“L’astronome, inondé de rayons, pèse un globe à travers des millions de lieues”, écrivait Victor Hugo. Si l’on prend le poète au pied de la lettre, on s’aperçoit vite que le secteur retenu est riquiqui eu égard aux très grandes distances qui séparent les planètes, les étoiles ou les galaxies. En réalité, le seul globe que l’astronome peut peser dans un rayon de quelques millions de kilomètres est… la Lune.
Car les distances astronomiques sont véritablement… astronomiques ! J’ai un jour voulu m’amuser à dessiner un système solaire à l’échelle et, si vous voulez reproduire cette expérience avec des enfants, commencez par sortir de chez vous. Voici pourquoi. Pour l’occasion, j’avais décidé de réduire la Terre à sa plus simple expression, c’est-à-dire à un point de stylo sur une feuille de papier. Un point d’un peu plus d’1 millimètre de diamètre. Comme le diamètre réel de notre planète est d’un peu plus de 12 700 km, je me suis dit qu’on allait dessiner le système solaire au dix-milliardième. Du coup, le Soleil, énorme boule de gaz d’1,4 million de km de diamètre, prenait des proportions plus acceptables, avec ses 7 cm de rayon. Mais à quelle distance de la Terre devais-je le placer ? Dans mon coin d’Univers en modèle réduit, notre étoile se trouvait tout de même à 15 mètres de mon point de stylo… D’où l’intérêt d’être dehors. Mars se plaçait à 23 mètres du Soleil, Jupiter se promenait à 78 mètres, Saturne à 140 mètres, etc. A l’époque, Pluton n’avait pas été déclassée et était toujours considérée comme une planète, la plus petite du système solaire. Eh bien, pour situer ce nain astronomique, il fallait courir à l’autre bout du quartier, à 591 mètres de mon Soleil miniature.
Pour donner une idée à mes enfants des tailles relatives des planètes, je me suis inspiré des conseils prodigués par Mireille Hartmann dans son excellent petit livre Explorer le ciel est un jeu d’enfant (éd. Le Pommier). L’idée consiste à leur faire dessiner, grandeur nature, les fruits inscrits sur cette liste de courses : une groseille, une cerise, un grain de raisin, un cassis, une pastèque, un melon, une pêche, une mandarine et une autre groseille plus petite que la première, qui représentent respectivement Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune et Pluton.
Tout le problème, c’est qu’il n’existe aucun fruit assez gros pour représenter les étoiles, à commencer par le Soleil. On a vu plus haut que le diamètre de notre astre du jour est plus de cent fois supérieur à celui de la Terre. Eventuellement, une énorme citrouille pourrait faire l’affaire. Mais ce serait oublier que le Soleil est de taille relativement modeste, lui-même un nabot à côté d’autres étoiles, géantes à proprement parler. Pour faire saisir le diamètre colossal de ces “globes”, pour reprendre le mot de Victor Hugo, j’ai tout de même trouvé cette vidéo, qui impressionnera petits et grands, et leur fera saisir, peut-être mieux que de longs discours, à quel point la Terre est un tout petit monde…
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : par un hasard extraordinaire, la Lune, 400 fois plus petite que le Soleil, est aussi située 400 fois plus près. Ce qui fait que, vu depuis la Terre, le diamètre apparent des deux astres est le même, ce qui permet le phénomène des éclipses totales de Soleil. Je profite de l’occasion pour dire que, le 4 janvier 2011, au matin, la France pourra assister (si la météo le permet) à une éclipse partielle de Soleil. Plus on ira vers le nord du pays, plus la surface du Soleil masquée par la Lune sera grande. Rappelons une fois de plus que, pour observer ce phénomène sans s’abîmer gravement les yeux, il faut s’équiper de lunettes spéciales.
lire le billet– Une étude surprenante : l’effet placebo fonctionne même quand les patients savent que le “médicament” qu’ils prennent est un placebo…
– Cela n’était pas arrivé depuis longtemps : en 2008, l’espérance de vie a baissé aux Etats-Unis.
– Etant donné que l’épidémie d’obésité ne cesse de progresser, il serait temps de concevoir des crash tests avec des mannequins en “surpoids” et non pas des mannequins aux proportions standards…
– Vous aviez appris à l’école qu’il existait deux espèces d’éléphants, ceux d’Afrique et ceux d’Asie ? Il va falloir vous remettre à jour. On s’en doutait depuis plusieurs années mais, cette fois, la génétique a tranché : en fait, il existe trois sortes d’éléphants, deux d’Afrique (un des savanes et un des forêts) et un d’Asie.
– Une info que je mentionne en passant pour mes “amis” défenseurs du “Saint suaire” : l’origine médiévale du linge de Turin vient une nouvelle fois d’être confirmée. Cela n’apprendra pas grand chose à ceux qui ont suivi les débats autour de la datation au carbone 14 du suaire. Et cela ne convaincra pas non plus ceux qui placent la foi avant la science.
– On connaît les mœurs carnivores du tyrannosaure. Mais tous les membres de la famille ne se contentaient pas du même régime que lui et beaucoup mettaient des plantes à leur menu.
– On ne parle pas assez de mode dans ce blog… Pour pallier ce manque, je vous invite à lire cet article du New York Times consacré aux costumes… de l’espace.
