L’INRA annonce aujourd’hui, 8 octobre 2012, la publication dans la revue PNAS de cette semaine des résultats obtenus avec le CNRS et les universités de Lorraine et d’Aix Marseille, sur le séquençage du génome… du champignon de Paris. Voici donc cet habitant des carrières, cavernes et autres caves… décrypté. Savoureux jeu de mots en sous sol.
On peut se demander à quoi peut bien servir de séquencer le génome de l’Agaricus bisporus… En dehors du fait que ce type de travail est devenu, semble-t-il, un véritable réflexe dans les laboratoires. On décrypte tout. Il est vrai que c’est tentant. Mais le champignon de Paris ?… L’INRA indique que “ces travaux permettent de mieux comprendre le rôle des champignons forestiers dans les processus de recyclage du carbone dans l’environnement” ainsi que d’“améliorer la culture industrielle du champignon de Paris”. Les scientifiques ayant identifié un ensemble de facteurs génétiques contrôlant sa croissance, ils visent “la sélection de nouvelles souches pour la filière agro-alimentaire”.
La sélection, pas la modification génétique… Il faut dire que les OGM n’ont guère bonne presse, surtout depuis quelques semaines. Dommage. De beaux champignons de Paris au courbes parfaites et à la taille XXL pourraient donner des idées nouvelles aux cuisiniers. Pour peu qu’ils prennent aussi de belles couleurs, style “Etoile mystérieuse” de Tintin.
Cette annonce donne également l’occasion de se pencher sur ce prolétaire des Eumycètes, ce parasite citadin ordinaire qui fait pâle figure à coté des girolles, des cèpes et autres morilles sur l’étal des marchés, ce colonisateur des sous-sols fleurant bon le fumier de cheval… L’INRA nous rappelle que le champignon de Paris est cultivé depuis plus de trois siècles dans les champignonnières, qu’il s’en produit aujourd’hui 1,4 million de tonnes par an, soit environ 2 milliards de dollars de ventes, dans le monde dont plus de 100 000 tonnes en France, surtout dans le Val de Loire. De Paris, ce champignon n’a le nom qu’en France. Ailleurs, il est encore moins valorisé puisqu’il s’appelle champignon commun, blanc, de table ou cultivé. Car pour être cultivé, il l’est. Dans 70 pays. Et il représenterait environ les trois quarts de la culture mondiale des champignons. Il devrait d’ailleurs, aujourd’hui, plutôt s’appeler champignon de Pékin puisque la Chine assure 70% de la production mondiale.
Mais, à la France, il doit tout de même la première description de sa culture commerciale par le botaniste Joseph Pitton de Tournefort en 1707 tandis qu’Olivier de Serres découvrit la technique de reproduction par transplantation du mycélium dès 1600. C’est dire notre antériorité en la matière. Au 18e et 19e siècle, les nombreuses carrières de la capitale aux rues encombrées de chevaux constituait un écosystème parfait pour son développement. Son nom n’est donc pas usurpé.
Et voici que l’INRA le remet sur le devant de la scène. Difficile de dire si le décryptage de son génome jouera un rôle important dans la réduction de l’effet de serre ou dans l’équilibre de notre balance commerciale. Mais il est agréable de savoir qu’il reste certains domaines dans lesquels, depuis 4 siècles, la France se maintient à la pointe de la recherche.
Michel Alberganti
lire le billetLe saut en chute libre au cours duquel l’Autrichien Felix Baumgartner espère pouvoir franchir le mur du son devait avoir lieu lundi 8 octobre. Il est repoussé au mardi 9 octobre en raison des conditions météorologiques. Il est possible de suivre le compte à rebours sur le site de l’exploit, Redbull Stratos.
Gilles-Eric Séralini, sommé par différentes institutions (EFSA, BfR, HCB…) de fournir ses données d’expérience au sujet de sa publication du 19 septembre, a déclaré qu’il ne les fournirait que si l’agence européenne EFSA publiait celles qui l’on conduit à autoriser le maïs transgénique NK 83 et le Roundup… Blocage en vue. En attendant, voici une version du débat par l’émission en ligne “Arrêt sur image” sur ce sujet :
Chaque année, on s’y attend pas et puis, brusquement, c’est l’affolement. les Nobels se mettent à tomber et les rédactions s’affolent ! “Tu comprends de quoi ça parle ?” étant la question qui revient le plus souvent après la remise des prix. Cela commence lundi 8 octobre avec la médecine, suivie par la physique mardi, la chimie mercredi et la paix le 12 octobre. Il faudra attendre le 15 pour l’économie et on ne sait encore quand pour la littérature. Cette année, Slate.fr est fin prêt. Vous allez voir ! Pour patienter, voici quelques images de la cérémonie d’ouverture de l’an dernier. Un ambiance à la bonne franquette et une famille royale hyper détendue… Quelques mots de suédois qui rappellent les films de Bergman en VO et quelques notes de Mozart… Et de sublimes couronnes ! Royales en attendant celles des scientifiques.
