– 2010 a été une année de catastrophes naturelles particulièrement meurtrières, avec près de 300 000 morts. Plus des deux tiers de ces décès sont dus au séisme du 12 janvier 2010 à Haïti (photo Reuters ci-dessus).
– Puisqu’on est encore à l’heure des bilans de 2010, voici la liste des 10 plus belles découvertes archéologiques de l’année dernière selon Archaeology Magazine.
– Luc Chatel, le ministre de l’éducation, va présenter son “plan Sciences” pour tenter de redonner aux jeunes générations le goût des matières scientifiques, qui s’effiloche depuis des années en France.
– Quoi qu’en disent les climatosceptiques, le réchauffement climatique est la preuve spectaculaire de l’influence de l’homme sur l’environnement. Mais notre espèce n’a pas attendu la révolution industrielle pour avoir un impact significatif sur le climat, affirment deux chercheurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, qui expliquent que l’action de l’homme sur les forêts depuis des millénaires s’est traduite dans le taux de dioxyde de carbone atmosphérique.
– Une étude française publiée en 2010 avait montré qu’un chien spécialement dressé pouvait, avec un taux d’erreur minime, détecter un cancer de la prostate en reniflant les urines des patients. Comme l’explique The Guardian, la science des odeurs corporelles est en plein développement.
– Un dossier dans Le Temps sur l’optogénétique, cette méthode de recherche qui permet d’activer des neurones grâce à de la lumière. L’optogénétique a été élue méthode de l’année 2010 par la revue Nature Methods car elle pourrait bien (entre autres) révolutionner les neurosciences.
– On croyait l’homme moderne sorti d’Afrique il y a environ 60 000 ans mais une étude publiée dans Science remet en cause ce scénario et affirme que nos ancêtres auraient pu quitter le continent africain il y a 125 000 ans, en passant par la péninsule arabique comme semblent l’indiquer des outils retrouvés aux Emirats arabes unis.
– Même si on a pu avoir un doute à ce sujet étant enfant, on sait qu’un kilo de plumes est aussi lourd qu’un kilo de plomb. Mais un kilo d’aujourd’hui pèse-t-il autant qu’un kilo il y a un siècle ? Evidemment que oui, mais la question se pose parce que l’étalon conservé à Sèvres, au Bureau international des poids et mesures, a très légèrement maigri pour une obscure raison. Ce qui a entraîné la tenue d’une conférence à la Royal Society de Londres les 24 et 25 janvier pour trouver une autre définition du kilogramme, tout comme on a redéfini le mètre en 1960, puis en 1983.
– Pour terminer : Vladimir Nabokov, grand amateur d’échecs et de papillons, avait supputé que le groupe de lépidoptères sur lequel il travaillait aux Etats-Unis était originaire d’Asie. Une hypothèse audacieuse pour l’époque, que la génétique vient de valider, plus de trente ans après la disparition de l’écrivain entomologiste…
Pierre Barthélémy
L’Observatoire européen austral (ESO, pour European Southern Observatory) a déjà un bijou de technologie avec son Very Large Telescope, perché à 2 635 mètres d’altitude sur le Cerro Paranal, dans le désert d’Atacama au Chili. Mais, dans la course aux découvertes scientifiques et à la technologie de pointe, il faut toujours prévoir la génération suivante. Depuis 2005, l’ESO planche sur un instrument dont les performances dépasseront largement celle des quatre grands télescopes du VLT : l’European Extremely Large Telescope (E-ELT, figuré sur la vue d’artiste ci-dessus). Autrement dit, un mastodonte de l’astronomie, avec un miroir géant de 42 mètres (ceux du VLT ne font “que” 8,2 m de diamètre et ceux du Keck américain 10 m).
Mais les très grands équipements coûtent cher et le budget nécessaire à la construction de l’E-ELT, sur le Cerro Armazones, à une vingtaine de kilomètres du VLT et à plus de 3 000 mètres d’altitude, s’élève à un milliard d’euros. Heureusement, l’ESO a reçu, peu après Noël, un magnifique cadeau : le Brésil a en effet signé, le 29 décembre 2010, son accord d’adhésion à l’ESO, qui fera de lui, s’il est ratifié par son Parlement, le quinzième pays de l’Observatoire et le premier non-européen (les 14 autres membres sont l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse). Ce que le communiqué de presse ne dit pas, c’est que Brasilia apporte un chèque de 300 millions d’euros (dont 130 millions d’euros de “ticket d’entrée”). Comme l’explique Nature, si l’on ajoute les 300 millions d’euros que les Européens ont déjà mis sur la table pour l’E-ELT, 60% du financement est déjà trouvé. Le directeur général de l’ESO, l’astronome néerlandais Tim de Zeeuw, a indiqué que, pour les 400 millions d’euros restants, une “contribution exceptionnelle” sera demandée aux Etats membres.
