Les tennismen ont les fesses de travers

Jo-Wilfried Tsonga l’a dit récemment dans une interview donnée à Cosmopolitan, illustrée par la photo ci-dessus, les fesses sont la partie de son corps qu’il préfère. Dont acte. Pourtant, il est fort probable qu’en raison de la pratique intensive de son sport, le joueur de tennis français ait le derrière de travers. En effet, si l’on en croit une étude espagnole publiée le 29 juillet dans PLoS ONE, courir derrière une balle jaune et frapper dedans avec une raquette entraîne une asymétrie dans le développement des groupes de muscles reliant le tronc aux jambes, et donc une asymétrie des muscles fessiers. Ce qui ne se produit pas chez les footballeurs, lesquels courent pourtant aussi derrière une balle et frappent aussi dedans.

Qu’ont fait ces chercheurs espagnols pour en arriver à ce résultat ? Pour leur expérience, ils ont recruté quinze joueurs d’une équipe de football disputant la Liga, le championnat espagnol, huit tennismen professionnels et… six quidams n’ayant jamais fait de sport, pour servir de groupe de contrôle. Et ils ont fait passer à cette trentaine de cobayes une IRM allant du tronc au haut des jambes. Le but de la manœuvre : mesurer le volume de deux groupes de muscles. Le premier, situé sur l’avant du corps, appelé ilio-psoas, qui regroupe le muscle iliaque et le grand psoas, lesquels servent principalement à fléchir la cuisse. Le second, situé sur la face postérieure de notre anatomie et qui, sous la dénomination de muscles fessiers, associe le petit glutéal, le moyen glutéal et le grand glutéal, qui donnent son aspect rebondi à notre séant et permettent de tendre la jambe vers l’arrière.

Il ne surprendra personne d’apprendre que, par rapport aux sportifs du dimanche ou aux non-sportifs, les professionnels du football et du tennis disposent de musculatures hypertrophiées. Le tapeur de ballon pro a près de 50% de volume musculaire fessier en plus par rapport à celui qui le regarde évoluer vautré dans son canapé. Le joueur de tennis est un petit peu moins bien doté mais là n’est pas l’important. Autant le footballeur présente une musculature bien symétrique, que ce soit au niveau de l’ilio-psoas ou des muscles glutéaux (alors même que le quidam est toujours un peu plus musclé du côté de sa jambe préférée, celle avec laquelle il tape dans le ballon), autant le tennisman est le roi de l’asymétrie. Et c’est à chaque fois du côté inverse du bras qui tient la raquette que son ilio-psoas et ses fesses sont le mieux armés. La fesse gauche d’un joueur de tennis droitier a près de 100 centimètres cubes de muscles en plus par rapport à la fesse droite…

Les chercheurs espagnols, dont l’objectif premier est non pas de regarder ou de palper de la fesse mais bien de prévenir les blessures liées à la pratique intensive d’un sport et aux hypertrophies musculaires qu’elle implique, ont une explication pour toutes ces différences. Au tennis, le service et le coup droit entraînent une torsion très puissante du corps au niveau des hanches, que la musculature doit contrebalancer (tandis que le revers agit plutôt sur les épaules) : ainsi, un gaucher comme Nadal, en servant ou en frappant un coup droit, va faire tourner violemment son buste vers la droite, tandis qu’un droitier comme Federer, imprimera à son tronc une rotation vers la gauche. Pour lutter contre ces torsions, ils ont donc davantage développé le côté opposé à leur bras dominant. La même équipe de chercheurs a montré en 2010 que les abdominaux des tennismen présentaient le même genre d’asymétrie. En revanche, même s’ils ont un pied favori pour shooter, les footballeurs ont une musculature équilibrée. Pourquoi ? Parce que, à la différence du tennis, sport individuel, dans un match de football, sport collectif, les frappes sont très minoritaires par rapport aux courses.

