FC Barcelone, la Ligue 1 t’attend

Le petit gars avec le maillot ridicule ne va plus faire le malin

La Catalogne se rapproche de plus en plus de l’indépendance. Qu’adviendra-t-il alors du FC Barcelone ? Le club blaugrana peut-il vraiment évoluer en Ligue 1 française ?

Les indépendantistes catalans ont remporté une nouvelle victoire aux dernières élections régionales anticipées. Malgré leurs désaccords et les réticences du pouvoir central à Madrid, la Catalogne pourrait bien s’engager définitivement sur la voix de l’indépendance. Et une des victimes inattendues de cette nouvelle liberté pourrait bien être le FC Barcelone.

Pour Xavier Trias, le maire de la ville, «nous n’avons pas la possibilité d’une Ligue compétitive qui soit intéressante au point de vue du spectacle. Il y aurait très peu d’équipes [les deux plus grands noms du coin sont le Barça et l’Espanyol, ndlr]. Il faudra adhérer à une autre Ligue. On peut adhérer à la Ligue espagnole ou peut-être à la Ligue française».

Lionel Messi confronté aux défenses de Ligue 1 ? Le scénario n’est encore qu’hautement hypothétique, mais il vaut le coup d’être scruté d’un peu plus près. Où l’on apprend que voir évoluer les Blaugranas en Ligue 1 est en théorie possible, mais que les obstacles seront nombreux. Sans oublier le défi sportif : ce Barça que tout le monde encense est-il armé pour les joutes hexagonales ?

Triple scénario

Admettons que la Catalogne vote son indépendance. Que se passe-t-il sur les pelouses ? Première solution, la plus simple : rien ne change, le Barça demeure dans le championnat espagnol. C’est économiquement et sportivement la solution la plus raisonnable, pour tout le monde. Mais il est possible que certains ne l’entendent pas de cette oreille. Le Real Madrid perdrait son meilleur adversaire mais verrait s’offrir un boulevard vers le titre. Surtout, du côté de la capitale, on pourrait entendre cette petite musique, sur le mode «Vous voulez être indépendants, soyez le jusqu’au bout !». D’autant que les supporteurs et les dirigeants du FC Barcelone sont traditionnellement pro-indépendance…

Deuxième solution: un championnat de Catalogne. Économiquement suicidaire : concurrence en baisse, chute des droits télé, impossibilité d’attirer des stars étrangères, etc.

Troisième solution : la Ligue 1. Eh oui, à l’instar de Monaco, pourquoi les Catalans ne pourraient-ils pas obtenir l’asile dans notre bon vieux championnat ? De quoi ravir Christian Jeanpierre, qui, après ses reportages sur «Saméto», pourrait s’émerveiller toutes les semaines des arabesques de «ce diable de Léomessi». On n’ose imaginer ce que les cerveaux malades de Canal Plus pourraient pondre pour vendre leurs futures retransmissions : le «Méditerranéeico» (Barça-OM), le «Independentico» (Bastia-Barça)… Bref, l’attractivité de la Ligue 1 serait multipliée par 100, avec ce que cela suppose de rentrées financières (droits télés, sponsoring, etc…).

En pratique, des tas d’obstacles

Réglementairement, l’affaire est-elle faisable ? En théorie comme dans la pratique, oui. Monaco – situé sur un caillou indépendant – a rejoint le championnat professionnel français dès 1948. L’ASM est également affiliée à la Fédération française de football (FFF). Au niveau amateur, des clubs espagnols jouent déjà en en France. Pour des questions pratiques et géographiques, des formations de villages de l’autre côté des Pyrénées ont la possibilité de jouer dans des districts français.

Les clubs professionnels catalans, comme le Barça ou l’Espanyol, qui souhaiteraient rejoindre le système hexagonal devraient, avant toute chose, demander leur rattachement à la FFF. Pas une chose aisée, comme on peut le lire dans le règlement fédéral : «Toute association, ligue ou club d’une Fédération ne peut s’affilier qu’à titre exceptionnel à une autre Fédération ou participer à des compétitions sur le territoire de celle-ci sans l’autorisation des Fédérations concernées et de la F.I.F.A.» Il appartiendra donc à la confédération internationale et à sa petite soeur, l’Uefa, de trancher. Un tas de questions leur seraient posées : doit-on accorder des wild cards au cas par cas, ou intègre-t-on l’ensemble des niveaux catalans au système français ?

Ce premier obstacle passé, un nouveau débat risque de s’engager. La Direction nationale de contrôle et de gestion (DNCG), tant à cheval sur les trous budgétaires des clubs hexagonaux, autorisera-t-elle le Barça à rejoindre la Ligue 1, malgré ses comptes à la grecque ? Frédéric Traïni, journaliste basé dans la capitale catalane, en doute : «On ne voit pas comment un club qui traine aujourd’hui une dette de 335 millions d’euros passerait sans problème devant la DNCG.» Le Barça lui-même pourrait rechigner à rejoindre un championnat où les droits télévisuels sont collectifs, négociés par la LFP, alors que lui les a individualisés.

Autre souci : la question fiscale, qui ne manquera pas de diviser. Le régime particulier dont bénéficient les résidents monégasques est régulièrement décrié par les présidents de clubs pros. Il en sera probablement de même avec celui du Barça. Michel Seydoux, le président du Losc, a déjà prévenu : «En France, nous avons déjà une anomalie avec un club étranger évoluant en Ligue 2 : Monaco ! On ne peut pas imaginer Barcelone évoluer en Ligue 1 avec des différences de modèles fiscaux. La présence de Barcelone serait sans doute attractive mais on se situe dans l’utopie la plus totale.» De quoi pousser vers une harmonisation fiscale ? Très vaste débat…

Un boulevard sportif ?

Enfin, on peut mentionner l’exemple intéressant de clubs du Liechtenstein qui jouent dans le championnat suisse. Si le FC Vaduz, actuellement en seconde division, devenait champion de première, il ne remporterait pas le titre officiellement et ne pourrait pas participer à la Ligue des Champions. Pour pouvoir prendre part à une coupe européenne, il doit gagner la coupe du Liechtenstein. On imagine mal le FC Barcelone participer «pour du beurre» à la Ligue 1.

D’ailleurs, les Blaugranas se baladeraient-ils vraiment dans notre championnat ? Pas si sûr. On le voit avec le PSG, qui, malgré des moyens sans commune mesure (budget de 300 millions d’euros) et un indéniable effectif de qualité, n’est «que» second de la Ligue 1, après 14 journées. Contrairement à la Liga, où les deux gros que sont le Real Madrid et le Barça pointent souvent avec 25 points d’avance sur le troisième au mois de mai, le championnat français est particulièrement dense. Les déclinologues à la Pierre Menès l’interprètent comme un nivellement par le bas, faisant un lien quasi automatique avec nos mauvaises performances en Coupe d’Europe.

On peut aussi estimer que la Ligue 1 est un des plus compliqués d’Europe. Les rares «grands noms» qui sont venus s’y frotter ces dernières années (Vieri, Saviola, Elber, Morientes, Cole, Kalou) n’ont pas tout déchiré, loin de là… En France, les places sont chères : que ce soit pour la Ligue des Champions, l’Europa League, ou le maintien. Résultat : il n’y a jamais de match acquis. On serait très curieux de voir ce Barça sous des trombes d’eau dans la forteresse de Francis Le Blé ou face au 5-4-1 d’Alain Casanova.

Clément Noël et Sydney Maréval

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Photo Reuters/Pascal Rossignol

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