L’E-ELT sera un monstre de technologie, un instrument de quelque 5 000 tonnes et de 60 mètres de haut. Pour composer son immense miroir primaire, il faudra assembler pas moins de 984 miroirs hexagonaux de 1,45 m de diamètre, qui collecteront au total quinze fois plus de lumière que les meilleurs télescopes actuels. L’E-ELT aura une résolution quinze fois supérieure à celle du fameux télescope spatial Hubble. Son design unique compte au total cinq miroirs. La lumière reçue par le miroir principal de 42 m est renvoyée vers un miroir secondaire de 6 mètres de diamètre qui à son tour la renvoie sur un miroir blotti dans le premier. Ce troisième larron transmet la lumière à un miroir dit adaptatif, capable d’ajuster sa forme un millier de fois par seconde afin de corriger les distorsions d’image dues à la turbulence atmosphérique. Le cinquième et dernier miroir stabilise l’image et envoie la lumière aux caméras et instruments. L’E-ELT s’installera sous un dôme ouvrant de 80 mètres de haut, analogue à ceux de certains stades. Le tout en fera un monument de science, presque comparable en taille aux pyramides égyptiennes, comme le montre la vue d’artiste ci-dessous, qui fait figurer le VLT à côté de l’E-ELT.
Un géant, donc, mais pour quelle science ? Les astronomes attendent de l’E-ELT un important saut qualitatif lorsqu’il entrera en service en 2018 ou 2019. Travaillant dans les domaines optique et proche infra-rouge, ce télescope remplira des missions très diverses dont voici une liste non exhaustive : détecter des planètes extra-solaires de la taille de la Terre ; photographier les grosses exoplanètes (celle de la taille de Jupiter ou plus grandes) et analyser leur atmosphère ; étudier la formation des planètes en observant les disques proto-planétaires entourant les étoiles très jeunes ; analyser les populations stellaires d’un bon échantillon de galaxies (ce qui est impossible avec les instruments actuels car leur résolution est trop faible) afin de reconstituer leur histoire ; voir les objets les plus lointains et donc les plus anciens du cosmos, pour remonter aux origines des premières galaxies ; mesurer l’accélération de l’expansion de l’Univers et chercher à identifier la nature de la mystérieuse énergie noire qui en est la cause. Un programme aussi alléchant que copieux et on comprend mieux en le lisant à quel point les astronomes européens et, désormais, brésiliens sont impatients de voir le chantier de l’E-ELT commencer au Chili. D’autant que leurs concurrents américains sont moins bien partis qu’eux dans la course au gigantisme.
Comme l’explique l’article de Nature, deux projets ont été présentés outre-Atlantique, avec des collaborations internationales, mais le Thirty Meter Telescope et le Giant Magellan Telescope sont tous les deux plus petits que le “bébé” de l’ESO et seulement l’un d’entre eux recevra des subsides de la National Science Foundation (NSF) américaine. Surtout, la NSF a donné sa priorité à la construction d’un autre télescope, moins grand, le Large Synoptic Survey Telescope, qui aura des objectifs scientifiques bien différents : capable d’observer de larges portions de l’espace, il couvrira tout le ciel visible deux fois par semaine, ce qui permettra de réaliser un film du cosmos, d’observer les changements de luminosité et de position des astres, et par conséquent de détecter les astéroïdes potentiellement dangereux pour la Terre. Si jamais un des deux projets américains devait rester sur le carreau, seuls deux télescopes géants, à la pointe de la technologie, verraient le jour à la fin de la décennie. Autant dire que les places seront encore plus chères qu’aujourd’hui pour les astronomes, dont certains seront inéluctablement rétrogradés dans la deuxième division de la science…
Pierre Barthélémy
lire le billetQuand ils en auront fini avec le ballon rond, certains footballeurs auront une reconversion sportive toute trouvée dans une autre discipline olympique : le plongeon. Il fut un temps où les joueurs mettaient un point d’honneur à rester debout contre vents et marées, contre croche-pattes et coups de tatane. Aujourd’hui, des garçons encore plus musclés que l’Hercule Farnèse s’écroulent au moindre courant d’air, tenant moins bien sur leurs jambes qu’une grand-mère avec deux prothèses de hanche, comme s’ils avaient des savonnettes à la place des crampons. Bien sûr, il y a souvent faute. Mais l’art de la simulation s’est aussi répandu comme une peste sur les pelouses et quand on sait la fameuse importance des coups de pied arrêtés au football ainsi que les sommes que représente une victoire, on comprend mieux que les joueurs soient tentés de feindre ou d’exagérer l’accrochage avec un de leurs adversaires. Voici un florilège vidéo de simulations plus grossières, grotesques et lamentables les unes que les autres.
