Pourquoi l’alimentation des bébés de familles à faibles revenus favorise-t-elle l’obésité ? Cette question se pose aux États-Unis où les chercheurs des Pediatric Academic Societies se sont réunis à Boston pour leur meeting annuel le 28 avril 2012. Alors que l’American Academy of Pediatrics déconseille l’ajout de céréales infantiles dans les biberons des enfants, cette pratique semble développée dans les foyers à faibles revenus, principalement d’origine sud américaine. Les mères de 254 enfants ont été interrogées pour savoir si elle mettaient des céréales infantiles dans le biberon de leurs bébés afin qu’ils dorment plus longtemps ou qu’ils fassent des nuits complètes. En France, l’introduction de céréales dans les biberons sous la forme de farines n’est pas déconseillée par la diététicienne à la Clinique du poids Dorothée Krief sur le site Infobébés. Elle la préconise à partir de l’âge de 4 mois avec une augmentation progressive en fonction de l’âge.
Les chercheurs américains ont aussi collectés des informations sur l’âge, la langue, le pays d’origine, le statut marital, le niveau d’éducation, les revenus, les symptômes de dépression des mères ainsi que sur l’âge, le sexe et la perception par les mères de réactions émotionnelles intenses des bébés. Cette étude a été réalisée dans le cadre d’une partie d’un projet plus large intitulé Bellevue et qui suit les enfants entre la naissance et la scolarisation.
24% des mères mettent des céréales dans le biberon
Les résultats montrent que 24% des mères mettent des céréales dans le biberon de leurs bébés, ce qui augmente les risques d’obésité. Celles qui présentent des symptômes de dépression sont 15 fois plus susceptibles de le faire que celles qui n’en ont pas. Le principal auteur de l’étude, Candice Taylor Lucas, professeur associé de pédiatrie à l’université de médecine de New York note que: “La dépression est très courante chez les mères à faibles revenus et cela rend plus difficile de les engager à suivre des pratiques bénéfiques”. Par ailleurs, les femmes célibataires sont plus enclines à ajouter des céréales dans les biberons et que celles qui considèrent leur bébé comme ayant des réactions émotionnelles intenses adoptent 12 fois plus cette pratique que les autres. Candice Taylor Lucas conclue que l’étude montre que les facteurs de stress chez les mères ayant de faibles revenus (dépression, famille monoparentale et problèmes de comportement des bébés) induisent des pratiques alimentaires qui favorisent l’obésité. “Il est important d’apporter un support à ces parents en matière d’alimentation saine si nous voulons mettre un terme à l’épidémie d’obésité enfantine“.
La peur de ne pas avoir assez à manger
Lors du même meeting à Boston, Rachel Gross, professeur assistant au département de pédiatrie de l’école de médecine, Albert Einstein et à l’hôpital pour enfants Montefiore de New York a présenté une étude qui pointe un autre facteur favorisant l’obésité: la peur de ne pas avoir assez à manger. Là encore, ce sont les familles à faibles revenus qui apparaissent les plus vulnérables à la sensation d’une “insécurité alimentaire”. C’est d’ailleurs chez elles que les problèmes d’obésité sont les plus fréquents. Pour Rachel Gross, il est donc important d’identifier les causes de ce comportement associé à de faibles revenus. Avec ses collègues, elle a interviewé 201 mères, principalement hispaniques, dans cette situation et ayant des enfants de moins de 6 mois au sujet de leur comportement alimentaire. Les questions portaient sur le contrôle de la quantité de nourriture prise par les enfants, sur l’alimentation au sein, l’ajout de céréales dans les biberons et la prise de conscience des risques d’obésité.
Les risques du contrôle par les parents
Les résultats montrent d’un tiers des mères font état d’une insécurité alimentaire. “Nous avons découvert que ce sentiment influence le contrôle des pratiques alimentaires des enfants”, note Rachel Gross. “Ces contrôles concernent à la fois la restriction lorsqu’un enfant manifeste qu’il a encore faim et la pression qui consiste à insister pour que l’enfant mange encore alors qu’il est rassasié”. Les chercheurs pensent que les parents qui cherchent à agir ainsi sur la prise de nourriture de leur bébé perturbent l’aptitude de l’enfant à réguler sa sensation de faim et conduit à une suralimentation et à une prise de poids excessive.
L’étude montre également que les mères en situation d’insécurité alimentaire sont plus conscientes des risques de surpoids que celles qui n’ont pas ce problème. Rachel Gross en conclue que les politiques publiques ne devraient pas uniquement s’intéresser aux problèmes de sous nutrition et de malnutrition mais qu’elles devraient aussi prendre en compte que les familles en situation d’insécurité alimentaire peuvent engendrer des problèmes d’obésité.
En résumé, ces deux études pointent l’impact du stress des mères, qu’il s’agisse de dépression ou de peur de manquer de nourriture, sur l’obésité. Il ne s’agit pas d’une énorme surprise tant il est bien connu que les problèmes psychologiques influencent fortement les pratiques alimentaires.
Michel Alberganti
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Son nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant, d’ici quelques années, il pourrait devenir aussi célèbre que le plastique ou le silicium. Il s’agit du graphène. On discerne une parenté avec le graphite et on a raison. Il s’agit d’un matériau absolument révolutionnaire, un cristal constitué par une seule couche d’atomes de carbone. Oui, vous avez bien lu. Une seule couche d’atomes, ce qui en fait le matériau le plus fin possible. On exprime aussi cette finesse ultime en parlant de premier matériau en deux dimensions (2D). Cela peut paraître abusif mais, bon, une hauteur d’un seul atome, soit environ 0,14 nanomètre (10-9 m), ce n’est vraiment pas grand chose.
