– C’était une semaine de prix Nobel, qui a commencé avec les trois récompenses scientifiques : médecine pour les mécanismes de l’immunité, avec notamment le Français d’origine luxembourgeoise Jules Hoffmann ; physique avec la découverte que l’expansion de l’Univers s’accélérait ; chimie avec les quasi-cristaux.
– Il y a cent ans, en 1911, Marie Curie décrochait son second prix Nobel, cette fois en chimie, ce qui déclenchait une abominable campagne de presse dont le correspondant du Temps à Paris se faisait l’écho (je précise que, même si mes initiales figurent en bas de cet article centenaire, je ne suis pas assez vieux pour en être l’auteur).
– Un ancien Prix Nobel de la paix (et ancien vice-président américain), Al Gore, est-il en train de survendre le lien entre accidents météorologiques et changement climatique ? Oui, estime un éminent climatologue britannique dans The Guardian.
– L’Agence spatiale européenne a validé la mission Solar Orbiter. En 2017, un engin devrait décoller pour aller étudier le Soleil et s’en approcher plus près qu’aucune sonde n’a jamais tenté de le faire. Autre mission confirmée, Euclid, qui s’intéressera à la mystérieuse énergie noire, celle qui participe justement à l’accélération de l’expansion de l’Univers (voir ci-dessus).
– Menace écologique en Nouvelle-Zélande où un porte-conteneurs s’est échoué, qui risque de libérer 1 700 tonnes de fioul.
– En plus d’avoir été chassé intensivement par l’homme au point d’être au bord de l’extinction, le tigre de Sibérie, dont seulement 400 individus vivent encore en liberté, est sous la menace de la maladie de Carré, une maladie qui touche ordinairement les chiens.
– A partir de petites ondulations dans les anneaux de Saturne, des astronomes ont pu remonter le temps et montrer que cela trahissait l’impact d’une comète, survenu… au XIVe siècle.
– Pour finir : ma chronique “Improbablologie” de la semaine dans Le Monde évoque une étude consacrée à ce coléoptère qui prend non pas sa vessie pour une lanterne mais des bouteilles de bière jetées dans la nature pour des femelles et s’évertue à copuler avec le verre…
Pierre Barthélémy
lire le billetNon, la photo ci-dessus ne représente pas un chapelet. Il s’agit d’un orchidomètre. Cela n’a pas non plus de rapport avec les orchidées si ce n’est que la racine grecque des deux mots est la même : orchis, qui signifie testicule (les tubercules souterrains de certaines orchidées présentent cette forme de coucougnette). L’orchidomètre ne sert donc ni à calibrer des fleurs ni à compter les “Je vous salue Marie” mais à mesurer la taille des gonades masculines. Surnommé “couilles de Prader” en hommage au médecin suisse qui l’a introduit, cet instrument doté de perles ovoïdes de différentes tailles permet d’évaluer le volume des testicules, ce qui est utile dans certaines affections mais aussi pour surveiller la puberté des adolescents.
Comme le fait remarquer un très savoureux petit article britannique publié en 2001 dans le fort sérieux British Medical Journal (BMJ), l’orchidomètre coûte horriblement cher (plusieurs dizaines de livres sterling) pour ce qu’il est. Par ailleurs, la chose a une fâcheuse tendance à se perdre et à être en rupture de stock lorsqu’on veut en commander une. Les deux auteurs principaux de cette étude, endocrinologues de profession dans un hôpital de Liverpool, ont découvert par hasard que deux chocolats, le Maltesers Teaser et le Galaxy Truffle, présentaient exactement la même forme et le même volume que la perle de 8 millilitres figurant au milieu de l’orchidomètre (voir photo ci-dessous). Sans se prendre le moins du monde au sérieux, ces médecins se sont dit qu’ils pourraient faire faire des économies au système de santé britannique en s’équipant de chocolats. A condition toutefois que ces derniers soient aussi fiables qu’un véritable orchidomètre.
Pour le savoir, ils ont donc testé leur nouvel instrument, tout d’abord auprès de collègues. Après avoir eu les yeux bandés, cinq pédiatres ont pris dans une main soit une friandise emballés soit la perle de 8 ml entourée du même papier, et, dans l’autre main, les autres perles d’un orchidomètre, avec pour mission de dire si elles étaient plus petites ou plus grandes que leur échantillon. Les auteurs précisent : “De véritables testicules n’ont pas été utilisés car l’image de la profession médicale est déjà assez mauvaise comme ça.” La mission a été parfaitement remplie à chaque fois, ce qui sous-entend que, pour ce qui est du volume, le chocolat pourrait très bien remplacer la perle en question.
