La sélection du Globule #67

 

Les premiers hommes parlants se seraient exprimés comme maître Yoda, non pas avec la structure, classique en français, “sujet+verbe+complément” mais avec des phrases composées sur le modèle “sujet+complément+verbe”. Le Globule des enregistrements d’époque aimerait entendre…

– Avec plus de 85 000 cas recensés depuis le début de l’année et quelque 2 500 morts, l’Afrique centrale et de l’ouest est confrontée à “une des plus grandes épidémies de choléra de son histoire”, assure l’Organisation mondiale de la santé.

– Autre grave problème sanitaire, celui des poêles défectueux, qui tuent chaque année 2 millions de personnes.

Dans le débat sur la sortie du nucléaire, l’Allemagne est un intéressant cas d’école, qui passe de l’atome au lignite, sorte de charbon mouillé, combustible médiocre… et grand émetteur de CO2… Pas si facile que cela de résoudre le casse-tête énergétique.

Un mode de piégeage inattendu pour le carbone atmosphérique : les cailloux que fabriquent les racines de certains arbres tropicaux.

Le tyrannosaure était-il encore plus impressionnant que nous le pensions ? C’est l’avis d’une équipe de chercheurs britanniques et américains qui le voient un tiers plus gros que précédemment estimé. Ils pensent également que la bête grandissait deux fois plus vite que ce que l’on croyait.

L’incroyable histoire de cet enfant de 16 mois qui, ayant de plus en plus de problèmes pour respirer, se vit découvrir une masse de la taille d’un petit citron dans la poitrine. En l’opérant, les chirurgiens découvrirent ce qu’ils prirent d’abord pour une tumeur cancéreuse attachée à la trachée et à l’œsophage… En réalité, il n’y avait aucun cancer : le garçonnet avait avalé un bout de feuille de chêne qui s’était coincée dans son œsophage. Son organisme s’était défendu contre ce corps étranger… presque au point de tuer l’enfant.

Pour finir : dans ma chronique hebdomadaire du Monde, je m’attaque à un sommet de la science improbable, une étude scientifique tâchant de savoir si le bâillement est contagieux chez les tortues comme il l’est chez l’homme.

Pierre Barthélémy

Plus de 85 000 cas recensés depuis le début de l’année et déjà près de 2 500 morts

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Harry Potter, c’est magique pour éviter l’hôpital

Avec la sortie sur les écrans, ce mercredi 13 juillet, du second volet de Harry Potter et les reliques de la mort, la saga cinématographique du jeune sorcier se termine. Ceux qui n’ont pas lu tous les livres de J. K. Rowling vont enfin savoir qui sortira vainqueur de l’affrontement final entre Harry et Lord Voldemort (même si quelque chose me dit que tout le monde connaît déjà le dénouement en détail…). Quant aux enfants qui ont dévoré les sept ouvrages de Joanne Rowling, ils ignorent sans doute que le petit pensionnaire de Poudlard a sauvé quelques-uns d’entre eux de l’hôpital, voire de la mort…

Comment ? Aucun sort, aucune potion, aucun coup de baguette magique dans tout cela, juste le charme de la lecture. Dans son dernier numéro de l’année 2005, le très sérieux et très auguste British Medical Journal (BMJ pour les intimes) a publié dans ses colonnes une petite étude signée par quatre médecins travaillant pour le département de chirurgie orthopédique et traumatique de l’hôpital John Radcliffe à Oxford. A l’origine de cet article se trouve un des membres de ce quatuor médical, Keith Willett. En juillet 2005, après avoir eu un week-end de garde (les 16 et 17 juillet) particulièrement tranquille et constaté, à la maison, que trois de ses cinq enfants étaient scotchés sur le canapé à lire Harry Potter et le Prince de sang-mêlé, sorti le 16 juillet à 0 heure, ce médecin britannique a formulé une étrange hypothèse. Et si les parutions des livres de J. K. Rowling, en tenant les gamins at home, avaient un effet préventif sur les accidents divers et variés résultant des activités de plein air de ces chers bambins (vélo, skateboard, cricket trop près de la batte, etc.) ?

Pour le savoir, les médecins sont donc allés farfouiller dans les statistiques de leur hôpital pour ce fameux week-end du 16 et du 17 juillet 2005 et aussi pour celui du 21 et du 22 juin 2003, date de la sortie en librairie, au Royaume-Uni, de l’opus précédent, Harry Potter et l’Ordre du phénix. Ils ont comparé le nombre d’admissions d’enfants de 7 à 15 ans aux urgences de leur service de ces week-ends là avec celles des autres week-ends de juin et juillet 2003, 2004 et 2005. Ils ont aussi pris la peine de vérifier auprès de la météo si le temps avait ou non été particulièrement maussade, ce qui explique en général les fluctuations des admissions pour ce genre de traumatismes.

