La chimie de l’amour a tendance à remplacer son alchimie. Après plusieurs ouvrages dévoilant les différents phénomènes à l’oeuvre derrière ce que nous appelons encore des sentiments, voici que des chercheurs vont encore plus loin. Demain, il sera peut-être possible de contrôler l’incontrôlable par excellence: l’attachement à l’autre, au couple. Dès aujourd’hui, une hormone apparaît comme une candidate sérieuse à ce rôle de thermomètre de l’amour : l’ocytocine.
Durée de vie supérieure
Inna Schneiderman, du département de psychologie et du centre Gonda Brain Sciences de l’université Bar-Ilan à Ramat-Gan en Israël, semb le s’être spécialisée dans l’exploration des relations intimes entre cette hormone, bien connue pour son rôle dans l’accouchement, et différentes formes d’attachement affectif, parental ou amoureux. C’est sur cette dernière relation que porte une récente publication dans différents journaux scientifiques. Avec un résultat étonnant. Plus l’ocytocine est présente dans le cerveaux des individus, plus leur relation amoureuse semble forte et durable.
Pour son expérience, Inna Schneiderman a fait appel à 163 jeunes adultes : 120 faisant partie de 60 couples unis depuis 3 mois dans une relation romantique et 43 célibataires sans relation. Ensuite, 25 des 36 couples ayant survécu 6 mois plus tard ont été réexaminés. Les interactions des personnes en couple ont été observées par les chercheurs qui ont également interviewé leurs membres au sujet de leurs pensées concernant leurs relations et leurs comportements.
Caresses affectueuses
Les chercheurs ont ainsi découvert que le taux d’ocytocine des personnes en couple était significativement supérieur à celui des célibataires sans relation. “Cela suggère une activité plus forte du système de production de l’ocytocine pendant les premières phases d’un attachement romantique”, notent les chercheurs. Plus remarquable encore: “Ce taux d’ocytocine n’a pas baissé chez les couples qui sont restés formés après 6 mais et ont montré une haute stabilité des individus”. D’après cette étude, la quantité d’ocytocine est corrélée avec le degré d’interaction des personnes en couple entre elles ce qui comprend : l’importance sociale, les émotions positives, les caresses affectueuses ainsi que les états de synchronisation à deux et les anxiétés et autres inquiétudes concernant le partenaire et le couple.
Un capital de départ
Plus fort encore : selon les chercheurs, il existe une corrélation entre le taux d’ocytocine lors du début de la relation (trois mois après la formation du couple) et les chances de survie à moyen terme du couple ! Inna Schneiderman a noté une telle différence dans les deux séries de mesures. Cela signifie que ce sont les couples disposant, au départ, du plus fort taux d’ocytocine qui se sont retrouvés encore formés 6 mois plus tard ! “Ces résultats suggèrent que l’ocytocine pourrait jouer un rôle important dans les premiers stades d’un attachement romantique et que cela pourrait servir de support à des modèles d’évolution basé sur le fait que les attachements romantiques et parentaux partagent des mécanismes de bio-comportement”.
En effet, Inna Schneiderman a précédemment publié des études sur l’impact favorable de l’ocytocine sur les relations parents-enfants et sur l’engagement social. Et c’est encore l’ocytocine qui expliquerait les changements psychologiques et émotionnels qui se manifestent lorsque nous “tombons amoureux”. L’amour aurait réduirait le stress et augmenterait la sensation de bien-être et la santé. Cette étude a montré uns sensibilité inférieure à la vision de films émotionnellement négatifs chez les personnes amoureuses.
L’hormone de l’amour ?
Alors l’ocytocine est-elle l’hormone de l’amour ? Les études d’Inna Schneiderman semblent pencher dans ce sens. Comme souvent en science, le mystère n’est repoussé que d’un cran. Il reste en effet à comprendre pourquoi le cerveau se met ainsi à produire plus d’ocytocine. Néanmoins, le lien chimique entre le sentiment amoureux et cette hormone peut faire germer quelques tentations. Si la corrélation entre le taux d’ocytocine et la durée de vie d’un couple était avérée, il deviendrait possible de prédire le potentiel d’une relation peu après ses débuts… De là, ensuite, à tenter de revitaliser un couple à l’aide d’un shoot d’ocytocine périodique, il n’y a qu’un pas que certains pourraient bien avoir envie de franchir.