Un sandwich très conducteur
Les caractéristiques du graphène sont extrêmement nombreuses et toutes plus extraordinaires les unes que les autres. Dernière en date à être exploitée, au stade du laboratoire pour l’instant, sa conductivité. Si elle est bonne, deux chercheurs de l’université d’Exeter ont trouvé le moyen de l’améliorer encore. Monica Craciun et Saverio Russo ont mis au point un sandwich composé de deux couches de graphène entre lesquelles ils ont inserré une couche de molécules de chlorure de fer. Le résultat, baptisé GraphExeter est une alternative à l’oxyde d’indium-étain, matériau conducteur très utilisé en électronique mais qui devient fort coûteux à cause de sa raréfaction. Son approvisionnement pourrait de tarir en 2017. En prime, le GraphExeter est… transparent et flexible.
Electronique “portable”
Le GraphExeter pourrait ainsi servir dans une multitude d’application: des panneaux solaires dont ils pourraient augmenter l’efficacité de 30% à l’électronique “portable” (wearable, en anglais) au sens où elle pourrait s’intégrer aux vêtements. Demain, la grande mode sera peut-être le tee-shirt intelligent qui affiche des messages ou l’heure… Ou qui intègre un ordinateur, des écouteurs et des lecteurs MP3. Le portable qui devient vraiment portable et libère les poches… Déjà, les scientifiques de l’université d’Exeter ont mis au point une version du GraphExeter qui peut se pulvériser sur des tissus, des miroirs ou des vitres. Ainsi, le graphène pourrait changer notre vie. Au moins celle des geeks…
Michel Alberganti
lire le billetCeux qui l’ont eu comme animal de compagnie le savent. Le rat est aussi intelligent et affectueux qu’il a mauvaise réputation. Habitant des égouts, vecteur de maladie, martyrisé dans les laboratoires, porteur d’une queue dénudée peu ragoutante et de moustaches chatouillantes, il est l’un des mammifères les plus répandus sur Terre. Preuve de ses performances en matière d’évolution, on le trouve, avec les souris, sur tous les continents en dehors de l’Antarctique. Et il compte plus d’un millier d’espèces, soit près du quart de toutes les espèces de mammifères connus.
Des chercheurs de l’université de Liverpool se sont penchés sur l’une des caractéristiques majeures des rats: leur performance de rongeur. Pour cela, ils ont réalisé une comparaison approfondie entre le rat, l’écureuil et le cochon d’Inde. Leur étude, publiée dans le revue Journal of Anatomy fin 2011, propose une analyse des crane des trois animaux grâce à des modélisations virtuelles.“Depuis l’Éocène, il y a entre 56 et 34 millions d’années, les rongeurs ont adapté leur crânes et les muscles de leur mâchoire, et nous pouvons donc les qualifier d’espèce évolutionniste“, indique Philip Cox, co-auteur de l’étude. “Un sous-ordre des rongeurs, les Sciuromorphes qui comprennent les écureuils, ont commencé à se sont spécialisés dans le rongeage tandis qu’un autre, les Hystricomorphes, dans lequel on trouve les cochons d’Inde ou cobayes, ont opté pour le mastiquage. Un troisième sous-ordre, les Myomorphes, auquel appartiennent les rats et les souris, se sont adaptés à la fois au rongeage et au mastiquage”. Forts de ce constat, les chercheurs ont comparé les performances de leurs modèles informatiques des trois rongeurs dans les deux catégories: rongeage et mastiquage. “Nous nous attendions à ce que les rats soient plus polyvalents et moins efficaces dans chacune des tâches face aux spécialistes que sont les écureuils et les cochons d’Inde. Un peu comme l’on ne s’attend pas à ce qu’un nageur de triathlon batte un nageur spécialisé dans le 1500 mètres”, explique un autre auteur, Nathan Jeffery. C’était sous-estimer les Myomorphes ! “Les résultats nous ont montré que la façon dont les muscles des rats se sont adaptés au fil du temps a augmenté leurs capacités au point qu’ils surpassent les écureuils pour le rongeage et les cochons d’Inde pour le mastiquage”, constate Nathan Jeffery.
Pour les chercheurs, cette découverte explique en partie pourquoi les rats et les souris ont si bien réussi à s’adapter à toutes les circonstances mais aussi pourquoi ils sont aussi destructeurs. Leur comportement alimentaire leur permet de se nourrir efficacement à l’aide d’une très grande variété de matériaux. Un constat instructif à une époque où tant d’espèces sont menacées par les petits changement dans leur environnement provoqués par le réchauffement climatique. Pas de risque que les rats, eux, en soient victimes…
Michel Alberganti
Dans son bâtiment, ce laboratoire se repère de loin : il en sort un bruit grave et continu qui fait trembler les murs à longueur de journée. Le but de cette musique bien peu mélodieuse ? Faire danser des gouttes. Quelles gouttes ? Oh, rien de compliqué, au premier abord.
