Vidéo : voyage au dessus de la blancheur des glaces polaires

L’opération IceBridge de la NASA étudie l’évolution des glaces aux deux pôles. Outre les mesures de forme, de taille et d’épaisseur qui permettent de suivre les effets du réchauffement climatique sur l’Arctique et l’Antarctique, les missions utilisant des avions rapportent des images d’une remarquable beauté. En ce début d’hiver gris, quelques images de blancheur sculptée par le vent et la mer…

Michel Alberganti

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Les écologistes interdisent jusqu’à la recherche sur le gaz de schiste

Qui décide de la recherche française ? La ministre en charge, Geneviève Fioraso ? L’Agence nationale de la recherche (ANR) ? Le CNRS ? Les Universités ? Les Agences indépendantes ? Les Comités d’éthique ? Le dernier épisode en date du vaudeville français sur le gaz de schiste plaide pour une autre tutelle : les écologistes, plus précisément Europe Ecologie Les Verts. Plus personnellement, semble-t-il, un homme : Jean-Vincent Placé, sénateur qui, à 44 ans, cumule les responsabilités. La dernière en date : avoir contraint le gouvernement à reculer, une fois de plus, sur le gaz de schiste.

Préambule

Avant même la publication du rapport Gallois, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, réaffirme l’opposition du gouvernement à la fracturation hydraulique mais dit vouloir “réfléchir” à l’exploitation du gaz de schiste, qui “sera certainement sur la table” à l’occasion de la publication du rapport, comprend-t-on. Arnaud Montebourg est alors rejoint par le ministre délégué aux relations  avec le Parlement, Alain Vidalies, qui assure qu’au sein du gouvernement personne ne pense qu’il faut écarter le gaz de schiste “pour l’éternité”, selon l’AFP.

Acte 1

Lundi 5 novembre 2012, Louis Gallois, ancien président l’EADS, après Airbus, la SNCF, Aerospatiale, Snecma et ex directeur de cabinet de Jean-Pierre Chevènement en 1981 avant de devenir directeur général de l’industrie en 1982, remet son très attendu rapport au Premier ministre intitulé “Pacte pour la compétitivité de l’industrie française“.

Au chapitre sur “la priorité à l’investissement, un choc de confiance”, la cinquième proposition est : “mener les recherches sur les techniques d’exploitation du gaz de schiste”. Louis Gallois s’explique ainsi dans son rapport :

“Nous plaidons pour que la recherche sur les techniques d’exploitation des gaz de schiste soit poursuivie. La France pourrait d’ailleurs prendre l’initiative de proposer avec l’Allemagne à ses partenaires européens un programme sur ce sujet. L’exploitation du gaz de schiste soutient l’amorce de réindustrialisation constatée aux États-Unis (le gaz y est désormais 2 fois et demi moins cher qu’en Europe) et réduit la pression sur sa balance commerciale de manière très significative.”

Acte 2

Jean-Vincent Placé réagit aussitôt en déclarant à l’AFP  :

“Si le Premier ministre reprend ces propositions du rapport Gallois, il y aura une large fracture dans la majorité avec les écologistes. Un revirement du gouvernement serait une violation absolue de l’accord passé (entre) le PS et Europe Écologie-Les Verts”.

Acte 3

Louis Gallois a sans doute l’impression d’avoir été mal compris. Il précise donc sa position, pendant le journal télévisé de France 2 de lundi soir et sur RTL mardi 6 novembre :

“Je n’ai pas dit qu’il fallait poursuivre l’exploration, c’est interdit par la loi. J’ai dit qu’il fallait continuer de travailler sur la technique d’exploration, ça me paraît naturel.”

Acte 4

Mardi 6 novembre, Jean-Marc Ayrault présente le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi qui s’inspire fortement du rapport Gallois mais il ne mentionne même pas le gaz de schiste. Les services du Premier ministre confirment au magazine Le Point que la proposition correspondante de Louis Gallois n’est pas retenue par le gouvernement.