Même si l’échantillon est restreint, puisqu’il se cantonne à un seul hôpital, les résultats s’avèrent assez parlants. En moyenne, les urgences de chirurgie orthopédique accueillent 67,4 enfants de 7 à 15 ans par week-end à cette période de l’année. Lors des deux week-ends Harry Potter, respectivement 36 et 37 enfants (sans doute analphabètes ou insensibles aux aventures du petit sorcier) sont venus se faire plâtrer. Evidemment, on aimerait bien élargir ces statistiques à l’échelle du pays pour voir si Oxford, ville universitaire célèbre, fait figure d’exception culturelle ou si la magie Potter s’est répandue sur tout le royaume d’Elisabeth II.

Cela dit, cet effet bénéfique possède un revers plus obscur. Les auteurs, avec un humour tout britannique, encouragent les romanciers de talent à écrire davantage d’ouvrages pour la jeunesse, dans l’optique de prévenir les graves traumatismes (sans doute une manière tordue d’encourager J. K. Rowling à poursuivre les aventures du jeune Potter…). Mais, dans le même temps, ils se demandent si, avec la pratique plus intensive de la lecture, le risque ne serait pas plus élevé de produire davantage d’enfants obèses ou, au contraire, rachitiques par manque de sport, et d’entraîner une recrudescence des maladies cardio-vasculaires.

Pour en revenir à Harry Potter, on aimerait aussi savoir, auprès des hôpitaux proches de la gare de King’s Cross, à Londres, combien d’enfants sont arrivés aux urgences, tête en sang et bras cassés, après avoir vainement essayé de prendre le quai 9¾ (qui est réellement signalé dans la gare). Et, personnellement, j’exige les statistiques de traumatismes consécutifs aux matches de quidditch. Une panne de balai volant est si vite arrivée…

Pierre Barthélémy

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Questions autour du phénomène anti-vaccin

Jusqu’au 2 mai, c’est la semaine européenne de la vaccination. Une nouvelle fois, c’est sur le vaccin contre la rougeole (auquel sont associés les vaccins contre les oreillons et la rubéole, d’où l’acronyme ROR) que l’accent sera mis car la France n’arrive pas à se dépêtrer d’une épidémie qui a commencé en 2008 et ne cesse de prendre de l’ampleur, comme le montre le graphique ci-dessous, tiré d’un bilan effectué par l’Institut de veille sanitaire (InVS) :

Ce bilan indique que 14 500 cas ont été déclarés. Le nombre réel de cas est probablement bien supérieur. La principale raison expliquant pourquoi le virus court, au point que la France est accusée de contaminer ses voisins européens, tient à une vaccination trop parcellaire, que déplore l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pourtant, la vaccination n’est pas du luxe car la rougeole n’est pas bénigne : comme l’explique l’OMS, “les complications les plus graves dues à la maladie sont notamment la cécité, l’encéphalite, des diarrhées graves et la déshydratation qui s’ensuit, des infections auriculaires et des infections respiratoires graves comme la pneumonie. Jusqu’à 10% des cas de rougeole s’avèrent mortels chez les populations atteintes de niveaux élevés de malnutrition et ne pouvant recevoir des soins de santé adéquats.”

En 2010, sur les quelque 5 000 personnes touchées par la maladie en France, 30% se sont retrouvées à l’hôpital. Selon L’Express, la très grande majorité d’entre elles (95%) n’étaient pas vaccinées ou n’avaient subi qu’une seule injection alors que deux sont nécessaires pour être protégé. Depuis le début de l’épidémie, on compte également quatre décès. On sait par ailleurs qu’une vaccination de 95% de la population peut à terme permettre la disparition de la maladie comme c’est le cas en Amérique du Nord et du Sud. On est, en France, bien loin de ce chiffre puisque, selon les chiffres de l’InVS de 2005-2006, seulement 44% des enfants de 6 ans avaient été soumis à la double injection.

La question qui se pose donc est la suivante : si des pays moins riches et moins bien équipés sur le plan sanitaire que la France sont parvenus à se débarrasser de la rougeole, pourquoi n’y arrivons-nous pas ? Pourquoi la couverture vaccinale est-elle mauvaise ? Il y a bien sûr toujours une part de négligence, notamment dans le fait que beaucoup de parents se contentent parfois d’une seule injection alors que le calendrier vaccinal en prévoit deux, la première entre 9 et 12 mois, la seconde entre 12 et 24 mois. Mais cela ne suffit pas à expliquer le phénomène.