Puis, poursuit l’étude, il a fallu vérifier la résistance de l’orchidomètre de substitution aux contraintes physiques typiques rencontrées dans un hôpital de Liverpool. Les friandises ont donc subi… un coup de marteau (pour la résistance au choc) et un tour au sauna (pour la résistance à la température en milieu hospitalier). Visiblement, c’était un peu trop pour elles :“La perle de l’orchidomètre a survécu aux deux tests alors que les Teasers ont cédé au premier coup de marteau et abîmé un peignoir en excellent état”… Cela dit, les chocolats présentent d’indéniables atouts par rapport aux perles en bois ou en plastique. “L’aptitude à venir en aide au personnel affaibli par la faim au terme d’une longue garde est un bonus important pour tout élément d’équipement médical.” Restait à prouver la comestibilité desdits chocolats. C’est de cette tâche que se sont acquitté les deux autres membres de l’équipe, à savoir Sally (S) et Pippa (P) qui sont peut-être les premiers chiens à co-signer un article médical. L’expérience à laquelle ils ont participé est ainsi décrite : “Des Teasers (nombre=5) et des Truffles (n=5) et 10 perles d’orchidomètre ont été éparpillés au hasard à 3 040 cm de P et de S, qui avaient été nourris récemment (Burns Canine Maintenance ; Burns Pet Nutrition, Kidwelly, Dyfed ; environ 600 kcal) de façon à ce qu’on ait un peu de chance de voir ce qui se passait. Environ 17 secondes après, tout ce qui restait était 10 perles d’orchidomètre et de la salive. Nous considérons cela comme une preuve que Teasers et Truffles sont plus savoureux que des perles conventionnelles d’orchidomètre.” Certes il n’est pas très bon de donner du chocolat à des chiens, mais que ne ferait-on pas pour l’avancement de la science ?
La conclusion de cette étude vaut son pesant de chocolats, à l’heure où beaucoup de systèmes de santé sont en déficit et/ou souffrent de réductions budgétaires. “Nous pensons, écrivent les auteurs, avoir trouvé un substitut valable à l’orchidomètre, instrument consacré par l’usage mais d’un prix excessif. Nous ne souhaitons pas dénigrer l’apport de Prader, père de l’orchidomètre, ni appauvrir les tourneurs sur bois qui fabriquent les perles avec tant de talent. Cependant, le coût faible de notre orchidomètre alternatif (6 pence) doit le faire apprécier des systèmes de santé qui sont à court d’argent.” Et probablement aussi des médecins gourmands, à condition qu’ils se soient bien lavé les mains après avoir comparé les testicules de leurs patients à leur perle de référence.
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : à tous les grincheux qui râleront en disant que le contribuable britannique a sans doute mieux à faire que de financer ce genre d’étude improbable, je dirai simplement que cet article prouve surtout qu’on peut être médecin et avoir de l’humour…
Dans le monde animal, l’inégalité sexuelle entre mâles et femelles est intrinsèque à la reproduction. Les premiers ont toute liberté d’aller déposer leur semence à chaque fois que l’on voudra d’eux, sans trop se soucier de la suite en général : en multipliant les aventures, ils multiplient les chances de transmettre leurs gènes, ce qui semble être une de leurs priorités dans la vie (le fameux instinct de reproduction). C’est a priori différent pour les femelles qui, une fois inséminées, ne peuvent plus répandre leurs gamètes aux quatre vents. Il n’empêche que les cas de polyandrie sont nombreux, chez les insectes, les batraciens et même les mammifères. Ainsi, si l’on met de côté le cas un peu particulier d’Homo sapiens, on peut citer l’exemple de dame putois qui s’accouple souvent avec plusieurs mâles (pas en même temps…).
Sur le plan évolutif, ce comportement tient du mystère car le bénéfice que la femelle peut en tirer n’est pas évident à mettre en lumière (si l’on part du principe que la plupart des espèces animales ne font pas cela pour le plaisir). On peut même parier que, lorsqu’un seul accouplement suffit à féconder la femelle, celle-ci a tout à perdre sur le plan énergétique à rejouer plusieurs fois à la bête à deux dos, surtout qu’elle est d’ordinaire dessous : en théorie, elle a mieux à faire de ses calories que de les dépenser en d’inutiles galipettes. Néanmoins, ce comportement existe et il doit bien avoir une raison, si ce n’est plusieurs.