– Pour terminer et ce billet et l’année, je vous propose, avec la complicité de The Telegraph, le portfolio des plus belles photos d’astronomie de 2010.
Pierre Barthélémy
lire le billetL’hiver s’est enfin affiché sur la page du calendrier en ce mercredi 22 décembre, mais il y a déjà quelques jours qu’il s’est invité sur nos routes, au point que toutes les conversations tournent autour de ce sujet météorologique qui met en lumière la fragilité de nos infrastructures modernes (aviation, transports routiers, production d’électricité)… et l’incapacité de certains dirigeants. Et pourtant, pourtant, ces vagues de froid et de neige ne sont que de la gnognotte, oui, de la roupie de sansonnet frileux, si on les compare à un autre mois de décembre autrement plus rigoureux, celui de 1879.
Comme vous pouvez le constater sur la gravure ci-dessus, cette année-là, on traverse la Seine à pied sec (et gelé). Comme le raconte très bien Reynald Artaud sur le site MétéoPassion, décembre 1879 est exceptionnel. La deuxième quinzaine de novembre a été bien froide et, pendant 30 heures, les 4 et 5 décembre, il neige sans discontinuer au point que Paris est recouvert de 25 cm de neige, auxquels 10 cm supplémentaires viennent s’ajouter les jours suivants. On imagine à peine ce qu’aurait pu dire Brice Hortefeux s’il avait vécu à cette époque… Juste après ces précipitations neigeuses, un anticyclone à l’air glacial s’assied sur la France et y reste bloqué. A la station météo de Paris-Montsouris, ouverte en 1873, on enregistre un sibérien -23,9°C le 10 décembre !
Pour dégager les rues de Paris, tombereaux, charrettes, brouettes sont réquisitionnés afin de transporter la neige et la glace sur les ponts, où elles sont déversées dans la Seine. Sur le site meteo-paris.com, Guillaume Séchet raconte que “l’activité économique de la capitale s’en trouve ralentie à tel point que certains jours, la Bourse n’enregistre quasiment pas de transactions ; la neige retarde ou suspend l’arrivée des dépêches et du courrier. Pour aider les miséreux, des souscriptions, des fêtes et des loteries sont organisées.”
Les marchands de fourrure sont heureux ainsi qu’un certain Claude Monet, qui se prend de passion pour les jeux de lumière sur la Seine prise par les glaces. Il écrit plus tard : “Je peignis […] sur la glace […]. La Seine était complètement gelée et je m’installai sur le fleuve, m’efforçant de plier mon chevalet d’une manière quelconque. De temps en temps, on m’apportait une bouillote. Mais pas pour les pieds : je n’avais pas froid, c’était pour mes doigts gourds qui menaçaient de laisser échapper le pinceau.” Le peintre réalise une série de toiles parmi lesquelles on trouve ce Coucher de soleil sur la Seine, l’hiver.
On s’adapte. Les traîneaux remplacent les fiacres, on ouvre des chauffoirs, on sale pour la première fois les rues de Paris et… on se met au patin à glace. Comme le rapporte un chroniqueur de l’époque, cité par Reynald Artaud, “on patine un peu partout : sur les lacs du bois de Boulogne, sur les pièces d’eau de nos jardins publics, sur la Seine et jusque dans certaines rues… L’aspect du fleuve vu du haut des ponts est des plus pittoresques. On peut évaluer à 25 000 le nombre de personnes qui ont traversé la Seine le jour de Noël… Le soir venu, une quarantaine d’individus muni de lanternes se sont formés en bande et ont remonté le fleuve du pont de la Concorde au Pont-Neuf.” Une retraite aux flambeaux que la police interdit dès le lendemain.
A la fin du mois de décembre 1879, une masse d’air plus chaud arrive enfin du sud-ouest et les températures redeviennent positives. Début janvier, c’est la débâcle de la Seine, une débâcle spectaculaire qui ira jusqu’à couler de nombreux bateaux et détruire le pont des Invalides. Quand on vous disait que ce mois de décembre 2010 n’était que de la gnognotte…
Pierre Barthélémy
Tout comme vous pouvez trouver, chaque week-end, une sélection de liens dans ce blog, il y aura, régulièrement (mais moins souvent), une sélection des livres que j’ai reçus. Voici la première.
Le Populisme climatique : Claude Allègre et Cie, enquête sur les ennemis de la science, de Stéphane Foucart (éd. Denoël).
Disons-le d’emblée, Stéphane Foucart, avec lequel j’ai eu le plaisir de travailler au Monde, est un ami. En temps normal, je me serais donc abstenu de parler de son livre. Mais les temps ne sont pas normaux, qui voient une petite clique très bien organisée jeter le discrédit sur les travaux de milliers de chercheurs, sous prétexte que leurs résultats n’ont pas l’heur de lui plaire, à elle ou à certaines multinationales du secteur de l’énergie et du pétrole en particulier. Les temps ne sont pas normaux où, à grand renfort de mensonges, de piratages informatiques, de pressions politiques et autres bidonnages pseudo-scientifiques, la menace bien réelle que le réchauffement climatique fait peser sur l’avenir des hommes est niée au nom d’égos mal placés et/ou d’intérêts financiers à court terme.