Michel Alberganti
lire le billetTandis que l’ANSES tarde à remettre son analyse, pourtant demandée en urgence par le gouvernement français, sur l’étude publiée le 19 septembre 2012 par l’équipe de Gilles-Eric Séralini, les Allemands, à qui l’on avait, semble-t-il, rien demandé, publient leurs conclusions. Et elles sont dures. De son coté, l’Europe, dont l’EFSA avait, elle, reçu une demande d’expertise de la part de la France, grille, elle aussi, la politesse à l’ANSES en publiant dès le 4 octobre le résultat de son premier examen. Et il est sévère.
L’EFSA considère l’étude comme “de qualité scientifique insuffisante pour être considérée comme valable en matière d’évaluation du risque”. De plus, son examen préliminaire considère que “la conception, le rapport et l’analyse de l’étude sont inadéquats”. Pour approfondir son jugement, l’EFSA a demandé à l’équipe Séralini de partager des informations supplémentaires essentielles. En attendant, à cause de ces défauts, l’organisme se déclare incapable de considérer les conclusions des auteurs comme scientifiquement justes. “Aucune conclusion ne peut être tirée de l’occurrence des tumeurs chez les rats testés”, note l’EFSA. Suivent une dizaine de points que l’autorité juge problématiques.
Parmi ces critiques, certaines sont déjà connues, comme la race des rats choisie (sensible aux tumeurs au cours de leur vie normale) ou la non conformité de l’étude aux protocoles internationaux (10 rats par groupe au lieu de 50), d’autres le sont moins. Ainsi, l’EFSA souligne la présence d’un seul lot de contrôle au sein des 10 lots de rats testés. Elle en déduit qu’il n’y avait pas de groupe de contrôle pour 4 groupes, soit 40% des animaux, nourris avec du maïs OGM traité ou non avec de l’herbicide Roundup. L’EFSA note également que l’expérience n’avait pas d’objectif bien défini au départ alors que cela est nécessaire pour établir le protocole correspondant. L’autorité se plaint aussi de l’absence d’information sur la composition de la nourriture des rats, en particulier la présence ou non de mycotoxines. Absence, également, de données sur les quantités de nourriture ingérées, seuls des pourcentages d’OGM et de Roundup étant indiqués. La méthode statistique d’analyse des résultats est aussi contestée.
L’EFSA en déduit qu’elle ne voit pas de motifs de ré-examiner ses évaluations précédentes du maïs Monsanto NK603 ni de prendre en compte les résultats de l’équipe Séralini dans l’évaluation du glyphosate, la molécule active du Roundup. Néanmoins, elle annonce une seconde analyse, plus approfondie, pour la fin du mois d’octobre. Cette dernière prendra en compte toutes les informations supplémentaires fournies par l’équipe Séralini, les évaluations réalisées par les pays membres ainsi que celle des autorités allemandes, responsables des autorisations concernant le glyphosate.
Justement, l’institut BfR (Das Bundesinstitut für Risikobewertung) a publié son opinion sur l’étude Séralini daté du 1er octobre. Il semble que l’EFSA se soit inspiré des conclusions allemandes, tant les critiques se recoupent. Néanmoins, le BfR reconnaît l’intérêt d’une étude sur le long terme d’une alimentation contenant du glyphosate à 0,5%. Il explique que ce travail n’a pas été effectué auparavant car la règlementation internationale n’impose qu’un test des substances actives elles-mêmes. Ainsi, le glyphosate lui-même a été largement étudié par de nombreuses études à long terme sur des rats et des souris sans qu’aucun effet sur le développement de cancers, une augmentation de la mortalité ou un impact sur le système endocrinien n’ait été observé, contrairement aux résultats obtenus par l’équipe Séralini.
Si l’institut juge intéressante la démarche des Français, elle est encore plus sévère que l’EFSA lorsqu’elle évalue le protocole et les résultats de l’expérience. Elle estime ainsi que les données expérimentales ne justifient pas les principales conclusions de l’étude. Qu’en raison de défauts dans la conception de l’étude aussi bien que dans la présentation et l’interprétation des données, les conclusions correspondantes tirées par les auteurs ne sont pas compréhensibles. Que pour une évaluation plus approfondie, le BfR a demandé aux auteurs de fournir le rapport d’étude complet comprenant les données individuelles des animaux et a posé certaines questions précises. Des demandes n’ayant pas reçu de réponses pour l’instant.
