Cruiser: Syngenta contre-attaque

Le logo de Syngenta inscrit dans un champ

Sans surprise, la firme Syngenta a vivement réagi aux résultats des expériences menées par une équipe de chercheurs français publiés dans la revue Science du 29 mars 2012 et donc nous avons rendu compte ici. La société suisse conteste essentiellement les doses utilisées lors de ces travaux. Dans un communiqué daté du 29 mars 2012, elle déclare au sujet de l’étude française :

L’étude affirme que la solution de sirop administrée aux abeilles contient une dose très faible d’insecticide, présentée comme « comparable à celle que les abeilles peuvent rencontrer dans leur activité quotidienne ». Syngenta conteste fortement cette affirmation : la concentration en thiaméthoxam du sirop administré aux abeilles est au moins trente fois plus élevée que celle du nectar de colza protégé avec du Cruiser OSR. (cf avis ANSES du 15 octobre 2010). Pour atteindre la quantité de thiaméthoxam retenue dans l’étude, l’abeille devrait consommer quotidiennement jusqu’à sept fois son propre poids en nectar.

Syngenta s’appuie sur l’avis publié par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) en 2010. L’Agence a réagi dès le 30 mars 2012 avec un communiqué indiquant qu’elle “examine les résultats de l’étude publiée dans Science”. Le gouvernement le lui a d’ailleurs explicitement demandé avant de prendre une décision au sujet de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du Cruiser. La décision à venir fera suite à une série d’autorisations souvent invalidées par le Conseil d’Etat au cours des dernières années. De son coté, l’Union nationale de l’ apiculture française (UNAF) s’est exprimée par un communiqué daté du 30 mars 2012 dans lequel son président, Olivier Belval, déclare :

« Cette étude pose la question de la pertinence du processus d’homologation des pesticides, de la validité des tests abeille, de la compétence et de l’indépendance des groupes d’experts. L’UNAF demande instamment un rendez-vous avec le Ministre de l’Agriculture pour exiger le retrait immédiat de l’AMM du Cruiser OSR et de l’ensemble des pesticides néonïcotinoides tueurs d’abeilles ! Le temps n’est plus aux études mais à l’action  politique courageuse ! »

Michel Alberganti

 

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L’insecticide Cruiser fait perdre le nord aux abeilles

Abeille butinant une fleur de colza

L’affaire défraie la chronique depuis longtemps : comment expliquer les hécatombes subies par les ruches en France et dans de nombreux pays ? Bien entendu, les pesticides utilisés par l’agriculture se sont très vite trouvés dans le collimateur des apiculteurs et des écologistes. Pourtant, les doses retrouvées dans les abeilles se révélaient sublétales, c’est à dire inférieures à celles qui provoquent la mort de l’insecte. Et pourtant, la population des ruches diminuait. Que se passait-il ? Les soupçons se sont portés sur les effets neurologiques des insecticides lorsque les apiculteurs ont remarqué que certaines abeilles ne mourraient pas à l’intérieur de la ruche mais à l’extérieur. Comme si elles n’avaient pas pu revenir au bercail. On connaît pourtant l’extraordinaire sens de l’orientation de ces insectes. Que se passait-il ? Pour le savoir, il fallait suivre les abeilles ayant ingéré une dose sublétale de pesticide et observer leur comportement. Pas facile…

Puces RFID

Abeille équipée d'une puce RFID

C’est pourtant exactement ce qu’a réussi à faire une équipe française composée de chercheurs de l’INRA et du CNRS et d’ingénieurs des filières agricoles et apicoles (ACTA, ITSAP-Institut de l’abeille, ADAPI) menée par Mickaël Henry (Inra) et Axel Decourtye (Acta). Les résultats de leur expérience sont publiés dans le revue Science du 29 mars 2012. Cette équipe a équipé le thorax de 650 abeilles avec des puces RFID de quelques millimètres. Il s’agit de la technologie utilisée dans les passes Navigo sans contact donnant accès au métro parisien. En passant à proximité de chaque puce, il est possible de recueillir par radio un signal à l’aide d ‘un lecteur. Ce qui permet de détecter les entrées et les sorties de la ruche de chaque abeille équipée. Une partie des insectes “pucés” reçoit une très faible dose, largement inférieure au seuil létal, d’un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, un insecticide de la famille des « néonicotinoïdes », le thiaméthoxam, la molécule utilisée, entre autres, par le Cruiser, insecticide commercialisé par le groupe suisse Syngenta. La dose utilisée est, selon les chercheurs, comparable à celle qu’une abeille peut ingérer au cours de son activité de butinage du nectar des fleurs d’une culture traitée au Cruiser, comme le colza. Un autre groupe, témoin, ne reçoit pas de dose de thiaméthoxam.

