Depuis la mort d’Albert Einstein, le 18 avril 1955 à 76 ans, on sait grâce au journaliste Steven Levy que le cerveau du savant a été extrait par Thomas Harvey. Lors de cette découverte, en 1978, ce médecin déclara n’avoir rien trouvé de particulier dans la structure du cerveau pouvant expliquer les capacités exceptionnelles du savant, comme le note Wikipédia. Déception… Le génie n’affecterait donc pas l’organe de l’intelligence par excellence…
C’est ce que l’on croyait jusqu’à l’étude publiée le 16 novembre 2012 dans la revue Brain par trois chercheurs américains, Sean Falk, Federick Lepore et Adrianne Noe. Ces derniers ont eu accès à 14 photographies du cerveau d’Einstein récemment découvertes, “la plupart prises sous des angles non conventionnels”, indiquent-ils. Deux des photographies révèlent la forme des sillons sur la surface médiane des hémisphères et une autre l’anatomie du lobe droit. Les chercheurs ont ainsi pu étudier la plupart des sillons présents sur le cerveau d’Einstein afin de les comparer à ceux de 85 cerveaux humains décrits dans la littérature. Ils ont ensuite tenté d’interpréter les différences à la lumière que l’on sait sur l’évolution des processus cognitifs humains.
Résultats, le cerveau d’Einstein présente un “extraordinaire cortex préfrontal“ qui pourrait avoir contribué à ses aptitudes cognitives hors du commun. De même, les cortex somato-sensoriels et moteurs près des régions qui représentent le visage et la langue sont très développées dans l’hémisphère gauche. Les lobes pariétaux d’Einstein sont également inhabituels et pourraient expliquer ses capacités de vison dans l’espace et ses dons en mathématique. Si son cerveau présente les asymétries frontale et occipitale typiques, il montre une extrême asymétrie des lobes pariétaux inférieurs et supérieurs. Enfin, les chercheurs ont constaté que, contrairement à ce que disait la littérature, le cerveau d’Einstein n’est pas sphérique, ne présente pas une absence d’opercule pariétale et dispose de sillons latéral (scissure de Sylvius) et postcentral qui ne se croisent pas.
L’association populaire entre l’intelligence et les “grosses têtes” semble infirmée par le cerveau d’Einstein qui ne présente pas une taille exceptionnelle. En revanche, certaines de ses particularités pourraient donc être associées à ses capacités cognitives exceptionnelles. Ce qui semblerait démontrer que l’évolution de cet organe tend à privilégier certaines parties comme le cortex préfrontal. Reste à déterminer si les caractéristiques de ce cerveau permettent de discerner une évolution qui touchera progressivement tous les cerveaux humains ou bien q’il s’agit là d’une exception due au hasard. Il semblerait que, depuis la mort d’Albert Einstein, l’augmentation du nombre de génies sur Terre ne suive pas celle de la démographie…
Michel Alberganti
lire le billetMême sans illusion, il fallait essayer… Après l’embrasement médiatique provoqué par la publication de l’expérience de Gilles-Eric Séralini, le 19 septembre 2012, les avis donnés par les agences de sécurité sanitaire et les prises de position des académies, comme celles de multiples pétitionnaires, comment ne pas tenter une confrontation ? Rassembler les protagonistes sur un même plateau pour un débat sur France Culture, ce n’était que la suite logique de deux mois d’affrontements indirects.
Le résultat, vendredi 16 novembre entre 14 et 15 heures dans Science Publique, n’a pas dérogé à la règle qui prédomine, en France, depuis la conférence de citoyens sur “l’utilisation des OGM dans l’agriculture et l’alimentation”, précédée par le rapport de Jean-Yves Le Déaut, qui date de… juin 1998. Ni le “débat public sur les OGM” de l’an 2000, ni le débat public sur “les OGM et les essais en champ” de 2002, n’ont changé la donne. Un dialogue dépassionné reste impossible. Pourtant, et l’émission d’aujourd’hui le confirme, une porte de sortie par le haut existe. Mais aucun des deux camps n’est prêt à faire les concessions nécessaires pour la franchir sereinement. Pour cela, il faudrait réunir trois conditions.
Rationnellement, il est difficile d’admettre que les tumeurs révélées par l’expérience sur des rats pendant 2 ans menée par Gilles-Eric Séralini soient une preuve scientifiquement indiscutable de la dangerosité pour la santé humaine de l’OGM NK603 et du Roundup de Monsanto. Néanmoins, l’opération médiatique réalisée par le biologiste, malgré le regrettable dérapage du Nouvel Observateur titrant “Oui, les OGM sont des poisons”, est une réussite. Incontestable elle. Avec le CRIIGEN et un budget de 3,2 millions d’euros, Gilles-Eric Séralini a atteint ce qui, à l’évidence, était son principal objectif : révéler les failles des procédures actuelles d’évaluation des OGM. Celles-ci sont, au moins, au nombre de trois :
– Pas d’essais à long terme (2 ans, soit la vie entière des rats)
– Pas d’indépendance des laboratoires réalisant les essais limités à 90 jours
– Pas de transparence dans la publication des résultats de ces essais
Qu’il s’agisse de la Commission du génie biomoléculaire CGB), créée en 1986, de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA), créée en 1999, de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) créée en 2002 ou de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement du travail (Anses), créée en 2010 par la fusion de l’AFSSA et de l’AFSSET, aucun de ces multiples organismes n’est parvenu à imposer des règles palliant ces trois défauts.
