Le Petit Poucet est un arnaqueur

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TeddyBertinAvatarCe week-end, dix clubs amateurs joueront les seizièmes de finale de la Coupe de France de foot. Certains battront probablement des équipes professionnelles. Une performance pas si surprenante.

Charles Perrault l’aurait sûrement mauvaise de découvrir que son Petit Poucet est aujourd’hui cuisiné à toutes les sauces, même footballistique. Dans la novlangue du milieu, le Petit Poucet, c’est le club de niveau amateur qui fait la nique aux gros dans la «plus belle des compétitions», la Coupe de France. L’histoire de David contre Goliath en somme. Sauf que le Petit Poucet, en réalité, a fait la course aux armements. Un peu comme si le gamin de Perrault se baladait en forêt avec ses petits cailloux, mais aussi un soutien satellite de tous les instants pour repérer les mouvements de l’ogre.

En foot, c’est la même chose. Les «petits» clubs n’ont plus grand chose d’amateurs. Budgets en hausse, staffs étoffés, joueurs préparés physiquement… Les souvenirs des Téléfoot de notre enfance semblent loin, quand on s’enthousiasmait pour le boulanger qui battait une équipe pro le dimanche, avant de retourner bosser le lendemain matin. En quatre points, PDPS vous explique pourquoi les clubs pros ont tant de mal à assumer leur statut de favori.

Le calendrier

C’est une tradition qui ne se dément pas, comme le repas de famille du jour de l’An. Le premier week-end de la nouvelle année est marqué par l’entrée en lice des clubs de Ligue 1 en Coupe de France, au stade des 32èmes de finale. Il y a quinze jours, la moitié des effectifs de l’élite a été sortie. Un cru 2011 exceptionnel, qui confirme une tendance plus lourde: le premier match de l’année n’a jamais rien d’une promenade de santé pour les «gros». Après la victoire de son équipe (7-0 contre Cannes), l’entraîneur rennais Frédéric Antonetti a tenté une explication: «Cette compétition avec ce calendrier est de la chair à canon pour nous, les entraîneurs (…). Après les vacances, on a une semaine pour préparer ce match et la suite de notre saison en même temps. Les autres ont toutes les fêtes pour se préparer.»

Un brin de mauvaise foi, le Frédo? Même pas. Denis Renaud, coach de Carquefou (CFA), qui se rendit célèbre par son épopée en 2008, fait la même analyse: «Les joueurs pros finissent tard en décembre, ils prennent une semaine de vacances et enchaînent ensuite sur un stage censé préparer toute la deuxième partie de saison. Le club amateur, lui, se prépare en priorité pour ce 32ème, c’est le match de l’année.» Les préparations physiques des adversaires suivent des trajectoires diamétralement opposées: les amateurs doivent atteindre un pic de forme début janvier, alors que les pros, eux, emmagasinent du foncier pour être performants au printemps. Alain Rigole, entraîneur de Jarville (CFA2) défait de justesse par Sochaux (0-1), nous détaille la préparation de ses ouailles: «On n’a pas coupé pendant les fêtes. Les gars ont juste eu la soirée du Nouvel An et de Noël.»

L’environnement

Le footballeur pro aime être choyé. En janvier, il fait froid. Alors, souvent, il file en Espagne ou au Maroc se préparer au soleil. Une stratégie peut-être excellente pour le team building, un peu moins pour aller ferrailler sur des terrains pourris par 0°C. Les deux prochains finalistes de la Coupe de la Ligue (comme quoi, ça ne tient pas à grand chose) sont tombés il y a quinze jours en Coupe de France. L’OM sous des trombes d’eau, contre Evian, et Montpellier contre Reims, dans le froid champenois. Le volubile président du club héraultais, Loulou Nicollin, n’a pas manqué d’allumer son coach sur le sujet: «On ne prépare pas un tel match en plein cagnard (l’équipe de René Girard était partie en stage en Espagne, ndlr) pour se retrouver, samedi soir, à Reims par -5°C.»

«Je pense avant toute chose que les pros ne sont pas préparés psychologiquement à ce qui va leur arriver. Ils jouent contre des équipes pour qui c’est la fête au village, sur un terrain un peu champêtre, bosselé, devant 2000-3000 personnes…», explique Alain Rigole, qui jure que si son équipe avait pu affronter Sochaux dans son enceinte, et non à Nancy, elle aurait battu les Lionceaux. Reste enfin un complexe de supériorité difficile à tempérer, selon Rigole: «Les entraîneurs ont beau les prévenir, les joueurs se disent: “le coach nous prend pour des cons, on ne va pas perdre contre une CFA”.» Une règle qui vaut aussi bien pour les équipes de CFA vis-à-vis des encore plus petits. «On a les mêmes problèmes quand on rencontre des formations de niveau inférieur – DH, par exemple – et qu’on est malmenés. Tu perds tes moyens et tu es pris dans un engrenage», explique Denis Renaud. La qualification de Vaulx-en-Velin (DH) aux dépens de Jura-Sud, une équipe évoluant deux étages plus haut, en est le meilleur exemple.

Des staffs de plus en plus compétents

Appréhender les bonnes perf’ des clubs amateurs par les seuls prismes des fêtes et du froid serait malhonnête. Le niveau des championnats de CFA et CFA2 s’est nettement amélioré ces dernières années. Denis Renaud le Carquefolien a beaucoup à dire sur le sujet: «A 80%, il n’y a aucune différence au niveau de la préparation entre les formations amateurs et celles de Ligue 1. Aujourd’hui, la quasi-totalité des clubs de CFA s’entraînent tous les jours. Les staffs sont étoffés. On assiste à l’arrivée ces dernières années de préparateurs physiques, qui programment les joueurs annuellement, mensuellement, quotidiennement… La moitié des équipes ont un analyste vidéo.»