Mortalité multipliée par 2 ou 3

Les 650 abeilles sont ensuite relâchées à environ 1 km de leur ruche, une distance qu’elles atteignent couramment au cours de leur butinage. Les chercheurs attendent ensuite leur retour. Ils peuvent ainsi comparer la proportion des abeilles ayant reçu une dose d’insecticide qui ont retrouvé la ruche avec la même proportion chez celles qui n’en avaient pas reçu. Résultat: le Cruiser est bien responsable du non-retour d’un nombre important d’abeilles. D’après les calculs des chercheurs, l’insecticide induit une mortalité de 25% à 50% contre 15% pour les abeilles non intoxiquées. La très faible dose de thiaméthoxam multiplie donc par deux ou trois le taux de décès normal des abeilles.

Toute la colonie d’abeilles mise en péril

Au cours d’une période de floraison, une simulation mathématique réalisée à partir des résultats de cette expérience montre que, si une majorité d’abeilles est intoxiquée par le Cruiser, la colonie entière peut chuter de 50% à 75%. Une telle hécatombe met la ruche entière en péril en la privant des réserves alimentaires nécessaires et en réduisant la production de miel. L’action du Cruiser semble donc enfin comprise. Elle ne tue pas les abeilles mais elles les désoriente au point de les rendre incapables de retrouver le chemin de la ruche. Ainsi égarées, elles ne peuvent survivre. La colonie toute entière se trouve désorganisée et les chercheurs pensent qu’elle se retrouve ainsi plus vulnérable aux agressions des virus et autres pathogènes (varroa, Nosema).

Interdiction en France envisagée

Face à un résultat aussi probant, le ministère de l’Agriculture a réagi dès le 29 mars au soir en indiquant qu’il envisageait l’interdiction de l’usage du pesticide Cruiser de Syngenta. Il a déclaré attendre l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sur cette étude d’ici fin mai, “avant la nouvelle campagne de semences en juillet”, selon un responsable interrogé par l’AFP. En cas de confirmation des résultats de l’équipe française, l’autorisation de mise sur le marché du Cruiser OSR, utilisé sur le colza, serait retirée. La France rejoindrait alors l’Allemagne et l’Italie qui ont déjà interdit le thiamethoxam.

Michel Alberganti

A (ré)écouter sur France Culture, l’émission Science Publique que j’ai animée sur ce sujet en novembre 2011:

Un monde sans abeilles ?

04.11.2011 – Science publique
Un monde sans abeilles?
Tandis que les apiculteurs accusent les insecticides de l’agriculture, comme le Cruiser de Syngenta Agro, les scientifiques du CNRS et de l’INRA sont sur la piste d’un cocktail mortel constitué par l’association fatale d’un champignon parasite des abeilles et d’infimes doses d’insecticides…


 

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Les villes tentaculaires…

Plan d'urbanisme de Shanghai en 2006

Émile Verhaeren s’en émouvait déjà en 1895. Boris Vian s’en moquait 50 ans plus tard. Que diront les poètes du 21ème siècle de ces villes qui ne cessent de devenir plus tentaculaires ? Il y a un siècle, on comptait 20 cités de plus d’un million d’habitants dans le monde. Elles sont aujourd’hui 450…

1 million d’habitants de plus par semaine

Lors de  la conférence “Une planète sous pression” qui se tient à Londres du 26 au 29 mars 2012 et rassemble quelque 3000 participants, les experts en urbanisme estiment que, au rythme actuel, les villes occuperont 1,5 million de km2 de plus qu’aujourd’hui… dans 20 ans seulement. Ainsi, vers 2030, les zones urbaines se seront agrandies d’une surface égale à celle que couvrent la France, l’Allemagne et l’Espagne réunies. D’après les Nations Unies, la population du globe devrait passer des 7 milliards qu’elle vient de franchir à 9 milliards en 2050. Ce qui signifie une progression de 1 million d’habitants par semaine au cours de 38 prochaines années… Et la majeure partie de cette croissance se focalisera sur les centres urbains. Par ailleurs, la migration des campagnes vers les villes se poursuivra et concernera 1 milliard d’individus. La population urbaine pourrait ainsi passer de 3,5 milliards aujourd’hui à 6,3 milliards en 2050, soit 70% des habitants de la planète contre 58% actuellement.