Il s’agit des gouttelettes qui se forment quand on sort brusquement un objet d’un liquide, mettons : une cuillère de votre café du matin. Bien sûr, dans votre café, la gouttelette ne dure pas longtemps, et semble être immédiatement absorbée par le liquide. Ce n’est en fait pas le cas : une caméra ultra-rapide permet de saisir les différentes étapes de la coalescence de la goutte avec le liquide dans lequel elle tombe, et montre qu’elle rebondit plusieurs fois sur la surface :
La plupart du temps, ce phénomène est très rapide, mais en observant attentivement une cafetière à filtre en train de passer du café, on peut en voir résister vaillamment une ou deux secondes avant de disparaître. Il faut dire que la surface du café tremble beaucoup…
Car voilà l’ingrédient secret pour sauver notre goutte d’une fin sans gloire : les vibrations.
Pour étudier le phénomène, les chercheurs utilisent un haut-parleur placé stratégiquement sous un bac d’huile et qui en fait vibrer la surface. Celle-ci se transforme alors en trampoline pour la goutte et la fait rebondir en rythme.
À chaque fois que la goutte descend, la surface remonte pour lui donner un nouvel élan vers le haut, ce qu’elle arrive à faire sans fusionner grâce au coussin d’air qui les sépare en permanence, jamais complètement chassé. C’est le phénomène qui explique par exemple les gouttes d’eau qui flottent dans les bols tibétains lorsqu’on les fait « chanter ».
Les gouttes sont donc réfléchies par les vagues à la surface du liquide, et se retrouvent alors à se synchroniser, et à s’aligner en rangs d’oignons et à s’arranger en phalanges romaines :
Triangulaires, carrées ou hexagonales, ces formations sont stables tant que les vibrations se maintiennent :
L’explication de l’organisation est simple : si les gouttes retombent dans un creux des ondes, ou sur un pic, elles repartent à la verticale, sans changer de position. Mais si elles tombent à flanc de montagne, elles sont renvoyées un peu plus loin. Et comme chaque goutte est soumise aux vagues produites par les rebondissements de ses voisines, elles finissent par se répartir de façon à ce qu’elles soient à égale distance les unes des autres. Ces structures sont si régulières que les physiciens les ont baptisé « cristaux ».
Mais une goutte n’a pas forcément besoin de voisines pour se déplacer : dans certaines conditions expérimentales (lorsqu’on s’approche du seuil d’instabilité de Faraday), une seule goutte peut se retrouver à tomber sur la pente de l’onde qu’elle génère. Elle est donc décalée de quelques millimètres, mais comme les rides de l’eau sont créées par elle, les voilà qui se déplacent également, si bien que la goutte retombe exactement au même endroit de la pente, et le manège recommence.
La goutte se met donc à voyager à la surface du bassin, emmenant avec elles tout un cortège d’ondelettes circulaires très coopératives : les ondes propulsent la goutte, et par échange de bons procédés la goutte entretient les ondes.
Les images de ces gouttes en pleine migration ne sont pas seulement fort jolies, pour un physicien, elles sont aussi très évocatrices. Un petit truc qui se balade accompagné d’une onde partout où il va, ça ne vous rappelle rien ?
Cela fait furieusement penser au plus célèbre paradoxe de la physique fondamentale : les rayonnements tels que la lumière, qui se comportent à la fois comme une onde et comme une particule solide (photon). Et l’analogie avec cette dualité mystérieuse n’est pas que superficielle : on retrouve bien avec ces gouttes et ces ondes des aspects caractéristiques des rayonnements, comme la diffraction quand les ondes se rencontrent, ou encore des phénomènes plus étranges, comme l’effet tunnel.
En effet, si on tente de bloquer le déplacement de notre duo goutelette-onde en plaçant un obstacle qui interdit la propagation du champ d’ondes, la goutte a tout de même une chance de le traverser. Une fois de l’autre côté, elle n’a qu’a rebondir sur la surface du bac pour reconstituer l’onde comme si elle était passée par un tunnel invisible…
Jusqu’où peut-on pousser la comparaison entre gouttelettes et corpuscules ? On ne le sait pas encore, mais une étude approfondie de ce modèle permettra de déterminer la validité de l’analogie. Idéalement, ce couple voyageur goutte-onde pourrait constituer un moyen aussi parlant que pratique d’illustrer les idées les plus subtiles de la physique quantique. En attendant, vous reprendrez bien un peu de café ?
Fabienne Gallaire
Cet article est basé sur les explications fournies par Antonin Eddi, que je remercie, sur ses travaux de thèse effectués au laboratoire Matières et systèmes complexes de l’université Paris Diderot.
Références :
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Tout a été dit sur le rachat d’Instagram par Facebook pour un milliard de dollars. Tout sauf que cette application fait partie de ces coups de génie qui jalonnent l’histoire récente d’Internet et celle, encore plus récente, des nouvelles fonctions des téléphones mobiles. Que ce petit programme (13 mégaoctets tout de même, ce qui en fait un poids lourd dans l’univers des logiciels pour mobile) justifie un tel investissement de la part de Facebook, l’avenir le dira. Le montant de l’achat doit néanmoins être jugé sur ce qu’il représente réellement pour une entreprise qui vaut aujourd’hui en 75 et 100 milliards de dollars, deux fois plus qu’il y a un an, et qui a réalisé 1 milliard de dollars de bénéfices sur son dernier exercice, après seulement 8 ans d’existence. Instagram lui a donc coûté une année de profits. Si cet investissement est donc loin de représenter un sacrifice dangereux pour Facebook. Il reste qu’il n’est pas négligeable, au moins en valeur absolue.