Et puis il y a, derrière ces travaux, une autre piste pleine de promesses : la santé par l’état amoureux. L’ocytocine vitamine… Reste à savoir si cette hormone peut avoir les effets positifs de l’état amoureux sans besoin d’un partenaire. Une telle découverte aurait sans doute de graves conséquences… Pour l’instant, le meilleur moyen de bénéficier d’une bonne injection d’ocytocine reste sans doute de tomber amoureux, non d’une seringue, mais d’une vraie personne. A l’ancienne !
Michel Alberganti
lire le billetUne étude publiée dans la revue Human Relations par des chercheurs de l’Université Concordia, de l’Université de Montréal et d’HEC Montréal, souligne que l’attachement à l’entreprise peut conduire à l’épuisement émotionnel. Ce constat ne surprendra guère ceux, de plus en plus nombreux, qui ont expérimenté le harcèlement au travail. Mais il confirme le phénomène et l’analyse sur un échantillon bien plus jeune que et ces vieux de 55 ans et plus que l’on cherche à pousser vers la sortie. L’enquête des chercheurs a porté sur 260 salariés de différents secteurs d’activité, y compris les technologies de l’information, les services de santé, le génie et l’architecture, âgés en moyenne de 34 ans et dont environ 33 % occupaient un poste de direction et 50 % travaillaient dans le secteur public.
Manque de choix
Le résultat est édifiant. « L’employé qui reste dans une entreprise parce qu’il pense n’avoir aucune autre option risque de souffrir d’épuisement émotionnel et de finir par quitter son travail. Par conséquent, les employeurs devraient peut-être tenter de minimiser chez leurs salariés l’engagement “par manque de choix” et plutôt développer leurs compétences. Ils accroîtraient ainsi leur sentiment de mobilité et, paradoxalement, leur donneraient envie de continuer à exercer leurs fonctions », explique Alexandra Panaccio, coauteure de l’étude et professeure adjointe au Département de management de l’École de gestion John-Molson de Concordia.
Le paradoxe, c’est que ce sont les personnes qui ont la meilleure estime de soi qui sont les plus affectées par le manque de débouchés professionnels. « Il se pourrait qu’en l’absence d’un lien émotionnel avec l’entreprise, l’attachement par obligation soit vécu comme une forme d’endettement – une perte d’autonomie qui finit par être émotionnellement épuisante au fil du temps », ajoute Alexandra Panaccio.
Démotivation
Cette étude corrobore le dernier Baromètre Ipsos Edenred sur le « Bien-être au travail et la motivation des salariés français » qui indique que:
“Si les salariés Français s’affichent comme les recordmen de la démotivation (40%, +2), le constat est plus mitigé : 86% se disent ainsi en parallèle « heureux dans leur travail » et « fiers de leur travail ». La charge affective associée au travail en France demeure très forte.”
L’insatisfaction au travail n’apparaît pas comme une fatalité lorsque l’on considère les résultats de ce baromètre en Allemagne où 74% des salariés se disent satisfaits de leur situation professionnelle (+9%) et où 70% d’entre eux se déclarent confiants dans l’avenir de leur entreprise.
Ainsi, les Français semblent nombreux à se trouver dans la situation décrite par les chercheurs canadiens: attachés à leur travail mais insatisfaits. Des victimes potentielles de l’épuisement émotionnel.
Michel Alberganti
D’ici quelques décennies, certains d’entre nous pourraient bien être assistés par un robot personnel. Les progrès dans ce domaine, aussi bien au niveau de la mécanique, de la motorisation, du stockage de l’énergie, des matériaux et de l’intelligence artificielle sont tels que les héritiers (ou les ancêtres…) de R2-D2 et C-3PO, les célèbres robots de la Guerre des étoiles, ne semblent plus très loin d’arriver sur le marché du travail. Il reste à savoir… quelle sera leur forme, leurs aptitudes, leur caractère, leur type de relation avec les hommes. Chez le français Aldebaran Robotics, le choix est clair: après le petit Nao, le grand Romeo doit prolonger la lignée des robots anthropomorphes autonomes avec comme objectif final l’assistance des personnes âgées.
L’entreprise affronte directement certains constructeurs japonais comme Honda avec son célèbre Asimo qui multiplie les apparitions publiques ou le HRP-4 de l’AIST (Institut National japonais des sciences et technologies avancées). La NASA expérimente aussi le Robonaut 2 qui a été expédié dans la Station spatiale internationale en février 2011 qui manque, pour l’instant, de jambes.