La ville de Los Angeles vue par satellite

Une telle perspective offre des opportunités considérables aux urbanistes. Surtout s’il s’agit de maîtriser cette explosion en lui conférant un caractère “durable”. C’est l’objectif de Shobhakar Dhakal, directeur du Global Carbon Project implanté à Tokyo. “La ré-ingénierie des villes est un besoin urgent pour garantir la durabilité de la planète. Les nouvelles citées ont l’avantage des derniers arrivants en termes de connaissances, de prise en compte de l’écologie et de technologies pour prendre en charge des questions fondamentales comme celles des ordures et du transport”, a-t-il déclaré.

Les villes émettent 70% du CO2

Un meilleur urbanisme doit également viser une réduction des gaz à effet de serre émis par les villes, responsables de 70% des rejets de CO2 dans l’atmosphère. Les zones urbaines ont ainsi produit 15 milliards de tonnes de CO2 en 1990 et 25 en 2010. Elles pourraient en émettre 36,5 milliards de tonnes en 2030. Ce qui n’aidera pas à limiter le réchauffement climatique d’ici la fin du siècle. Loin de prôner la décroissance ou le recours massif au cyclisme, les experts misent sur la technologie moderne pour améliorer l’efficacité énergétique des mégapoles. Ils estiment que les embouteillages coûtent de 1 à 3% du produit intérieur brut.

La high-tech à la rescousse

Au delà de la consommation de pétrole et de la pollution engendrée par les bouchons, le temps perdu est évalué à 4,2 milliards d’heures pour les seuls Etats-Unis en 2005. Les embouteillages coûteraient ainsi pas moins de 4 milliards de dollars par an à la ville de New York. D’où l’extrême rentabilité de tous les systèmes de guidage faisant appel à l’intelligence artificielle, l’Internet des objets (badges RFID), les voitures interconnectés, les systèmes de conduite automatiques… La haute technologie doit également améliorer la santé en ville, la qualité de la vie urbaine, la lutte contre le crime… La ville tentaculaire va donc devoir devenir ultra-sophistiquée pour éviter de ressembler à un enfer d’ici quelques décennies.

Michel Alberganti

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Un scientifique russe prédit un refroidissement du climat

Les climatosceptiques ne désarment pas. Tandis qu’ils féraillent toujours aux Etats-Unis, voici qu’un renfort leur parvient… de Russie. Nikolaï Dobretsov, président du Conseil unifié des sciences sur la Terre (section sibérienne de l’Académie des sciences de Russie) a ainsi déclaré le 26 mars 2012 que la prévision d’un réchauffement climatique ininterrompu ne se justifie pas. A l’appui de sa thèse, il avance l’évolution de la calotte polaire de l’Arctique. Nikolaï Dobretsov estime que, pendant le 21ème siècle, les glaces du pôle Nord subiront des phases successives de décroissance et de croissance sous l’effet de périodes de réchauffement et de refroidissement. « Vers la fin de ce siècle, un refroidissement climatique aura lieu et non pas un réchauffement, telle est la prévision actualisée », a-t-il affirmé. Pour affiner cette prévision, il estime nécessaire de développer le réseau des stations météorologiques en Arctique telle que celle qui doit être implantée en août 2012 sur l’île de Samoïlovski dans l’embouchure de la Léna.

Nikolaï Dobretsov, par ailleurs président honoraire de l’Académie des sciences en Asie et bardé de distinctions et de postes prestigieux, est géologue. Et cela nous rappelle la spécialité des deux plus médiatiques climatosceptiques français; Claude Allegre et Vincent Courtillot. Eux plaident pour des fluctuations climatiques liées à celles de l’activité du soleil.

Sa déclaration concernant la calotte polaire arctique est d’autant plus surprenante qu’il s’agit de la zone où le réchauffement progresse à une vitesse très supérieure aux prévisions des climatologues du GIEC.

Dans un contexte d’affrontement de lobbies, il est difficile de ne pas remarquer que la Russie fait partie des pays qui ont d’importants intérêts économiques liés au réchauffement climatique: l’ouverture du passage du Nord qui pourrait concurrencer le canal de Suez mais également sa production de pétrole et de gaz, parmi les deux premières du monde, et dont l’utilisation contribue à accroître les émissions de gaz à effet de serre contribuant au réchauffement planétaire.