Ces mauvaises habitudes anti-sportives ont attiré l’attention d’une équipe de chercheurs australiens qui sont d’ordinaire plus intéressés par les décapodes que par les bipèdes. Ils ont ainsi notamment découvert que, chez une espèce d’écrevisse, arborer des pinces impressionnantes chez un mâle assied sa domination sur les autres mâles ainsi que sur les femelles, même s’il n’a pas assez de force pour s’en servir efficacement ! Il y a cependant un grand débat pour savoir si et comment la tromperie dans la communication animale peut se maintenir dans les systèmes naturels comme une stratégie stable. La théorie des jeux prédit que la duperie, pour être viable, doit se produire peu fréquemment (sinon on tombe dans l’histoire de l’enfant qui criait au loup) mais que cette fréquence augmente en fonction des bénéfices que l’on peut en retirer et aussi en fonction de la “naïveté” de celui qui reçoit le signal trompeur. Le problème, c’est que très peu de systèmes animaux permettent d’étudier la question. D’où l’idée de se servir des footballeurs, que ces chercheurs australiens ont présentée il y a quelques jours au congrès annuel de la Society for Integrated and Comparative Biology, qui se tenait à Salt Lake City. “C’est une manière très intelligente de tester les prédictions de la théorie du signal, commente dans Science le biologiste américain Simon Lailvaux. Il est passionnant de trouver un système avec lequel on pourra vraiment quantifier ou catégoriser les signaux trompeurs.”
Si l’on transpose au football, l’émetteur (le joueur qui tombe) envoie un signal (sa chute) au récepteur (l’arbitre). Lequel doit déchiffrer si le signal est honnête (il y a eu faute) ou malhonnête (il y a simulation) et prendre une décision en conséquence. Pour savoir si la théorie fonctionne sur les terrains de football (grosso modo pour savoir si la stratégie est payante et si l’arbitre se fait berner), Gwendolyn Davis, post-doctorante à l’université du Queensland, s’est donc attelée à une tâche ingrate (heureusement pour elle, elle aime le foot et y joue…) : visionner et décortiquer pas moins de 60 matches de première division. Dix français, dix espagnols, dix allemands, dix néerlandais, dix italiens et, bien sûr, dix australiens. A chaque faute sifflée, il lui fallait revisionner l’action en détail pour la classer dans trois catégories : faute avérée, contact et chute exagérée, plongeon sur faute imaginaire.
Comme le prédit la théorie des jeux, le nombre de fautes réelles surpasse de loin les supercheries. Seulement 6% des quelque 2 800 chutes enregistrées étaient complètement bidon. Les chercheurs ont aussi constaté que les joueurs plongeaient de deux à trois fois plus lorsqu’ils étaient proches du but adverse et qu’ils étaient aussi plus récompensés dans cette zone, peut-être parce que l’arbitre était souvent plus éloigné de l’action. Enfin, et c’est aussi un enseignement important, presque aucun truqueur n’a été sanctionné lors de ces matches… Robbie Wilson, qui a conduit l’étude, a suggéré que les institutions du football pourraient s’en servir pour placer des arbitres supplémentaires dans les zones où les truqueurs sévissent le plus.