J’ai eu l’occasion, lorsque je dirigeais le service Sciences et Environnement du Monde, de voir en temps réel les débuts du climato-scepticisme en France, principalement organisé autour de l’ancien chercheur et ancien ministre Claude Allègre et de son fidèle second Vincent Courtillot. Stéphane Foucart a tout de suite pris la mesure de ce discours trompeur et il était naturel qu’un livre vienne, après quelques années, résumer le tout et le mettre en perspective. De quoi s’agit-il ? De montrer que le “climato-scepticisme” est un négationnisme de la science, tout comme il y a un négationnisme de l’histoire. Le climato-scepticisme est aux sciences du climat ce que le créationnisme est à l’évolution : un pêle-mêle de mensonges, d’erreurs, de manipulations, qui n’a d’autre but que d’instiller le doute dans l’esprit du public sur les résultats des chercheurs et de faire accroire que les deux “thèses” se valent, qui peuvent être renvoyées dos à dos. Seulement voilà, il n’y a pas plus de thèse scientifique dans le climato-scepticisme que chez ceux qui croient que le Soleil tourne autour de la Terre ou que le suaire de Turin est celui du Christ.
Le dossier qu’a rassemblé Stéphane Foucart est épais et accablant, qui décortique sur des dizaines de pages les articles publiés par MM. Courtillot et Allègre et leurs inspirateurs américains. Il est comique de voir qu’à côté des magnats de l’industrie pétrolière des Etats-Unis, capables de payer des lobbyistes et des pseudo-instituts de recherche (tout comme l’ont longtemps fait les cigarettiers dont on retrouve parfois les hommes de main dans le dossier climato-sceptique) à coups de dizaines de millions de dollars, l’ancien ministre français de l’éducation fait figure de besogneux amateur du dimanche, recopiant, avec moult fautes d’orthographe, les arguments mensongers des professionnels du déni made in USA. Une sorte d’épicier qui tenterait de s’inspirer des méthodes marketing des hypermarchés du négationnisme scientifique. Tous mentent. Claude Allègre et Vincent Courtillot ne peuvent d’ailleurs plus plaider la bonne foi. Comme l’écrit avec retenue Stéphane Foucart, “la persistance à reproduire des erreurs pourtant portées à la connaissance de leurs auteurs ne peut parfois pas s’interpréter autrement que comme une volonté délibérée de tromper le public”.
Le plus fascinant, dans cette histoire, est que le climato-scepticisme à la française ait trouvé ses deux hérauts les plus médiatiques au sein-même de l’élite scientifique. Ce mystère, personne, pas même Stéphane Foucart, n’est parvenu à le percer. Bien que l’Institut de physique du globe de Paris où les deux ont travaillé soit en relation permanente avec l’industrie pétrolière, ni Claude Allègre ni Vincent Courtillot n’est soupçonné d’être un sous-marin de celle-ci. Ils ne mènent pas cette croisade qui n’a rien de scientifique pour l’argent. Alors pour quoi ? La réponse est sans doute un complexe cocktail psychologique : des géologues longtemps roi des sciences de la Terre qui enragent de passer au second rang, derrière les climatologues ; des hommes qui ont besoin d’exister médiatiquement et jouent la discordance sur le tam-tam du réchauffement médiatique ; des chercheurs, enfin, qui ne parviennent pas à croire en leurs collègues et se plaisent à adopter la posture de l’hérétique, celle d’un Galilée moderne, seul contre tous, seul contre le “complot” mondial, la pensée unique des “réchauffistes”. Tout cela est bien entendu grave. Parce que cela retarde de plusieurs années cruciales la mise en place d’actions internationales de lutte contre les gaz à effet de serre. Et parce que, comme l’écrit Stéphane Foucart, “au-delà de la science climatique, le climato-scepticisme porte en réalité préjudice à toute l’image de la science en jetant le discrédit sur l’intégrité de la démarche scientifique – pourtant encore l’une des dernières citadelles à résister, tant bien que mal, à la défiance de l’opinion”.
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Comment notre coeur bat-il ?, de Gérard Helft (éd. Le Pommier)
C’est une petite pompe d’une robustesse et d’une longévité incroyable, qui éjecte quelque 200 millions de litres de liquide en l’espace de 70 années. Distributeur d’énergie grâce à la circulation sanguine, notre cœur est un moteur particulièrement efficace… quand il fonctionne bien. Mais ce n’est pas toujours le cas. “On estime que, chaque année, près de vingt millions de personnes meurent de maladies cardio-vasculaires. Les conséquences des maladies coronaires et cérébro-vasculaires sont la cause de près d’un décès sur trois dans le monde. Un accident cardiaque survient toutes les quatre secondes ; un accident vasculaire cérébral toutes les cinq secondes”, écrit Gérard Helft, cardiologue, enseignant et chercheur à l’Institut de cardiologie de l’hôpital Pitié-Salpétrière à Paris. Tachycardie, bradycardie, infarctus, insuffisance cardiaque, athérosclérose, hypertension artérielle : tout ce que recouvrent ces termes si souvent entendus est expliqué clairement dans ce petit livre de la collection “Petites Pommes du savoir”.