Si un tel soupçon était fondé, cela signifierait la Russie met la réputation de certains de ses scientifiques au service de causes politiques et économiques, ce qui ne grandirait pas le régime de Vladimir Poutine. Si Nikolaï Dobretsov est sincère et s’il étaye son analyse, son avis pourrait relancer le débat sur le réchauffement climatique un temps éclipsé par la crise économique.

Michel Alberganti

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Le Hollandais volant avoue son canular

Comme l’a bien détecté notre lecteur patricedusud dans son commentaire, la vidéo montrant un homme s’appelant Jarno Smeets et dont j’ai rendu compte dans un billet le 22 mars est bien un canular. Son auteur se nomme en réalité Floris Kaayk et il a avoué à la télévision hollandaise (vidéo ci-dessus) avoir conçu cette fausse vidéo. Pas moins de 14 clips ont raconté les différents préparatifs, la conception et la fabrication de ces ailes battantes qu’il était censé actionner avec les bras grâce à l’assistance de moteurs électriques. Tout est faux. L’auteur du canular n’est autre qu’un réalisateur de vidéo, comme le précise le site Wired qui avait pourtant présenté la vidéo sans émettre, dans un premier temps, le moindre doute sur son authenticité…

Plus de 4,7 millions de vues sur Youtube

Floris Kaayk a ainsi atteint l’un de ses objectifs qui était de tromper les blogueurs et autres sites Internet. La vidéo truquée a été vue plus de 4,7 millions de fois (23 mars à 18h00). L’autre objectif était, bien entendu, de se faire connaître. Floris Kaayk n’en est d’ailleurs pas à son premier canular de ce type. Il en a réalisé un premier documentaire truqué en 2006 au sujet d’une fausse maladie, la Metalosis Maligna, censée provoquer une croissance des implants médicaux à l’intérieur du corps humain… Mais cette vidéo n’a été vue moins de 69 000 fois. L’homme volant remporte donc un succès bien supérieur. Floris Kaayk a d’ailleurs choisi délibérément ce sujet parce que “tout le monde rêve de voler”. Sur son site, un communiqué révèle le canular des “ailes d’oiseaux”.

Ce que l’auteur nomme un “projet”  a été soigneusement monté sur une durée de 8 mois par une équipe professionnelle. Le personnage de Jarno a été élaboré de toute pièce et étayé par un site baptisé Human Birdwings. La vidéo a été réalisée par Revolver Media et avec le soutien de la chaîne publique de télévision hollandaise NTR. A cours du mois d’avril, Floris Kaayk promet de mettre en ligne un making of de ce projet.

Bravo donc pour le succès de ce projet et bravo à nos lecteurs qui, dans la très grande majorité de leurs commentaires, ont détecté le canular !

Michel Alberganti

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Le Hollandais volant: Vrai ou faux homme-oiseau?

A la première vision de cette vidéo, je l’avoue, j’ai marché… Le 19 mars 2012, Jarno Smeets, un ingénieur hollandais de 31 ans, l’a publiée sur Youtube. Elle a déjà été visionnée plus d’un million de fois. Voir un homme voler en battant des ailes ne peut qu’impressionner, tant l’exploit renvoie à l’un des plus grands rêves de l’homme. Depuis le mythe d’Icare, nous semblons condamnés à rester cloués au sol par la gravité. L’aviation n’y a rien fait. C’est l’avion qui vole, pas nous. Lorsque Jarno Smeets décolle en battant l’air avec ses ailes de géant, tel un albatros, on ne peut réprimer un pincement au coeur. Et si, finalement, c’était possible ! Si les nouveaux textiles ultra légers et résistants et les structures en fibre de carbone nous apportaient enfin la solution: des ailes assez grandes et légères pour qu’un homme ait la force de les faire battre pour s’envoler comme un oiseau…

Les experts de l’image numérique doutent

Mais à force de regarder cette vidéo pour y détecter d’éventuelles traces d’un faux et de survoler la Toile pour y consulter les réactions, il faut bien se rendre à l’évidence : il s’agit très probablement d’un canular monté avec un luxe de moyens et de soins. Pourtant, le très sérieux Wired présente la performance sans la moindre réserve et nous sommes encore assez loin du 1er avril. Mais sur Gizmodo, le ton est bien différent. Sous le titre “Haut mensonge”, l’article de Sam Biddle rend compte des réactions des spécialistes des effets spéciaux de Industrial Light and Magic, l’entreprise de Georges Lucas qui s’est illustrée avec Star Wars. Dans leur majorité, les experts de l’imagerie informatique penchent pour le canular, même s’ils reconnaissent que les trucages ne sont guère visibles. Pour eux, c’est la mauvaise qualité de la vidéo qui permet de masquer les défauts d’une animation informatique imparfaite puisque réalisée par un amateur. Ils décèlent néanmoins certains caractéristiques qui plaident en faveur d’images créées par ordinateur.