Acte 5

En apparence, le gouvernement se plie aux termes de l’accord pré-électoral entre le PS et EELV. En apparence seulement. Car voici ce que dit le document en question sur ce sujet :

“L’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels (gaz et huiles de schiste) seront interdits, les permis en cours seront abrogés et les importations découragées”.

Epilogue

Il apparaît ainsi que l’interdiction de la recherche sur les techniques d’exploitation ne fait pas partie de l’accord PS-EELV.
Le renoncement du gouvernement sur la proposition de Louis Gallois à propos du gaz de schiste peut paraître anecdotique par rapport aux autres points du “pacte national”. En fait, il ne l’est pas. Il s’agit même d’une grave défaillance du fonctionnement de la majorité présidentielle et d’un signal catastrophique donné en direction de la recherche française.

En effet, voici qu’un parti politique crédité de 2,31% des voix à l’élection présidentielle de mai 2012 et 5,4% des voix au premier tour des législatives suivantes grâce à l’accord conclu avec le PS (63 circonscriptions réservées à EELV), se trouve en position de dicter sa loi au gouvernement. Voilà qu’il étend, de lui-même, les termes de l’accord qui lui a permis d’obtenir 18 députés à l’Assemblée nationale.

L’interdiction de l’exploration et de l’exploitation vaut désormais aussi pour la recherche de nouveaux moyens d’exploitation. Rappelons que le gouvernement fonde le moratoire actuel sur le gaz de schiste sur les dangers présentés par la fracturation hydraulique, seule technologie existant à ce jour. Le rapport Gallois préconise d’en trouver d’autres, mois dangereuses pour l’environnement. Mais non, pas question pour les écologistes. Ces derniers, eux, ne sont pas opposés à une technologie particulière mais bien au gaz de schiste lui-même. Facteur de retard, de leur point de vue, dans le développement des énergies renouvelables en France.

Au moment où la situation économique est si tendue que le gouvernement augmente les impôts et les taxes et où la faiblesse de la compétitivité de l’industrie arrive en tête du diagnostic des experts tels que Louis Gallois, la France se prive de la possibilité d’une ressource qui pourrait jouer un rôle important pour l’aider à traverser cette période difficile. En réduisant la facture énergétique, le gaz de schiste français diminuerait aussi les coûts de production.

Une embellie économique serait le meilleur instrument pour stimuler les investissements dans les énergies renouvelables, dans la transition énergétique. La France, en pointe dans l’exploitation pétrolière, dispose de tous les laboratoires nécessaires pour inventer une nouvelle technologie moins dangereuse que la facturation hydraulique. Ou pour perfectionner cette technique afin d’éviter tous risques de pollution ou de maladie.

Eh bien non. Jean-Vincent Placé en a décidé autrement. Un tel dogmatisme, qui piétine jusqu’au principe de précaution, peut apparaître absurde et mortel pour l’avenir de la France. Comme le note Louis Gallois, même l’Allemagne n’adopte pas une telle ligne. Et la nécessité du lancement d’une recherche européenne commune dans ce domaine, qu’il propose, apparaît comme une évidence.

Est-il supportable que ce soit sans la France ?

Michel Alberganti

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Eolien : autant en apporte le vent

Publiée le 9 septembre 2012 dans la revue Nature Climate Change, une nouvelle étude affirme que l’éolien pourrait, théoriquement, couvrir l’ensemble des besoins énergétiques de la planète. Selon Kate Marvel du laboratoire national Lawrence Livermore qui a dirigé les travaux de l’équipe, 400 térawatts pourraient être obtenus grâce aux éoliennes sur terre et en mer tandis que l’éolien d’altitude aurait une capacité de 1800 terrawatts. Or, l’humanité consomme aujourd’hui 18 terrawatts. Ainsi, le vent terrestre couvrirait 20 fois ces besoins et le vent d’altitude 100 fois. De quoi faire réfléchir ceux qui considèrent l’énergie éolienne comme tout juste capable d’apporter, comme le solaire, un appoint aux énergies “sérieuses” que sont le pétrole, le charbon et le nucléaire.