La surpopulation sur le marché des entraîneurs (la liste des coachs chômeurs est ici) augmente également le niveau. «En CFA, tous ont un BEF, explique Denis Renaud. Certains, comme moi, ont le plus haut diplôme, celui nécessaire pour entraîner en Ligue 1 et Ligue 2, le DEPF.» Les anciens joueurs pros qui ne trouvent pas de formation en Ligue 1, Ligue 2 ou National, se rabattent du coup sur le CFA, où ils apportent leurs connaissances tactiques.

Des joueurs complets

La formation française est mondialement reconnue. Mais pour quelques «élus» qui rejoindront le monde pro, beaucoup sont recalés. Cela n’en fait pas pour autant de mauvais joueurs: une carrière ne tient souvent pas à grand chose: une blessure, un mental un peu friable (remember Kevin Jacmot…). Mais les bases techniques, tous les ont. Ils ont fréquenté les mêmes centres de formation, connu les mêmes entraîneurs. «Quand les joueurs ne parviennent pas à percer, ils se replient souvent sur des équipes d’un niveau inférieur, CFA-CFA2, détaille Patrick Rampillon, boss du centre de formation de Rennes. Les réserves des équipes pros ont beaucoup de mal dans ces championnats. Ce sont des matches d’hommes, très solides.»

Il y a deux semaines, le journaliste de Libé Grégory Schneider décrivait fort bien la carrière d’Anthony Rigole, attaquant de Jarville et fils du coach. «287 buts en 317 matchs avec Jarville, c’est le foot pro à tous coups. Pas là: une saison à l’AS Nancy-Lorraine, une autre à l’OGC Nice, une poignée de matchs joués avec quelques cartons jaunes qui disent la tension et un retour à la case départ, c’est-à-dire Jarville. Il s’est longtemps murmuré qu’il lui aura toujours manqué deux mètres: les deux premiers, c’est-à-dire l’explosion au démarrage qui fait la maille au haut niveau.»

Lors de son 32ème victorieux contre Auxerre, Wasquehal (CFA2) comptait parmi ses onze titulaires deux anciens pros, et quatre joueurs passés par des centres de formation de clubs de Ligue 1. En CFA, si certaines équipes sont encore composées de joueurs pour qui le foot n’est pas l’activité principale (Jarville par exemple), la majorité alignent des semi-pros, rémunérés par des contrats fédéraux. Pour tous, la Coupe de France est également une opportunité de briller, et éventuellement d’attirer les recruteurs.

Au final, comme l’explique Denis Renaud, «la différence sur un match est quasi-nulle. Quand au bout de 45 minutes, les deux équipes sont à égalité, ça devient même du 50-50». Autant dire que quand la formation de Ligue 1 n’est pas sereine, à l’image de Monaco, la rencontre ressemble rapidement à un traquenard. N’est-ce pas Guy Lacombe? Mais que le moustachu teigneux se rassure, il sera vraisemblablement vengé. Car les «belles épopées» ont toutes une fin. Carquefou a croisé Pauleta, Calais avait buté sur Nantes, du temps où les Canaris jouaient encore au foot…


CARQUEFOU Vs PSG


Coupe de france 2000

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Sydney Maréval

Photo Reuters/des supporteurs de Calais lors de la finale perdue contre Nantes en 2000

2 commentaires pour “Le Petit Poucet est un arnaqueur”

  1. […] Ce billet était mentionné sur Twitter par A World Of Football et Sébastien Peltier, Plat du Pied . Plat du Pied a dit: Pourquoi les clubs de Ligue 1 se font taper en Coupe de France http://fb.me/tviVDPLb […]

  2. Salut je trouve cet article vraiment recherché et dans le fond approfondis. En effet, les clubs de CFA, n’ont plus rien de club amateur, les joueurs qui y jouent sont parfois en contrat federal (CDD renouvelable pour ces footballeurs), quand ils ne sont pas éducateurs sportifs dans le clubs (autant dire pros, ou agents de communaux fictifs).

    Néanmoins, là ou le bas blesse et là ou il faudrait repenser la coupe de France, c’est avec les systèmes d’entrée différé, qui protègent les gros clubs. En gros, une “vraie” équipe amateur qui veut gagner la coupe disputent parfois 8 tours(selon les ligues régionales) avant de jouer les 32émes (tour d’entrée des ligue 1). C’est honteux, ça serait plus que drole de fair jouer les 3000 clubs inscrits (et donc les clubs pros); au premier tour, là la coupe prendrait tout son sens.
    La coupe de France, c’est un moyen de pomper du fric aux petits dont les budgets sont peaux de chagrin (inscription en coupe de France 200euros, cartons rouge 150euros, cartons jaunes50euros, autant dire que quand on joue en coupe de France il ne vaut pas péter les plombs sinon la note peut vite être salée), et ne représente pas la moitié d’une recette de 32eme de finale (environ 10000 euros).

    Voila faisons jouer à tous les clubs la coupe du premier tour à la finale. En effet en 32eme , il y a 64 places, 20 places sont déjà réservée au ligue 1, et les ligues 2 et les national rentrent deux tours avant les 32emes, c’est complètement dingue.

    Il y a deux coupes, la coupe de France des pouilleux où la FFF se fait du pognon en plumant les petits clubs, et la coupe des pros (CFA , CFA2 inclues) ou on se met à genoux devant nos pieds carrées professionnels.

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