Plusieurs raisons de s’interroger

Certains hésitent pourtant à croire qu’un tel luxe d’efforts a été mis au service d’un faux. En effet, avant la vidéo publiée le 19 mars, Jarno Smeets en a réalisé pas moins de 13 autres pour montrer les différentes étapes de son travail. Cela n’empêche pas la balance de pencher du coté du canular. En regardant avec attention la dernière vidéo, celle de l’exploit, plusieurs caractéristiques se révèlent très suspectes.

  1. Pourquoi ne pas avoir fait appel à un cameraman digne de ce nom pour tourner ces images historiques ? Au contraire, il s’agit là d’une réalisation d’une qualité si médiocre qu’elle jette le doute. On pense au projet Blair Witch, mais, dans ce cas, rien ne justifie des plans qui filment le sol, par exemple, et qui auraient pu être coupés au montage. A moins qu’ils se servent à rompre la continuité des plans pour faciliter le trucage.
  2. La suspicion grandit encore avec les plans réalisés par la GoPro, cette fameuse mini-caméra qui fleurit partout aujourd’hui et qui est, là, installée sur le casque de Jarno Smeets. Premier soupçon: l’orientation de la caméra (0’16”) plutôt vers le haut, impose que le pilote regarde vraiment vers le sol et non devant lui pour justifier les plans insérés dans la vidéo pendant le vol. Second soupçon: on voit Jarno Smeets battre des bras comme un forcené lorsqu’il vole alors que les plans de la GoPro sont remarquablement stables. Et ce type de caméra ne dispose pas de systèmes intégrés de stabilisation. Ces derniers seraient d’ailleurs incapables de compenser des vibrations induites par les mouvements brusques du corps de l’homme volant. Paradoxalement, ce sont les plans pris depuis la terre qui sont plutôt moins stables que ceux de la Gopro…

    Avant le décollage (0'28'')

  3. On peut remarquer une aberration dans la succession des plans. Si l’on observe la position du personnage en blouson noir et sac à dos, à droite, avant le décollage (0’28”), on peut s’étonner de le retrouver après l’atterrissage (1’04”) à peu près à la même distance de Jarno Smeets… A-t-il couru pendant tout le vol ?
  4. Comment expliquer que sur cette même image (1’04”), l’incrustation de la GoPro montre le sol après l’atterrissage de Jarno Smeets… Debout, regarde-t-il encore par terre?

    Après l'atterrissage (1'04'')

  5. La durée du vol, estimée à une minute dans le communiqué de presse de Jarno Smeets, ne dure que de 0’32” à 1’05” sur la vidéo, soit 33 secondes alors que je tournage donne l’impression d’avoir été réalisé en temps réel… Par ailleurs, le parcours de de 100 mètres en une minute donne une vitesse de 6 Km/h, ce qui est la vitesse de la marche à pied… Le vol ne permet donc guère de gagner du temps. Si l’on prend le temps de vol sur la vidéo, on atteint les 12 km/h, ce qui n’est même pas la vitesse de la course à pied (13 à 19 km/h).

Tout cela ressemble donc bien à un canular. Les recherches du français Yves Rousseau (ci-dessous), datant de 2006, semblent plus réalistes même si elles sont loin du rêve de l’homme oiseau. Ce dernier est d’ailleurs considéré comme largement improbable si l’on se réfère de nouveau à Wired en raison des simples lois de la physique. Enfin, pour le plaisir, on peut toujours jeter un regard attendri sur les fous volants du début du 20ème siècle. Eux ne trichaient pas…
Néanmoins, je suis curieux de connaître votre sentiment sur la vidéo de Jarno Smeets.
N’hésitez pas à nous en faire part !

Michel Alberganti

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L’orgasme féminin sans sexe

L'exercice de la "chaise du capitaine"

Grimper à la corde ou à un mât, faire du vélo ou soulever des haltères… Tous ces exercices physiques peuvent provoquer un plaisir physique et même un orgasme chez certaines femmes. Telle est la conclusion de l’étude publiée le 19 mars 2012 dans la revue Sexual and Relationship Therapy par des chercheurs de l’université d’Indiana. “Les exercices les plus souvent associés aux orgasmes induits par une activité physique sont ceux qui mettent en jeu les muscles abdominaux, note Debby Herbenick, co-directrice du Centre pour la promotion de la santé sexuelle à l’université d’Indiana. Ces informations suggèrent que l’orgasme n’est pas nécessairement provoqué par un contexte sexuel et elles peuvent nous en apprendre plus sur les processus physiques à l’oeuvre chez les femmes qui ressentent des orgasmes”.