Le service
Pour comprendre ce qui a séduit à ce point l’entreprise créée en 2004 par Mark Zuckerberg, il suffit d’utiliser Instagram. L’installation sur un mobile prend quelques minutes à peine. Dès la première utilisation, plusieurs caractéristiques sautent aux yeux :
Bon… Et alors ? Pas de quoi grimper au rideau ni jeter son Nikon dernier cri par la fenêtre. Oui et non. Oui parce que la limite d’Instagram réside, justement, dans ses limites. Celles de son minimalisme qui ne cherche pas, loin de là, à tuer les appareils photos ni les logiciels de retouche, de classement et de partage en ligne comme Picasa, racheté par Google en 2004. Non, parce que, justement, ce sont ces limites qui lui donnent sa simplicité et son efficacité. Et sa parfaite adaptation à sa cible : la photo mobile.
Mettre Photoshop dans un mobile
On pourrait imaginer ceux qui ont lancé Instagram à San Francisco en octobre 2010, Kevin Systrom and Mike Krieger, devant leur écran d’ordinateur en train de traiter des photos avec Photoshop. Soudain, une idée vient à l’un d’entre eux : Et si l’on pouvait photoshoper les images prises par un téléphone mobile ? La proposition aurait pu paraître stupide. Elle aurait dû, en toute logique et pour rester raisonnable. Mais c’est sans doute ainsi que naissent les idées de génie. En ne cédant pas à la raison, ni à la logique. C’est tout le pari d’Instagram : faire entrer l’un des plus gros et des plus coûteux logiciels existant aujourd’hui dans le monde des professionnels de l’image et des amateurs avertis… dans un téléphone mobile.
Pour réaliser un tel exploit, il fallait extraire de Photoshop sa quintessence, sa moelle, son principe actif. Kevin Systrom and Mike Krieger ont identifié cet extrait essentiel : les filtres. De quoi s’agit-il ? Dans la plupart des logiciels de retouche d’images, en particulier sur Photoshop, l’une des fonctions les plus spectaculaires est sans conteste la transformation profonde d’une photo en une seule opération. De nombreux filtres, en particulier les plus simples, ne sont en fait qu’un assemblage de réglages agissant sur la luminosité, le contraste et la couleur. Les filtres plus sophistiqués, souvent qualifiés d’esthétiques, proposent des transformations plus complexes permettant, par exemple, de donner à une photo l’apparence d’un tableau réalisé au couteau ou à l’aquarelle. Mais avec les seules trois actions de base, une même image peut prendre une infinité d’aspects différents.
Une photo personnalisée
Les exemples en haut de page donnent une idée des modifications de l’image offertes par Instagram. La photo originale banale et plate prend un tout autre caractère. L’utilisateur peut ainsi créer une ambiance particulière qui reflète le climat dans lequel il souhaite inscrire son image. Il personnalise sa photo tout en améliorant sensiblement le rendu grâce au contracte et à la saturation des couleurs.
Le miracle du succès d’Instagram est là. En quelques pressions sur l’écran du téléphone mobile, une photo ordinaire se transforme en une image originale avant d’être partagée, tout aussi simplement, sur un réseau social ou par mail. Nombre d’observateurs considèrent que la valeur un tel service est extrêmement faible quand il ne le juge pas totalement inutile. Trop simple, trop limité, trop gratuit…
Bien entendu, l’explosion du nombre d’utilisateurs d’Instagram, qui se comptent désormais en dizaines de millions, suffit à invalider une telle appréciation. Mais il est possible de considérer également que cette critique révèle une approche profondément erronée des phénomènes à l’œuvre sur Internet et la téléphonie mobile. Aucun des grands succès récents n’a été prévu par les spécialistes et les grandes entreprises du marché. Ni les sms, ni Google, ni Facebook, ni Tweeter. Ni même Amazon et eBay à leurs débuts. Dans chacun de ces cas de success stories plus ou moins foudroyantes, ce sont de nouveaux arrivants, un ou deux jeunes, ou les utilisateurs eux-mêmes comme pour les sms, qui ont, seuls et souvent contre tous, imposé leur idée.
Les raisons du succès
Un tel phénomène peut trouver un début d’explication avec ces trois points communs :
La valeur d’Instagram doit sans doute s’évaluer à l’aune de ses qualités. Le service répond précisément aux trois critères ci-dessus. Un milliard de dollar ? Pourquoi pas. Facebook semble très bien placé pour mesurer le potentiel d’une application validée par le public et qui lui permet d’entrer dans l’univers du téléphone qui n’est pas son écosystème initial. Demain, nous instagramerons peut-être nos photos mobiles aussi instinctivement que nous twittons. Ou pas, si une idée simple, gratuite, ergonomique et, peut-être, plus performante vient détrôner Instagram. Mais gageons que Facebook fera tout pour l’éviter.
Michel Alberganti
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Faute de comprendre les mécanismes à l’oeuvre, la recherche médicale fait de plus en plus appel aux statistiques. C’est le cas pour le cancer ou les allergies. Et aussi pour l’étude des maladies du cerveau et des mystères de l’intelligence grâce à la génétique. Le principe est simple: analyser un grand nombre d’images du cerveau par IRM (Imagerie par résonance magnétique) ainsi que le génome de leur propriétaire pour tenter de déceler des corrélations entre les deux. Comme pour toute statistique, la qualité et la taille de l’échantillon pris en compte influence fortement la pertinence du résultat.