Recherche de l’optimum

Il faut néanmoins préciser que ces chiffres représentent le potentiel géophysique de cette source d’énergie renouvelable et propre. Ils ne tiennent pas compte des limitations technologiques ou économiques. Il ne s’agit donc que d’un gisement. Pas de la ressource réellement exploitable. L’étude s’est concentrée sur la recherche de l’optimum d’exploitation possible du vent. En effet, trop d’éoliennes finiraient par ralentir les courants aériens, phénomène de saturation qui conduit à la définition d’un maximum de la ressource.

Peu d’impacts sur le climat

Les chercheurs ont également tenté d’évaluer les effets sur le climat de la Terre d’une exploitation massive de l’énergie éolienne. Selon eux, l’impact de l’extraction d’une quantité d’énergie égale à la consommation de l’humanité serait minime, dans la mesure ou les turbines seraient réparties et non concentrées dans certaines régions. D’après leurs calculs, une telle exploitation ferait varier la température du globe d’environ 0,1°C et affecterait 1% des précipitations. En conclusion, Ken Caldera, co-auteur de l’étude et membre de l’institution Carnegie à Washington, estime que “les facteurs limitant l’exploitation de l’énergie éolienne seront économiques, technologiques et politiques mais non géophysiques”.


Courants-jets

En 2009, Ken Caldera avait déjà publié, avec Cristina Archer dans la revue Energies, un article dédié au potentiel des vents de haute altitude. Les chercheurs s’étaient alors penchés sur les fameux courants-jets, les fameux jet streams, qui circulent dans l’atmosphère à des altitudes comprises en 6 et 15 km. Il en avait déduit de forts potentiels sans donner la méthode pour exploiter ces véritables rivières aériennes. Comment installer une turbine à ces altitudes et récupérer le courant électrique produit ? Mystère… Moins ambitieux mais plus réalistes, de nombreux projets visent l’exploitation du vent à moyenne altitude, c’est à dire à quelques centaines de mètres de la terre. Il s’agit de se dégager de l’effet de ralentissement du vent que provoque sa friction sur le sol afin d’exploiter un flux plus fort et plus régulier. Mais, là encore, comment faire ?

Cerf-volant et yo-yo

Une société italienne, Kite Gen Research fondée en 2007 à Chieri, près de Turin, détient une vingtaine de brevets pour une solution originale: le cerf-volant (kite en anglais). Son idée essentielle réside dans le fait de conserver sur terre toute la partie lourde et encombrante de l’installation, c’est à dire la turbine. Cette dernière tourne grâce au déplacement ascensionnel du cerf-volant qui entraîne un câble. Le problème, c’est qu’il faut faire redescendre le cerf-volant au bout d’un certain temps… Pour cela, le système rompt la portance de l’aile volante de plusieurs dizaines de m2 en exerçant une traction sur l’un des câbles. le cerf-volant se met, en quelque sorte, en torche, ce qui facilite sa descente. Ensuite, il suffit de rétablir la portance pour que l’ascension reprenne. Et ainsi de suite, dans un mouvement qui rappelle celui du yo-yo. De essais du système ont été réalisé au début de 2012. Certains problèmes restent à résoudre, semble-t-il mais Kite Gen mise sur des installations de 3 MW par cerf-volant et envisage de vastes carrousels sur terre et sur mer pour rassembler des dizaines de systèmes sur un même site. Un jour, peut-être, notre courant électrique sera produit par des cerf-volants… Nul doute que l’idée devrait séduire la Chine…

Michel Alberganti

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La bombe atomique du climat : faisable et rentable…