L’étude a porté sur 124 femmes qui ont déclaré avoir fait l’expérience d’un orgasme induit par l’exercice (OIE) et 246 femmes qui ont ressenti un plaisir sexuel induit par un exercice physique (PSIE). Ces femmes étaient âgées de 18 à 63 ans, la plupart étant mariées ou ayant une relation et 69% déclarant être hétérosexuelles.

Les résultats sont les suivants:

– 40% de ces femmes qui ont fait l’expérience d’un OIE et d’un PSIE l’ont ressentie plus de 10 fois.
– La plupart des femmes ayant ressenti des OIE ont déclaré conserver un certain degré de conscience du phénomène lorsqu’elles réalisaient des exercices physiques en public tandis que, pour 20% d’entre elles, cette expérience a échappé à leur contrôle.
– La plupart des femmes ayant ressenti des OIE ont déclaré qu’elles n’avaient alors aucun fantasme sexuel et qu’elles ne pensaient pas à une personne à laquelle elles étaient attachées lorsqu’ils se sont produits.
– 51,4% des femmes ayant expérimenté des OIE ont dit que ces orgasmes étaient liés à des exercices abdominaux. Les autres les ont ressentis en relation avec des exercices d’altères (26,5%), de yoga (20%), de vélo (15,8%), de course à pied (13,2%) et de marche ou randonnée (9,6%).
– En réponse à une question ouverte, les exercices abdominaux ont souvent été associés à celui de la “chaise du capitaine” qui consiste à soulever plusieurs fois les genoux jusqu’à 90 degrés par rapport au corps.

Debby Herbenick précise que les mécanismes physiques qui déclenchent ces phénomènes d’orgasmes hors de toute activité sexuelle restent mal connus. De même, les chercheurs ignorent si de telles expériences ont un impact positif sur la vie sexuelle des femmes qui les ont expérimentées. L’étude ne permet pas non plus d’établir une statistique sur le taux de femmes qui ressentent de tels orgasmes mais les auteurs précisent qu’il ne leur a fallu que 5 semaines pour recruter les 370 femmes qui ont participé à cette analyse. Ce qui suggère que le phénomène n’est pas rare.

D’où mon appel à nos lectrices: Avez-vous expérimenté de tels orgasmes ? Dans quelles circonstances ? Avec quelle fréquence ?

Nous attendons vos témoignages pour prolonger cette étude.

Un exemple au cinéma avec un extrait du film “Girls & Sex” de Dennis Gansel
(Titre original: Mädchen, Mädchen! ), 2001.

Michel Alberganti

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Speedy Neutrino – Episode 4

 

Précédemment, dans Speddy Neutrino:

Episode 1 – 23 septembre 2011
Le CERN annonce que les 15000 neutrinos de l’expérience OPERA ont franchi les 730 km qui séparent le laboratoire de Genève et celui du Gran Sasso, en Italie, ont parcouru cette distance avec 60 nanosecondes d’avance sur le temps qu’aurait mis la lumière pour effectuer la même distance. Ce résultat contredit la théorie de la relativité fondée sur le fait que la vitesse de la lumière ne peut être dépassée. La statue d’Albert Einstein vacille. Les physiciens du monde entier en ont le souffle coupé. Des centaines d’entre eux se mettent au travail pour tenter de comprendre le phénomène ou de trouver une erreur possible dans l’expérience.

Episode 2 – 18 novembre 2011
Le CERN refait l’expérience en réduisant le délai entre les pulsations de neutrinos. Le résultat est identique. Les neutrinos dépassent toujours la vitesse de la lumière.

Episode 3 – 23 février 2012
Le CERN identifie deux possibilités d’erreurs de manipulation dans l’expérience OPERA. La première concerne un oscillateur utilisé pour la synchronisation des GPS qui aurait pu conduire à surestimer le temps de vol des neutrinos. En d’autres termes, les neutrinos auraient été moins rapides. La seconde cause d’erreur pourrait être engendrée par une connexion de fibre optique dans la liaison entre le signal GPS externe et l’horloge principale d’OPERA qui aurait pu ne pas fonctionner correctement pendant la mesure. Là encore, cette erreur aurait pu conduire à une mesure du temps de vol des neutrinos plus courte que dans la réalité. Le CERN annonce que les impacts potentiels de ces deux sources d’erreurs sont analysés par les chercheurs d’OPERA. Les physiciens respirent… Le CERN annonce une nouvelle expérience pour le mois de mai 2012.