C’est pour cette raison que les chercheurs ont créé un projet mondial, ENIGMA, rassemblant 200 scientifiques appartenant à 100 institutions réparties sur la planète. Ensemble, ils ont étudié des milliers d’images IRM prises sur 21 151 personnes en bonne santé dont ils ont également analysé l’ADN. Leurs résultats ont été publiés, le 15 avril 2012, dans la revue Nature Genetics.
“Nous avons cherché deux choses dans cette étude, indique Paul Thompson, professeur de neurologie à l’école de médecine David Geffen de l’université de Californie Los Angeles (UCLA). Nous sommes partis à la chasse aux gènes qui augmentent vos risques d’avoir une maladie dont vos enfants peuvent hériter. Nous avons également cherché les facteurs qui provoquent une atrophie des tissus et réduisent la taille du cerveau, caractéristiques qui sont des marqueurs biologiques de maladies héréditaires comme la schizophrénie, les troubles bipolaires, la dépression, la maladie d’Alzheimer et la démence”. L’étude ENIGMA est née il y a trois ans lorsque certains chercheurs ont détecté l’existence des gènes de risque pour certaines maladies. Ne comprenant pas bien leur influence, les scientifiques ont décidé de se lancer dans cette analyse mondiale associant images du cerveau et décryptages du génome.
Les deux principaux résultats obtenus sont les suivants:
Le projet ENIGMA va maintenant se poursuivre en prenant en compte ces résultats. Il doit s’orienter sur l’étude d’affections comme la maladie d’Alzheimer, l’autisme et la schizophrénie qui sont liées à des perturbations dans le câblage du cerveau. Les chercheurs vont donc partir en quête des gènes qui influencent la façon dont le cerveau est câblé grâce à une nouvelle technique d’imagerie, l’IRM de diffusion, qui permet de visualiser les voies de communication entre les cellules d’un cerveau vivant.
De telles recherches illustrent parfaitement le croisement toujours inquiétant entre le travail sur des maladies et l’ouverture de possibilités d’analyse qui n’ont rien de médical. Lorsque le décryptage du génome sera devenu pratique courante, comment éviter que l’analyse du gène HMGA2 ne devienne un critère de sélection ? Les tests de QI sembleront alors bien vieillots. Et l’on risque de regretter leur imprécision. De là à imaginer des tests génétiques sur les embryons, il n’y a qu’un pas. Une façon d’accélérer, ou plutôt d’orienter, l’évolution naturelle de la race humaine en éliminant les prétendants à la vie qui auront la lettre T au lieu de C dans leur gène HMGA2… A moins que la conservation des T ne soit utile pour la société, sachant que l’on a toujours besoin d’un moins intelligent que soi. Et l’on ne peut guère s’empêcher de penser aux Alphas et aux Epsilons du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley paru en 1932, il y a tout juste 80 ans. Ne se serait-il trompé que sur les lettres ?
Michel Alberganti
lire le billetAprès avoir abandonné son fameux projet de Guerre des étoiles, avec ses satellites destructeurs de missiles par laser, l’armée américaine semble miser sur les robots humanoïdes. Pas pour faire la guerre comme dans le film Star Wars avec ses armées de droïdes séparatistes. Le concours lancé le 10 avril 2012 par la Darpa affiche un objectif plus pacifique :
“Développer les capacités de la robotique terrestre pour exécuter des tâches complexes dans des environnements conçus par l’homme, dangereux et dégradés”.
La Darpa n’est autre que l’agence américaine qui développe les nouvelles technologies destinées à l’armée. La signification de l’acronyme est d’ailleurs très explicite: Defense Advanced Research Projects Agency. Avec ses 240 personnes, l’agence dispose d’un budget de plus de 3 milliards de dollars. Elle s’est illustrée dans le passé, lorsqu’elle s’appelait encore Arpa, avec le développement de l’ancêtre d’Internet, le réseau Arpanet. Sous la tutelle du ministère de la défense (DOD) américain depuis 1972, elle est devenue l’un des principaux pourvoyeurs de fonds de la recherche américaine, des travaux liés à la guerre bactériologique jusqu’aux techniques d’enseignement assisté par ordinateur en passant par les drones, le contrôle des machines par le cerveau et la robotique. Dans ce domaine, elle a lancé en 2004 un Grand Challenge doté de 2 millions de dollars pour stimuler la recherche en matière de véhicules sans conducteur tout terrain afin que l’armée américaine dispose d’un tel engin d’ici 2015.
2 millions de dollars
Le nouveau Robotics Challenge de la Darpa s’inscrit donc dans ce type particulier d’appel à contribution ouvert à tous. L’agence offre pas moins de 2 millions de dollars à “quiconque pourra aider à faire avancer l’état de l’art de la robotique au delà de ses capacités actuelles en matière de support à la mission de secours du DOD en cas de désastre”, précise-t-elle. L’originalité du concours réside en grande partie dans son ouverture à des candidatures extérieure au monde des spécialistes. La Darpa insiste lorsque précise sa position dans ce domaine: “Réaliser de véritables innovations en robotique, et donc remporter de challenge, imposera la contribution de communautés qui dépassent celle des développeurs traditionnels de robots”. La Darpa subventionne déjà les entreprises spécialisées. Sans rencontrer le succès escompté, semble-t-il. D’où ce recours à “tout le monde” qui peut permettre de débusquer un petit génie installé dans une université ou dans son garage. Il faudra bien cela pour respecter le cahier des charges très précis imposé par la Darpa.