Pour compléter ce tour d’horizon de la science des footballeurs truqueurs, je suggère au corps arbitral de lire le travail de deux chercheurs britanniques, paru en 2009 dans le Journal of Nonverbal Behavior. Paul Morris et David Lewis y décrivent notamment la posture typique du plongeur, illustrée à merveille par cette photo de Didier Drogba. Il s’agit de la posture de l’arc, nommée ainsi en raison de la courbure presque surnaturelle que le corps adopte et que l’on ne retrouve quasiment jamais en cas de faute réelle: la tête en arrière, la poitrine en avant, les bras complètement levés et pointant vers l’arrière, les jambes décollées du sol et les genoux pliés. Merci, Didier, pour cette fantastique démo. Tu peux te relever.
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : j’ai tardivement demandé par courrier électronique d’autres statistiques à Gwendolyn Davis. Si elle a la gentillesse de me les envoyer vite, je complèterai ce billet avec des chiffres supplémentaires.
Photo: Cristiano Ronaldo plonge et se retrouve sur les mains, le 23 janvier 2011 au stade Santiago Bernabeu. REUTERS/Felix Ordonez
– C’est l’image “scientifique” de la semaine, qui raconte un drame arrivé il y a 160 millions d’années. Ce Darwinopterus femelle, un dinosaure volant, s’est fracturé l’aile et, soit en agonisant, soit en se décomposant, a pondu un œuf qui n’a, bien sûr, jamais éclos.
– Avez-vous déjà entendu parler des cybercondriaques, ces personnes qui se précipitent sur Google au moindre bobo ou pet de travers et se découvrent une multitude de cancers en trois minutes de promenade sur le Web (je caricature un peu) ? Le docteur Zachary Meisel, qui tient une chronique hebdomadaire sur Time.com, explique comment voir le bon côté de la chose.
– Les amibes aussi pratiquent l’agriculture, en “semant” des bactéries. Voir ici aussi.
– Pour de nombreuses espèces d’oiseaux, réchauffement climatique sera synonyme d’extinction, car elles ne pourront pas trouver d’environnement adapté ni s’adapter à leur nouvel environnement. Certains coraux cherchent la parade en se déplaçant vers de plus fraîches latitudes.
– Un portfolio dépaysant du New York Times, qui nous emmène sur la base scientifique américaine McMurdo, en Antarctique.
– Les classiques détecteurs de mensonge étant notoirement peu fiables, on cherche depuis plusieurs années une solution alternative dans l’imagerie du cerveau.
– Pour finir, ce qui pourrait être le chiffre de la semaine si ce blog en avait un : 88 km/h, c’est le record de vitesse qu’a établi une “voiture” ne fonctionnant qu’à l’énergie solaire. Voir ci-dessous.
Pierre Barthélémy
lire le billetSur le podium des animaux marins carnassiers, la plus haute marche est le plus souvent occupée par le requin. La faute à une mauvaise réputation, aux Dents de la mer et aux quelques plongeurs et surfeurs qui, chaque année, ont la malchance d’être croqués par des squales (rappelons que, dans le même temps, l’homme tue plus de 100 millions de requins par an…). Pourtant, ces poissons ne devraient être classés que deuxièmes, derrière l’orque. Mais la série gentillette des Sauvez Willy
a fait oublier le terrible Orca
, tandis que les prestations spectaculaires de ces grands mammifères marins dans des parcs aquatiques leur confèrent une image pas très éloignée de celle des dauphins. A tort, car les orques sont de redoutables chasseuses, au point que certaines n’hésitent pas à attaquer des requins pour s’en faire des gros sushis, comme on peut le voir sur cette vidéo exceptionnelle :
Dans une étude parue le 6 janvier dans la revue Aquatic Biology, une équipe américano-canadienne a montré qu’une lignée d’orques vivant dans le nord-est du Pacifique mettait fréquemment du requin à son menu. A la différence des orques dites “résidentes” qui se nourrissent de poisson, ou des épaulards “nomades” qui mangent plutôt des mammifères marins comme des lions de mer, les orques “du large”, qui constituent la troisième famille identifiée dans la région, s’attaquent volontiers au requin dormeur du Pacifique (Somniosus pacificus). Malgré son nom qui peut le faire passer pour un mollasson, ce grand squale est lui-même un formidable prédateur.