Etant donné que le ROR n’est pas obligatoire, mais simplement recommandé (ce qui en réalité devrait signifier “indispensable”), chacun est libre de vacciner ou pas ses enfants. Certains ne le font pas car ils pensent, à tort, que la rougeole est une maladie bénigne. D’autres parce qu’ils craignent les effets secondaires, alors que le rapport risque-bénéfice est clairement en faveur du vacciné. Autre raison que décrit Catherine Ducruet dans Les Echos, l’individualisme bien français qui aboutit au raisonnement suivant : « Je n’ai pas besoin de faire vacciner mon enfant, les autres le sont. » Enfin, comme le dit Didier Houssin, directeur général de la santé, cité dans le même article, « à la sous-estimation des maladies s’ajoute la perméabilité du public – mais aussi d’une partie du corps médical – aux médecines alternatives, voire aux courants anti-vaccination ».

Ce mouvement anti-vaccin est une réalité et il gagne du terrain aux Etats-Unis et en Europe. Pour ce qui concerne la France, le fiasco gouvernemental dans la communication sur le vaccin contre la grippe A/H1N1 en 2009-2010 n’y est sans doute pas étranger mais les racines de ce mouvement sont plus profondes. On se souvient notamment de la controverse, à la fin des années 1990, sur un éventuel lien, jamais prouvé, entre le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaques. C’est à la même époque qu’une étude, dirigée par le chercheur britannique Andrew Wakefield, fait le rapprochement entre le ROR et des cas d’autisme. On sait aujourd’hui que ce médecin, qui touchait de l’argent de l’industrie pharmaceutique, avait délibérément falsifié ses données, raison pour laquelle personne n’était parvenu à reproduire ses résultats. Wakefield a depuis été interdit d’exercer la médecine. Mais le soupçon a mis une dizaine d’années à être lavé et, comme toujours dans ce genre de cas, le mal est fait et les médias ont été beaucoup moins bruyants lorsque le scandale s’est évaporé que lorsque l’article original est paru dans The Lancet

Le problème, c’est que cette atmosphère de soupçons et de rumeurs, contre laquelle il est déjà par nature difficile de lutter, est entretenue par un petit courant d’activistes anti-vaccins. Aux Etats-Unis, on y retrouve des promoteurs de médecines dites naturelles comme Mercola.com ou le National Vaccine Information Center. Tous les deux viennent d’ailleurs de s’offrir une campagne publicitaire sur un des fameux écrans de Times Square à New York, ce qui a provoqué un tollé dans le monde médical outre-Atlantique. L’égérie de ce mouvement est l’ancienne modèle de Playboy Jenny McCarthy, qui a vu un lien de cause à effet entre la vaccination et l’autisme de son fils. En France, pas encore de “célébrité” pour brandir le même étendard, mais un groupuscule recruté, comme l’a montré une enquête de Conspiracy Watch, chez les habitués des théories du complot, pour la plupart d’extrême-droite. Certains craignent que les médecins profitent de la vaccination pour injecter des puces sous la peau qui serviront aux juifs à prendre le contrôle de l’humanité, d’autres que les vaccins eux-mêmes soient des armes bactériologiques déguisées, le tout dans le but de réduire drastiquement le nombre d’humains sur la planète. Ce genre d’argumentation prêterait plutôt à rire mais, par la magie d’Internet, ces idées diffusent. Ainsi, une de leurs vidéos sur le vaccin de la grippe A/H1N1 a-t-elle été visionnée plus de 800 000 fois.

Chacun est évidemment libre de se faire vacciner ou pas. Ce que je crains cependant, et ce que l’on constate en partie avec cette épidémie de rougeole, c’est que ce genre d’élucubrations se nourrisse du rejet des experts auquel une partie de la société française s’adonne depuis quelques années. Nous sommes passés d’une image sans doute caricaturale où le progrès scientifique et technique allait apporter joie et prospérité à tous et où la figure du chercheur était respectée, car auréolée d’objectivité, à un autre extrême dont j’ai déjà parlé, une image où le savant joue les apprentis-sorciers au service secret de firmes industrielles puissantes qui le payent pour promouvoir les vaccins, les médicaments dangereux comme le Mediator, les téléphones portables aux ondes mortifères, le wifi, les OGM et les produits phytosanitaires, le nucléaire, les nanotechnologies et, maintenant, les sacrifices à faire pour lutter contre le réchauffement climatique. Tous ces produits de la science ne sont pas forcément inoffensifs. Mais pour évaluer leurs vrais risques, il faut s’informer sans sombrer dans la paranoïa.