Les acteurs d’aujourd’hui, Gilles-Eric Séralini ou de Gérard Pascal, ancien directeur scientifique de l’INRA, ont contribué aux travaux de ces plusieurs de ces institutions. Des débats houleux s’y sont déroulés. Mais ils n’ont jamais abouti à l’établissement de normes d’essais satisfaisantes. D’un coté, parfois, leurs avis ont été balayés pour des raisons politiques. L’influence des partis écologistes a conduit à des interdictions d’OGM en France contre l’avis de la CGB, par exemple. De l’autre, l’influence des industriels, Monsanto en tête, même si elle est beaucoup moins apparente, n’en est pas moins certaine.
D’où un blocage total qui a conduit à la situation actuelle. Les scientifiques luttent contre le rejet irrationnel des écologistes qui les poussent à avoir tendance à minimiser les risques. Les opposants aux OGM exploitent cette tendance pour démontrer que les experts ne sont pas indépendants et qu’ils agissent pour le compte des industriels. Chacun s’enferme dans une position caricaturale. Les attaques personnelles fusent et bloquent la possibilité d’un débat serein et rationnel. Toute remise en cause des procédures se traduit par une accusation ad hominem.
Dès le 19 septembre, dans la précipitation qui a suivi la publication de l’expérience Séralini, trois ministères (écologie, santé, agriculture) ont fait la déclaration suivante : “ Le Gouvernement demande aux autorités européennes de renforcer dans les meilleurs délais et de façon significative l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux”. Si elle a pu sembler bien prématurée ce jour là et si l’avis de l’ANSES a invalidé, ensuite, l’expérience Séralini, cette réaction apparaît aujourd’hui comme, paradoxalement, judicieuse mais insuffisante.
Judicieuse parce que les différentes conclusions de l’affaire, dans les deux camps, convergent effectivement vers une remise en cause de l’évaluation des OGM. Insuffisante parce que l’amélioration qui apparaît indispensable doit être nettement plus que significative. Radicale serait un terme plus juste. De plus, les autorités européennes ne sont pas seules concernées. La France l’est aussi. Et elle pourrait même jouer un rôle moteur dans cette révision en profondeur de l’évaluation des OGM.
Ce n’est pas le moindre des résultats de l”affaire Séralini que de faire poindre un consensus entre les deux camps. Qu’il s’agisse de l’Anses dans son avis sur l’expérience, du HCB ou d’une personnalité comme Gérard Pascal, tout le monde admet que l’absence d’études à long terme probante n’est pas acceptable. Les hommes consomment des OGM pendant toute leur vie. Pourquoi les expériences sur les rats se limiteraient à trois mois, soit le huitième de leur durée de vie ?
Si un accord existe sur ce point, il reste à établir des procédures permettant d’apporter une réponse à la question, tout en garantissant l’indépendance des études. L’Anses semble l’organisme le mieux placé pour prendre en charge ces études. Il dispose des laboratoires nécessaires. Il ne lui manque que le financement. Or, la règle actuelle veut que ce soient les industriels qui financent ces études. Aujourd’hui, ce sont eux qui pilotent les expériences et choisissent soit de les réaliser dans leurs propres laboratoires, soit de les confier à des laboratoires privés. Il suffit donc que les industriels donnent ce même argent à l’Anses… Cela paraît presque trop simple. En fait, une difficulté subsiste.
L’étude de Gilles-Eric Séralini a coûté 3,2 millions d’euros. Pour qu’elle soit scientifiquement recevable, il aurait fallu multiplier le nombre de rats par 5, voire par 7 ou 8. Cela porterait le coût de l’étude à environ 10 millions d’euros. Le résultat permettrait d’évaluer l’impact d’une variété de mais transgénique, le NK603, et d’un insecticide, le Roundup. Mais il existe des dizaines de variétés de plantes génétiquement modifiées. Faut-il les évaluer toutes de la même façon ? Certaines études sur une variété donnent-elles des informations valables sur les autres ? Comment réduire le coût de ces études à des sommes acceptables ? C’est la question que posent certains scientifiques plutôt pro-OGM. Et ce sont aux scientifiques d’apporter une réponse.
Cette interrogation sur la viabilité économique des études d’évaluation des OGM ne concerne néanmoins pas la société elle-même. Ce n’est un problème que pour ceux qui devront financer les études, c’est à dire les industriels… Si le financement des études déclarées nécessaires par les scientifiques s’avère trop élevé pour que les OGM restent économiquement rentables, cela signifiera simplement que ces produits sont inadaptés à la commercialisation.
Dans les coulisses de Science Publique, après l’émission, l’un des invités admettait que l’intérêt des OGM pour la société n’est pas clairement établi. Les perspectives affichées par les semenciers telles que la culture sous des climats difficiles, avec des quantités d’eau réduite ou de mauvaise qualité (saumâtres) sont restées à l’état de… perspectives et de promesses pour le futur. Idem pour le discours sur le fait de pouvoir nourrir 9 milliards d’habitants. Pour l’instant, les OGM rapportent… de l’argent aux industriels. C’est la seule certitude. Les gains sur les rendements et sur l’économie des exploitations agricoles sont largement contestés.
Ainsi, aujourd’hui, la réponse à la question simple : Avons-nous vraiment besoin des OGM ? est clairement : Non, pas vraiment. Pour les accepter, le moins que l’on puisse attendre est d’obtenir une raisonnable certitude de leur absence d’effets néfastes sur la santé humaine. Si l’établissement de cette preuve revient trop cher, tant pis. Nous nous passerons des OGM. Et le débat sera, enfin, clôt.