Interaction dans les deux sens
C’est également le cas de l’une des dernières nouveautés, le robot télécommandé Telesar V de l’université japonaise de Keio. Pour son père, le professeur Susumu Tachi, explique que le robot fournit à son utilisateur un corps à distance. Grâce à lui, il peut non seulement manipuler des objets comme on le ferait avec une télécommande classique de machine mais également de voir, entendre et sentir ce que le robot voit, entend et sent. L’approche est intéressante car l’interaction se produit ainsi dans les deux sens, un peu comme avec les systèmes de retour d’effort des joysticks. Une autre analogie possible est celle des exosquelettes popularisés par Ripley, alias Sigourney Weaver dans Alien le retour (James Cameron, 1986). Dans ce cas, l’utilisateur se trouve à l’intérieur du robot qui sert à démultiplier sa force et son rayon d’action.
Un avatar dans le monde réel
Le corps du Telesar V de Susumu Tachi, lui, est distinct de celui de l’utilisateur. C’est d’ailleurs tout son intérêt pour le public visé, par exemple des personnes privées de l’usage de leurs jambes. Le robot devient alors une réplique mécanique de son corps, d’où son surnom d’Avatar issu du film éponyme (encore James Cameron – 2009). On pense également, bien entendu, aux avatars logiciels permettant aux internautes ou aux adeptes des jeux vidéos de choisir une apparence pour les représenter. Néanmoins, Telesar V se distingue nettement de toutes ces parentés. Sa conception ouvre un nouveau champ de développement pour la robotique télécommandée. On imagine son couplage avec les systèmes de détection de la pensée comme mode de commande à distance pour des personnes tétraplégiques. De plus, cette approche simplifie le travail du robot lui même. Plus besoin d’une intelligence artificielle complexe pour le rendre autonome. C’est le cerveau de l’être humain qui le pilote qui est à l’oeuvre. La rétroaction, qui transmet à l’être humain les images, les sons et les sensations de toucher captées par le robot, est également très intéressante. L’avatar logiciel ne peut vivre que dans les univers virtuel. Le robot avatar permet à l’homme de se dédoubler dans un univers bien réel.
Michel Alberganti
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lire le billetTout pratiquant occasionnel d’activité physique sait que les conséquences peuvent en être très douloureuses. Les muscles mis à contribution (en particulier trop rarement) ont une fâcheuse tendance à se venger en faisant extrêmement mal à leur propriétaire dans les jours qui suivent.
Pour remédier à cette rançon de l’exercice, les sportifs vous diront que les massages sont d’une redoutable efficacité pour récupérer l’usage de ses muscles, et qu’on le sait depuis longtemps. Les explications avancées pour ce résultat sont cependant rarement convaincantes. Certains vous diront par exemple qu’il s’agit de drainer l’acide lactique ou des toxines générés par le métabolisme musculaire, mais cela ne colle pas avec le fait que les courbatures sont bien pires le lendemain de l’effort, c’est-à-dire des heures après la concentration maximale d’acide lactique.
La meilleure explication actuelle du phénomène de courbature, c’est que l’exercice, en particulier lorsqu’il est excentrique*, désorganise les structures microscopiques de la cellule musculaire qui doit ensuite se réparer. Les mécanismes impliqués entraînent une inflammation, avec son cortège de douleurs et de gonflement.
Et le massage dans tout ça ? De valeureux volontaires ont accepté de subir un traitement plutôt désagréable : il leur a fallu effectuer une session de pédalage particulièrement intense, avant d’être massés pendant dix minutes, certes, mais sur une seule de leurs jambes, de façon à pouvoir les comparer. Pour évaluer la réaction du muscle à l’exercice, trois séries d’échantillons ont été prélevés (c’est-à-dire, ne nous voilons pas la face, coupés) sur leur quadriceps avant l’exercice, après le massage, et enfin après deux heures et demie de récupération. Heureusement que ce muscle de la cuisse est le plus gros du corps humain…
Les résultats, publiés cette semaine dans Science Translational Medecine, sont éloquents : les muscles massés présentent une diminution des marqueurs d’inflammation et de stress cellulaire grâce à l’activation de récepteurs mécano-sensibles, c’est-à-dire sensibles aux variations de pressions et d’étirement du massage.