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La chimie est-elle réellement dangereuse ?, de Stéphane Sarrade (éd. Le Pommier)
Depuis qu’il a su utiliser le feu, l’homme a associé la chimie à son mode de vie, à ses civilisations. Et, comme l’écrit Stéphane Sarrade, en charge du département de physico-chimie du CEA à Saclay, dans cette autre Petite Pomme, “nous sommes définitivement accros à la chimie” qui est partout : dans votre cuisine lorsque vous laissez mijoter un bon petit plat ou que vous vous préparez un café, dans votre salle à manger avec vos verres et vos couverts issus de la chimie minérale, dans les plastiques présents dans la plupart des objets de votre quotidien, dans votre armoire à pharmacie ou votre trousse de toilette, dans votre garage (solvants, colles, peintures, engrais), etc… Pourtant le mot “chimie” n’est pas, dans l’imaginaire collectif, associé à votre bœuf mironton ou à votre savon. Qui dit chimie pense aux catastrophes industrielles, Seveso, Bhopal ou AZF, au gaz moutarde de la Première Guerre mondiale, aux chambres à gaz de la Deuxième, au bisphénol A désormais pourchassé, etc. La chimie a un double visage, rappelle Stéphane Sarrade, et tout est une question de dose et d’exposition. Le but de ce petit livre n’est pas de redorer le blason de la chimie ni de faire en sorte que le public l’accepte à contrecœur comme un mal nécessaire mais “de se l’approprier, car nous allons lui en demander toujours plus”.
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Pour ceux qui cherchent encore une idée de cadeau de Noël, dans la catégorie “Beaux livres”, signalons, tous deux aux éditions de La Martinière, Trompe-l’oeil : Quand la nature fait illusion, de Gilles Mermet et Yves Paccalet, et Fascination : Quand les animaux se rassemblent
, du photographe animalier Ingo Arndt. Le premier dévoile de manière originale des correspondances visuelles entre des textures de plantes et celles d’animaux et rapproche par exemple l’aile de la mante faucheuse et le “parapente” qui équipe les fruits du tilleul commun. Le second évoque les grands rassemblements, spectaculaires, d’animaux, ces hordes, ces bandes, ces essaims, qu’ils soient d’abeilles, de papillons, de limules, de manchots, ou de buffles.
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Le Globule se permet également de signaler :
– En cette fin d’année 2010 dédiée à la biodiversité, deux livres, La biodiversité, ouvrage réalisé par la fondation GoodPlanet.org présidée par Yann Arthus-Bertrand (éd. de La Martinière) et BiodiversitéS : Nouveaux regards sur le vivant
, un ouvrage collectif coédité par le CNRS et Le Cherche Midi.
– A l’occasion de l’exposition “Sciences et curiosités à la cour de Versailles”, ceux qui ne veulent pas faire l’acquisition du volumineux catalogue, peuvent se “rabattre” sur le petit Versailles et les sciences, de Catherine Arminjon (hors-série de la collection Découvertes Gallimard).
– A l’initiative de Claudie Haigneré, un ouvrage collectif intitulé Plaidoyer pour une culture scientifique, qui regroupe des textes de “pointures” comme Etienne Klein, Jean-Pierre Luminet, Nicole Le Douarin, Michel Serres, Jean-Pierre Bourguignon, Pierre Léna, Edgar Morin, etc. Une coédition Universcience Editions et Le Pommier.
– Puisqu’on est dans les “célébrités” de la science, deux d’entre elles viennent de publier un livre : Pascal Picq sort Il était une fois la paléoanthropologie : Quelques millions d’années et trente ans plus tard et Antonio Damasio L’autre moi-même
, tous deux chez Odile Jacob.
– Enfin, trois nouvelles éditions : Evolution : les grandes questions, de Claude Combes (Le Pommier) ; Le Destin de l’Univers : Tomes 1 et 2
, de Jean-Pierre Luminet (Folio essais) ; Les mathématiciens : De l’Antiquité au XXIe siècle
(ouvrage collectif, éd. Belin Pour la Science).
Pierre Barthélémy
lire le billet– Même si la menace d’une guerre nucléaire semble moins présente aujourd’hui qu’il y a quelques décennies, celle du terrorisme atomique est prise très au sérieux aux Etats-Unis, au point que l’administration Obama tente, sans tomber dans l’alarmisme, de diffuser des conseils à la population au cas où le pire arriverait.
– L’administration Obama a un autre ennemi de taille : la carpe asiatique. Classé dans la catégorie des espèces invasives, ce poisson, introduit accidentellement dans le Mississipi il y deux décennies, est remonté vers le nord au point d’être aujourd’hui aux portes des grands lacs et de menacer l’économie de la pêche locale. Un important plan de surveillance et de lutte a été mis en place.
– La Russie vient d’autoriser le traitement du diabète de type I (dit insulino-dépendant) par une xénogreffe (c’est-à-dire la greffe de cellules ou d’organes provenant d’une autre espèce animale) : en l’occurrence, il s’agit de cellules de porc fabriquant de l’insuline. Pour empêcher le rejet et éviter aux patients de prendre des immunosuppresseurs, la compagnie néo-zélandaise qui a conçu ce traitement encapsule les cellules dans une membrane à base d’algue, qui permet à l’insuline de sortir, mais pas aux sentinelles de l’immunité d’entrer et de reconnaître l’intrus… A priori, ce traitement semble plutôt destiné aux personnes qui ont du mal à stabiliser leur diabète mais rien n’empêche de penser qu’il puisse être étendu aux autres. A condition que cette technique soit autorisée dans d’autres pays que la Russie…
– Etant donné que le sommeil aide à la consolidation des souvenirs, passer une nuit blanche après un choc pourrait aider à réduire le stress post-traumatique, en fragilisant la mémoire. C’est ce que suggère une étude japonaise dont les résultats doivent cependant être confirmés.