Ce serait la solution du désespoir pour le cas où le réchauffement climatique atteindrait des niveaux insupportables, selon le conseiller scientifique du président Obama, John P. Holdren. Sorte de bombe atomique du climat, la géo-ingénierie consiste à expédier dans la stratosphère terrestre des particules à base de souffre pour réduire la quantité de lumière solaire parvenant sur la Terre. Une sorte de filtre anti-réchauffement qui s’inspire de la nature. En effet, les grandes irruptions volcaniques du passé ont provoqué des refroidissements planétaires engendrés par les particules rejetées. Si un volcan peut le faire, pourquoi pas l’homme ? Surtout s’il est Américain.

L’idée n’est pas nouvelle et l’on pouvait même la croire enterrée, tant elle suscite de critiques de la part des climatologues. La mise en pratique de la géo-ingénierie serait  la version climatique de l’apprenti-sorcier. Réduire la quantité de lumière solaire parvenant sur la Terre peut en effet avoir des effets totalement imprévisibles sur les équilibres climatiques terrestres et engendrer des catastrophes naturelles bien plus graves que celles du réchauffement lui-même. Le médicament pourrait tuer le malade…

5 milliards de dollars par an

Toutes ces considérations n’ont pas empêché Justin McCLellan (Aurora Flight Science Corporation), David Keith (université d’Harvard) et Jay Apt (université de Carnegie Mellon) d’évaluer la faisabilité et de chiffrer cette solution. Juste histoire de voir… Résultat: la géo-ingénierie est à la fois faisable et rentable. Leur étude, publiée dans la revue Environmental Research Letters de l’Institut de Physique (IOP) britannique du 31 août 2012, porte sur l’injection d’un million de tonnes d’aérosols par an à des altitudes comprises entre 18 et 25 km. Coût estimé: 5 milliards de dollars par an. Une bagatelle comparée au coût de la réduction des émissions de CO2 estimé, lui, entre 200 et 2000 milliards de dollars pour 2030.

Avion spécialisé

Forts de ce constat encourageant, les chercheurs ont analysé les technologies exploitables pour transporter et répandre ce million de tonnes de poussières. Comme par hasard, alors qu’un représentant d’un fabricant d’avions sans pilote, Aurora Flight Science, fait partie de l’équipe, c’est justement la solution aéronautique qui se révèle la plus économique. Moins coûteuse que l’adaptation d’un avion existant, la construction d’un aéronef dédié au vol à très haute altitude et capable de disperser les particules reviendrait entre 1 et 2 milliards de dollars par an. Les canons et les fusées seraient, eux, beaucoup trop onéreux car non réutilisables. En fait, ce qui serait encore plus économique que l’avion spécialisé, ce serait une sorte de pipeline aérien de 20 km de long maintenu en l’air par des ballons gonflés à l’hélium…

Les trois chercheurs prennent toutes les précautions nécessaires en précisant que leur étude est purement économique et qu’elle ne prend pas en compte les impacts climatiques de cette solution. Du coup, elle est incapable de déterminer si les dégâts causés par la “solution” ne reviendraient pas plus chers que ceux du réchauffement climatique lui-même. Ce qu’il faudrait démontrer…

Polluer en paix

Une telle étude est probablement révélatrice de l’état d’esprit général des Américains vis à vis de la question climatique. Avec une opinion publique peu convaincue de la responsabilité de l’homme dans le réchauffement, ils s’accommoderaient volontiers d’une solution leur permettant de poursuivre leurs émissions massives de CO2 dans l’atmosphère tout en évitant une augmentation de la température du globe. Continuer à polluer en paix, en somme.

