Hommage mérité.
Il a changé à jamais notre vision des statistiques; il a réconcilié l’Allemagne avec elle-même, il a fait gagner l’Espagne – malgré son faible niveau de jeu – en Championnat d’Europe et en Coupe du Monde ; et, surtout, il a renouvelé le lien entre l’humanité et les céphalopodes. Paul le Poulpe est mort ce mardi 26 octobre, il avait deux ans. On savait qu’il allait nous quitter, c’était prévu, il était en fin de vie. Pourtant, il nous laisse démunis.
Maintenant, pour parier, nous n’avons plus que Marcel Desailly. Et The Rock n’a pas assez de bras, même si on le voit partout, pour être aussi pertinent que l’Oracle d’Oberhausen, en captivité dans l’aquarium de cette ville.
Que retient-on de cette Coupe du Monde? L’Espagne, Maradona, la Hollande, le bus et Paul. Sa mort a été un urgent AFP, c’est à dire une information considérée comme prioritaire par l’agence de presse. C’est la Une du site de Bild, évidemment, le tabloïd allemand le plus vendu. Comment ne pas être étonné, puisque Paul le Poulpe était de toute évidence un des fils de Chtulhu, le Grand Ancien, le dieu millénaire chez H.P Lovecraft. Il fallait lui rendre l’hommage qui lui était dû.
Quand on le voyait choisir entre les petites boîtes dans son petit aquarium, devant des dizaines de badauds, retransmis en direct par les télés du monde entier, on ne pouvait s’empêcher de penser à ses plus fiers ancêtres. A ces pieuvres du fond des mers qui faisaient fantasmer le capitaine Nemo, celles «qui ressemblaient plutôt à une île qu’à un animal».
Ned Land se précipita vers la vitre. ” L’épouvantable bête “, s’écria-t-il. Je regardai à mon tour, et je ne pus réprimer un mouvement de répulsion. Devant mes yeux s’agitait un monstre horrible, digne de figurer dans les légendes tératologiques. C’était un calmar de dimensions colossales, ayant huit mètres de longueur. (…) quels monstres que ces poulpes, quelle vitalité le créateur leur a départie, quelle vigueur dans leurs mouvements, puisqu’ils possèdent trois cœurs !» (Vingt mille lieues sous les mers, Jules Verne)
Une description parfaitement fidèle de Paul le Poulpe. Nous ressentions à chaque prédiction à peu près le même frisson que Némo, ce même respect envers ces performances. Plusieurs de mes amies, notamment à la rédaction de Slate, avouaient sans honte qu’elles fantasmaient sur lui. Comment ne pas les comprendre, c’est tout à fait naturel. Le japonais Hokusai n’a-t-il pas peint cette célèbre estampe, Le rêve de la femme du pécheur, où l’on voit une femme lascive s’abandonner à la bouche experte des céphalopodes? Une oeuvre qui dans l’imaginaire nippon reste omniprésente, puisqu’elle a influencé une branche du hentaï (les managas érotiques), le shokushu, le fantasme des tentacules. La loi japonaise interdisant à strictement à une époque de représenter le sexe masculin, les dessinateurs eurent recours aux tentacules, symbole de l’invasion phallique (si vous avez plus de 18 ans, vous pouvez faire une recherche google image avec ce mot).
Moi, je fantasmais aussi sur lui. J’aimais son regard intrigué qui se posait sur nous, puis sur les boules. Je m’abaissais alors devant ma télé, et tandis qu’il nous prédisait avec certitude l’avenir, je récitais les Chants de Maldoror de Lautréamont:
« Ô poulpe, au regard de soie ! toi, dont l’âme est inséparable de la mienne ; toi, le plus beau des habitants du globe terrestre, et qui commandes à un sérail de quatre cents ventouses ; toi, en qui siégent noblement, comme dans leur résidence naturelle, par un commun accord, d’un lien indestructible, la douce vertu communicative et les grâces divines, pourquoi n’es-tu pas avec moi, ton ventre de mercure contre ma poitrine d’aluminium, assis tous les deux sur quelque rocher du rivage, pour contempler ce spectacle que j’adore ! »
J’étais lui, il était moi. Je me transformais. Métamorphose bien plus excitante qu’un vulgaire réveil en monstrueux insecte. Changé en poulpe, j’avançais contre mon corps mes huit pattes monstrueuses, dont chacune, lanière solide, aurait pu embrasser facilement la circonférence d’une planète. Quelques minutes passaient, Paul achevait sa prédiction, je me levais et me regardait dans le miroir. Je me disais:
Je suis poulpe. C’est bon.
Là, je filais sur un site de pari en ligne pour suivre ses conseils. Que va-t-il devenir? Qu’allons-nous devenir sans lui?
Quentin Girard
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Crédit photo: REUTERS/Wolfgang Rattay
Condoléances à la famille.
C’est triste.
Conneries. Simple coïncidence.
C’est peut être un poulpe “Niourkien”.
Il faut le gouter et peut être aurez vous le don de precognition, voir plus…
Il s’appelait Paul le poulpe :
C’était un poulpe allemand,
Il prédisait les résultats de la Coupe
Et moi j’avais 20 ans..
[…] du film Le Choc des titans, et qui a inspiré un mème (à tout prendre, on aurait plutôt inclus le mot «poulpe»).—double dip: littéralement «double plongeon», désignant le fait pour une économie de […]