– Une nouvelle qui n’étonnera pas ceux qui combattent le climato-scepticisme : un des dirigeants de la très conservatrice chaîne Fox News a envoyé un courrier électronique demandant à ceux qui évoqueraient le réchauffement climatique d’assortir toute affirmation sur le sujet d’une remise en cause de la fiabilité des données scientifiques.
– Les 10 histoires de science que les lecteurs de Discovery News ont préférées en 2010.
– Pour terminer, un superbe voyage imaginaire sur sept des plus intéressantes planètes extrasolaires détectées à ce jour et mises en scène par Ron Miller, célèbre illustrateur spécialisé en astronomie. Pour vous en donner un avant-goût, admirez dans la vidéo ci-dessous un coucher de soleils (oui, au pluriel) sur un satellite de HD 188753 Ab, une planète située dans un système à trois étoiles !
Pierre Barthélémy
lire le billetC’est sur un amusant exercice de cartographie-fiction que je suis tombé au hasard de mes pérégrinations sur Internet. Quelqu’un s’est demandé comment les nations se redistribueraient à la surface de la planète si au pays le plus peuplé on attribuait le territoire le plus grand, et ainsi de suite jusqu’au pays le moins peuplé qui prendrait le territoire national le plus petit. La carte qui en résulte (consultable ici en grand) est rigolote et bien souvent involontairement ironique. Elle a été réalisée avec les données Wikipedia. Le but premier de l’exercice consiste à harmoniser, autant que faire se peut, les énormes disparités de densité de population à travers le monde. Entre Monaco et ses plus de 16 000 habitants au kilomètre carré et la Mongolie qui en compte moins de 2, certains se marchent plus sur les pieds que d’autres.
Quels sont les principaux changements qui en résultent (je vais oublier le conditionnel…) ? Commençons par les poids lourds. Le pays le plus peuplé de la planète, la Chine, s’installe donc dans le plus grand appartement, celui de son voisin russe, et récupère au passage des territoires dont elle a été dépouillée au XIXe siècle… Les Chinois réalisent un rêve : conquérir la Sibérie, rester un géant asiatique tout en posant un gros pied en Europe. Quant aux Russes, dont la démographie part en capilotade depuis de nombreuses années, ils se retrouvent en pays de connaissance, dans un de leurs anciens fiefs, le Kazakhstan. Ils se consolent en se disant qu’ils pourront toujours tirer leurs fusées à Baïkonour…
Le deuxième pays le plus peuplé de la Terre, l’Inde, change de continent en s’emparant du territoire canadien et devient un nouveau géant américain. Si Christophe Colomb était toujours de ce monde, il pourrait enfin réaliser son rêve de rejoindre les Indes en traversant l’Atlantique. Dans ce grand jeu de chaises musicales, le Canada fait quasiment le chemin inverse puisqu’il prend la place du Pakistan, tandis que l’ex-territoire indien est attribué, non sans une certaine ironie, à son voisin actuel, le Bangladesh, pays issu de la partition des Indes…
Nous arrivons enfin aux Etats-Unis, troisième nation la plus peuplée de la planète. Et ce n’est pas sans un certain sadisme que nous nous frottons les mains pour savoir dans quel coin ils vont atterrir. En Irak ? Au Soudan ? En Chine ? Eh bien non, rien de tout cela. Il se trouve que l’oncle Sam fait bien les choses car les Américains, dotés du troisième plus grand territoire, restent chez eux et s’économisent un colossal déménagement. Trois autres peuples ne goûtent pas non plus aux joies de l’émigration : les Irlandais (qui ont pourtant une longue tradition en la matière…), les Brésiliens et les Yéménites.
Bon. Et la France dans tout cela ? Nous sommes à l’étroit dans l’Hexagone et comme notre population croît à un rythme plutôt soutenu, nous avons besoin de nous agrandir… Nous continuons à aller à la montagne et à la mer, mais la Riviera se transporte sur les bords du Pacifique puisque nous atterrissons au Pérou. Ce qui ravit les fans d’archéologie, de Tintin au Temple du Soleil et de Serge Lama… Mais qui récupère nos vignes, notre tour Eiffel et notre douceur angevine ? La Malaisie, dont la population jeune et en expansion aspire aussi à plus d’espace. Les Belges qui se demandent s’ils ne doivent pas couper leur pays en deux se retrouvent dans un territoire actuellement occupé par un peuple ayant des préoccupations du même ordre, le Sahara occidental… Ce sont les Mongols qui débarquent au plat pays, passant d’un ranch immense à une coquette studette. Pour ce qui concerne les Helvètes, ils récupèrent la place laissée vacante par les Bangladais. La Suisse se retrouve battant pavillon panaméen…
Parmi les nombreuses coquetteries de cette grande redistribution, j’ai noté que les deux Corées ne pouvaient pas se quitter et continuent donc à se quereller, la Corée du Nord au Botswana et celle du Sud en Afrique du Sud ; les Britanniques ne sont plus un peuple d’insulaires puisque les sujets de sa Majesté Elisabeth II se retrouvent au Niger, sans accès à la mer ; enfin, le choc thermique risque d’être rude pour certains, comme les Vietnamiens transportés au Groenland, les Nicaraguayens en Islande ou les Libanais au Spitzberg… Je n’ai évidemment pas cherché à tout dire et les commentaires sont ouverts à ceux qui auront noté d’autres curiosités amusantes.