Michel Alberganti
(Ré)écoutez l’émission Science Publique que j’ai animée le 16 novembre 2012 sur France Culture :
Après la publication par le Nouvel Observateur d’un titre alarmiste le 19 septembre, l’étude réalisée par Gilles Eric Séralini sur des rats alimentés avec des OGM et de l’insecticide a fait grand bruit. Finalement, les experts ont invalidé ces résultats. Mais le doute est désormais jeté sur l’ensemble des études réalisées sur les OGM. Comment la science sort de cette manipulation ? …
Invités :
Gérard Pascal, ancien directeur scientifique à l’INRA et expert en sécurité sanitaire des aliments à l’OMS
Jean-Christophe Pagès, professeur et praticien hospitalier à la Faculté de médecine de Tours et président du comité scientifique du Haut Conseil des Biotechnologies
Gilles-Eric Séralini, professeur de Biologie Moléculaire Université de Caen – Laboratoire de Biochimie et Biologie Moléculaire
Joël Spiroux de Vendomois, président du Comité de Recherche et d’Information Indépendant sur le Génie Génétique, le CRIIGEN
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Le 22 octobre 2012, le verdict de l’Agence nationale de sécurité alimentaire (Anses), faisant suite à ceux de l’Europe (EFSA) et d’autres autorités nationales (BfR allemand entre autres), a fait l’effet d’un KO scientifique. Au final, l’étude publiée le 19 septembre dans une revue à comité de lecture, n’est pas scientifiquement recevable. Ses conclusions ne peuvent, de ce fait, être acceptées. En matière de toxicité des OGM et du Roundup, tout reste à donc à faire.
Tel est, justement, le raisonnement des 140 scientifiques français signataires d’une lettre ouverte publiée, le 14 novembre, sur lemonde.fr. La voici:
Science & Conscience
Devant l’incroyable levée de boucliers suscitée par la publication de Gilles-Éric Séralini et de son équipe dans le journal Food and Chemical Toxicology, nous, membres de la communauté scientifique, tenons à affirmer les points suivants.
– D’une part, les scientifiques qui se sont exprimés sur ce sujet l’ont fait en leur nom propre et ne peuvent prétendre représenter la communauté scientifique dans son ensemble. Le fait qu’un groupe d’une douzaine de personnes prétendant représenter six académies ait décidé d’un communiqué commun sans débat est contraire au fonctionnement normal de ces institutions et interroge sur la vision de la science et de la technologie (et de leur utilité sociale) ayant présidé à une telle décision (au contraire, par exemple, du débat organisé par l’Académie des Sciences dans le cadre de la polémique sur le changement climatique, à l’issue duquel la responsabilité de l’homme a été avérée). Nous saluons sur ce point la réaction salutaire du seul statisticien de l’Académie des Sciences, Paul Deheuvels.
– D’autre part, le protocole suivi dans cette étude présente des défauts qui font débat au sein de la communauté scientifique. Mais en tout état de cause, disqualifier le protocole suivi dans le cadre de cette étude revient à disqualifier du même coup les données ayant fondé les décisions d’acceptation des OGM par les experts. Il est remarquable de voir ces mêmes experts accepter (même s’ils le critiquent parfois) un protocole expérimental quand il donne des résultats qui vont dans le sens de l’acceptation d’une technique et le démolir aussi ardemment quand les résultats vont dans le sens opposé. Ceci est à notre avis totalement contraire à toute déontologie scientifique. Nous affirmons donc que, si les observations en débat méritent d’être confirmées par des expériences de plus grande ampleur, cela s’applique également aux tests qui ont servi à autoriser toutes les plantes transgéniques actuellement sur le marché. Si toute cette histoire aboutit au moins à ce résultat, elle aura été utile.
Nous sommes profondément choqués de l’image de notre communauté que cette polémique donne aux citoyens. L’expertise des risques pour la santé humaine ou l’environnement est une activité difficile qui doit faire face à de nombreuses incertitudes. Beaucoup des menaces qui pèsent sur notre planète ont été révélées par des scientifiques isolés puis confirmées par des études nombreuses venues de la communauté scientifique. En l’occurrence, il serait bien plus efficace de mettre en oeuvre des recherches sur les risques sanitaires et environnementaux des OGM et des pesticides, d’améliorer les protocoles toxicologiques utilisés pour leur mise sur le marché et de financer une diversité de chercheurs dans ce domaine que de créer des affrontements entre deux camps nourris de préjugés et d’idéologies. Nous pensons que notre communauté doit garder le souvenir d’erreurs passées, concernant l’amiante par exemple.Enfin, nous tenons à assurer à nos concitoyens qu’il existe également, dans la communauté scientifique, un nombre important de chercheurs qui sont convaincus qu’il faut prendre au sérieux les risques associés aux technologies et qui estiment que, si les chercheurs d’une part,et les applications sociales de la science d’autre part, sont par construction liés à des idéologies, des croyances et/ou des intérêts, la démarche scientifique doit, elle, s’efforcer de rester aussi indépendante que possible pour jouer pleinement son rôle dans la société.