Fabienne Gallaire
* L’ exercice excentrique force à allonger le muscle en contraction. Pour le biceps, cela correspond à faire descendre doucement un haltère en ouvrant le coude, par opposition à le faire monter vers l’épaule.
Source :
Muscle damage from eccentric exercise: mechanism, mechanical signs, adaptation, and clinical applications, U. Proske et D. L. Morgan, J Physiol 537(2):333-345, 2001.
Massage Therapy Attenuates Inflammatory Signaling After Exercise-Induced Muscle Damage, Justin D. Crane et al., Sci Transl Med, Vol. 4, 119, février 2012.
lire le billetLe cœur des Britanniques va de mieux en mieux : une nouvelle étude a constaté une division par deux des décès par crise cardiaque entre 2002 et 2010, pour arriver à 4 morts pour 10 000 hommes et moins de 2 pour 10 000 femmes.
L’amélioration particulièrement marquante pour les personnes entre 65 et 74 ans (les chercheurs soupçonnent d’ailleurs l’obésité de freiner l’amélioration pour les tranches d’âge plus jeunes). Les crises cardiaques elles-mêmes n’ont diminué que d’un cinquième mais elles sont moins mortelles, parce que moins graves et mieux prises en charge en moyenne.
Pour bienvenus qu’ils soient, ces résultats sont peu surprenants et s’inscrivent dans une dynamique commune à tous les pays occidentaux : en France, la mortalité d’origine coronaire a par exemple baissé de moitié entre 1995 et 2005 et le nombre d’infarctus a diminué de 20 % entre 2000 et 2007.
Il est cependant moins facile de déterminer les causes précises de cette amélioration. D’après les chercheurs, la diminution du tabagisme joue un rôle clef, de même que l’amélioration de la prise en charge quotidienne de l’hypertension et des excès de cholestérol dans le sang. Les médecins espèrent que ces résultats encourageront la formation aux premiers soins, de façon à augmenter la probabilité de survie des patients qui subissent une crise cardiaque (environ une chance sur deux).
Fabienne Gallaire
Sources :
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La mode des bons sentiments ne semble guère avoir survécu au changement de siècle. Désormais, on parle plus que d’incivilité et d’égoïsme, voire d’indifférence. Et pourtant ! Une étude publiée dans la revue Social Psychological and Personality Science par Kurt Gray, directeur du laboratoire Mind Perception and Morality de l’université du Maryland, rend à la bienveillance la place qu’elle ne devrait pas perdre.
“Nos résultats montrent que les bonnes intentions, même peu judicieuses, augmentent le plaisir et donne un meilleur goût à la nourriture”, note le chercheur. Pour arriver à cette conclusion, Kurt Gray a réalisé trois expériences.
Décharges électriques
La première concerne la douleur. Répartis en trois groupes, les participants envoient des décharges électriques dans la main de leur partenaire. Aux victimes du premier groupe, il est indiqué que cet acte est réalisé sans que leur partenaire ne soit au courant (si l’on peut dire…). Ceux du second groupe savent que leur partenaire est parfaitement conscient de leur infliger cette douleur et qu’il n’a aucune bonne raison pour le faire. Enfin, les personnes du troisième savent que leur partenaire envoie volontairement les décharges mais qu’il agit ainsi pour leur faire gagner de l’argent. Résultat, les participants du dernier groupe ressentent une douleur inférieure à celle que subissent des membres des deux premiers groupes. Preuve qu’une douleur diminue lorsque celui qui la ressent sait qu’elle n’est ni accidentelle ni agressive mais qu’elle résulte d’une intention bienveillante à leur égard. Kurt Gray conclut que cette expérience “devrait soulager les médecins et des aidants qui sont amenés à infliger une douleur pour le bien d’un malade”.
Machine à plaisir
Deuxième expérience. Les participants sont assis dans un fauteuil de massage. Ce dernier est alternativement mis en marche par une personne qui leur veut du bien et par un ordinateur. Alors que le massage est strictement identique, les participants disent ressentir plus de plaisir lorsqu’il provient de la personne. “Bien que les ordinateurs puissent être plus efficaces que les humains dans maintes circonstances, le plaisir reste supérieur lorsqu’il provient d’une autre personne”, en déduit le chercheur.