Michel Alberganti

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Curiosity sur Mars : objectif Mont Aeolis

A peine arrivé sur Mars, le robot Curiosity de la Nasa est à pied d’oeuvre. Son objectif final est là, devant lui. Une montagne de 5500 mètres de haut se dresse à l’horizon. Il s’agit du Mont Aeolis, le sommet situé au centre du cratère Gale dans lequel Curiosity s’est posé. En fait, ce Mont résulte d’une accumulation formidable des sédiments qui ont recouvert ce cratère de 154 km de diamètre vieux de 3,5 à 3,8 milliards d’années. Les sédiments qui constituent le pic central se sont accumulés pendant environ 2 milliards d’années.

A cette époque, le cratère a pu être situé au fond d’un lac où les sédiments se sont peu à peu accumulés. Jusqu’à le recouvrir complètement. Puis, l’épaisseur de la couche de sédiments a même dépassé sa profondeur (voir schéma à gauche). Ensuite, lorsque l’eau a disparu de la surface de Mars, les sédiments se sont érodés. Le cratère est réapparu mais il reste, en son centre, les vestiges des roches sédimentaires.

Ce scénario est une théorie pour expliquer l’existence du Mont Aeolis au centre du cratère Gale. Mais cette hypothèse, si elle se vérifie, sera très intéressante pour le travail de Curiosity. Les chercheurs de la Nasa espèrent en effet que le robot va faire des découvertes majeures en analysant certaines des couches qui composent le Mont Aeolis. Autant de témoignages de ce qu’était Mars il y a quelques milliards d’années… Si les sédiments se sont déposés lorsque Mars était couverte d’eau liquide, ils peuvent renfermer ses fameuses preuves de vie passée que la Nasa espère découvrir grâce à Curiosity.

Michel Alberganti

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L’étoile qui succombe au trou noir


Simulation par ordinateur du phénomène d'absorption d'une étoile par un trou noir, qui est le point en bleu que l'on peut voir en cliquant sur l'image.

Étrange ressemblance avec la langue d’un caméléon… A l’échelle près… Les astronomes de l’université Johns Hopkins et du Space Telescope Science Institute de Baltimore viennent de publier, dans la revue Nature du 3 mai 2012, l’enregistrement d’un phénomène très rare: l’absorption d’une étoile par un trou noir. On sait que ces derniers comptent parmi les objets les plus extraordinaires de l’univers. Souvent tapis au centre des galaxies, ils attirent irrémédiablement tout ce qui à la malheur de graviter trop près d’eux. Leur spécialité, justement, c’est la gravité. En raison de leur masse, leur force d’attraction est telle que rien, aux alentours, ne peut leur résister. Pas même la lumière. Ce dont se nourrissent ces espèces de siphons des galaxies est donc rarement visible. Sauf lorsqu’il s’agit d’une étoile. Dans ce cas, le repas devient flamboyant et aussi vertigineux que rare. Un tel événement ne se produirait que tous les 100 000 ans… On comprend l’excitation des astronomes devant un tel spectacle qu’ils qualifient eux-mêmes de “scène de crime”.

Un crime titanesque aux dimensions… astronomiques. La victime, l’étoile, se situe dans une galaxie à une distance de 2,7 milliards d’années lumière de la notre. La masse du coupable est équivalente à 3 millions de fois celle de notre Soleil, similaire à celle du trou noir de notre galaxie. Le crime a engendré des jets de gaz, essentiellement de l’hélium, atteignant des vitesses de 32 millions de km/h tandis qu’aux alentours de l’étoile ils n’étaient que de 360 000 km/h. L’agonie a duré près de 5 mois… Inutile d’essayer d’imaginer…

Regardez plutôt :

Michel Alberganti

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Un scientifique russe prédit un refroidissement du climat

