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Tout a été dit sur le rachat d’Instagram par Facebook pour un milliard de dollars. Tout sauf que cette application fait partie de ces coups de génie qui jalonnent l’histoire récente d’Internet et celle, encore plus récente, des nouvelles fonctions des téléphones mobiles. Que ce petit programme (13 mégaoctets tout de même, ce qui en fait un poids lourd dans l’univers des logiciels pour mobile) justifie un tel investissement de la part de Facebook, l’avenir le dira. Le montant de l’achat doit néanmoins être jugé sur ce qu’il représente réellement pour une entreprise qui vaut aujourd’hui en 75 et 100 milliards de dollars, deux fois plus qu’il y a un an, et qui a réalisé 1 milliard de dollars de bénéfices sur son dernier exercice, après seulement 8 ans d’existence. Instagram lui a donc coûté une année de profits. Si cet investissement est donc loin de représenter un sacrifice dangereux pour Facebook. Il reste qu’il n’est pas négligeable, au moins en valeur absolue.
Le service
Pour comprendre ce qui a séduit à ce point l’entreprise créée en 2004 par Mark Zuckerberg, il suffit d’utiliser Instagram. L’installation sur un mobile prend quelques minutes à peine. Dès la première utilisation, plusieurs caractéristiques sautent aux yeux :
Bon… Et alors ? Pas de quoi grimper au rideau ni jeter son Nikon dernier cri par la fenêtre. Oui et non. Oui parce que la limite d’Instagram réside, justement, dans ses limites. Celles de son minimalisme qui ne cherche pas, loin de là, à tuer les appareils photos ni les logiciels de retouche, de classement et de partage en ligne comme Picasa, racheté par Google en 2004. Non, parce que, justement, ce sont ces limites qui lui donnent sa simplicité et son efficacité. Et sa parfaite adaptation à sa cible : la photo mobile.
Mettre Photoshop dans un mobile
On pourrait imaginer ceux qui ont lancé Instagram à San Francisco en octobre 2010, Kevin Systrom and Mike Krieger, devant leur écran d’ordinateur en train de traiter des photos avec Photoshop. Soudain, une idée vient à l’un d’entre eux : Et si l’on pouvait photoshoper les images prises par un téléphone mobile ? La proposition aurait pu paraître stupide. Elle aurait dû, en toute logique et pour rester raisonnable. Mais c’est sans doute ainsi que naissent les idées de génie. En ne cédant pas à la raison, ni à la logique. C’est tout le pari d’Instagram : faire entrer l’un des plus gros et des plus coûteux logiciels existant aujourd’hui dans le monde des professionnels de l’image et des amateurs avertis… dans un téléphone mobile.
Pour réaliser un tel exploit, il fallait extraire de Photoshop sa quintessence, sa moelle, son principe actif. Kevin Systrom and Mike Krieger ont identifié cet extrait essentiel : les filtres. De quoi s’agit-il ? Dans la plupart des logiciels de retouche d’images, en particulier sur Photoshop, l’une des fonctions les plus spectaculaires est sans conteste la transformation profonde d’une photo en une seule opération. De nombreux filtres, en particulier les plus simples, ne sont en fait qu’un assemblage de réglages agissant sur la luminosité, le contraste et la couleur. Les filtres plus sophistiqués, souvent qualifiés d’esthétiques, proposent des transformations plus complexes permettant, par exemple, de donner à une photo l’apparence d’un tableau réalisé au couteau ou à l’aquarelle. Mais avec les seules trois actions de base, une même image peut prendre une infinité d’aspects différents.
Une photo personnalisée
Les exemples en haut de page donnent une idée des modifications de l’image offertes par Instagram. La photo originale banale et plate prend un tout autre caractère. L’utilisateur peut ainsi créer une ambiance particulière qui reflète le climat dans lequel il souhaite inscrire son image. Il personnalise sa photo tout en améliorant sensiblement le rendu grâce au contracte et à la saturation des couleurs.
Le miracle du succès d’Instagram est là. En quelques pressions sur l’écran du téléphone mobile, une photo ordinaire se transforme en une image originale avant d’être partagée, tout aussi simplement, sur un réseau social ou par mail. Nombre d’observateurs considèrent que la valeur un tel service est extrêmement faible quand il ne le juge pas totalement inutile. Trop simple, trop limité, trop gratuit…
Bien entendu, l’explosion du nombre d’utilisateurs d’Instagram, qui se comptent désormais en dizaines de millions, suffit à invalider une telle appréciation. Mais il est possible de considérer également que cette critique révèle une approche profondément erronée des phénomènes à l’œuvre sur Internet et la téléphonie mobile. Aucun des grands succès récents n’a été prévu par les spécialistes et les grandes entreprises du marché. Ni les sms, ni Google, ni Facebook, ni Tweeter. Ni même Amazon et eBay à leurs débuts. Dans chacun de ces cas de success stories plus ou moins foudroyantes, ce sont de nouveaux arrivants, un ou deux jeunes, ou les utilisateurs eux-mêmes comme pour les sms, qui ont, seuls et souvent contre tous, imposé leur idée.
Les raisons du succès
Un tel phénomène peut trouver un début d’explication avec ces trois points communs :
La valeur d’Instagram doit sans doute s’évaluer à l’aune de ses qualités. Le service répond précisément aux trois critères ci-dessus. Un milliard de dollar ? Pourquoi pas. Facebook semble très bien placé pour mesurer le potentiel d’une application validée par le public et qui lui permet d’entrer dans l’univers du téléphone qui n’est pas son écosystème initial. Demain, nous instagramerons peut-être nos photos mobiles aussi instinctivement que nous twittons. Ou pas, si une idée simple, gratuite, ergonomique et, peut-être, plus performante vient détrôner Instagram. Mais gageons que Facebook fera tout pour l’éviter.
Michel Alberganti
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