Le Père Noël est-il malade ?

pere-noel

Je me pose la question à chaque fois que je le vois passer, sur son traîneau volant, dans son grand manteau rouge : quel est l’indice de masse corporelle du Père Noël ? Le brave homme n’a jamais le temps de se laisser peser ni mesurer mais je suppose, à sa silhouette, que son IMC est supérieur à 25, voire 30, ce qui fait de ce barbu aux joues rougies par le froid, un candidat idéal au régime. Malheureusement, le Père Noël est trop occupé pour prendre rendez-vous chez le diététicien et il va falloir réfléchir un peu pour comprendre les causes de son obésité. Car, oui, reconnaissons-le, Santa Claus mange trop, et surtout trop gras (et en plus de cela, il ne fait de l’exercice qu’un seul jour par an).

Penchons-nous un instant sur son alimentation. Ce n’est un secret pour personne, pas même pour les petits enfants, le Père Noël vit quelque part dans le cercle polaire arctique, non loin du pôle Nord. Pour le moment, Wikileaks n’a pas encore divulgué les coordonnées géographiques exactes de sa maison, mais cela ne saurait tarder. Dans cette région du monde, pas grand chose ne pousse et c’est pour cette raison que le Père Noël se nourrit essentiellement de viande et de poisson, car son budget “végétaux” passe quasi intégralement dans le fourrage de ses rennes.

Qu’y a-t-il donc à manger dans la région ? Côté pêche, ses poissons préférés sont l’omble chevalier et la morue polaire. Mais le Père Noël a aussi un faible pour le hakarl, une spécialité culinaire islandaise à base de viande de requin du Groenland. Cela vous a un goût de vieux fromage pourri et une forte odeur d’ammoniaque car il faut dire que le requin sue son urine au lieu de l’excréter par un orifice… Côté chasse, le gibier ne manque pas et le Père Noël se fait souvent aider de ses lutins pour le tuer : des oiseaux comme le goéland bourgmestre, la macreuse à ailes blanches, différentes espèces de guillemots, le fulmar boréal, des animaux à quatre pattes comme le renard arctique ou un petit ours polaire de temps en temps (ne le dites pas au WWF…) et des mammifères marins bien gras, comme l’orque, le béluga, la baleine boréale ou le phoque annelé.

Le problème, c’est que ces animaux, quasiment tous situés au sommet de la pyramide alimentaire, stockent dans leur organisme beaucoup de produits chimiques. Car si l’Arctique est une région apparemment immaculée avec ses grands espaces glacés et un nombre réduit d’habitants humains, une quantité considérable de polluants venus d’Europe de l’Ouest, d’Amérique du Nord et d’Asie s’y retrouve, apportée là par les vents et les courants marins. Absorbés par les végétaux et animaux situés tout en bas de la chaîne alimentaire, ces produits la remontent en se concentrant dans l’organisme des prédateurs. Ce jusqu’au Père Noël qui est LE super-prédateur du coin.

Une équipe de chercheurs canadiens, norvégiens et danois a rassemblé, dans une vaste analyse publiée en 2009 par la revue Science of the Total Environment, un très grand nombre d’études réalisées sur le sujet au cours des dernières années. L’ensemble fait une cinquantaine de pages et, si on peut regretter que ces scientifiques n’aient pas pu mettre la main sur un des lutins du Père Noël pour lui faire subir un check-up complet voire le disséquer, il donne une bonne idée de ce que risquent ceux qui prélèvent leur nourriture sur la faune arctique. Si l’on prend l’exemple de l’ours polaire, qui est un bon analogue de Santa Claus, étant donné que les deux ont à peu près le même régime alimentaire, la même toison blanche et la même corpulence, il y a de quoi se faire du souci pour l’état de santé du Père Noël.

Ursus maritimus est devenu un cas d’école pour ce qui concerne l’accumulation des polluants organiques persistants, connus sous leur acronyme de POP. Non content de devoir se débrouiller avec le réchauffement climatique qui fragilise la banquise et réduit sa période de chasse, l’ours polaire est sûrement un des quadrupèdes les plus contaminés par des produits toxiques sur la planète. Parmi ces produits, on trouve le tristement célèbre PCB, le non moins connu DDT, le PFOS ou le HCH. Les effets de ces molécules sur la santé de l’ours et, partant, sur celle du Père Noël, sont multiples : problème de régulation des vitamines ; perturbation du système endocrinien touchant les hormones thyroïdiennes et les hormones sexuelles ; conséquences sur la fertilité et les organes de la reproduction, le foie, les reins, le système immunitaire et les os.

Chaque année, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) publie sa liste rouge des espèces menacées. Aux dernières nouvelles, l’ours polaire était classé dans la catégorie “Vulnérable” mais le Père Noël n’apparaissait nulle part. Pourtant, il est urgent de se préoccuper de sa santé : tant qu’il n’aura pas formé son successeur, il n’y aura que lui pour remplir nos chaussons dans la nuit du 24 au 25 décembre…

Pierre Barthélémy

3 commentaires pour “Le Père Noël est-il malade ?”

  1. […] Ingrédients Organiques : Le Père Noël est-il malade ? […]

  2. […] Ce billet était mentionné sur Twitter par Le bar des sciences, Oliver VLNDY et le sapin digital, Slate.fr. Slate.fr a dit: Le Père Noël est un malade http://bit.ly/guKIdO […]

  3. […] des polluants organiques persistants. Ce qui n’améliorera pas la santé des ours polaires ni celle du Père Noël. D’ici à ce que l’on dise que le réchauffement donne le […]

« »