Troisième expérience: Les participants reçoivent une sucrerie associée à une note. Pour le premier groupe, la note dit: “J’ai pris cela pour toi. J’espère que cela te fera plaisir”. Pour le second groupe: “Quoique ce soit, je m’en moque. J’ai pris cela au hasard”. Résultat: Non seulement le goût du bonbon a paru meilleur aux membres du premier groupe mais ils l’ont aussi jugé plus sucré. La conclusion de l’étude fleure bon une certaine évidence et fait, logiquement, la part belle aux bons sentiments: “La perception de la bienveillance améliore non seulement l’expérience de la douleur et du plaisir mais elle influence aussi le gout des choses”.
Effet placebo
Pas de quoi grimper au rideau ni entrer dans les ordres. Il semble néanmoins que plusieurs leçons instructives puissent être tirées de ces expériences. Globalement, elles soulignent l’impact des bonnes intentions sur nos sensations. Un constat dont pourrait tenir compte le personnel médical lorsqu’il visite un patient alité. Combien d’entre eux se plaignent de la froideur de certains médecins? Un mot gentil coûte toujours moins qu’un médicament… Les expériences de Kurt Gray ne peuvent également manquer de faire penser au placebo. Là encore, tout réside dans l’intention de celui qui le prescrit. Cet effet psychologique puissant explique, pour certains, l’efficacité de l’homéopathie observée même chez les enfants. Des études récentes montrent que, contrairement à ce que l’on pensait auparavant, l’effet placebo persiste lorsque le médecin, et même le patient, savent que le médicament ne contient rien! Il ne reste alors bien que l’intention. Attention, l’effet nocebo existe aussi…
Dieu bienveillant
Cette étude, apparemment anodine, explique pourquoi les publicités associent certains produits avec des symboles de la bienveillance comme les grand-parents ou les mamans souriantes. En matière de relations humaines, elle oblitère les comportements distants comme un câlin prodigué de façon distraite. Et que dire de la nourriture ? Un vin présenté comme un grand cru très coûteux ne sera pas dégusté comme celui qui n’affiche pas d’étiquette connue. Le service dans les restaurants influence aussi directement la plaisir du repas. Dans les deux sens… L’étude va même jusqu’à mentionner la croyance en Dieu. “Des événements pénibles attribués à un Dieu bienveillant blessent moins que ceux provenant d’un Dieu vengeur”, note Kurt Gray. Le chercheur omet toutefois de faire état du risque d’exploitation de cette réaction à la bienveillance. Lorsque cette dernière est feinte mais bien jouée, peut-elle servir à faire passer d’amères pilules sans trop d’opposition? Si c’était le cas, nous aurions détecté depuis longtemps cette stratégie perverse chez certains hommes politiques ou chefs d’entreprise…
Michel Alberganti
lire le billetAlors que l’hiver, quoique clément, nous apporte son lot de coups de froid, une étude glaçante venue d’Inde rappelle la raison des campagnes de sensibilisation « pas automatiques » et des lois limitant l’usage des antibiotique chez les animaux d’élevage.
L’Inde paye un lourd tribut à la tuberculose avec deux millions de nouveaux cas par an, soit un cinquième du total mondial, et doit maintenant faire face à l’inefficacité croissante des armes médicamenteuses contre le bacille de Koch, responsable de la maladie. La chronologie est simple : d’abord sont apparues les souches dites multi-résistantes (MDR-TB pour multi-drug resistant tuberculosis), insensibles aux antibiotiques dits de première intention, la « première ligne de défense » contre la maladie.
D’après l’étude du Dr. Zarir Udwadia, cette première étape est apparue en Inde en 1992 et les souches ont ensuite continué à muter pour donner ce qu’on a appelé la tuberculose extensivement résistante (XDR-TB), en 2006. La bactérie ainsi nommée est tellement dure au mal que la plupart des antibiotiques courants ne lui font ni chaud ni froid, ce qui amène à un taux de mortalité de 60 %, le double de celui des souches MDR.
Mais en 2011, les médecins ont dû inventer un nouveau sigle encore plus sinistre : TDR-TB pour « tuberculose totalement résistante aux médicaments ». Mortalité : 100 %. Les médecins en sont réduits à tenter des chirurgies extrêmement invasives, les traitements antibiotiques n’ayant aucun effet.
Cela ne constitue heureusement qu’une faible proportion des cas, mais c’est la maladie dans son ensemble qui change progressivement : plus de 40 % des nouveaux cas présentent au moins un type de résistance et même le tableau clinique semble se modifier avec plus de symptômes non pulmonaires.
