Nous sommes tous des vampires

Nosferatu

Image extraite de "Nosferatu le Vampire", de F. Murnau (1922)

Le film Daybreakers sorti en mars. Une histoire de vampires. Le troisième opus de la saga Twilight est arrivé sur les écrans en juillet et le quatrième débarquera dans les salles obscures en 2011. Encore des vampires. Et on nous promet un Blade 4 pour 2012… Toujours des vampires. Je ne sais pas si vous avez le même sentiment que moi, mais j’ai la nette impression que les vampires sont partout ! Et si c’était vrai ? Si c’était vrai, cela se saurait, me direz-vous. Mais non, ils sont partout : ils contrôlent les médias, Wikileaks, l’Etat, la maréchaussée, les statistiques de l’Insee, les dentistes, les marchands d’ail et de crucifix, les entreprises de pompes funèbres et les organismes de donneurs de sang… Une seule chose peut nous aider à établir la vérité : les mathématiques !

C’est à un calcul simple et amusant que je vous invite, un calcul qu’ont réalisé Costas Efthimiou et Sohang Gandhi dans un article retentissant publié en 2008 dans le Skeptical Inquirer. Partons des données de base, que tout le monde connaît : quand un vampire affamé plante pour se nourrir ses crocs dans la carotide d’un humain, celui-ci (s’il ne meurt pas) devient à son tour un vampire. Pour le dire en termes démographiques : à ce moment-là, la population vampire augmente de un, tandis que la population humaine diminue de un. Admettons, pour faire simple, que le vampire suit un régime (parce que le sang des humains d’aujourd’hui est vraiment très riche et très calorique) et qu’il ne mord qu’une fois par mois. Admettons aussi que le premier vampire est apparu sur Terre le 2 juin 2003 à minuit, moment auquel Stephenie Meyer, l’auteur de Twilight, a vu en rêve ce qui allait devenir la trame de ses romans. Ce jour-là, on le sait grâce au Bureau du recensement américain, la population mondiale est estimée à 6.304.006.665 personnes. Enlevons notre vampire originel, sans doute issu d’on ne sait quelle manipulation génétique réalisée par un savant fou, et cela nous fait 6.304.006.664 hommes et femmes. Au bout d’un mois, notre Adam à longues canines a fait un émule. Mais, dans le même temps, la population mondiale a augmenté de plus de 6 millions d’individus.

On peut se dire que le match est inégal, que le taux de reproduction des humains est bien supérieur à celui des Nosferatu et autres Dracula. C’est une erreur (du même genre que celle commise par le roi dans la légende des grains de blé sur l’échiquier de Sissa). Le nombre de vampires va augmenter rapidement en doublant chaque mois. Les mathématiciens parlent de “progression géométrique“. Certes, cela commence de façon modeste (2, 4, 8, 16, etc) mais cela ne cesse de s’accélérer. Pour vous en convaincre, prenez une calculatrice, faites 1×2 et continuez à multiplier le résultat par 2. Au bout du 30e mois, plus de 500 millions de vampires courent les rues. Un mois après, le milliard est dépassé et la population humaine est passée sous la barre des 6 milliards. Au cours du 34e mois, soit en mars 2006, le dernier représentant d’Homo sapiens a succombé. Depuis lors, j’imagine que nous nous nourrissons tous grâce à du sang de synthèse, que nous faisons produire dans des fermes de vaches génétiquement modifiées. Voilà pourquoi le cinéma et la littérature de vampires marchent si bien : ils parlent de nous.

Pierre Barthélémy

Post-scriptum : en réalité, Costas Efthimiou et Sohang Gandhi avaient utilisé ce calcul pour prouver que les vampires ne pouvaient pas exister. Tout le monde peut se tromper…

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