Pour faire cette découverte, les biologistes ont dû s’armer de patience. Leur réseau de collègues ont observé les orques 98 fois entre 1988 et 2009. Mais comme ces cétacés prennent en général leur repas à quelques centaines de mètres de profondeur, il était à chaque fois impossible de suivre leur chasse. Heureusement, en deux occasions, des morceaux de chair, reliefs du festin sous-marin, sont remontés à la surface. Leur analyse génétique a montré que ces “miettes” appartenaient à seize individus de l’espèce requin dormeur du Pacifique. On pourrait s’étonner que les orques s’en prennent à des animaux aussi dangereux que des squales mais, comme l’explique un spécialiste américain des orques, Robin Baird, cité sur le site Internet de Nature, les lions de mers de Steller que dévorent d’autres épaulards ont “des crânes semblables à ceux des grizzlys. Attaquer l’un d’entre eux est probablement plus dangereux que d’attaquer un requin dormeur de 2 mètres.”
Ceci dit, manger du requin tout cru présente tout de même quelques désavantages. L’étude en question montre que les orques friandes de squales y laissaient… leurs dents. L’examen de cadavres échoués d’orques ou de spécimens conservés dans des muséums a mis en évidence que les dents de ces épaulards étaient limées parfois jusqu’à la racine (voir photo ci-dessous), un phénomène que l’on ne retrouve pas chez les autres lignées d’orques.
La faute en incombe à… la peau des requins. Celle-ci est en effet particulièrement abrasive, au point qu’on l’a même utilisée pour poncer, comme du vulgaire papier de verre. Cette peau est en effet recouverte de denticules (voir photo ci-dessous), sortes de minuscules écailles anguleuses et dures, qui constituent une carapace souple et dont le dessin très particulier confèrerait au requin une partie de son hydrodynamisme.
Quand Steven Spielberg tournait les Dents de la mer, il n’imaginait sans doute pas que son grand requin blanc avait des dents jusque sur la peau…
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : loin de moi l’idée de vouloir m’acharner sur les orques, mais ces animaux qu’outre-Atlantique on appelle “killer whales” (baleines tueuses), semblent bien porter leur nom anglais. Un article paru dans Science du 21 janvier montre que les chercheurs sont en train de s’inquiéter de l’impact de ces cétacés sur les populations d’animaux marins, en particulier sur celles qui sont en danger du fait de l’homme…
lire le billetAmi lecteur (et pas lectrice, désolé…), toi qui suis régulièrement ce blog en installant ton ordinateur portable sur ton giron, repose tout de suite cet engin sur une table, un bureau, un plan de travail, n’importe quoi qui fera écran entre tes bijoux de famille et lui. Car, comme vient de le répéter la directrice de la Division d’endocrinologie reproductrice à la Loyola University (Chicago), “la chaleur générée par les ordinateurs portables peut endommager la production et le développement des spermatozoïdes”. Une cause supplémentaire à la baisse de la spermatogénèse constatée depuis quelques décennies.
On pourrait néanmoins se dire que, au vu des 100 millions de spermatozoïdes qu’un homme “normal” fabrique environ chaque jour dans ses deux usines à gamètes, une perte de quelques millions n’est qu’anecdotique. Pas si sûr. Tout d’abord, si la tendance actuelle se poursuit, certains pays comme le Danemark, riquent d’avoir, d’ici à la fin du siècle, les pendeloques en capilotade et quelques soucis concernant le renouvellement de leur population. Surtout, si la quantité compte tellement, c’est parce que l’adage “beaucoup d’appelés, peu d’élus” est particulièrement vrai concernant les spermatozoïdes, une fois qu’ils ont été lâchés dans le corps féminin.
Pour paraphraser Corneille, on dira qu’ils partirent 250 millions, en espérant qu’un seul arrive à bon port. 250 millions de gamètes sur la ligne de départ, un seul à l’arrivée, ce n’est plus un parcours du combattant, c’est un génocide. A côté de ça, le débarquement des troupes alliées en Normandie décrit avec un réalisme sanglant par Spielberg dans Il faut sauver le soldat Ryan ressemble à une distrayante chasse aux papillons. Comme le montre cet amusant documentaire (ici découpé en trois parties) où les spermatozoïdes ont été grossis 34 000 fois pour être joués par des figurants, les cellules masculines de la reproduction doivent affronter le milieu acide du vagin, le labyrinthe mortel du col de l’utérus, les globules blancs de madame, ne pas se perdre en route ni dépenser trop d’énergie, arriver dans la bonne trompe de Fallope avec le bon timing et, surtout, avoir de la chance.