Le rapport de 7 pages du BfR relève également de multiples manques dans les informations nécessaires à une évaluation en profondeur de l’étude. Critique déjà formulée plusieurs fois par différents scientifiques qui y ont accédé. Au JT de 20 heures de France 2, le 4 octobre, Gilles-Eric Séralini a expliqué que le jugement de l’EFSA provenait du fait que l’organisme ne voulait pas se dédire vis à vis de ses évaluations précédentes du NK603 “avec des tests trop courts”. Il a également laissé entendre, assez confusément, que l’EFSA est sous l’influence des lobbies et des industriels des OGM.
Cette position de Gilles-Eric Séralini devient ainsi de plus en plus difficile à tenir. On voit mal comment il pourra continuer à refuser de donner des informations détaillées sur son expérience afin qu’une évaluation complète de l’étude puisse être réalisée. A moins que sa stratégie vise uniquement le battage médiatique qu’il a déjà largement réussi à engendrer. Dans ce cas, nous risquons de rester sur notre faim en attendant le résultat d’une éventuelle nouvelle étude. Dans deux ou trois ans…
18h24, le 3 octobre 2012. Tombe un mail venant de l’Inra et contenant un texte signé par François Houllier, son nouveau PDG, successeur de Marion Guillou depuis le 27 juillet 2012. Pas de traces, pour l’instant, sur le site de l’institut. Ce texte, adressé, semble-t-il, directement aux journalistes et à l’AFP, est intitulé: “OGM: quelle place pour la recherche publique ?”. François Houllier réagit à “l’étude secrète” de Gilles-Eric Seralini qui défraie la chronique depuis le 19 septembre.
Aussitôt, il souligne les “ambiguïtés de ces travaux” ainsi que “l’opération médiatique”. “Le poison de la peur et du doute est ainsi instillé”, en conclut François Houiller qui rappelle le sondage montrant que 8 Français sur 10 s’inquiètent de la présence d’OGM dans leur alimentation.
“Le doute, aussi, vis-à-vis de la recherche publique qui ne remplirait pas sa fonction”, poursuit-il en arrivant ainsi au fait. Ce texte dénonce, en effet, la suspicion “de conflits d’intérêts ou de collusion avec ces firmes et de surcroît coupables d’abandon de citoyens consommateurs en danger” dont est victime la recherche publique. Et d’en conclure: “Le mal est donc fait. Il est injuste, mais pas irréparable.”
François Houiller cite, bien entendu, le cas “des porte-greffes de vignes génétiquement modifiés pour résister au virus transmis par de minuscules vers du sol” et arrachés par des faucheurs volontaires à Colmar en août 2010. Il cite également le cas bien connu du maïs MON810 avec le moratoire sur la mise en culture en France, la dénonciation et l’annulation par le Conseil d’Etat après la Cour européenne de justice de ce moratoire, le rétablissement de l’interdiction de la culture, le 16 mars 2012 par NKM sous la pression des écologistes. L’Inra a été chargé par la Commission européenne d’une réévaluation des mesures de toxicité du MON810 (modifié pour résister à certains ravageurs). Résultats dans trois ans.
En guise de synthèse de ces événements épars, François Houllier prend un risque en estimant que les travaux de M. Séralini “ne répondent probablement pas aux critères permettant d’en tirer des conclusions scientifiques solides”.
Voilà donc une expertise semble-t-il sans preuve de la part du dirigeant d’un organisme chargé, lui, de réaliser des études répondant à des critères scientifiques stricts. Comment exprimer un tel jugement avant la publication du rapport demandé par le gouvernement à l’Anses?
Le patron de l’Inra en arrive ensuite à la conclusion, convenue, de son texte. Si le public veut plus d’études sur les OGM, alors que l’institut en effectue déjà mais “à bas bruit médiatique”, il lui faut plus d’argent. Ainsi qu’une “confiance collective dans l’impartialité de ses résultats”. François Houllier estime que “notre société doit sortir de sa schizophrénie pour permettre à la recherche publique de poursuivre ses travaux selon des protocoles incontestables, sans être en permanence soupçonnée du pire et, dans certains cas, voir ses essais détruits”.
Quelques heures plus tard, Arte consacre un sujet de son journal à l’utilisation du coton OGM de Monsanto en Inde:
En voulant, à toute force, démontrer que les OGM sont mauvais pour la santé humaine à partir d’un seul exemple, le NK603, Gilles-Eric Séralini a, une nouvelle fois, mis sur la table un débat mal ciblé. D’où le tollé des scientifiques concernés.
L’une des vraies questions n’est-elle pas posée par l’expérience indienne? Pas besoin de tests sur les rats pour constater que l’introduction du coton transgénique y réduit l’espérance de vie des cultivateurs. L’origine du problème des OGM n’est pas scientifique ou sanitaire. Elle est industrielle.