8 tâches à accomplir
Ce cahier des charges ne va pas jusqu’aux trois lois de la robotique d’Asimov, mais il ne définit pas moins de 8 aptitudes imposées :
Centrales nucléaires
Rien de vraiment militaire dans un tel programme. On pense plutôt à l’intervention dans une centrale nucléaire détruite. Justement, la Darpa cite nommément le drame de Fukushima lors duquel elle estime que “les robots ont joué un rôle de support pour minimiser les émissions radioactives”. En fait, les Japonais ne disposaient pas de robots adaptés, justement, à l’intervention dans un bâtiment encombré de gravats et dans un environnement très fortement radioactif qui impose une électronique spécifique. Et c’est une entreprise américaine, iRobot, fabriquant également de l’aspirateur autonome Rumba, qui est venue à la rescousse.
Au delà des capacités actuelles
“Le travail réalisé par la communauté robotique mondiale, qui a amené les robots au point d’être capables de sauver des vies et d’améliorer l’efficacité des interventions, nous a conduit en envisager d’autres aptitudes”, explique Gill Pratt, le directeur de ce programme à la Darpa. Le Robotics Challenge va permettre de tester des avancées en matière d’autonomie supervisée en perception et en prise de décision, de capacité de déplacement à pied ou en véhicule, de dextérité, de force et d’endurance dans un environnement détruit par une catastrophe auquel le robot devra pouvoir s’adapter quel que soit le type de désastre, par essence imprévisible. On comprend ainsi le choix de la Darpa visiblement en faveur de robots humanoïdes. Les nouveaux ouvriers robotiques n’interviendront pas, comme leurs homologues industriels, dans une usine conçus pour eux. Ils devront se substituer le plus possible aux hommes qui seront, eux-aussi, à l’oeuvre. Pour cela, il leur faudra utiliser les mêmes outils et les mêmes véhicules. Cette robotique de substitution se révèle relativement nouvelle. Jusqu’à présent, les robots d’intervention tenaient plutôt de R2-D2. Il va leur falloir se rapprocher de C-3PO…
C’est la voie dans laquelle s’est déjà engagée la firme Boston Dynamics, issue du MIT, avec son robot Petman. Le voir évoluer, même sans tête, commence à donner ce petit frisson caractéristique des humanoïdes lorsqu’ils se meuvent d’une façon proche de la notre.
Michel Alberganti
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Compter les Manchots empereurs est nettement plus délicat que de compter des moutons ou tout autre animal vivant sous des climats plus tempérés. Les célèbres oiseaux marins, eux, vivent en Antarctique où la température peut descendre à -50°C. C’est dire si l’opération est délicate. Les estimations de leur population variaient, jusqu’à présent entre 270 000 et 350 000.
Peter Fretwell, géographe au British Antarctic Survey, a décidé de prendre de la hauteur pour vérifier ces chiffres. Il a en effet utilisé des images prises par satellite à très haute résolution pour effectuer le comptage. Mais identifier des oiseaux, même s’ils mesurent jusqu’à 1,2 m pour un poids de 20 à 40 kg depuis l’espace n’est pas si facile. Peter Fretwell a donc été conduit à améliorer artificiellement la résolution des images grâce à une technique d’augmentation de la netteté. Ensuite, il a calibré sa méthode d’analyse à l’aide d’images prises par avion et de comptage au sol.
Par chance, le plumage en partie noir des Manchots empereurs se distingue bien sur la neige. Le géographe a facilement identifié les colonies existantes et en a compté 44 sur les côtes de l’Antarctique dont 7 étaient inconnues auparavant. “Les méthodes que nous avons utilisées constituent une avancée considérable en matière de connaissance de l’écologie de l’Antarctique car elles permettent d’effectuer des recherches en sécurité et avec un très faible impact environnemental tout en estimant la population complète des Manchots”, indique Michelle LaRue, co-auteur de l’étude publiée dans le journal Plos ONE le 13 avril 2012.
Le résultat du comptage dépasse les attentes des chercheurs. “Nous sommes ravis d’voir pu localisé et identifié un aussi grand nombre de Manchots empereurs”, déclare Peter Fretwell. “Nous avons compté 595 000 oiseaux, soit presque le double des estimations précédentes. Il s’agit du premier recensement d’une espèce réalisé depuis l’espace”. De fait, la méthode devrait pouvoir s’adapter au comptage d’autres animaux. “Les implications de ce travail vont plus loin puisque nous disposons désormais d’une méthode économique applicable à d’autres espèces mal connues en Antarctique”, souligne Michelle LaRue.