Les climatosceptiques ne désarment pas. Tandis qu’ils féraillent toujours aux Etats-Unis, voici qu’un renfort leur parvient… de Russie. Nikolaï Dobretsov, président du Conseil unifié des sciences sur la Terre (section sibérienne de l’Académie des sciences de Russie) a ainsi déclaré le 26 mars 2012 que la prévision d’un réchauffement climatique ininterrompu ne se justifie pas. A l’appui de sa thèse, il avance l’évolution de la calotte polaire de l’Arctique. Nikolaï Dobretsov estime que, pendant le 21ème siècle, les glaces du pôle Nord subiront des phases successives de décroissance et de croissance sous l’effet de périodes de réchauffement et de refroidissement. « Vers la fin de ce siècle, un refroidissement climatique aura lieu et non pas un réchauffement, telle est la prévision actualisée », a-t-il affirmé. Pour affiner cette prévision, il estime nécessaire de développer le réseau des stations météorologiques en Arctique telle que celle qui doit être implantée en août 2012 sur l’île de Samoïlovski dans l’embouchure de la Léna.

Nikolaï Dobretsov, par ailleurs président honoraire de l’Académie des sciences en Asie et bardé de distinctions et de postes prestigieux, est géologue. Et cela nous rappelle la spécialité des deux plus médiatiques climatosceptiques français; Claude Allegre et Vincent Courtillot. Eux plaident pour des fluctuations climatiques liées à celles de l’activité du soleil.

Sa déclaration concernant la calotte polaire arctique est d’autant plus surprenante qu’il s’agit de la zone où le réchauffement progresse à une vitesse très supérieure aux prévisions des climatologues du GIEC.

Dans un contexte d’affrontement de lobbies, il est difficile de ne pas remarquer que la Russie fait partie des pays qui ont d’importants intérêts économiques liés au réchauffement climatique: l’ouverture du passage du Nord qui pourrait concurrencer le canal de Suez mais également sa production de pétrole et de gaz, parmi les deux premières du monde, et dont l’utilisation contribue à accroître les émissions de gaz à effet de serre contribuant au réchauffement planétaire.

Si un tel soupçon était fondé, cela signifierait la Russie met la réputation de certains de ses scientifiques au service de causes politiques et économiques, ce qui ne grandirait pas le régime de Vladimir Poutine. Si Nikolaï Dobretsov est sincère et s’il étaye son analyse, son avis pourrait relancer le débat sur le réchauffement climatique un temps éclipsé par la crise économique.

Michel Alberganti

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La colère du Soleil épargne la Terre

Près de 3000 articles en langue anglaise sont répertoriés par Google au sujet de la tempête solaire qui s’est produite le 6 mars 2012. L’événement, considéré comme le plus puissant depuis 5 ans, pouvait dérégler les satellites, perturber le GPS et mettre en danger les réseaux électriques comme lors de la grande panne de 1989 au Québec. Après un voyage de 150 millions de km, l’onde de particules éjectée par le soleil dans l’espace a touché la Terre ce jeudi 8 mars et l’on craignait de nombreuses perturbations. La Terre, et surtout les terriens, sont devenus tellement dépendants de l’électricité et de l’électronique que les colères magnétiques du Soleil les mettent en grand danger. Or, que s’est-il passé ? Rien pour l’instant… Si ce n’est de belles aurores boréales comme il s’en produit lors que chaque orage solaire. Notre étoile semble sortir d’une période de sommeil et promet donc de nouvelles éruptions au cours d’un nouveau cycle de 11 ans qui devrait être marqué par quelque 200 orages solaires aussi puissants que celui du 6 mars, soit environ un peu moins de 2 par mois en moyenne. Gageons que les prochains événements de ce type déclencheront moins de tempête médiatique. A tort, peut-être. Car, visiblement, l’art de la météo du système solaire souffre des mêmes incertitudes que celle qui concerne la Terre. Il semble difficile de prévoir l’impact de telles tempêtes sur notre bouclier constitué par la magnétosphère terrestre. Pour l”heure, réjouissons-nous d’avoir échappé à la colère du Soleil.