Signataires :
Andalo Christophe MC UPS ToulouseArnaud-Haond Sophie Chercheuse IFREMERAtlan Anne CR CNRSAuclair Daniel DR INRAAusterlitz Frédéric DR CNRSBarot Sébastien DR IRDBancal Marie-Odile MC AgroParisTechBecker Nathalie MC MNHNBellé Robert Pr UPMCBérard Sèverine MC U Montpellier 2Blondel Jacques DR CNRSBoëte Christophe CR IRDBoistard Pierre DR INRABonhomme François DR CNRSBonhomme Vincent Institut Français de PondichéryBonnet Timothée Doctorant U ZurichBonneuil Christophe CR CNRSBonnin Isabelle CR INRABosc Pierre-Marie Chercheur CIRADBoudouresque Charles Pr U Aix-MarseilleBourdineaud Jean-Paul Pr U BordeauxBoyen Catherine DR CNRSBrèthes Daniel DR CNRSCasas Jérôme Pr U ToursCézilly Franck Pr U BourgogneChabert Michèle MC EPHEChampagnon Jocelyn Post DocCharpentier Anne MC U Montpellier 2Charmantier Anne CR CNRSChikhi Lounès DR CNRSCochard Hervé DR INRA, Correspondant de l’Académie d’AgricultureColas Bruno MC U Paris DiderotCombes Claude Pr U. Perpignan, Membre de l’Académie des SciencesDa Lage Jean-Luc DR CNRSDavid-Benz Hélène Chercheuse CIRADDarlu Pierre DR CNRSDe Decker Sophie Post-Doctorante, NOAA, USde Foresta Hubert CR IRDde Reviers Bruno Prof MNHNDedeine Franck MC U François Rabelais ToursDelesalle Bruno MC EPHEDestombe Christophe Prof UPMCDevaux Céline MC U. Montpellier2Djikeussi Eléonore CH NiortDorin Bruno Chercheur CIRADDufumier Marc Pr AgroParisTechDugue Patrick Chercheur CIRADDulcire Michel Chercheur CIRADDutech Cyril CR INRAElias Marianne CR CNRSEnjalbert Jérôme CR INRAFabre Pierre Chercheur CIRADFady Bruno DR INRAFerdy Jean-Baptiste Pr U Toulouse 3Ferrière Régis Pr ENS UlmFiguié Muriel Chercheuse CIRADFrascaria Nathalie Pr AgroParisTechFort Philippe DR CNRSGautier Christian Pr U LyonGavotte Laurent MC U Montpellier 2Gerber Sophie CR INRAGrandcolas Philippe Prof MNHNGoldringer Isabelle DR INRAGouyon Pierre-Henri Pr MNHNHautekeete Nina MC U Lille 1Heams Thomas MC AgroParisTechHerbette Stéphane MC U Clermont-FerrandHenry Claude Pr Columbia UniversityHeyer Evelyne Pr MNHNHospital Frédéric DR INRAHuet Sylvie DR INRAHumbert Jean-François DR INRAJeandel Catherine DR CNRSJarne Philippe DR CNRSJoron Mathieu CR CNRSJuffé Michel Pr PontsParisTechKjellberg Finn DR CNRSLachièze Rey Marc DR CNRSLançon Frédéric Chercheur CIRADLaurans Marilyne Chercheuse CIRADLaurenti Patrick MC U DiderotLavigne Claire DR INRALemeilleur Sylvaine Chercheuse CIRADLe Gall Line MC MNHNLe Moguédec Gilles Chercheur CIRADLévy-Leblond Jean-Marc Pr U NiceLipinski Marc DR CNRSLoeuille Nicolas Pr UPMCLonde Sylvain Doctorant UPMCLorand Isabelle ChirurgienneLouchart Antoine CR CNRSMachon Nathalie Pr MNHNMallefet Jérôme Pr U Catholique de LouvainMariojouls Catherine Pr AgroParistechMaris Virginie CR CNRSMignot Agnès Pr Université Montpellier 2Millier Claude Pr AgroParisTechMirleau Pascal MC U Aix-MarseilleMoulia Catherine Pr U Montpellier 2Morin Edgar DR CNRSNabholz Benoit MC U Montpellier 2Nicolas Valérie IR INSERMNieberding Caroline Pr U Catholique de LouvainOlivieri Isabelle Pr U Montpellier 2Paillet Yoan IR IRSTEAPalka Laurent MC MNHNPape Moller Anders DR CNRSPapy François DR INRAPasqualini Vanina Pr U CorsePetit Éric MC U Rennes 1Poirier Florence IR U Paris 13Ponsard Sergine Pr U ToulousePotin Philippe DR CNRSQuilichini Angélique MC détachée CNRSRaymond Michel DR CNRSRefrégier Guislaine MC UPS OrsayReynaud – Yann Post-Doctorant, NOAA, USRognon Xavier MC AgroParisTechRousseau Denis-Didier DR CNRS UlmRousset François DR CNRSSaatkamp Arne MC U Aix-MarseilleSaint-James Emmanuel MC UPMCSalmona Jordi Doctorant U LisbonneSartor Pierre CR CNRSSelosse Marc-André Pr U Montpellier 2Sicard Mathieu MC U PoitiersShykoff Jacqui DR CNRSTestart Jacques DR INSERMThomas Mathieu PostDoc INRATully Thomas MC U Paris 4 (CNRS)Valero Myriam DR CNRSvan Vliet Geert Chercheur CIRADVela Errol MC U Montpellier 2Velot Christian MC U Psud OrsayVerlaque Marc CR CNRSVerrier Etienne Pr AgroParisTechVolovitch Michel Pr ENS UlmVriz Sophie Pr U Paris DiderotWarlop François CR GRABWeill Mylène DR CNRS
Michel Alberganti
lire le billetDes chercheurs du département de médecine de l’université de Washington ont réussi à corriger le défaut génétique correspondant à la trisomie 21. Aussitôt, l’équipe dirigée par Li B. Li précise qu’elle ne prétend en aucune manière apporter un espoir thérapeutique aux personnes atteinte de ce syndrome. Leur réussite constitue néanmoins une avancée remarquable dans le domaine de la thérapie génique. Domaine très prometteur mais dont les succès se font attendre depuis l’exploit qui a permis de soigner des bébés bulles (dépourvus de système immunitaire à la naissance).