Une manière ludique de voir à quel point chaque étape est meurtrière, où une proportion considérable de survivants disparaît, consiste à vous adonner à “The Great Sperm Race”. Dans ce jeu en ligne qui s’apparente à une sorte de Pacman gynécologique, tout commence là où les hommes croient que c’est fini, c’est-à-dire après l’éjaculation : vous incarnez un spermatozoïde parmi tant d’autres et devez franchir tous les obstacles jusqu’au Walhalla. Et vous vous apercevez, chiffres à l’appui, que si un ou deux pour cent millions arrive tout près du but (l’ovule), c’est le bout du monde. Alors, oui, avec des pertes aussi monstrueuses, produire beaucoup compte. Raison de plus pour ne pas nous les casser, comme le chantait Brassens.
Pierre Barthélémy
– 2010 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée, à égalité avec 2005. Des chiffres convergents ont été dévoilés par la NASA et par la NOAA.
– Une équipe britannique a produit des poulets transgéniques incapables de transmettre le virus de la grippe aviaire. Une étude publiée dans Science.
– Un autre article paru dans Science nous relate la découverte en Argentine de l’arrière-arrière-arrière-grand-père du tyrannosaure, un dinosaure carnivore de… 5 kilos.
– Le tourisme spatial est un secteur appelé à se développer au cours des prochaines années sous le signe d’une concurrence acharnée, explique lefigaro.fr.
– Toujours dans le domaine spatial, 2011 devrait être un grand cru pour l’Europe puisque, pour la première fois de l’histoire du Centre spatial guyanais, trois lanceurs différents décolleront de Kourou cette année : Ariane-5, Vega et Soyouz.
– Des archéologues pensent avoir découvert l’épée du célèbre pirate Barbe Noire.
– Pour finir : agissant comme un anti-stress, le rire favorise la réussite d’une fécondation in vitro, selon une étude israélienne…
Pierre Barthélémy
lire le billetOn a un peu tendance à l’oublier, y compris lorsqu’on découpe un poulet, mais les oiseaux ont aussi des mains. Des mains certes réduites au strict minimum et très légères, avec seulement trois doigts la plupart du temps inclus dans l’aile, mais des mains quand même. Xenicibis xympithecus, un ibis aujourd’hui disparu qui vivait sur l’île de la Jamaïque il y a encore quelques millénaires, avait pour sa part de curieuses paluches. A l’instar de beaucoup d’insulaires emplumés, ce drôle d’oiseau avait perdu l’usage du vol pour exploiter un environnement pauvre en prédateurs. Mais, comme l’explique une étude américaine qui vient de paraître dans les Proceedings of the Royal Society B, la main de cet ibis ne ressemble à celle d’aucun oiseau, éteint ou vivant, volant ou pas.
Quand on a découvert la première aile fossilisée de la bestiole, on a cru qu’elle était victime d’une malformation pathologique inexplicable. Mais les fossiles qui ont suivi ont montré que tous les membres de l’espèce présentaient les mêmes caractéristiques : le principal métacarpe est hypertrophié, massif et fortement courbé, avec un diamètre supérieur au centimètre (voir ci-dessous), soit davantage que le fémur de l’oiseau. L’os est creux mais particulièrement épais.
D’autres curiosités anatomiques complètent ce tableau très particulier : l’articulation du “poignet” est très faible et lâche, ce qui permet à la main d’être jetée vers l’avant ; le radius est lui aussi anormalement épais ; pour un oiseau qui a abandonné le vol, Xenicibis dispose d’une ceinture pectorale relativement bien développée avec des os larges et robustes. Tous ces indices ont conduit Nicholas Longrich et Storrs Olson, les deux auteurs de l’étude, à formuler l’hypothèse suivante : cet ibis jamaïcain se servait de ses ailes comme d’un gourdin ou, mieux, d’un fléau (ou d’un nunchaku, si l’on préfère les arts martiaux japonais aux batailles médiévales avec armures et chevaux caparaçonnés). “L’énergie cinétique est le produit de la masse et de la vitesse au carré, rappellent-ils ; par conséquent, des armes telles que les gourdins et les fléaux ont un long manche pour augmenter la vitesse angulaire, sont fortement alourdies pour augmenter la masse accélérée par le mouvement, et leur centre de gravité est proche de leur extrêmité, là où la vitesse angulaire est la plus élevée. C’est précisément ce “design” que l’on retrouve dans la main de Xenicibis, où le bout de l’aile est massif (…).” Tout participe à la violence : la capacité à propulser la main librement vers l’avant ; le métacarpe creux et dur qui permet de cogner vite et fort, “comme une batte de baseball en aluminium” ; la conservation d’une aile longue quoique ne servant plus au vol et la possibilité de l’étendre complètement et rapidement.