Michel Alberganti

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Un oeil de mouche pour les aveugles

Une drosophile, la mouche qui aime la rosée

Comment font les mouches pour voler à une vitesse de plusieurs mètres par seconde en évitant les obstacles ? Depuis leur apparition sur Terre, il y a 400 millions d’années, ces insectes ont mis au point une technique visuelle aussi efficace qu’économe. Le fameux œil sphérique est doté, chez la mouche bleue, de 5000 facettes correspondant à autant de pixels sur une image numérique. Une bien pauvre résolution, en fait, si on la compare aux quelque 20 millions de pixels captés par l’œil humain. Alors comment voler à cette vitesse avec aussi peu d’informations ? C’est la question que s’est posée Nicolas Franceschini, directeur de recherche CNRS à l‘Institut des sciences du mouvement de l’université de la Méditerranée Aix Marseille. Cette équipe a découvert que le secret des mouches réside dans un système d’analyse des images compatible avec les capacités de l’oeil des mouches et avec celles de leur cerveau. Les insectes se concentrent sur une vision du mouvement des différents éléments du paysage pendant leur vol. “Les objets à très grande distance défilent à une vitesse angulaire faible, alors que les objets proches défilent avec une vitesse très élevée”, explique Nicolas Franceschini à l’AFP (25 février 2012).

Hélicoptère de 100 grammes utilisant un capteur "œil de mouche"

“Flux optique”

Les mouches analysent ce que les chercheurs nomment le “flux optique”. En fait, elles ne distinguent que les différences de contraste entre les objets et analysent leur distance grâce à leur vitesse de défilement. Cela suffit pour éviter les obstacles, poursuivre des congénères, faire du vol stationnaire et maîtriser des atterrissages précis. Autant de performances qui ne peuvent que séduire les roboticiens. Ces derniers sont en effet confrontés à un grave problème dès lors qu’ils conçoivent des engins volants de très faible poids, comme les fameux insectes espions dont nous avons parlé récemment : comment embarquer des grosses puissances de calcul dans des volumes microscopiques, des masses très réduites et sans consommer trop d’énergie.

Un prototype de la "bande de vision" de l'EPFL

Moins de calculs

La mouche avec son œil simplifié et son analyse sommaire des images apporte une solution intéressante. Il lui suffit de quelques dizaines de neurones de détection des mouvements et de 18 paires de muscles à chaque aile pour obtenir une autonomie remarquable. Ce dispositif exige “moins de capacités calculatoires que tous les autres systèmes proposés dans la robotique jusqu’ici”, note Nicolas Franceschini. Son laboratoire à l’Institut des sciences du mouvement a déjà conçu un robot hélicoptère d’une centaine de grammes qui exploite la vision par analyse du flux optique. Parallèlement, le projet européen Curvace (Curved Artificial Compound Eyes) piloté par l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne et auquel participe l’université de la Méditérannée Aix-Marseille a pour objectif de fabriquer un oeil artificiel pesant 1,7 gramme et disposant de 700 facettes, équivalent à l’oeil de la drosophile ou mouche du vinaigre.

Dessin d'artiste montrant l'utilisation du système Curvace pour l'assistance des personnes aveugles

Détection d’obstacles par vibrations

Le capteur panoramique pourra se présenter sous une forme sphérique ou cylindrique ou bien en bandes flexibles de 1 mm d’épaisseur. Une telle “caméra” miniaturisée dotée d’une analyse de mouvement inspirée par celle du cerveau des mouches pourrait bouleverser l’assistance aux personnes aveugles. C’est l’un des objectifs du programme Curvace. Il reste à réaliser l’interface entre les signaux captés et les handicapés visuels.  Les chercheurs évoquent une transformation en vibrations permettant, par exemple, d’alerter sur l’approche d’un obstacle. On pense aux radars installés sur les automobiles pour faciliter les manœuvres de parking. Dans ce cas, l’appareil émet des sons de plus en plus rapprochés lorsque la distance diminue. Le conducteur se trouve dans une situation proche de celle d’un aveugle puisqu’il ne voit pas les obstacles de faible hauteur qui se trouvent à l’arrière de la voiture. On peut donc espérer que la caméra de Curvace permette de mettre au point des systèmes d’assistance moins invasifs que les rétines artificielles ou les implants dans le cerveau.