La trisomie 21, telle que l’ont décrite en 1959 Jérôme Lejeune, Marthe Gautier et Raymond Turpin, se caractérise par un défaut génétique de naissance. Au lieu d’une 21ème paire de chromosomes, les cellules des trisomiques disposent de trois chromosomes 21. L’expérience publiée dans la revue Cell Stem Cell du 2 novembre 2012 a consisté à retirer ce chromosome de trop. Un véritable tour de force qui a permis d’obtenir des cellules humaines cultivées en laboratoire débarrassées de leur chromosome 21 surnuméraire.
Les chercheurs de l’université de Washington ont fait appel à un classique adénovirus comme vecteur d’un gène étranger appelé TKNEO. Toute la difficulté, faible mot, est d’introduire le gène au bon endroit. Dans ce cas, il fallait viser le gène appelé APP qui se trouve sur le bras le plus long du chromosome 21. Là, le gène étranger, le transgène, a pour effet de provoquer, chez la cellule réceptrice, une réaction de sélection. Pour survivre, elle se débarrasse du chromosome 21 sur lequel s’est greffé le gène TKNEO. David Russel, chercheur en hématologie et génétique, explique que l’un des avantages majeurs de cette technique est d’éliminer la totalité du chromosome excédentaire. Une fois supprimé, aucun résidu, aucune trace, ne subsiste dans la cellule. C ‘est important pour les chercheurs qui craignent toujours que la thérapie génique n’introduise une toxicité. “Cela signifie, par exemple, que le retrait d’un chromosome ne doit pas briser ou provoquer un réagencement du reste du code génétique“, indique David Russel.
Impossible de mesurer la difficulté de telles manipulations au cœur des cellules. Bien sûr, les échecs permettraient de mieux la percevoir mais ils sont moins médiatisés que les succès. On se souvient toutefois des cancers survenus chez quelques uns des bébés bulles soignés à l’hôpital Necker, à Paris.Nul doute que la recherche se trouve, là, à l’orée d’un nouvel univers. Avec des promesses thérapeutiques aussi immenses et les questions éthiques qu’elles soulèveront.
Pour l’instant, les résultats restent modestes. Les chercheurs estiment que leur avancée pourrait être utile pour traiter les cas de leucémie qui peuvent survenir chez les trisomiques. Un jour, on pourra peut-être prélever des cellules souches chez ces patients afin d’en supprimer le caractère trisomique en les traitant et en les cultivant en laboratoire. Ensuite, une transplantation de ces mêmes cellules souches chez le donneur lui-même ou bien de cellules sanguines obtenues à partir des cellules souches réparées pourrait être utilisées comme thérapie du cancer du sang.
L’intérêt existe aussi pour la recherche. La possibilité de produire des cellules avec ou sans la trisomie à partir des cellules d’une même personne pourrait permettre de mieux comprendre comment se déclenchent certains problèmes associés à la trisomie 21. Les chercheurs pourront ainsi comparer comment deux lignées de cellules souches forment des cellules nerveuses et analyser ainsi les effets de la trisomie 21 sur le développement des neurones. De quoi donner des informations potentiellement précieuses sur les problèmes cognitifs rencontrés par les trisomiques au long de leur vie.
Michel Alberganti
lire le billetHier, 22 octobre 2012, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a organisé une conférence de presse afin de communiquer son avis sur l’étude du chercheur Gilles Eric Séralini au sujet de la toxicité du maïs transgénique Monsanto NK603 et de l’herbicide Roundup. Cette étude, publiée le 19 septembre 2012 dans la revue Food and Chemical Toxicology, a suscité un tel émoi que le gouvernement a immédiatement saisi l’Anses pour qu’elle expertise le travail de Gilles-Eric Séralini. Nous en avons rendu compte hier.
De nombreuses questions, dans les commentaires des articles que nous avons écrit sur ce sujet, tournent autour du problème du nombre de rats utilisé pour l’expérience et de l’interprétation statistique des résultats de l’étude.
Justement, la rubrique Endoscope de Globule et Télescope était là pour glisser sa caméra dans la salle de la conférence de presse de l’Anses et y capter les informations intéressantes. Ainsi, voici les explications de Jean-Pierre Cravedi, directeur de recherche à l’INRA de Toulouse et de Marc Mortureux, directeur général de l’Anses :
G&T_22 octobre 2012_Conf de presse ANSES par VideoScopie
Endoscope : Extraits Conférence de presse ANSES… par VideoScopie
Michel Alberganti
lire le billetOn n’attendait plus qu’eux pour savoir à quoi s’en tenir sur les spectaculaires conclusions de l’expérience hautement médiatisée menée, sous la direction du Pr Gilles-Eric Séralini, sur des rats nourris avec un maïs génétiquement modifié de Monsanto et l’herbicide RoundUp de Monsanto.