Si Xenicibis était une sorte de karatéka à plumes, distribuant des mandales soit à ses congénères pour protéger son territoire, soit aux rares prédateurs du quartier qui lorgnaient ses œufs ou ses poussins (rapaces, singes voire serpents), cette aptitude au combat, ont supposé MM. Longrich et Olson, a dû laisser des traces, des fractures, comme on en retrouve chez les autres oiseaux bagarreurs. Les deux chercheurs sont donc retournés étudier les quelques spécimens fossilisés à leur disposition. Et bingo : deux d’entre eux présentaient des fractures de l’aile, dont une avait réussi à cicatriser complètement.
Dans la conclusion de leur article, Nicholas Longrich et Storrs Olson soulignent que si de nombreux oiseaux se servent de leurs ailes comme d’une arme (et notamment de leurs doigts en guise d’éperons ou de griffes), “dans le cas de Xenicibis, l’adaptation de l’aile en une arme puissante a produit un agencement qui est non seulement unique parmi les milliers d’espèces d’oiseaux existantes ou fossiles, mais aussi unique parmi les vertébrés. Bien que les appendices corporels se soient à plusieurs reprises spécialisés pour marcher, courir, nager, creuser et voler, Xenicibis est le seul à avoir transformé son appendice pectoral en un gourdin articulé capable d’être balancé pour augmenter la vitesse et l’énergie du coup.” Ce que l’étude ne dit pas, c’est que ses ailes de karatéka n’ont pas empêché l’oiseau de disparaître…
Pierre Barthélémy
lire le billetLa scène s’est passée jeudi 6 janvier en la basilique Saint-Pierre de Rome. Comme le rapporte une dépêche de l’agence Reuters, dans son homélie de la fête de l’Epiphanie, Benoît XVI a déclaré devant 10 000 fidèles que “l’Univers n’est pas le résultat du hasard, comme certains voudraient le faire croire”. “En le contemplant, nous sommes invités à y lire quelque chose de profond: la sagesse du Créateur, la créativité illimitée de Dieu, son amour infini pour nous”, a ajouté le pape. Celui-ci a évoqué le côté “limité” de certaines théories scientifiques qui “ne parviennent qu’à un certain point (…) et ne peuvent expliquer le sens ultime de la réalité”, faisant directement allusion (mais sans la citer) à la théorie du Big Bang, qui décrit les début de l’Univers sans pouvoir toutefois remonter à un point zéro. En effet, en-deçà de 0,0000000000000000000000000000000000000000001 seconde, les équations de la physique actuelle n’ont plus de sens. De la même manière, l’origine de la vie sur Terre reste pour le moment un mystère scientifique. Face à ces questions sans réponse, Benoît XVI a expliqué que “dans la beauté du monde, dans son mystère, dans sa grandeur et dans sa rationalité (…), nous ne pouvons que nous laisser guider vers le Dieu unique, créateur du Ciel et de la Terre”.
Voilà pour les faits. Evidemment, pour étayer ses assertions, le souverain pontife n’apporte aucune preuve, pas d’étude publiée dans une revue scientifique, pas de chiffres… Il serait d’ailleurs malséant d’en exiger de sa part. Tout comme il est malséant que Benoît XVI vienne interférer avec la cosmologie, l’astrophysique et la biologie. On pourrait attendre d’un penseur tel que lui de ne pas mélanger les genres, car science et religion n’appartiennent pas aux mêmes dimensions intellectuelles, ne sont pas miscibles et l’une ne peut servir à justifier l’autre. A chacune ses affaires, serait-on tenté de dire. Pourtant, le souverain pontife ne se prive pas et cette déclaration est un énième retour du créationnisme sous une forme atténuée, teintée d’une dose de principe anthropique fort, lequel affirme que si le cosmos est ce qu’il est, c’est pour accueillir la vie et l’homme.
