondre par la science (la raison et les faits) à ce que nous voyons depuis quelques semaines déferler sur la blogosphère. Des vagues irrationnelles (je présente d’emblée mes excuses à ceux que je sais irriter en écrivant cela ; mais n’est-ce pas aux scientifiques de le dénoncer ?) concernant le risque vaccinal, les adjuvants, les squalènes et autres mythes présentés comme terrifiants. J’use du terme « irrationnel », sans mépris ni manque de respect, mais parce que les seuls faits scientifiques et les seules données épidémiologiques avancés ne parviennent pas à contrer un argumentaire construit pour l’essentiel sur des convictions inébranlables.
Après la description d’une épidémie de syndrome de Guillain et Barré (j’écris bien « consécutive » et non pas « due à ») consécutive à l’administration d’un vaccin contre la grippe en 1976 aux USA, il y a eu autant d’articles dans la presse scientifique, pour évoquer un lien probable avec la vaccination que d’articles de même qualité pour réfuter un tel lien. Après la suspicion de la survenue de cas de sclérose en plaque après la vaccination contre l’hépatite B en France, la situation est également demeurée inextricable, le lien causal indémêlable.
J’ai personnellement revu en détail l’ensemble de cette littérature. Ce sont deux études de cas que j’ai enseignées largement à la Faculté ces dernières années. On est à chaque fois successivement troublés, convaincus, par les arguments des uns, puis… par les arguments des autres. Ainsi, la survenue d’un syndrome de Guillain et Barré 13 jours après une injection vaccinale, en étant en pleine santé préalablement pose question à toute personne concernée, à tout médecin aussi. Le fait qu’il n’y ait aucune augmentation de ces cas de Guillain et Barré durant la période où l’on vaccine massivement contre la grippe saisonnière (entre septembre et novembre) trouble profondément l’épidémiologiste (voir un billet récent à ce sujet). Le débat est ensuite éventuellement pollué par les conflits d’intérêts de ceux qui mènent ces recherches ou s’expriment à leur sujet.
De tels conflits surviennent dans tous les domaines scientifiques. Ils ne sont nullement réservés aux liens avec le secteur industriel pharmaceutique. Pour autant restons un instant sur ces liens. Les experts ne relèvent pas « du domaine public » exclusif. Ils peuvent aussi être appelés à donner leurs conseils aux industriels, dans le cadre de conventions réglementées. Il faut bien des experts pour mener les essais cliniques et pour développer de nouveaux médicaments. Dès lors qu’il a collaboré avec le privé, l’expert serait-il ipso facto « démonétisé » ? Ce qu’il dit devient-il nul et non avenu ? Nécessairement tendancieux ? En toute bonne foi, le raisonnement y compris scientifique est toujours influencé par l’expérience. Et même si cette expérience peut être utile à l’expertise, il est important de savoir quels sont ces conflits d’intérêts potentiels et quelle est leur nature.
On a étendu la notion de conflits d’intérêt à la vie privée des experts, à leurs liens familiaux et matrimoniaux officiels. Rien à redire. On ne demande pas (encore) ce qu’il en est des liens informels, mais qui sait un jour et pourquoi pas ? Jusqu’où pousser la suspicion de conflits d’intérêts ? Ce sont des questions débattues dans le monde de la recherche et il est normal de les poser sans tabou. Les agences publiques, en France, l’Afssaps, l’Afssa, l’Afsset, l’InVS et la Haute Autorité de Santé (il en va de même dans toute l’Europe ou aux USA) demandent ces déclarations de conflits d’intérêts potentiels avant de solliciter on non l’expertise des enseignants-chercheurs qui publient dans le domaine. Les revues médicales et scientifiques font de même avant d’autoriser toute publication, et les liens déclarés figurent alors sur les publications. Ces déclarations ne gomment pas l’influence qu’ont ces liens sur l’expertise, mais permettent – on l’espère – de mieux la tempérer, l’interpréter, la moduler éventuellement.
Revenons à notre sujet. Malgré tous ces efforts vers la clarté, il semble illusoire de penser que seuls les arguments scientifiques viendront contrecarrer les attaques qui surgiront contre le vaccin du fait de la suspicion d’effets indésirables. Les épidémiologistes feront ce qu’ils pourront. Des débats contradictoires au sein même de leur communauté les agiteront, et ajouteront peut-être à la confusion, voire à la suspicion comme l’ont montré les récents débats évoqués ci-dessus. Et une fois de plus il pourrait en résulter que … l’on ne pourra pas conclure définitivement sur le lien de causalité entre tel effet rare et la vaccination.
Il s’agira bien entendu d’effets dont on ne saura ni la cause, ni le mécanisme de survenue, ni la physiopathologie ni l’évolution, comme le syndrome de Guillain et Barré, la sclérose en plaques, ou l’autisme. De ce débat inextricable, qu’en sortira-t-il ? Une suspicion accrue vis-à-vis des vaccins pour ceux – nombreux aujourd’hui – qui n’avaient pas confiance au départ ? Un doute émergeant chez ceux qui n’avaient pas d’idées préconçues sur le sujet. Et peut-être même une « contamination » de l’ensemble de la société sur les autres stratégies vaccinales ? De cela, une large majorité de la communauté médicale est consciente. Il en va de même des producteurs de vaccins aussi.
Avait-t-on raisonnablement d’autre choix ? Ce n’est pas la fleur au fusil que l’on aborde ces questions, qui sont et seront difficiles à traiter. Derrière l’appel de nos collègues dans le Lancet, il faut me semble-t-il percevoir l’expression de la conscience aiguisée qu’il faut « sauver le soldat Ryan », sauver le soldat vaccinal qui à l’aube de ce vingt-et-unième siècle pourrait rapidement rendre l’âme face aux résurgences récurrentes des craintes ancestrales nées des avancées du progrès de la science et de la raison. Cela posé, nous avons la chance, infinie, d’en découdre sur les prés démocratiques et citoyens.
Antoine Flahault
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