La démonstration en est faite: un redoutable virus de la grippe peut apparaître.
Comme beaucoup d’entre nous, les virologues sont des hommes. Ils restent aussi, parfois, de grands enfants qui aiment jouer avec les objets qu’ils étudient; au risque de se brûler les ailes. Dans le passé une démonstration en a été apportée: avec les (derniers?) stocks de virus de la variole jalousement conservés dans deux laboratoires hautement sécurisés, en Union soviétique et aux Etats-Unis.
La variole a certes disparu de la planète depuis trente ans (grâce à la vaccination) mais l’affaire demeure d’actualité: précisément parce que la maladie a disparu (et la vaccination obsolète) le virus à l’origine de cette maladie mortelle hautement contagieuse est désormais une formidable arme potentielle au service du bioterrorisme. C’est dire les passions secrètes que les hommes de la science virologique peuvent nourrir à son endroit.
La pandémie grippale n’est pas non plus sans intérêt. Nous connaissons tous les données de l’actuelle, durable et planétaire équation virologique. Le virus H5N1 (dit «de la grippe aviaire») ne parvient qu’au prix d’extrêmes turpitudes à infecter l’homme, la femme, l’enfant. Il faut semble-t-il pour cela que ces derniers soient durablement exposés au contact de volailles massivement infectées. Mais quand il parvient à ses fins, le H5N1 tue sa cible humaine plus d’une fois sur deux. Ainsi, selon les données officielles, ce virus aviaire a été à l’origine, directement ou non, de la mort de centaines de millions d’oiseaux sauvages et d’élevage. Dans le même temps, il a infecté 442 personnes et en a tué 262.
Combinaison du H5N1 et du H1N1
C’est dans ce contexte que l’OMS (suivie par les autorités sanitaires de nombreux pays industriels) a, il y a moins d’un an (et avec l’émergence du nouveau H1N1) obtenu la mise en œuvre de programmes drastiques prévention. L’un des scénarios catastrophes parmi les plus redoutés était alors de voir ces deux agents échanger l’un l’autre des fragments de leur matériel génétique: la voie ouverte, alors, à la déferlante planétaire dans les populations humaines d’un nouveau virus à la fois hautement pathogène (comme le H5N1) et très contagieux (comme le H1N1).
Ce scénario, on le sait aujourd’hui, ne s’est fort heureusement pas produit. Ce qui n’empêche nullement les virologues de tenter de comprendre pourquoi; et, donc, de tenter de le réaliser au sein de leurs laboratoires. C’est précisément ce que vient de réussir le virologue Yoshihiro Kawaoka et son équipe de l’Université de Wisconsin-Madison. Financés par les National Institutes of Health américains ainsi que par le gouvernement japonais ces travaux viennent d’être publiés sur le site des Proceedings of the National Academy of Sciences.
Les chercheurs ont ici développé des trésors d’ingéniosité expérimentale. Objectif: obtenir des échanges de matériels génétiques entre des souches du H5N1 (qui circulent actuellement dans différentes régions du globe) et des souches de H3N2 (virus lui aussi en circulation et l’un des responsables de nos dernières grippes saisonnières). Ils ont ainsi obtenu 254 types de virus «réassortis». Puis en expérimentant sur des souris de laboratoires ils ont découvert que certains des nouveaux virus hybrides ont hautement gagné en virulence par rapport au H5N1 d’origine. Création d’un monstre potentiel, en somme, à partir d’une simple hypothèse virologique.
Echange de matériel potentiel
«C’est inquiétant», explique Yoshihiro Kawaoka. A dire vrai c’est d’autant plus inquiétant que les travaux (publiés) conduits sur ce thème dans différents laboratoires spécialisés avaient toujours conduit à des souches virales hybrides, moins virulentes que celle d’origine. Et l’inquiétude est désormais d’autant plus grande que rien n’interdit d’imaginer que cette rencontre (que cet échange de matériel génétique aux redoutables conséquences potentielles) puisse se faire un jour prochain quelque part dans le monde.
L’équipe de Yoshihiro Kawaoka va plus loin: elle pense avoir identifié la clef moléculaire de la nouvelle virulence créée sur leurs paillasses et dans leurs modernes cornues. Le nouveau danger semble directement provenir de l’un des huit gènes viraux (le PB2) passant du génome du H3N2 vers celui du H5N1.
Pour ces chercheurs, un tel résultat témoigne d’une absolue nécessité: maintenir coûte que coûte la double surveillance épidémiologique planétaire de l’évolution de la structure génétique et de la virulence des populations virales grippales. Faute de quoi on tarderait à identifier l’émergence d’un nouveau virus à la fois hautement contagieux et hautement pathogène. «Avec le nouveau virus pandémique H1N1, l’opinion publique a oublié l’existence du virus H5N1 de la grippe aviaire. Mais la réalité est que le H5N1 est toujours là, alerte Yoshihiro Kawaoka. Nos résultats laissent penser qu’un réassortiment entre le H5N1 aviaire et le H1N1 pandémique est possible; un réassortiment qui pourrait créer un virus H5N1 hautement plus pathogène.»
Question pour le futur: si cette funeste émergence devait survenir qui nous assurera que ces chercheurs ne sont pas, directement ou non, responsables?
Jean-Yves Nau
lire le billetJean-Yves a rédigé un article sur ces médecins qui ne veulent pas se faire vacciner. Vous pouvez le lire ici. Voici mon point de vue [AF]
La bonne nouvelle c’est que nous abordions aujourd’hui de telles questions: c’est un signe que le vaccin sera peut-être prêt à temps, ce qui était hier encore une gageure (et qui le demeure tant qu’il n’est pas véritablement disponible). Les premières informations sont cependant encourageantes, les industriels dans cette course contre la montre – la vague pandémique pourrait bien se présenter très tôt cet automne – semblent être en mesure de pouvoir délivrer en France les premières doses utilisables de vaccins dès la mi-octobre, avec un étalement sur quatre mois pour la livraisondes commandes passées. L’heure est donc aux choix. Lire la suite…
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