Une firme, Monsanto, a réussi à totalement oblitérer l’image des OGM en la confondant avec l’utilisation qu’elle en fait. Monsanto asservit les paysans et se moque de la santé humaine. Son seul but est de vendre des semences et d’en tirer le maximum de profit. En cela, elle joue son rôle de pure entreprise capitaliste.
Mais a-t-elle, pour autant, démontré tout le potentiel des OGM? Est-il impossible de faire mieux? Ces fameux OGM philanthropiques dont parle Jean-Pierre Berlan sans y croire sont-ils vraiment de doux rêves? La vigne française ne peut-elle profiter de la transgenèse sans y perdre son âme? La biodiversité est-elle forcément menacée par la culture des OGM? La diabolisation des plantes transgéniques se confond avec celle de l’entreprise dominante dans ce domaine. Mais pourquoi est-elle si dominante? Que fait l’Europe en recherche et en industrialisation d’OGM? L’Inra peut-il, seul, prendre en charge les travaux nécessaires? Peut-être, par ailleurs, n’avons-nous aucun besoin d’OGM pour nourrir une planète à 9 milliards d’habitants.
Sortons, alors, de cette schizophrénie qui fait interdire en France la culture des OGM et, de facto, la recherche dans ce domaine, alors que nous importons massivement les mêmes OGM pour nourrir notre bétail et les intégrer à notre alimentation.
En France, on protège les cultures bio de la dissémination des OGM mais on laisse ces mêmes OGM en vente libre dans les supermarchés. Ces supermarchés qui financent une étude pour démontrer que les OGM, présents directement ou indirectement sur leurs rayons, engendrent des tumeurs… Tout cela pour mieux vendre leurs produits bio et soigner leur image verte.
Il apparaît clairement aujourd’hui qu’à force de prendre des décisions sous la pression de différents lobbies (industriels et écologistes), la situation des OGM en France est devenue un sac de noeuds et d’absurdités qui insulte la cohérence et hypothèque l’avenir.
Ce «débat raisonné» ne doit pas avoir raison du débat. Un vrai débat ne consiste pas à ramener à la raison des ignorants égarés. Il ne s’agit pas d’évangéliser des foules ignares comme on fertilise des terres incultes. Cela signifie que, dans un débat démocratique digne de ce nom, les décisions ne sont pas prises à l’avance.
Un vrai débat met sur la table tous les éléments connus d’un dossier afin que chacun puisse forger sa propre opinion. Il peut aboutir à la nécessité de compléter ce dossier. Pour les OGM, à faire de nouvelles études sur la toxicité, mais également sur la dépendance des agriculteurs. Il peut aboutir à une réglementation, à des interdictions, à des autorisations. Pourquoi pas à des moratoires.
Mais toutes ces décisions ne doivent être prises qu’après le débat. Cela permet aux citoyens de comprendre les motivations de ces décisions. Même s’ils n’en approuvent pas certaines. Dans ce cas de la science, le peuple ne peut pas prendre la décision lui-même mais tout doit être fait pour qu’il la comprenne. Pour cela, il faut la justifier publiquement. Sans autoritarisme d’experts, ni mépris pour la contestation. En matière d’OGM en France, tout comme en ce qui concerne le nucléaire, le gaz de schiste ou les nanotechnologies, nous sommes à des années lumière de la possibilité d’un tel débat. Dommage.
Michel Alberganti
lire le billetLa date est fixée : cela doit se passer le lundi 8 octobre au dessus du Nouveau Mexique, un Etat du sud-ouest des Etats-Unis. Felix Baumgartner, 43 ans, va monter à l’altitude de 36,5 km dans une nacelle soulevée par un ballon d’hélium. Là, dans la stratosphère, équipé d’une combinaison de cosmonaute, il va plonger vers le sol pour tenter de franchir le mur du son en chute libre. Un exploit qu’aucun être humain n’a jamais réalisé. Que va-t-il se passer s’il atteint le vitesse de 1087 km/h, qui correspond à celle de la propagation du son à cette altitude ? Mystère… Certains craignent que les vaisseaux de son cerveau explosent. Que son sang se mette à bouillir. Que ses poumons se mettent à gonfler. Qu’il subisse une hémorragie des yeux… C’est dire si le suspense est à son comble…
Le 25 juillet 2012, Felix Baumgartner a déjà réalisé un saut de préparation à une altitude de 29 km. Il avait programmé le saut du mur du son pour le mois d’août mais des problèmes techniques avec la nacelle l’ont retardé. La mission Red Bull Stratos est désormais fixée pour le lundi 8 octobre… Si la météo est favorable.
Michel Alberganti
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