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : une autre manière, plus sérieuse, de représenter les choses consiste à gonfler ou amaigrir les territoires des nations en fonction de leur population. Cette technique a été exploitée avec brio dans l’Atlas du monde réel, publié en 2008 aux Editions de la Martinière.
C’est Noël avant l’heure pour la marine américaine. L’Office of Naval Research (ONR), bras scientifique et technologique de l’US Navy, a en effet annoncé, le 10 décembre, un nouveau record pour le canon révolutionnaire sur lequel elle travaille depuis quelques années : un canon électromagnétique, sans poudre, capable de tirer des obus hypersoniques à plusieurs centaines de kilomètres… Une arme qui introduirait de nouvelles règles au grand jeu de bataille navale. Le principe de ce Railgun est simple : l’obus est placé entre deux rails parallèles ; l’électricité produite par le moteur du bateau est momentanément stockée, puis relâchée dans les rails, ce qui crée un champ magnétique très puissant, lequel propulse le projectile à une vitesse de 7,5 fois la vitesse du son.
Pour donner plus de chiffres au sujet de cette arme, je dirai que le prototype utilisé lors du test du 10 décembre a obtenu une énergie de 33 mégajoules (trois fois plus que le record précédent qui datait de 2008). Ce canon a pour le moment le potentiel de toucher une cible située à près de 200 kilomètres ! A titre de comparaison, les canons actuels de la marine américaine ne dépassent pas la trentaine de kilomètres. A terme, le Railgun devrait atteindre les 64 mégajoules et tirer à plus de 350 kilomètres des obus qui parcourraient la distance en seulement 6 minutes. Ils effectueraient une partie de leur vol au-dessus de l’atmosphère et toucheraient leurs cibles à la vitesse de Mach 5 (5 fois la vitesse du son). A cette vitesse-là, le projectile n’a plus besoin d’embarquer de charge car sa seule énergie cinétique a un énorme pouvoir destructeur.
Le navire équipé d’un canon électromagnétique cumulera donc les avantages : puissance, possibilité de tirer sur l’ennemi tout en en restant hors de portée et sécurité accrue (plus d’explosifs à bord des bateaux). Selon Foxnews, le programme a déjà coûté 211 millions de dollars depuis 2005 et il reste à résoudre plusieurs problèmes techniques avant que ce canon du XXIe siècle puisse équiper la flotte américaine (probablement dans une quinzaine d’années) : le canon génère beaucoup de chaleur et d’énergie et risque de s’abîmer lui-même ; le projectile doit pouvoir résister à ces contraintes sans se détruire ni se déformer ; il faut enfin que les navires puissent fournir assez d’électricité pour “charger” les canons de manière répétée et rapprochée. Selon Roger Ellis, le responsable du programme à l’ONR, l’US Navy espère à terme être capable d’envoyer 6 à 12 projectiles à la minute.
Pour voir à quoi ressemble cette grosse Bertha d’un genre nouveau, jetez un œil à la vidéo suivante :
Pour information, la France, en collaboration avec l’Allemagne, a un programme de recherche sur le même genre de canon, qui pourrait aussi servir de rampe de lancement pour de tout petits satellites.
Pierre Barthélémy
J’avais remarqué l’info dans les Lu, Vu & Entendu de Slate.fr, sans y accorder plus d’importance que cela : on aurait découvert un gène de l’infidélité et du “petit coup d’un soir bonsoir”. Je me suis dit : “Encore une ânerie” et j’ai tourné une page dans mon cerveau. Puis l’info est revenue ailleurs, notamment sur des sites anglo-saxons, qui titraient sur le “slut gene”, littéralement “le gène de la salope” (là, là, là, là, là, etc). Cette fois-ci, au lieu de tourner une nouvelle fois la page, j’ai fait “pause”. Depuis que je fais ce métier, combien de fois ai-je vu ce genre d’information, le gène du comportement bidule, de l’habitude machin ? La réponse est : beaucoup. Au point que l’idée du “Tout est inscrit dans les gènes” s’est petit à petit gravée dans les esprits.