Ce n’est pas la première fois que Benoît XVI intervient dans le champ de la science et de l’évolution de l’Univers puisqu’en 2005, il avait affirmé que celui-ci était soutenu par un “projet intelligent“, une référence à peine masquée à l’“intelligent design”, une version chrétienne du créationnisme née aux Etats-Unis. A l’époque, le directeur de l’Observatoire du Vatican, George Coyne, avait eu le courage de s’élever contre la tentation évidente de l’Eglise catholique de céder aux thèses de l'”intelligent design”. Benoît XVI persiste donc à mêler carottes et bananes, ce qui n’est de toute évidence pas fortuit.
Puisque le credo de ce début d’année est à l’indignation, avec la parution du petit livre de Stéphane Hessel Indignez-vous !, je dirai que deux choses me dérangent profondément dans cette histoire : la première, c’est que personne n’a l’air de trouver cela grave ; la seconde, c’est cette volonté de caser Dieu à la place la plus confortable qui soit pour lui, celle de l’ignorance des hommes, c’est-à-dire la place que les croyants se sont toujours complu à lui attribuer. On ne sait ce qu’il y a à l’origine de l’Univers, DONC c’est Dieu. C’est si pratique ! Peut-être faudrait-il admettre un jour qu’on ne sait pas et puis c’est tout. Ce serait le début de l’humilité et de la sagesse. On ne sait pas comment s’est créé l’Univers, et certains disent qu’il n’y a pas de début réel et que tout est un éternel recommencement (théorie de l’Univers cyclique). Ce qu’on sait très bien en revanche, c’est que l’homme a inventé les dieux pour répondre à ses ignorances et se rassurer sur son destin ultime, se dire qu’il y a quelque chose après la mort. C’est curieux cette façon de toujours fourrer Dieu là où on sait que la science ne pourra pas le débusquer… Comme le dit très bien Didier Bénureau dans sa Chanson du croyant : “Quand on voit pas, c’est qu’on voit, c’est comme ça la foi ! Quand on sait rien, c’est qu’on sait, faut qu’t’y croies ! Tralonlère la la itou !”
A regarder sans modération…
Pierre Barthélémy
lire le billet– 2011 est l’année internationale de la chimie. A cette occasion, Nature a ouvert une page spéciale sur son site Internet, qui sera régulièrement mise à jour.
– L’Américaine Henrietta Lacks, bien que décédée en 1951, est immortelle et pourrait bien être une des femmes les plus importantes de l’histoire de la médecine. Ses cellules cancéreuses ayant la propriété de ne pas mourir, les chercheurs les cultivent à la chaîne et s’en servent depuis six décennies pour faire des découvertes majeures : vaccins, génétique, travaux sur le cancer et le sida. Ecrite par l’Américaine Rebecca Skloot, la saga des cellules HeLa (d’après le nom d’Henrietta Lacks) a été un best-seller primé aux Etats-Unis et au Royaume-Uni et vient de paraître en France sous le titre La Vie immortelle d’Henrietta Lacks.
– C’était le buzz de la semaine (si l’on met de côté les morts massives d’oiseaux et de poissons): les larmes des femmes (mais pourquoi que des femmes ?) réduisent le taux de testostérone et le désir sexuel chez les hommes. Une question demeure : ce signal chimique est-il opérant dans la vie réelle ?
– Il y a 25 ans, la sonde Voyager-2 passait au voisinage d’Uranus. Depuis, aucun engin d’exploration n’est allé rendre visite à cette planète. Une nouvelle mission pourrait partir à sa rencontre dans 10 ans et arriver à destination en 2036 ! Les astronomes sont connus pour voir loin…
– Une dépêche Reuters nous apprend que, selon une étude américaine, un test sanguin de détection de la maladie d’Alzheimer pourrait rapidement être mis au point.
– Un dossier sur la dendrochronologie, l’art de tirer des informations scientifiquement acceptables à partir des anneaux de croissance des arbres.
– Pour terminer : que faire avec les espèces invasives ? Deux idées : primo, les manger ; secundo, les porter sur soi (chaussures ou vêtements). Certains considérant que l’homme est la principale espèce invasive de la planète, je ne suis pas sûr que ces solutions soient toujours vues sous un jour favorable…
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : 5 mois après son lancement officiel, le 9 août 2010, Globule et télescope vient de passer la barre des 500 000 pages vues. Un grand merci à vous ! Je profite de l’occasion pour vous dire que je participerai, mercredi 12 janvier, à l’émission La Tête au carré, de Mathieu Vidard, sur le thème des blogs scientifiques. C’est en direct sur France Inter, de 14h05 à 15 heures.
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