Biorobotique

Voici donc une preuve supplémentaire des précieuses ressources pour l’homme que les scientifiques peuvent exploiter à partir des mécanismes mis au point par la nature au cours de millions d’années d’évolution. Le biomimétisme appliqué à la robotique a ainsi fait l’objet d’un atelier international à l’Ecole des Mines de Nantes du 6 au 8 avril 2011.

Michel Alberganti

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Première radiographie d’un séisme

Séisme d'avril 2010 près de Mexicali - Les zones en bleu sont descendues tandis que celles en rouge sont montées. Image: Michael Oskin, UC Davis

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bien difficile de mesurer l’impact d’un séisme sur une région. Après coup, il est trop tard. Il faut donc disposer, avant le tremblement de terre, d’un relevé topographique très précis de la zone touchée. Ces phénomènes ne prévenant jamais à l’avance, il faut anticiper… Étant donné l’étendue des régions concernées, le travail semble titanesque. Même si les grandes failles de la croûte terrestre sont, bien entendu, des zones indéniablement dangereuses. Alors avec un peu de “chance”…

C’est ce dont ont bénéficié les chercheurs américains, mexicains et chinois qui signent une publication dans la revue Science du 10 février 2012 sur le séisme survenu le 4 avril 2010 à 20 km de Mexicali, capitale de l’Etat mexicain de Basse Californie. D’une magnitude de 7,2 sur l’échelle de Richter, ce tremblement de terre a touché une région située tout près de la frontière américaine et 20 millions de personnes l’ont ressenti. Le bilan humain fait état de 2 morts et plus de 200 blessés.

Relevé topographique au laser

Le résultat des travaux de l’équipe dirigée par Michael Oskin, professeur de géologie à l’université de Californie Davis, sont publiés aujourd’hui, 10 février 2012, dans la revue Science. “Nous pouvons apprendre beaucoup sur le fonctionnement des tremblements de terre en étudiant les récentes ruptures de failles”, déclare-t-il. Après le séisme de Mexicali, le chercheur a profité du relevé topographique de la région réalisé en 2006 par le gouvernement mexicain. Avec le concours du National Center for Airborne Laser Mapping (NCALM), les chercheurs ont utilisé la technologie de mesure au laser (LIDAR pour Light detection and ranging) pour effectuer un nouveau relevé grâce à l’envoi d’impulsions laser depuis un avion. Les systèmes récents de ce type détectent des variations d’altitude de quelques centimètres.

Un séisme engendré par plusieurs petites failles

Grâce au LIDAR, une surface de plus de 350 km2 a été à nouveau mesurée. Une mission au sol, effectuée par John Fletcher et Orlando Teran est venue compléter les informations. Ensuite, les chercheurs ont détecté les différences de hauteur provoquées par le séisme en comparant le relevé topographique de 2006 avec le nouveau, effectué en 3 jours. Le résultat est spectaculaire (image ci-dessus que vous pouvez agrandir en cliquant). Il montre, en bleu, les zones qui se sont enfoncées et en rouge celles qui sont montées sous l’effet du mouvement des failles à l’origine du séisme. Le tremblement de terre de Mexicali ne s’est en effet pas produit sur une faille majeure, comme celle de San Andreas qui menace Los Angeles et San Francisco dans la même région, mais sur une série de petites failles de la croûte terrestre. Le relevé LIDAR montre comment les mouvements de 7 de ces failles mineures peuvent engendrer un séisme majeur. “Un phénomène sous-estimé jusqu’à présent”, note Michael Oskin.

Michel Alberganti

Rappel: Participez à l’exercice de prospective que vous propose Slate et Globule et télescopeCe sera comment, la vie en 2112 ?

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