Cette nouvelle technique pourra se révéler précieuse en cette période de réchauffement climatique affectant de nombreux animaux vivant dans ces régions, dont les Manchots empereurs qui voient leur habitat se réduire en raison de la fonte de la glace qui couvre le continent lors de printemps devenus plus précoces. Du fait de son coût réduit, le comptage par satellite devrait pouvoir être réalisé à intervalles réguliers afin d’analyser l’évolution des populations et mesure ainsi l’impact du changement climatique. La méthode a, toutefois, ses limites puisqu’elle ne fonctionne bien que sur un sol blanc, donc couvert de neige. A moins d’utiliser des images satellites prises en infrarouge. Mais, là encore, l’absence de végétation en Antarctique permet de visualiser plus facilement des animaux qu’au sein de paysages où ils peuvent être masqués par des arbres ou des abris. Le recensement des hommes par satellite se révélera donc nettement plus délicat…
Michel Alberganti
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Une nouvelle étude le confirme: la consommation de boissons alcoolisées peut affecter la mémoire. Une équipe de chercheurs de l’université de Stanford menée par une Française, Anne Lise Pitel, a approfondi les travaux précédents pour identifier l’impact des états alcooliques sur différents types de mémoire. Parmi les résultats, il apparaît que la capacité de reconnaissance des visages peut être perturbée.
Bien avant d’atteindre le stade d’amnésie profonde du syndrome de Korsakoff, certains troubles apparaissent et concernent la mémoire associative, celle qui nous permet de mettre un nom sur un visage. En analysant les cerveaux de patients grâce à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), les chercheurs ont pu observer que ces troubles sont corrélés avec l’utilisation de différentes parties du cerveau.
L’alcool n’affecte que certains types de mémoire. “La consommation chronique touche essentiellement la mémoire épisodique et la mémoire de travail”, note Edith Sullivan, professeur au département de psychiatrie et de sciences du comportement à l’université de Stanford et référent de cette étude. La mémoire épisodique enregistre les événements de la vie personnelle associés à un contexte temporel et spatial particulier. Elle ne semble pas avoir de limites.
Mémoire épisodique
Anne-Lise Pitel donne ainsi un exemple de cette mémoire épisodique: “Quand je suis allée à Paris avec mon mari, j’ai mangé une excellent ratatouille au dîner dans un très joli restaurant. Je peux me souvenir du lieu, de la façon dont j’étais habillée et du fait que je me suis brûlée la langue lorsque j’ai goûté le plat”. Edith Sullivan indique que “de tels souvenirs sont propres à chaque individu. Lorsque l’alcool affecte cette mémoire périodique, il peut devenir difficile de se souvenir d’une liste de courses, d’un chemin pour se rendre à un nouveau restaurant, d’une association d’un visage et d’un nom dans un nouveau travail”.
La mémoire de travail, elle, fonctionne différemment. C’est une mémoire à court terme qui dispose d’une capacité limitée. Elle permet d’enregistrer temporairement et d’utiliser des informations qui sont rapidement oubliées à moins d’être enregistrées dans la mémoire à long terme. Les personnes alcooliques souffrent de déficits dans ce type de mémoire qui peut aller jusqu’à l’incapacité de mémoriser un numéro de téléphone pendant le temps nécessaire pour le composer.
Associations visage-nom
L’un des intérêts de cette nouvelle étude réside dans le fait qu’elle s’est concentrée sur des processus cognitifs de la vie quotidienne. Les chercheurs ont constitué deux groupes: le premier constitué de 10 personnes alcooliques (8 hommes et 2 femmes) et le second comprenant 10 personnes non alcooliques (5 hommes et 5 femmes). Il leur a été demandé de mémoriser soit des associations visage-nom, soit des visages et des noms indépendants.
Deux régions différentes du cerveau pour le même exercice
Les deux groupes ont rencontré plus de difficultés à mémoriser des associations que des visages et noms isolés. Mais les performances des alcooliques se sont révélées inférieures dans les deux catégories d’exercice. Et l’une des trouvailles les plus remarquables de ce travail réside dans l’observation du fonctionnement des cerveaux dans les deux groupes. Pour effectuer les mêmes exercices de mémorisation d’associations nom-visage, alcooliques et non alcooliques ont fait appel à des régions cérébrales différentes. Les alcooliques ont utilisé des régions du cervelet quand les non alcooliques se servaient de leur système limbique.
Plus étonnant encore: les alcooliques ne sont pas toujours pénalisés. Les chercheurs ont en effet proposé un autre exercice aux deux groupes. Il s’agissait, lors que la mémorisation du couple nom-visage, d’associer à cette information un jugement concernant l’apparence honnête ou malhonnête de la personne. Ainsi, les participants devaient passer d’une mémorisation superficielle à une mémorisation plus profonde. Le résultat montre que les performances des deux groupes, alcooliques et non alcooliques, sont alors similaires. Néanmoins, là encore, les alcooliques se sont révélés inférieurs lorsqu’on leur a demandé de reconnaître une association nom-visage donnée ou d’identifier quel visage avait été vu plus tôt dans l’exercice. Preuve qu’il existe bien une différence entre la mémorisation légère et profonde entre les deux groupes et que c’est la première qui est la plus affectée par l’alcoolisme.
Un handicap au travail et à la maison
Anne-Lise Pitel conclut que “les capacités de mémorisation limitées pour les alcooliques peuvent constituer un handicap dans la vie quotidienne. Au travail, ceux qui doivent réaliser des travaux à forte charge cognitive peuvent rencontrer des difficultés à apprendre de nouvelles tâches. A la maison, les problèmes de mémoire peuvent être interprétés comme un désintérêt pour la vie familiale et engendrer des conflits. Enfin, du point de vue clinique, la mémoire épisodique altérée des alcooliques peut nuire aux programmes de désintoxication. En effet, un traitement réussi doit passer par l’acquisition de nouvelles connaissances sur le sens, la prise de conscience et les conséquences de l’addiction et de la drogue. Il fait également appel à la capacité à revivre des épisodes précédents de prise de boisson afin d’être capable d’anticiper et de reconnaître des situations à risques”.