Face à une maladie en évolution, l’étude appelle à une plus grande implication des autorités sanitaires et à une sensibilisation des médecins, de façon à réagir plus rapidement lorsqu’un patient ne semble pas répondre à un traitement classique : non seulement cela permet de traiter le patient plus efficacement, mais cela évite de « cultiver » des souches pendant de longs mois sous traitement antibiotique, ce qui ne fait que renforcer la sélection des résistances.
Fabienne Gallaire
Source
Totally Drug-Resistant Tuberculosis in India, Zarir F. Udwadia et al. Clinical Infectious Disease, mis en ligne le 21 décembre 2011. Via DNA India.
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Non, la photo ci-dessus ne représente pas un chapelet. Il s’agit d’un orchidomètre. Cela n’a pas non plus de rapport avec les orchidées si ce n’est que la racine grecque des deux mots est la même : orchis, qui signifie testicule (les tubercules souterrains de certaines orchidées présentent cette forme de coucougnette). L’orchidomètre ne sert donc ni à calibrer des fleurs ni à compter les “Je vous salue Marie” mais à mesurer la taille des gonades masculines. Surnommé “couilles de Prader” en hommage au médecin suisse qui l’a introduit, cet instrument doté de perles ovoïdes de différentes tailles permet d’évaluer le volume des testicules, ce qui est utile dans certaines affections mais aussi pour surveiller la puberté des adolescents.
Comme le fait remarquer un très savoureux petit article britannique publié en 2001 dans le fort sérieux British Medical Journal (BMJ), l’orchidomètre coûte horriblement cher (plusieurs dizaines de livres sterling) pour ce qu’il est. Par ailleurs, la chose a une fâcheuse tendance à se perdre et à être en rupture de stock lorsqu’on veut en commander une. Les deux auteurs principaux de cette étude, endocrinologues de profession dans un hôpital de Liverpool, ont découvert par hasard que deux chocolats, le Maltesers Teaser et le Galaxy Truffle, présentaient exactement la même forme et le même volume que la perle de 8 millilitres figurant au milieu de l’orchidomètre (voir photo ci-dessous). Sans se prendre le moins du monde au sérieux, ces médecins se sont dit qu’ils pourraient faire faire des économies au système de santé britannique en s’équipant de chocolats. A condition toutefois que ces derniers soient aussi fiables qu’un véritable orchidomètre.
Pour le savoir, ils ont donc testé leur nouvel instrument, tout d’abord auprès de collègues. Après avoir eu les yeux bandés, cinq pédiatres ont pris dans une main soit une friandise emballés soit la perle de 8 ml entourée du même papier, et, dans l’autre main, les autres perles d’un orchidomètre, avec pour mission de dire si elles étaient plus petites ou plus grandes que leur échantillon. Les auteurs précisent : “De véritables testicules n’ont pas été utilisés car l’image de la profession médicale est déjà assez mauvaise comme ça.” La mission a été parfaitement remplie à chaque fois, ce qui sous-entend que, pour ce qui est du volume, le chocolat pourrait très bien remplacer la perle en question.
Puis, poursuit l’étude, il a fallu vérifier la résistance de l’orchidomètre de substitution aux contraintes physiques typiques rencontrées dans un hôpital de Liverpool. Les friandises ont donc subi… un coup de marteau (pour la résistance au choc) et un tour au sauna (pour la résistance à la température en milieu hospitalier). Visiblement, c’était un peu trop pour elles :“La perle de l’orchidomètre a survécu aux deux tests alors que les Teasers ont cédé au premier coup de marteau et abîmé un peignoir en excellent état”… Cela dit, les chocolats présentent d’indéniables atouts par rapport aux perles en bois ou en plastique. “L’aptitude à venir en aide au personnel affaibli par la faim au terme d’une longue garde est un bonus important pour tout élément d’équipement médical.” Restait à prouver la comestibilité desdits chocolats. C’est de cette tâche que se sont acquitté les deux autres membres de l’équipe, à savoir Sally (S) et Pippa (P) qui sont peut-être les premiers chiens à co-signer un article médical. L’expérience à laquelle ils ont participé est ainsi décrite : “Des Teasers (nombre=5) et des Truffles (n=5) et 10 perles d’orchidomètre ont été éparpillés au hasard à 3 040 cm de P et de S, qui avaient été nourris récemment (Burns Canine Maintenance ; Burns Pet Nutrition, Kidwelly, Dyfed ; environ 600 kcal) de façon à ce qu’on ait un peu de chance de voir ce qui se passait. Environ 17 secondes après, tout ce qui restait était 10 perles d’orchidomètre et de la salive. Nous considérons cela comme une preuve que Teasers et Truffles sont plus savoureux que des perles conventionnelles d’orchidomètre.” Certes il n’est pas très bon de donner du chocolat à des chiens, mais que ne ferait-on pas pour l’avancement de la science ?