Et c’est bien pratique. Donc, vous êtes une traînée (mais je rassure les femmes, ça marche aussi chez les hommes) ? C’est génétique. Vous êtes alcoolique ? C”est génétique. Vous êtes un délinquant violent ? C’est génétique. Vous êtes gay (désolé pour l’amalgame…) ? C’est génétique. Vous croyez en Dieu ? C’est génétique. Vous aimez prendre des risques financiers ? C’est génétique. Vous êtes de gauche ? C’est génétique. Vous êtes une grande danseuse ? C’est génétique. Vous êtes déprimé ? C’est génétique. Donc, si vous êtes un délinquant alcoolique homosexuel religieux de gauche dépressif infidéle et bon danseur, ça s’explique, c’est génétique. De la même manière, il y a des chances que vos gènes vous disent pourquoi vous êtes un honnête citoyen sobre athée hétérosexuel de droite fidèle joyeux qui écrase les pieds de tout le monde en dansant la rumba…
J’imagine qu’un jour prochain, on trouvera le gène qui explique pourquoi on croit au tout génétique. Et je parie que ce gène est présent chez bien des personnages importants. Qui, en effet, a dit, en 2007, juste avant de devenir président de la République (zut, la réponse est dans la question…) : “J’inclinerais, pour ma part, à penser qu’on naît pédophile, et c’est d’ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a 1 200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n’est pas parce que leurs parents s’en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable.” Dans un genre un peu différent mais tout aussi symbolique, il est revenu à ma mémoire ce procès en Italie, en 2009, au cours duquel un assassin a bénéficié de circonstances atténuantes en raison d’une “vulnérabilité génétique” pouvant le mener à la violence.
Loin de moi l’idée de vouloir jeter la pierre à la génétique, qui a permis de comprendre ce qui causait un certain nombre de graves maladies dont les plus connues sont la myopathie de Duchenne, l’hémophilie, la mucoviscidose ou les différentes formes de trisomie. Simplement, une chose est d’identifier un gène défaillant ou un chromosome surnuméraire et une autre est de mettre le doigt sur un gène corrélé avec tel ou tel comportement. La mécanique inexorable qui est à l’œuvre dans le premier cas ne se retrouve pas dans le second. Il n’y a pas d’automaticité, pas de fatalité, et il arrive aussi souvent que des personnes présentent un comportement particulier sans avoir le gène qui lui est soi-disant relié. Les chercheurs travaillant sur ces “liens” (qui ne sont pas forcément des liens de cause à effet) prennent en général beaucoup de pincettes pour expliquer que le gène qu’ils ont identifié augmente, sous certaines conditions environnementales ou socio-éducatives, la probabilité pour que la personne adopte le comportement en question…
Malheureusement, ces précautions de langage disparaissent souvent dans les comptes-rendus des médias ou dans l’assimilation des notions par le grand public. Alimentée par des articles sensationnalistes, la dictature du gène a finalement gagné bien des esprits, comme une version moderne de la phrénologie qui, au XIXe siècle, expliquait les “caractères” par le relief du crâne (la fameuse “bosse des maths”…) . Aujourd’hui, pour justifier ou comprendre les comportements, on met de côté le libre arbitre, l’éducation, les influences culturelles ou sociales, au profit d’un déterminisme génétique. Bienvenue à Gattaca, le monde où les “défauts” sont inscrits dans l’ADN, où l’homme ne peut transcender la somme de ses informations génétiques. Un monde où certains de mes confrères titrent sur le “gène de la salope”.
Je me souviens qu’un rédacteur en chef m’a un jour demandé d’écrire un article sur “le gène de Dieu”, qui aurait expliqué le sentiment religieux. Enervé, je lui ai un peu sèchement rétorqué que j’attendrais que l’on identifie d’abord le gène de la connerie. Quelques années plus tard, ce dernier échappe toujours aux chercheurs. Peut-être craignent-ils de le trouver chez tout le monde ?
Pierre Barthélémy
– Un accord modeste mais un accord quand même. Après la déception de Copenhague en décembre 2009, la conférence de Cancun, au Mexique, sur le changement climatique s’est terminée sur l’adoption d’une série de mesures pour lutter contre le réchauffement.
– Pendant ce temps-là, la NASA annonçait que l’année météorologique 2010, qui se terminait le 30 novembre, était la plus chaude jamais enregistrée en 130 ans de mesures.
– Pour terminer avec le climat, une étude vient de montrer qu’en fondant, les glaciers libèreront des polluants organiques persistants. Ce qui n’améliorera pas la santé des ours polaires ni celle du Père Noël. D’ici à ce que l’on dise que le réchauffement donne le cancer…
– Un grand débat qui agite le petit monde des cosmologistes ces temps-ci concerne l’origine de notre Univers. Certains considèrent que celui-ci est né de la collision de super-trous noirs existant dans un Univers précédent, lui-même créé de la même manière, etc. Deux chercheurs pensaient avoir trouvé des indices en faveur de cet Univers cyclique dans le rayonnement fossile qui baigne le cosmos. D’autres équipes interprètent ces données différemment…
– L’aspirine, c’est bon pour faire passer le mal de tête qui vous a pris en essayant de comprendre un article sur la cosmologie. Selon une étude anglaise, une petite dose quotidienne d’acide acétylsalicylique permet de réduire sensiblement le risque de décès par cancer.
– Pour la première fois, une équipe allemande a pu suivre un accouchement par IRM, dans une machine aménagée pour l’occasion. L’idée est de comprendre pourquoi, dans un certain nombre de cas, les bébés ne parviennent pas à se frayer un chemin par les voies naturelles, ce qui entraîne des césariennes.