Le 19 septembre, soit le jour même où cette étude était publiée dans une revue scientifique et relayée par le Nouvel Observateur, le gouvernement avait curieusement saisi en urgence l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et le Haut conseil des biotechnologies (HCB). Avec cette saisine, il s’agissait, en substance, pour les trois ministres directement concernés (Stéphane Le Foll, Marisol Touraine, Delphine Batho), de savoir à quoi s’en tenir sur un sujet hautement controversé. Plus d’un mois plus tard, ce lundi 22 octobre, ces deux institutions ont rendu leurs conclusions.
Michel Alberganti et Jean-Yves Nau
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L’affaire Séralini semble tirer à sa fin. Les expertises françaises de l’étude scientifique publiée le 19 septembre 2012 risquent fort d’arriver après la bataille.
Certains verront de la sagesse dans cette lenteur. D’autres de l’embarras pour ne pas dire plus. Peu importe.
Les avis sont déjà assez nombreux pour qu’une issue se profile. Un organisme allemand (BfR) et un autre européen (EFSA) ont analysé l’étude en termes sévères. Des scientifiques de tout poil, antis et surtout pros OGM, se sont exprimés et Gilles-Eric Séralini accompagné de Corinne Lepage ont largement répondu. L’heure est donc au bilan.
Trois leçons peuvent d’ores et déjà être tirées de cette affaire qui est passée, alternativement, du statut de scoop du siècle à celui de manipulation militante grossière. Au final, comme souvent, l’impact réel de ce coup médiatique échappe à de telles caricatures.
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Le 14 octobre 2012, Felix Baumgartner est devenu le premier homme à monter à près de 40 000 mètres d’altitude et à sauter pour revenir sur Terre après une chute libre suivie par une descente en parachute. Derrière l’exploit sportif, que nous avons relaté en détail, on trouve une jolie leçon de physique. En effet, l’expérience de Felix Baumgartner illustre de façon spectaculaire plusieurs phénomènes auxquels nous sommes soumis sans en avoir conscience: la gravité, la pression atmosphérique, la température de l’air au dessus de nos têtes ou la vitesse du son. En revanche, pour ce qui concerne le passage du mur du son avec une simple combinaison, le parachutisme autrichien est aujourd’hui le seul être humain à l’avoir expérimenté. Lorsqu’il se trouvait à 39 km d’altitude, quelles étaient les forces auxquelles il était soumis ? Comment ces forces ont évolué au cours de son saut ? Autant d’exercices de physique dont les professeurs vont maintenant pouvoir s’emparer. Leurs élèves, eux, devront se projeter vers le ciel, armés de quelques formules.
La gravité est l’un des phénomènes les plus mystérieux de notre univers. Elle se traduit par une attraction exercée par une masse sur une autre. La Terre sur chacun de nous, par exemple. Mais aussi la Terre sur la Lune, le Soleil sur la Terre… Une attraction dont on cherche encore à préciser le support physique. Pour l’expliquer, Albert Einstein a dû imaginer une déformation de l’espace-temps… C’est dire ! Ce qui est certain, c’est qu’une force s’exerce sur une masse lorsqu’elle se trouve au voisinage d’une autre. Plus la masse d’un objet est importante, plus l’attraction qu’elle exerce sur une autre masse est grande. C’est pour cette raison que les verres tombent par terre et non l’inverse… Mais aussi que la gravité sur la Lune, est très inférieure à celle qui règne sur Terre. Là bas, elle n’atteint que 1,6 m/s2, soit 16,7% de celle qui règne sur Terre. Par ailleurs, plus les verres tombent de haut, plus ils ont le temps d’accélérer et plus leur vitesse au moment de l’impact est grande. Et plus ils risquent de se casser. C’est pour cette raison qu’il vaut mieux tomber du premier étage d’un immeuble que du 6e.
Cette accélération d’une masse attirée par une autre, c’est justement cela, la gravité. Elle se mesure comme une accélération. A la surface de la Terre, cette accélération est égale à 9,81 m/s2, le fameux “g” que nous avons tous découvert à l’école. Appliquée à une masse, cette accélération lui donne… un poids. Grâce à Newton et à sa pomme légendaire, nous savons que le poids est égal au produit de la masse par l’accélération due à la pesanteur, via la célèbre formule : P = mg. Dès que l’on quitte le plancher des vaches, les choses se compliquent.
C’est ainsi que nous retrouvons Felix Baumgartner, debout sur la petite marche accrochée à sa capsule. A 39 km de la surface de la Terre échappe-t-il à l’attraction terrestre, à la gravité ? Si c’était le cas, et s’il se trouvait vraiment dans l’espace, il ne serait simplement… pas tombé. Difficile, dans ce cas, de franchir le mur du son. En fait, il était encore beaucoup trop près de la Terre pour atteindre l’apesanteur que connaissent les locataires de la Station spatiale internationale qui croise à quelque 400 km d’altitude et qui équilibre la gravitation grâce à la force centrifuge engendrée par sa rotation autour de la Terre (*). Dix fois plus haut que Felix. Pour ce dernier, la perte de gravité est restée très limitée à environ 1,2%. S’il pèse 80 kg à la surface de la Terre, il en pesait encore environ 79 au bord de sa nacelle, juste avant de sauter.