La conclusion de cette étude vaut son pesant de chocolats, à l’heure où beaucoup de systèmes de santé sont en déficit et/ou souffrent de réductions budgétaires. “Nous pensons, écrivent les auteurs, avoir trouvé un substitut valable à l’orchidomètre, instrument consacré par l’usage mais d’un prix excessif. Nous ne souhaitons pas dénigrer l’apport de Prader, père de l’orchidomètre, ni appauvrir les tourneurs sur bois qui fabriquent les perles avec tant de talent. Cependant, le coût faible de notre orchidomètre alternatif (6 pence) doit le faire apprécier des systèmes de santé qui sont à court d’argent.” Et probablement aussi des médecins gourmands, à condition qu’ils se soient bien lavé les mains après avoir comparé les testicules de leurs patients à leur perle de référence.
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : à tous les grincheux qui râleront en disant que le contribuable britannique a sans doute mieux à faire que de financer ce genre d’étude improbable, je dirai simplement que cet article prouve surtout qu’on peut être médecin et avoir de l’humour…
– Un essai clinique, très restreint puisqu’il a porté sur trois malades, apporte un nouvel espoir pour le traitement de la leucémie la plus courante. Des chercheurs de l’université de Pennsylvanie ont modifié génétiquement les lymphocytes T (qui assurent l’immunité cellulaire) de ces trois patients, afin qu’ils attaquent plus efficacement les cellules cancéreuses. Deux de ces trois personnes sont en rémission depuis plus d’un an.
– Une expérience pour le moins surprenante aux Pays-Bas, où le gouvernement a émis l’idée de taxer les automobilistes en fonction du nombre de kilomètres qu’ils ont parcourus, afin de faire prendre conscience du poids écologique et financier que la voiture représente pour la société (émissions de polluants et de gaz à effet de serre, entretien des chaussées, etc.). Des taximètres ont donc été installés dans les véhicules de particuliers et des factures virtuelles leur sont adressées à la fin de chaque mois. Inutile de préciser que cette proposition gouvernementale est controversée…
– Fermé en avril par manque de fonds, le réseau de radiotélescopes du SETI Institute, qui écoute le cosmos à la recherche de signaux artificiels émis par des civilisations extraterrestres, va reprendre du service en septembre grâce aux donations du public.
– En cette année internationale des forêts, une étude du Cemagref montre, selon lemonde.fr, “que le réchauffement climatique conduirait les arbres à compter moins de branches, d’où une plus grande vulnérabilité aux parasites et un cycle de reproduction perturbé”.
– Selon un rapport gouvernemental australien cité par la BBC, la Grande Barrière de corail souffre d’une mauvaise qualité de l’eau, due à l’usage de pesticides par les agriculteurs. Les coraux sont également menacés de blanchissement par la montée des températures.
– Cela s’appelle l’adermatoglyphie. C’est le fait, rare, de ne pas avoir d’empreintes digitales. Pratique pour un cambrioleur, moins drôle quand on veut se rendre dans un pays comme les Etats-Unis, dont le contrôle d’immigration a recours à cette technique biométrique pour identifier les personnes. Des chercheurs viennent de découvrir que cette particularité était due à la mutation d’un gène s’exprimant dans la peau.
– Un reportage du Temps dans un laboratoire de l’Ariège, le seul au monde à étudier le protée, curieux amphibien en forme d’anguille qui est capable de vivre 120 ans.
– Pour finir : en 2012, le ramadan coïncidera avec les Jeux olympiques. Comment les quelque 3 000 athlètes musulmans qui concourront à Londres pourront-ils concilier jeune et performance sportive de très haut niveau ? Réponse dans le New Scientist.