Double peine
Double peine, donc, pour les alcooliques. Ils perdent une partie de leur mémoire lorsqu’ils boivent et cette altération les handicape également lors de leur désintoxication. En buvant, on n’oublie donc pas seulement ses malheurs passés. On perd une partie de sa mémoire future. Essayons de ne pas l’oublier, tant qu’il est encore temps…
Michel Alberganti
lire le billetLa chimie de l’amour a tendance à remplacer son alchimie. Après plusieurs ouvrages dévoilant les différents phénomènes à l’oeuvre derrière ce que nous appelons encore des sentiments, voici que des chercheurs vont encore plus loin. Demain, il sera peut-être possible de contrôler l’incontrôlable par excellence: l’attachement à l’autre, au couple. Dès aujourd’hui, une hormone apparaît comme une candidate sérieuse à ce rôle de thermomètre de l’amour : l’ocytocine.
Durée de vie supérieure
Inna Schneiderman, du département de psychologie et du centre Gonda Brain Sciences de l’université Bar-Ilan à Ramat-Gan en Israël, semb le s’être spécialisée dans l’exploration des relations intimes entre cette hormone, bien connue pour son rôle dans l’accouchement, et différentes formes d’attachement affectif, parental ou amoureux. C’est sur cette dernière relation que porte une récente publication dans différents journaux scientifiques. Avec un résultat étonnant. Plus l’ocytocine est présente dans le cerveaux des individus, plus leur relation amoureuse semble forte et durable.
Pour son expérience, Inna Schneiderman a fait appel à 163 jeunes adultes : 120 faisant partie de 60 couples unis depuis 3 mois dans une relation romantique et 43 célibataires sans relation. Ensuite, 25 des 36 couples ayant survécu 6 mois plus tard ont été réexaminés. Les interactions des personnes en couple ont été observées par les chercheurs qui ont également interviewé leurs membres au sujet de leurs pensées concernant leurs relations et leurs comportements.
Caresses affectueuses
Les chercheurs ont ainsi découvert que le taux d’ocytocine des personnes en couple était significativement supérieur à celui des célibataires sans relation. “Cela suggère une activité plus forte du système de production de l’ocytocine pendant les premières phases d’un attachement romantique”, notent les chercheurs. Plus remarquable encore: “Ce taux d’ocytocine n’a pas baissé chez les couples qui sont restés formés après 6 mais et ont montré une haute stabilité des individus”. D’après cette étude, la quantité d’ocytocine est corrélée avec le degré d’interaction des personnes en couple entre elles ce qui comprend : l’importance sociale, les émotions positives, les caresses affectueuses ainsi que les états de synchronisation à deux et les anxiétés et autres inquiétudes concernant le partenaire et le couple.
Un capital de départ
Plus fort encore : selon les chercheurs, il existe une corrélation entre le taux d’ocytocine lors du début de la relation (trois mois après la formation du couple) et les chances de survie à moyen terme du couple ! Inna Schneiderman a noté une telle différence dans les deux séries de mesures. Cela signifie que ce sont les couples disposant, au départ, du plus fort taux d’ocytocine qui se sont retrouvés encore formés 6 mois plus tard ! “Ces résultats suggèrent que l’ocytocine pourrait jouer un rôle important dans les premiers stades d’un attachement romantique et que cela pourrait servir de support à des modèles d’évolution basé sur le fait que les attachements romantiques et parentaux partagent des mécanismes de bio-comportement”.
En effet, Inna Schneiderman a précédemment publié des études sur l’impact favorable de l’ocytocine sur les relations parents-enfants et sur l’engagement social. Et c’est encore l’ocytocine qui expliquerait les changements psychologiques et émotionnels qui se manifestent lorsque nous “tombons amoureux”. L’amour aurait réduirait le stress et augmenterait la sensation de bien-être et la santé. Cette étude a montré uns sensibilité inférieure à la vision de films émotionnellement négatifs chez les personnes amoureuses.
L’hormone de l’amour ?
Alors l’ocytocine est-elle l’hormone de l’amour ? Les études d’Inna Schneiderman semblent pencher dans ce sens. Comme souvent en science, le mystère n’est repoussé que d’un cran. Il reste en effet à comprendre pourquoi le cerveau se met ainsi à produire plus d’ocytocine. Néanmoins, le lien chimique entre le sentiment amoureux et cette hormone peut faire germer quelques tentations. Si la corrélation entre le taux d’ocytocine et la durée de vie d’un couple était avérée, il deviendrait possible de prédire le potentiel d’une relation peu après ses débuts… De là, ensuite, à tenter de revitaliser un couple à l’aide d’un shoot d’ocytocine périodique, il n’y a qu’un pas que certains pourraient bien avoir envie de franchir.
Et puis il y a, derrière ces travaux, une autre piste pleine de promesses : la santé par l’état amoureux. L’ocytocine vitamine… Reste à savoir si cette hormone peut avoir les effets positifs de l’état amoureux sans besoin d’un partenaire. Une telle découverte aurait sans doute de graves conséquences… Pour l’instant, le meilleur moyen de bénéficier d’une bonne injection d’ocytocine reste sans doute de tomber amoureux, non d’une seringue, mais d’une vraie personne. A l’ancienne !
Michel Alberganti
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