Si Felix Baumgartner est tombé au lieu de flotter, c’est donc à cause de la gravité. Mais pourquoi était revêtu de cette combinaison sous pression qui rendait ses gestes si difficiles. En raison de la différence de pression atmosphérique, bien entendu…
A la surface de la Terre, en plus de la gravité, nous subissons la pression exercée par l’atmosphère. Soit une épaisseur d’environ 100 km d’air au dessus de nos têtes… Cette pression diminue lorsque l’on s’éloigne de la Terre. Dans ce cas, l’impact de l’altitude du saut de Felix est loin d’être négligeable. Lors de sa montée, il a franchi environ 40% de l’épaisseur de l’atmosphère. Pourtant, la différence de pression extérieure était nettement inférieure à ces -40%. En effet, la densité de l’air n’est pas régulière lorsque l’on s’élève. Ainsi, elle n’atteignait plus qu’environ 1% de la densité sur Terre à 39 km d’altitude. Dès 5500 mètres d’altitude, la pression atmosphérique a déjà perdu 50% de sa valeur au niveau de la mer. Il n’en reste que 10% à 16 km d’altitude. Et la pression extérieure, elle aussi, était 100 fois plus faible que sur Terre lorsque Félix a ouvert l’écoutille de sa nacelle. Sans sa combinaison pressurisée, son corps se serait dilaté, presque comme on le voit au cinéma lorsqu’un astronaute perd cette protection dans l’espace.
Gravité similaire, densité de l’air et pression atmosphérique divisées par 100. Et la température ? On imagine un froid plus que polaire, spatial ! Grosse erreur. En fait, la température varie très fortement, dans les deux sens, lorsque l’on s’élève. Nous assimilons altitude et refroidissement parce que notre expérience est limitée aux plus hauts sommets des montagnes terriennes. Quelques milliers de mètres seulement. Dans cette zone, et jusqu’à environ 10 km (l’altitude des avions de ligne), la température baisse en effet régulièrement pour atteindre quelque -60°C. Elle se maintient ainsi jusqu’à 20 km et ensuite, elle commence à remonter. Aux environs de 45 km, elle est pratiquement revenue à 0°C et elle recommence à baisser à nouveau à partir de 50 km pour descendre jusqu’à -100°C à 80 km avant de remonter à partir de 90 km. A l’extérieur de l’atmosphère, au delà de 100 km d’altitude, la température devient très élevée (300 à 1600°C). Mais l’absence de molécules d’air, dans le vide, empêche cette chaleur se transmettre et de brûler les astronautes. Néanmoins, leur combinaison blanche reflète les rayons du soleil le plus possible. La température élevée à la sortie de l’atmosphère démontre la protection que cette dernière apporte à la Terre.
Revenons à Felix qui, lui, n’est pas allé jusqu’à l’espace. Il se trouve, en revanche, dans une situation idéale pour réaliser son exploit. Forte gravité et faible densité d’air. Sans ces conditions, il n’aurait jamais atteint la vitesse de 1342 km/h, ni franchi le mur du son.
Contrairement à la lumière qui est une onde électromagnétique, le son est une onde produite par la vibration mécanique du milieu dans lequel elle se propage. Pas de milieu, pas de son. Une règle que les réalisateurs de films se déroulant dans l’espace ont longtemps ignorée. Jusqu’à Stanley Kubrick et 2001, l’odyssée de l’espace. Si Felix avait eu un compagnon, et s’il avait pu se passer de sa combinaison, il n’aurait guère pu se faire entendre. Pas assez d’air à faire vibrer pour acheminer correctement le son de sa voix. En revanche, cette atmosphère raréfiée présente un avantage considérable pour la chute libre : elle ne freine pas, ou très peu, le corps de Felix. Au moins pendant les premières minutes de sa chute. C’est ainsi qu’il a pu accélérer jusqu’à dépasser la vitesse du son. Là où cela se complique, c’est que cette vitesse dépend… également de l’altitude. Plus précisément de la densité de l’air, de la pression et de la température. Comme nous l’avons déjà expliqué, à environ 30 km, la vitesse du son est de 1087 km/h, contre 1200 km/h au sol. En fait, Felix n’a pas fait de détail et battu la vitesse du son… même au niveau de la mer.
Avant son saut, la seule véritable question sans réponse concernait l’effet du passage du mur du son sur un homme sans autre protection qu’une combinaison. On a pu voir à quel point Felix était ballotté pendant la partie la plus rapide de sa chute. Les vibrations du passage du mur du son l’ont probablement déstabilisé. Il reconnaît lui-même qu’il a craint de perdre connaissance. Dès que l’air est devenu assez dense, sa chute s’est ralentie et il a pu reprendre le contrôle de son vol, en professionnel du parachutisme. Son arrivée au sol, sur ses deux jambes, a montré qu’il avait retrouvé tous ses moyens avant d’atterrir. Bel exploit. Et belle leçon de physique.
Michel Alberganti
Mise à jour : “et qui équilibre la gravitation grâce à la force centrifuge engendrée par sa rotation autour de la Terre” a été rajouté grâce à la remarque judicieuse de François Desvallées.
lire le billetFelix Baumgartner a réussi son pari : franchir le mur du son en chute libre. Avec, pour seule protection, une combinaison d’astronaute. Il a même très largement dépassé son objectif en atteignant, selon Brian Utley, l’expert chargé de certifier la performance pour la Fédération Aéronautique Internationale. Il est en effet parvenu à la vitesse de 1342 km/h, alors que celle du son, à cette altitude, n’est “que” de 1087 km/h. Soit un dépassement de près de 25% de cette vitesse mythique qui faisait tant peur aux pilotes d’avion avant que Chuck Yeager ne la franchisse pour la première fois, le 14 octobre 1947.
Le 14 octobre ? C’est justement la date choisie par Félix Baumgartner pour tenter, une nouvelle fois, son exploit après plusieurs reports. Exactement 65 ans plus tard, il franchit, lui aussi, cette limite, mais grâce au seul poids de son corps et à l’attraction de la Terre.