Nouvel Episode – 16 mars 2012

Le CERN annonce avoir refait le calcul du temps de vol des neutrinos émis en septembre 2011 à l’aide d’une autre expérience, ICARUS, installée dans le laboratoire du Gran Sasso. Résultat: ils ne dépassent pas la vitesse de la lumière. “Cela va à l’encontre des mesures initiales rapportées par l’expérience OPERA en septembre”, commente le CERN dans un communiqué.  L’organisme que certains commentateurs, dont quelques physiciens sur ce blog, avaient osé critiqué, en profite pour expliquer comment marche la science par la voix de Sergio Bertolucci, directeur de la recherche au CERN :

La preuve d’une erreur de mesure commence à apparaître au sujet de l’expérience OPERA. Mais il est important d’être rigoureux et les expériences de Gran Sasso, BOREXINO, ICARUS, LVD and OPERA, effectueront de nouvelles mesures avec des faisceaux pulsés depuis le CERN en mai afin de fournir un verdict final. De plus, des vérifications croisées sont en cours à Gran Sasso pour comparer les temps de parcours des particules cosmiques entre deux expériences, LVD et OPERA. Quel que soit le résultat, l’expérience OPERA s’est comportée avec une parfaite intégrité scientifique en ouvrant ses résultats à un large examen et en sollicitant des mesures indépendantes. C’est ainsi que la science fonctionne.

En somme, à ce stade, le CERN ne trouve que des raisons de se féliciter. Suite au prochain épisode pour, peut-être, l’épilogue de cette formidable leçon de physique et de probité scientifique.

Michel Alberganti

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3,7 millions d’Américains risquent l’inondation d’ici 2100

Elévation moyenne du niveau des marées hautes en 2100

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’une des conséquences du réchauffement climatique sera une montée du niveau des mers en raison de la fonte des glaces aux pôles et de la dilatation de l’eau en fonction de la température. On a souvent parlé des zones les plus menacées par ce phénomène, qu’ils s’agissent des îles du pacifiques, d’estuaires de grands fleuves ou de pays comme la Hollande. Mais les auteurs d’une étude publiée le 14 mars dans les Environmental Research Letters se sont penchés sur le cas des Etats-Unis, pays qui compte parmi les plus réticents face aux mesures de limitation des émissions de CO2 dans l’atmosphère. Les chercheurs de l’université d’Arizona ont découvert que pas moins de 3,7 millions d’Américains sont menacés par des inondations à marée haute dans le cas où le niveau de la mer monterait d’un mètre d’ici 2100. Près de 32 000 km2 de terre, soit environ la taille d’un Etat tel que le Maryland, se situent à moins d’un mètre au dessus du niveau le plus haut atteint par les marées actuelles. Ces 3,7 millions d’Américains concernés par les inondations en 2100 représentent 1,2% de la population du pays. Et 89% d’entre eux se trouvent dans 5 Etats: Floride, Louisiane, Californie, New York et New Jersey. Dans 544 municipalités situées dans 32 contés, plus de 10% de la population vit à moins d’un mètre au dessus du  niveau atteint par les grandes marées. Certes, ces populations ne se retrouveront sous l’eau en permanence mais elles risqueront un inondation lors de chaque grande marée d’ici 2100. Une autre carte montre la répartition géographique des populations concernées aux Etats-Unis :

Populations vivant à moins d'un mètre au dessus du niveau maximal atteint aujourd'hui par les marées hautes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Michel Alberganti

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La biologie synthétique inquiète

La double hélice de l'ADN

“Une forme extrême d’ingénierie génétique”. C’est ainsi qu’ont qualifié la biologie synthétique les 111 organisations (environnementalistes, lanceurs d’alerte…) qui ont appelé à un moratoire sur certaines recherches dans ce domaine, mardi 13 mars 2012. Le Woodrow Wilson International Center for Scholars lance ainsi une consultation publique sur les impacts sociétaux de la biologie synthétique. Les questions posées concernent également le droit et l’éthique.  Cette prise de position se manifeste aussi par des recommandations regroupées au sein du Synthetic Biology Project. Dans l’ensemble, il s’agit de demander la création d’une véritable “gouvernance” de la biologie synthétique afin de contrôler le développement des nouvelles technologies permettant de fabriquer ou de reconstruire des organismes vivants destinés à la recherche et aux applications commerciales dans toute une série de domaines allant de la médecine à la production de biocarburants.

