Affetto, le bébé robot qui fait froid dans le dos

Son nom n’a pas été choisi au hasard. Affetto, en italien, signifie quelque chose comme touchant ou affectueusement. En fait, il aurait pu se nommer Gelato, comme transi de froid ou de peur tant ce bébé robot inspire plus de terreur que de tendresse. On pense aux Gremlins de Joe Dante, pour le coté faussement mignon, mais surtout à David, l’enfant de AI Intelligence artificielle de Spielberg (2001) pour le réalisme qui fait vaciller les repères et pointer le spectre de la confusion entre l’humain et le machin (masculin de machine…).

La création du laboratoire Asada d’Osaka, au Japon, a fait l’objet d’une vidéo publiée le 24 juillet 2012 sur YouTube (ci-dessus). Si la première minute relève de l’horreur ordinaire, avec ce corps de métal, avec bavoir en forme de sternum, qui commence à bouger comme un bébé humain, à partir de 57 secondes, on plonge dans l’effroi et la terreur. Dès qu’Affetto revêt son visage humain, il devient soudain… un bébé. On a beau savoir pertinemment qu’il s’agit d’une machine, ses gestes disent le contraire, tant l’humanisation est réussie. Et que dire de son regard ? Il tend pourtant un bras sans main et son visage reste inexpressif. L’on frémit alors en imaginant la version finale, avec main potelée et mimique de bambin… Que ressentirons-nous alors ? En 2011, Affetto n’avait pas encore de tronc mais la mobilité de son visage, posé sur une table, levait le coin du voile sur le résultat final:

Toute la question posée par ce type de travail sur les robots humanoïdes réside dans le malaise qu’ils produisent sur nous. Rien d’anormal à cela, si l’on en croit les chercheurs qui ont travaillé sur la “vallée de l’étrange” (uncanny valley) comme Ayse Pinar Saygin de l’université de Californie à San Diego. Notre cerveau, celui des humains, est programmé pour distinguer très rapidement un homme d’un animal ou d’une machine. Notre perception est si fine que certains scientifiques estiment que nous pouvons même déceler certaines orientations sexuelles au premier coup d’oeil.

Neurones miroirs

En revanche, nos neurones ne savent pas, faute d’expérience, traiter les sujets intermédiaires comme un robot qui bouge comme un être humain ou qui lui ressemble trop. C’est exactement le cas d’Affetto alors même qu’il n’a pas atteint son stade final. L’objectif de Minoru Asada qui dirige le laboratoire depuis 1992 ne semble pas concerner directement la robotique. Pour lui, le robot enfant permet surtout d’explorer de façon différente les relations qui se créent entre un humain et “l’autre”. Mais le choix d’un bébé de 3 kg censé être âgé de 1 à 2 ans n’est certainement pas dû au hasard. La recherche d’un réalisme troublant non plus. Minoru Asada mentionne les neurones miroirs comme l’une des cibles principales pour comprendre les mystères de ce sentiment de différenciation entre soi et les autres. Gageons que le réalisme d’Affetto pourrait ouvrir la voie à d’autres découvertes. Comme, par exemple, le mode d’apprentissage du cerveau pour ajouter de nouvelles catégories au répertoire d’identités qu’il peut reconnaître sans ambiguïté: l’androïde, le gynoïde et aussi, désormais, le pedoïde…

Michel Alberganti

 

2 commentaires pour “Affetto, le bébé robot qui fait froid dans le dos”

  1. Ce type d’expérience, où le robot a un apparence et des comportements de plus en plus humains ou tout simplement réalistes lorsqu’il s’agit de robots imitant des animaux (c’est-à-dire qu’il ne se contente pas de réaliser des actions mais qu’il semble exprimer des émotions), pose clairement la question du champ d’application de la théorie de l’esprit, cette capacité qui nous permet d’attribuer aux autres des états mentaux différents du notre, qui apparaît déjà chez des enfants de quatre ans (sauf chez les autistes).
    De nombreuses expériences ont été conduites sur ce thème.
    On peut citer celle de Frank Hegel de l’université de Bielefeld et Sören krach de l’université de Rheinisch Westfalen à Aix-la-Chapelle en Allemagne intitulée ”Theory of mind (ToM) on robots: a functional neuroimaging study” qui semblait démontrer une activation plus fortes de neurones plus particulièrement spécialisés dans l’élaboration d’une théorie de l’esprit, lorsque les joueurs pensaient avoir affaire à un vrai humain ou à un robot humanoïde dans un mise en scène du classique dilemme du prisonnier.
    A l’inverse Daniel Levin de Vaderbilt University à Nashville et Herbert Clark de Standford pensent que le humains savent parfaitement faire la distinction entre l’homme et le robot et que les robots n’arriveront jamais à proposer un niveau d’interaction analogue à celui qui existe entre les humains. Selon Herbert Clark l’absence de désir et de libre arbitre chez les robots limitera toujours la perception qu’en auront les êtres humains.
    Hiroshi Ishiguro, de l’université d’Osaka (le père d’Actroid) est par contre persuadé que “les robots peuvent être les partenaires des humains et le deviendront”.
    On peut également citer l’article de Myriam Ruhenstroth dans le numéro 36 de Cerveau & Psycho “Mon ami le Robot” traitant de la relation entre des enfants et le robot dinosaure Pléo ou encore celle entre des personnes âgés souffrant de démence et le robot phoque Paro.
    Le malaise que souligne Michel Alberganti vient probablement de la dissonance cognitive qui s’installe lorsque nos perceptions décèlent des émotions chez des entités que nous qualifions au niveau percept comme des objets.
    Nous avons des informations sur l’état d’esprit de ce poupon «réaliste» et pourtant nous savons qu’il s’agit d’un objet.
    Nous sommes donc devant des informations incohérentes qui nous alertent et créent probablement le malaise que nous ressentons.
    A moins que nous entrions dans ce que le chercheur japonais en robotique Masahiro Mori appelle la «vallée de l’angoisse» c’est-à-dire qu’une ressemblance trop réaliste devienne angoissante parce qu’elle évoquerait des revenants ou des zombies.
    Les fabricants du petit dinosaure Pléo et du phoque Paro ont contourné cette difficulté puisque, sauf à être paléontologue ou expert des zone polaires, nous avons peu ou pas d’information sur le comportement de ces animaux.
    Sources :
    http://www.cerveauetpsycho.fr/ewb_pages/f/fiche-article-mon-ami-le-robot-23675.php
    http://www.vanderbilt.edu/psychhumdev/levin/nsf/index.php?group=1
    http://www.courrierinternational.com/article/2008/11/13/l-apparence-avant-tout
    http://www.youtube.com/watch?v=WbFFs4DHWys

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