La performance a duré 2 heures 21 pour la montée et à peine plus de 9 minutes pour la descente. La partie en chute libre, elle, n’a pas dépassé 4 minutes et 20 secondes, soit 16 secondes de moins que le record établi en 1960 par Joseph Kittinger, aujourd’hui ancien colonel de l’Air Force de 84 ans présent aux cotés de Felix Baumgartner pendant tout le projet et, bien entendu, lors de l’exploit auquel ont également assisté plus de 8 millions de personnes en direct sur Internet et certaines chaînes de télévision.
L’autrichien de 43 ans, parachutiste professionnel, ancien militaire et spécialiste des sauts acrobatiques (tours, ponts, Christ de Rio de Janeiro…), a, finalement battu trois records du monde : le saut le plus haut (39 km d’altitude), la plus longue chute libre (36,5 km) et, bien entendu, la vitesse la plus élevée atteinte par un homme sans l’aide d’une machine, 1342 km/h. Finalement, c’est sans doute à cause de sa vitesse que Felix Baumgartner a raté le quatrième record, celui de la durée de la chute libre.
Il reste que le parachutiste a atteint ses objectifs principaux. Après cinq ans d’attente. Son exploit a mobilisé une équipe de 300 personnes à Roswell, dont 70 ingénieurs, scientifiques et physiciens. Le tout financé par la marque de boisson Red Bull à coup de millions de dollars. Un ballon d’hélium coûte 200 000 dollars. La combinaison spéciale utilisée par Felix Baumgartner est revenue à 250 000 dollars. Le coût de la capsule n’est pas connu. L’ensemble était équipé de 15 appareils de capture d’images (vidéo et photo). Un documentaire produit par la BBC et National Geographic sera diffusé dans quelques semaines.
Le spectacle de Felix Baumgartner dans sa petite capsule nous a rappelé les images des années 1960, lorsque l’homme faisait ses premiers pas dans l’espace. Le minuscule vaisseau de Youri Gagarine. Les capsules Apollo… Jamais, les séjours des occupants de la Station spatiale internationale (ISS) n’ont engendré pareilles émotions. Les sondes spatiales et les robots martiens, quels que soient leurs exploits, ne provoqueront jamais, non plus, ce frisson particulier que l’on ressent lorsqu’un homme prend le risque de se lancer dans l’inconnu. Lorsqu’il saute dans le vide…
En ce 14 octobre 2012, Felix Baumgartner nous a offert un ersatz de cette émotion. Lorsqu’il a signalé, pouce levé, que tout était paré de son coté. Lorsqu’il a ouvert l’écoutille de sa nacelle et que sa cabine a été inondée de lumière. Lorsqu’il s’est péniblement levé de son siège pour, avec les gestes engourdis par sa combinaison compensant la très faible pression atmosphérique, faire les deux pas qui le séparaient de la petite marche au dessus du vide. 39 km de vide… Lorsqu’il se tenait là, agrippé à deux rampes, et qu’il tentait de dire, avec son fort accent allemand, quelques mots historiques… “Parfois, il faut monter vraiment haut pour savoir à quel point vous êtes petits”, a-t-il prononcé péniblement. Tout le monde n’est pas Neil Armstrong… Lorsqu’il s’est laissé tomber, enfin, et qu’il a aussitôt été comme aspiré par la Terre. Lorsqu’il s’est mis à tournoyer comme un corps abandonné, privé d’air pour planer. Lorsque l’on entendait son souffle pendant sa chute. Lorsqu’il s’est rétabli en atteignant les couches plus denses de l’atmosphère et a commencé une descente impeccable. Lorsque son parachute s’est ouvert et qu’il a atterri sur ses jambes, comme à l’entrainement. Une émotion, certes, mais pas vraiment de frisson.
Il reste de Felix Baumgarnter a démontré l’absence d’impact du passage du mur du son sur un corps humain. Ce qui n’avait jamais été expérimenté. Avant son saut, on pouvait craindre des effets désagréables, voire graves, dus aux vibrations engendrées par le front d’ondes. Il semble que, sur la masse réduite d’un corps humain, cette barrière n’ait pas de conséquences néfastes. Il va de soi que la combinaison du parachutiste a joué un rôle essentiel de protection vis à vis des conditions extérieures, en particulier la faible pression atmosphérique, l’absence d’oxygène et la température très basse pendant la chute libre. C’est même la véritable justification scientifique de l’expérience. Grâce à Felix Baumgartner, l’équipement utilisé est validé pour une hauteur de chute de 39 km. Cela pourrait sauver la vie d’astronautes en perdition lors d’une rentrée en catastrophe dans l’atmosphère. Avant que leur vaisseau n’atteigne les couches les plus denses, ils pourraient être éjectés à cette altitude et retomber en parachute. Mais l’opération sera beaucoup plus délicate avec une capsule se déplaçant à grande vitesse qu’avec une nacelle de ballon presque immobile au moment du saut.
Michel Alberganti
Note: Le texte a été modifié en remplaçant “l’apesanteur” par “sa combinaison compensant la très faible pression atmosphérique extérieure” grâce aux commentaires de JeanBob et Jacques Ghémard.
Le dernier paragraphe a également été ajouté.
lire le billetSuivez la tentative de franchissement du mur du son en chute libre par Felix Baumgartner en direct:
Altitude du saut : 38,750 km
Vitesse à atteindre : 1087 km/h
Les images de la montée (captures d’écran):
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Michel Alberganti
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