Une étude européenne publiée le 23 septembre dans Science semble avoir trouvé au moins une explication. Ses auteurs sont partis de l’hypothèse selon laquelle, dans les populations animales présentant un fort taux de consanguinité, les femelles devraient multiplier les accouplements pour être sûres de trouver des mâles dont les gènes seraient suffisamment différents des leurs pour assurer une descendance viable. En effet, une trop grande proximité génétique augmente la probabilité pour que des caractéristiques délétères s’expriment. Dans leur étude, ces chercheurs ont donc créé des lignées consanguines d’un petit insecte, le tribolion rouge de la farine, qui sert souvent de modèle aux généticiens. Ils ont tout d’abord vérifié deux choses. Primo, que, dans les populations normales utilisées pour le contrôle, le nombre de partenaires des femelles (un ou plusieurs) était sans conséquence significative sur le succès reproductif. Secundo, que le poids de la consanguinité était avéré. Par rapport à leurs congénères des populations normales, les femelles des populations consanguines qui ne s’accouplaient qu’une fois présentaient bien un succès reproductif nettement affaibli.
Restait donc à s’intéresser à la dernière catégorie d’insectes : les femelles des populations consanguines pratiquant la polyandrie. Et là, les chercheurs n’ont pas été déçus : tous les indicateurs qu’ils surveillaient se sont mis à clignoter. Ces dames tribolion se sont transformées en véritables marathoniennes du sexe, allant jusqu’à y consacrer près de 40 % de leur temps soit le double de ce qui a été mesuré pour les femelles des populations de contrôle. Non seulement le temps de récupération des “consanguines” entre deux copulations étaient drastiquement réduit, mais les actes sexuels en eux-mêmes étaient plus longs, histoire d’augmenter le transfert de gamètes… Et pour ce qui est du nombre de partenaires, il montait à 17 en moyenne contre 12 pour les “filles faciles” du groupe témoin. Grâce à toute cette activité, les femelles de la population à forte consanguinité ont obtenu un succès reproductif équivalent à celles, monogames ou polygames, de la population normale. La polyandrie permet donc à la femelle de sélectionner un mâle dont les caractéristiques génétiques sont le plus compatibles avec son propre génome.
Reste à savoir ce qui conduit ces insectes à adopter ce comportement. La consanguinité a-t-elle, au fil des générations (15 en l’occurrence), rapidement sélectionné des individus à forte constitution et gros appétit sexuel ? Ou existe-t-il, dans ces populations, une alarme secrète, génétique ou épigénétique, qui pousse les femelles à multiplier les accouplements pour compenser le handicap de la consanguinité ? Quoi qu’il en soit, rien ne prouve que l’exemple des tribolions puisse être transposé à l’espèce humaine. Alors, si votre épouse vous apprend qu’elle vous a trompé avec tous vos copains de l’équipe de rugby, ne commencez pas à suspecter vos beaux-parents d’avoir fait un mariage consanguin…
Pierre Barthélémy
lire le billet– Que ce soit par la chaleur, le manque d’eau, les incendies plus fréquents ou les ravageurs qu’il favorise, le réchauffement climatique tue de plus en plus de forêts dans le monde. Forêts qui présentaient jusque là l’avantage de stocker beaucoup de carbone. Cela s’appelle un cercle vicieux.
– Après avoir été secoué, la semaine dernière, par l’expérience des neutrinos plus rapides que la lumière, l’héritage d’Albert Einstein vient d’être réconforté par une étude réalisée sur des milliers d’amas de galaxies, confirmant les prédictions de la théorie de la gravitation énoncée par le savant à moustache.
– Après un quart de siècle de bons et loyaux services, le Tevatron, le plus puissant accélérateur de particules américain, a fermé ses portes le 30 septembre. Faute de crédits. Le LHC du CERN perd son principal concurrent.
– La Chine a lancé le premier module de sa station orbitale. Histoire de montrer un peu plus qu’elle veut jouer dans la cour des grands du spatial.
– Depuis quelques mois, la sonde Messenger travaille en orbite autour de Mercure. Et les informations qu’elle envoie vont forcer les astronomes à réécrire les chapitres qu’ils ont consacrés à la plus petite planète du système solaire, notamment sur sa formation.
– Avant que la voiture sans pilote n’arrive sur le marché, nous connaîtrons peut-être la phase des autos capables de lire dans notre pensée et de se préparer à bifurquer à droite ou à gauche alors que nous n’aurons pas commencé à tourner le volant.
– Le Danemark est le premier pays au monde à introduire une taxe sur les produits contenant des graisses saturées. Du coup, avant qu’elle n’entre en vigueur, les consommateurs se sont rués sur le beurre…
– Pour finir : ma deuxième chronique d'”improbablologie” est parue dans Le Monde. Au menu cette fois-ci, une étude testant toutes les manières d’embarquer dans un avion… A lire ici.
Pierre Barthélémy
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