Demande d’interdiction pour le génome humain

En fait, le groupe qui rassemble des organisations telles que ETC Group and Friends of the Earth, a pour objectif l’interdiction de la manipulation du génome humain ou de celui de microbes. Il demande également la publication de la nature des organismes synthétiques créés et des procédures de contrôle appliquées pour protéger le personnel et l’environnement. En attendant que de telles mesures soient prises, le groupe réclame un moratoire sur la réalisation et l’utilisation commerciale des organismes provenant de la biologie synthétique.

Une commission américaine minimise les risques

Craig Venter

Cette position s’oppose aux conclusions d’une commission de bioéthique constituée par Barack Obama en mai 2010, après la publication par Craig Venter au sujet de l’introduction d’un génome synthétique dans une cellule capable de se reproduire, et qui a rendu ses conclusions en décembre 2010. Les 13 membres de la commission avaient alors conclu que la biologie synthétique ne posait pas encore de problèmes en matière d’environnement et de santé publique. Amy Gutmann, président de l’université de Pennsylvanie et co-président de cette commission avait alors déclaré: “Les bénéfices à venir de cette technologie et l’engagement de notre pays en faveur de la liberté intellectuelle suggèrent de ne pas déclarer de moratoire. Aucune nouvelle agence ou nouvelle loi ne sont nécessaires”. La commission avait alors publié 18 recommandations visant le dialogue et la surveillance. A l’époque, certains experts comme George Church, de l’université d’Harvard, avaient exprimé leur inquiétude en particulier envers les amateurs qui pratiquent la biologie synthétique dans leur garage en estimant qu’ils devaient être contrôlés. La commission avait répliqué que ces amateurs étaient loin d’être en mesure de créer des organismes capables de se reproduire.

Brent Erickson, de l’organisation des industries biotechnologiques, a qualifié d’absurde cette demande de moratoire. “Avec son ton et son manque d’objectivité, je ne pense pas qu’elle soit vraiment utile pour les hommes politiques et le public”, a-t-il déclaré. Pour lui, la biologie synthétique  n’est que le nouveau nom et une simple évolution des biotechnologies qui se pratiquent depuis des décennies. S’il admet que la réglementation actuelle peut avoir besoin d’une mise à jour, “ce n’est pas comme si nous n’avions pas d’expérience vis à vis de tels organismes”, a-t-il souligné. “Il y a beaucoup de précautions prises”.

Mission d’évaluation tous les trois ans

En France, le gouvernement a créé le site Biologie de Synthèse en 2011 pendant les travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) qui a rendu, le 15 février 2012, le rapport élaboré par la députée socialiste Geneviève Fioraso sur la biologioe synthétique. Cette dernière plaide pour une développement volontariste de la France dans ce domaine, avec le soutien de la recherche publique. Elle recommande de “procéder, tous les trois ans, dans le cadre d’une mission d’évaluation de l’OPECST, à l’examen de ces mécanismes d’analyse et de maîtrise des risques, en vue éventuellement de recommander des adaptations de la réglementation. Cette mission d’évaluation récurrente de l’OPECST devraitêtre inscrite dans la loi pour garantir sa régularité”. Pas question, pour l’instant, d’élaborer une législation particulière. Pas d’appel, non plus, à un quelconque moratoire. En revanche, la députée estime nécessaire “d’organiser des débats publics en concertation avec l’ensemble des parties concernées (scientifiques de la BS et des SHS, politiques, instituts derecherche, Europe, ONG, entreprises, syndicats…), ainsi qu’à intervalles réguliers, des conférences des citoyens, pour tenir compte des évolutions de la biologie synthétique”.

Ces débats publics devront avoir un objectif clair et honnête, si possible. S’agit-il de convaincre les foules ignorantes des bienfaits de la biologie synthétique ou bien veut-on informer le public afin qu’il puisse forger sa propre opinion ?  Faute d’avoir choisi le premier objectif tout en feignant de viser le second, le débat public sur les nanotechnologies a été un fiasco. Mais opter clairement pour l’information du public impose de ne pas avoir pris de décision avant de connaître son opinion après information. Or, souvent, rien n’est prévu pour connaître cet opinion…

Michel Alberganti

 

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