Pierre Barthélémy

Petite mise au point : après la publication de ce billet et ma participation, sur le même sujet, à l’émission de Mathieu Vidard, la Tête au carré, beaucoup d’auditeurs et de lecteurs s’en sont pris à moi en m’accusant d’avoir fait un gros amalgame avec le mouvement anti-vaccination et d’être vendu à l’industrie pharmaceutique (tout comme certains m’ont accusé, gratuitement, d’être vendu à Areva lorsque j’ai dit que la catastrophe nucléaire japonaise n’aurait pas de retombée significatives en France). Lisez attentivement mon texte (que j’ai repris en très grande partie dans l’émission) et vous vous apercevrez qu’il n’en est rien. J’ai bien spécifié qu’il y avait deux choses différentes : d’un côté ceux qui pour X raisons, ne faisaient pas vacciner leurs enfants contre la rougeole et, de l’autre, ceux qui faisaient la promotion active et souvent délirante de l’anti-vaccination. Et j’ai bien dit que chacun était libre de ses propres choix mais que, pour ma part, je préférais les choix qui résultaient d’une analyse objective. Voilà. Alors, oui, je pense que le vaccin contre la rougeole est une bonne chose parce qu’en seulement dix ans, il a évité le décès de millions d’enfants dans le monde. En revanche, je ne me prononcerais pas sur le vaccin contre la grippe A/H1N1 parce que 1/ il a été fait très vite 2/ on a vu aussi, très rapidement, que la dangerosité de cette grippe n’était pas celle qui nous avait été annoncée. Donc, j’aimerais bien qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit, parce que c’est pire que l’amalgame dont on m’accuse.

Pour ce qui est de ma “complicité” avec l’industrie pharmaceutique. Je dirais tout d’abord que si j’étais payé par cette industrie, je ne serais probablement pas à écrire des piges les jours et des billets de blog la nuit pour nourrir ma famille. C’est un premier point. Ensuite, l’angle de ce billet (qui n’est même pas un article, on est sur un blog), c’était d’exposer les raisons de la non-vaccination contre le virus de la rougeole et pas du tout d’enquêter sur les industries pharmaceutiques avec lesquelles je n’ai aucun conflit d’intérêt, pas plus que j’ai de conflit d’intérêt avec le nucléaire comme d’autres lecteurs l’ont soupçonné.

D’un autre côté, il est vrai qu’il me serait beaucoup, mais alors beaucoup plus facile, d’écrire des petits billets pleins de sous-entendus ironiques sur les potentielles collusions entre Big Pharma et l’Etat : pas besoin de lire des articles de recherche, pas besoin de dénicher de rapports et d’études, de les lire, des les mettre en lien. Non, juste du jus de crâne et c’est bâché en une demi-heure. Si c’est cela que vous cherchez, du café du Commerce qui ne fait pas mal à la tête et ne fait que conforter l’ère du soupçon généralisé, vous ne le trouverez pas ici. Parce que, de la même manière que je déteste qu’on m’accuse sans preuve, je déteste accuser sans preuve.

Un dernier point : c’est tellement facile et lâche, dans l’anonymat des commentaires, d’attaquer gratuitement ceux qui osent prendre la parole pour défendre publiquement la science quand elle assume correctement sa mission, que je commence à en avoir plus qu’assez de tous ces internautes soi-disant experts qui ne donnent jamais aucune référence, ne signent pas de leur nom et s’adonnent avec délices au dénigrement et à la diffamation quand ce n’est pas carrément de l’insulte. Je suis pour le débat à partir du moment où il se fait de manière équitable et cordiale. Les lecteurs ne sont pas obligés d’être d’accord avec moi, et heureusement d’ailleurs. Simplement, pour le dire, il faut qu’ils y mettent et les formes et des arguments valables parce que je déteste la mauvaise foi et les preuves bidon qu’on me balance sans arrêt.
Quant à ceux qui me disent qu’ils sont très déçus et qu’ils ne me liront plus parce que je n’ai pas lissé leurs convictions dans le sens du poil, c’est leur choix. De toute manière, il y a des années que j’ai réalisé qu’on ne prêchait que les convaincus et que ce genre de texte ne pouvait faire changer d’avis qu’à une fraction infinitésimale de la population. Il est des jours où je me demande encore pourquoi je les écris alors que je pourrais passer mon temps à flotter sur mes petits textes rigolos et sans conséquence. Mais c’est précisément parce que je m’en prends plein la tête pour pas cher que je persiste, parce que si un journaliste scientifique ne parle pas des gros problèmes auxquels la science est confrontée, personne ne le fera.


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