Pierre Barthélémy
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Jo-Wilfried Tsonga l’a dit récemment dans une interview donnée à Cosmopolitan, illustrée par la photo ci-dessus, les fesses sont la partie de son corps qu’il préfère. Dont acte. Pourtant, il est fort probable qu’en raison de la pratique intensive de son sport, le joueur de tennis français ait le derrière de travers. En effet, si l’on en croit une étude espagnole publiée le 29 juillet dans PLoS ONE, courir derrière une balle jaune et frapper dedans avec une raquette entraîne une asymétrie dans le développement des groupes de muscles reliant le tronc aux jambes, et donc une asymétrie des muscles fessiers. Ce qui ne se produit pas chez les footballeurs, lesquels courent pourtant aussi derrière une balle et frappent aussi dedans.
Qu’ont fait ces chercheurs espagnols pour en arriver à ce résultat ? Pour leur expérience, ils ont recruté quinze joueurs d’une équipe de football disputant la Liga, le championnat espagnol, huit tennismen professionnels et… six quidams n’ayant jamais fait de sport, pour servir de groupe de contrôle. Et ils ont fait passer à cette trentaine de cobayes une IRM allant du tronc au haut des jambes. Le but de la manœuvre : mesurer le volume de deux groupes de muscles. Le premier, situé sur l’avant du corps, appelé ilio-psoas, qui regroupe le muscle iliaque et le grand psoas, lesquels servent principalement à fléchir la cuisse. Le second, situé sur la face postérieure de notre anatomie et qui, sous la dénomination de muscles fessiers, associe le petit glutéal, le moyen glutéal et le grand glutéal, qui donnent son aspect rebondi à notre séant et permettent de tendre la jambe vers l’arrière.
Il ne surprendra personne d’apprendre que, par rapport aux sportifs du dimanche ou aux non-sportifs, les professionnels du football et du tennis disposent de musculatures hypertrophiées. Le tapeur de ballon pro a près de 50% de volume musculaire fessier en plus par rapport à celui qui le regarde évoluer vautré dans son canapé. Le joueur de tennis est un petit peu moins bien doté mais là n’est pas l’important. Autant le footballeur présente une musculature bien symétrique, que ce soit au niveau de l’ilio-psoas ou des muscles glutéaux (alors même que le quidam est toujours un peu plus musclé du côté de sa jambe préférée, celle avec laquelle il tape dans le ballon), autant le tennisman est le roi de l’asymétrie. Et c’est à chaque fois du côté inverse du bras qui tient la raquette que son ilio-psoas et ses fesses sont le mieux armés. La fesse gauche d’un joueur de tennis droitier a près de 100 centimètres cubes de muscles en plus par rapport à la fesse droite…
Les chercheurs espagnols, dont l’objectif premier est non pas de regarder ou de palper de la fesse mais bien de prévenir les blessures liées à la pratique intensive d’un sport et aux hypertrophies musculaires qu’elle implique, ont une explication pour toutes ces différences. Au tennis, le service et le coup droit entraînent une torsion très puissante du corps au niveau des hanches, que la musculature doit contrebalancer (tandis que le revers agit plutôt sur les épaules) : ainsi, un gaucher comme Nadal, en servant ou en frappant un coup droit, va faire tourner violemment son buste vers la droite, tandis qu’un droitier comme Federer, imprimera à son tronc une rotation vers la gauche. Pour lutter contre ces torsions, ils ont donc davantage développé le côté opposé à leur bras dominant. La même équipe de chercheurs a montré en 2010 que les abdominaux des tennismen présentaient le même genre d’asymétrie. En revanche, même s’ils ont un pied favori pour shooter, les footballeurs ont une musculature équilibrée. Pourquoi ? Parce que, à la différence du tennis, sport individuel, dans un match de football, sport collectif, les frappes sont très minoritaires par rapport aux courses.
Le championnat de France de football a repris samedi 6 août et, à la fin du mois, l’US Open de tennis va captiver les passionnés de la petite balle jaune. Les semaines qui viennent vont donc être particulièrement propices à la mise en pratique de cette étude. De cette manière, si votre conjoint vous prend à reluquer les derrières joufflus de tel(le) ou tel(le) athlète, vous pourrez toujours lui dire, sur le ton de la bonne foi : “Mais enfin chéri(e), c’est pour la science !” Soyons néanmoins honnête : comme je l’ai dit plus haut, la différence musculaire ne dépasse pas les 100 centimètres cubes entre les deux fesses, soit moins que le volume contenu dans un pot de yaourt. Il sera donc difficile de constater l’asymétrie de visu…
Pierre Barthélémy
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