– Et si la sortie d’Afrique de l’homme moderne s’était faite par le golfe Persique, à l’époque où celui-ci n’était pas une mer mais une immense oasis ? C’est l’idée d’un archéologue britannique, publiée dans Current Anthropology. Une manière de déplacer l’Atlantide et dans l’espace et dans le temps…
Pierre Barthélémy
lire le billetIl n’y a plus de saisons : voilà qu’il se met à neiger en décembre maintenant! Bon sang de bois, dans les 10 centimètres de poudreuse mercredi 8 décembre, quasiment l’équivalent de tout ce qui tombe durant un hiver russe ou canadien. On se croirait revenu au temps des grandes glaciations et si cela continue, dans trois jours, les ours polaires débarqueront à Paris. Heureusement, braves gens, dormez tranquilles, la France a un gouvernement. Un gouvernement lucide, intelligent, responsable.
Prenons, par exemple, Brice Hortefeux. Ainsi, alors même que la neige tombait depuis quelques heures et commençait à faire ses premiers «naufragés» de la route, qu’on allait compter jusqu’à 400 km de bouchons cumulés (soit la distance Paris-Clermont-Ferrand, ce qui est un ordre de grandeur compréhensible pour un Auvergnat), que plusieurs milliers de personnes allaient passer la nuit dans leur voiture ou dans des gymnases, le ministre de l’intérieur déclarait-il qu’il n’y avait «pas de pagaille». Un sang-froid churchillien, un flegme à toute épreuve. De deux choses l’une : ou bien Brice Hortefeux n’avait pas regardé dehors ou bien il a confondu la définition du mot «pagaille» avec celle du mot «pagaie» qui le précède dans le dictionnaire. Le fait est qu’il a dû bien ramer pour essayer de rattraper sa petite phrase. C’était pour la lucidité.
Autre membre du gouvernem… euh, non, finalement, on va rester sur M. Hortefeux qui, pour expliquer les petits soucis (puisqu’il n’y avait pas de pagaille) que rencontraient les automobilistes, a déclaré au JT de France 2 : “Ce qui pose problème, dans ces épisodes neigeux qui sont extrêmement forts comme vous avez pu le vivre vous-même j’imagine, ce sont les routes lorsqu’elles sont inclinées.” Ah, si Galilée avait eu une automobile et une route enneigée, nul doute que ses expériences sur le mouvement de la chute des corps le long d’un plan incliné eussent été simplifiées ! Quant au Belge de Coluche qui cherchait un lac en pente pour faire du ski nautique, on imagine qu’il a compris son erreur en écoutant Brice “Science” Hortefeux. Neige plus pente égalent glisse, le Prix Nobel de physique est en vue. C’était pour l’intelligence.
Un autre qui ne manque pas d’intelligence au gouvernement, c’est le premier des ministres. Arrivé à Moscou avec du retard en raison des intempéries ce fameux mercredi 8 décembre, François Fillon a rejeté la faute des petits problèmes routiers français (toujours pas de pagaille à l’horizon) sur MétéoFrance qui, comme on le sait, est l’organisme chargé du déneigement des routes dans notre pays : “Météo France n’avait pas prévu cet épisode neigeux, en tout cas pas son intensité”, a déclaré M. Fillon. On comprend bien que le locataire de Matignon a autre chose à faire que de lire les prévisions de MétéoFrance. Voici donc, pour son information, ce que disait le bulletin du mardi 7 décembre : “Les chutes de neige se renforceront demain matin sur les Pays de Loire et gagneront progressivement le Bassin parisien puis la Champagne. (…) Sur les départements en vigilance orange, la couche de neige atteindra 3 à 7 cm en moyenne, jusqu’à localement une dizaine de cm. (…) Les conditions de circulation peuvent devenir rapidement difficiles sur l’ensemble du réseau.” Un second bulletin fut émis le lendemain révisant à la hausse l’épaisseur de la couche de neige attendue.
Mais peu importe, quand la France est prise dans les congères (non, congère n’est pas un synonyme de ministre), on accuse le thermomètre. Cela évite d’avoir à expliquer pourquoi les services de l’Etat n’ont pas pu traiter ou dégager les routes. Cela évite aussi de justifier pourquoi, dans le projet de loi de finances pour 2011, les crédits de l’action “Entretien et exploitation du réseau routier national” perdent 27% en autorisations d’engagement et près de 20% en crédits de paiement. Selon la CGT Equipement, le gouvernement prévoit “une baisse de 10% des crédits de fonctionnement des routes nationales, qui sont consacrés principalement à l’exploitation et au traitement des chaussées pendant la période hivernale”. En tentant de reporter la faute sur MétéoFrance, Fillon a sans doute voulu se dispenser d’expliquer aux Français qu’on n’allait pas dépenser des millions d’euros pour deux jours de neige par an… C’était pour le sens des responsabilités du gouvernement.
Pendant ce temps, à Montréal, il tombait 32 cm de neige. Et il devrait en tomber à peu près autant pendant le week-end. Les opérations de déneigement s’effectuent normalement. Sans doute nos amis canadiens ont-ils mieux compris que nous ce qu’Emile de Girardin voulait dire avec son célèbre “Gouverner, c’est prévoir.” Mais, soyons-en assurés, le gouvernement français va tirer toutes les conclusions de cette non-pagaille et, la prochaine fois, il ne se laissera pas avoir. Qu’il se méfie cependant, parce que si le temps continue de se détraquer, nous aurons du soleil en juillet.
Pierre Barthélémy
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