Le championnat de France de football a repris samedi 6 août et, à la fin du mois, l’US Open de tennis va captiver les passionnés de la petite balle jaune. Les semaines qui viennent vont donc être particulièrement propices à la mise en pratique de cette étude. De cette manière, si votre conjoint vous prend à reluquer les derrières joufflus de tel(le) ou tel(le) athlète, vous pourrez toujours lui dire, sur le ton de la bonne foi : “Mais enfin chéri(e), c’est pour la science !” Soyons néanmoins honnête : comme je l’ai dit plus haut, la différence musculaire ne dépasse pas les 100 centimètres cubes entre les deux fesses, soit moins que le volume contenu dans un pot de yaourt. Il sera donc difficile de constater l’asymétrie de visu…

Pierre Barthélémy

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La sélection du Globule #57

Partie dans l’espace vendredi 5 août, la sonde Juno va tenter de percer les secrets de Jupiter qu’elle atteindra en 2016.

L’oxygène est un élément commun dans l’Univers, fabriqué dans les forges thermonucléaires des étoiles en fin de vie. Mais, jusqu’à présent, on n’avait jamais détecté dans l’espace les molécules de dioxygène (O2) que nous respirons à longueur de temps. C’est désormais chose faite grâce au télescope spatial Herschel de l’Agence spatiale européenne (ESA).

La pollution au pétrole du delta du Niger est telle que le nettoyage de la zone pourrait prendre trente ans, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement.

– Autre travail qui prendra trois décennies, l’étude de l’impact des faibles doses de radioactivité sur les populations vivant dans la région de Fukushima.

– Le coton transgénique Bt est bon pour la santé de ceux qui le cultivent : en étant génétiquement modifiée pour résister aux parasites, la plante nécessite moins de pesticides. Du coup, selon une étude réalisée en Inde entre 2002 et 2008, ce sont 2,4 millions de cas d’empoisonnement aux pesticides qui ont été évités chaque année dans ce pays grâce au coton OGM.

Pour la première fois, le crâne complet d’un grand singe datant de quelque 20 millions d’années a été découvert, en Ouganda.

A signaler, dans Le Monde, le portrait de Cédric Villani, médaille Fields (l’équivalent du Nobel des mathématiques) et ardent promoteur des sciences.

Il y a quelques jours, une étude disant que les utilisateurs du navigateur Internet Explorer avaient un QI moins élevé que les autres a fait, comme on dit sur la Toile, le “buzz”. Il s’agissait en réalité d’un canular… Des sites comme TF1, lepost.fr, atlantico.fr, la BBC (qui a fait son mea culpa), CNN, etc, sont tombés dans le panneau. La prochaine fois, ils vérifieront peut-être d’où viennent les données et, surtout, si elles ont été publiées dans une revue scientifique…

– Et, pour finir, les chercheurs continuent leur traque de l’orgasme féminin, en suivant désormais sa piste jusque dans le cerveau

Pierre Barthélémy

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La Terre a-t-elle eu deux lunes ?

On découvre de temps à autre que la Lune n’est pas le seul satellite naturel de la Terre, que notre planète capture des astéroïdes et les retient prisonniers sur des points spécifiques de son orbite. Appelés points de Lagrange, ces endroits représentent des zones « magiques » de stabilité, des points d’équilibre entre la force d’attraction de la Terre et celle du Soleil. En général, les astéroïdes pris à ces pièges y restent quelques milliers ou dizaines de milliers d’années puis finissent par s’échapper. Cela ne signifie pas pour autant que, par le passé, la Terre n’a pas eu deux véritables lunes qui ont fusionné après une longue période de coexistence. C’est du moins l’hypothèse présentée ce mercredi 3 août dans la revue Nature par le Suisse Martin Jutzi et le Norvégien Erik Asphaug. Une théorie qui permettrait d’expliquer pourquoi la Lune possède deux faces si différentes, le côté pile, toujours visible de la Terre, largement recouvert par de vastes étendues sombres que les Anciens croyaient être des mers, tandis que le côté face, que l’on ne voit jamais, est bien plus montagneux et pauvre en maria lunaires.

Pour comprendre le scénario imaginé par Jutzi et Asphaug, il faut remonter à la formation de la Lune, qui s’est produite quelques dizaines de millions d’années seulement après la naissance de notre planète. Le modèle le plus solide pour expliquer l’apparition de notre satellite, la théorie de l’impact géant, raconte qu’un astre de la taille de Mars est venu percuter la Terre et que, sous le choc, une grande quantité de matière a été éjectée en orbite autour de notre planète et a fini par se regrouper pour donner la Lune. L’article de Nature suppose qu’au départ, il n’y a pas eu formation d’un mais de deux satellites, le plus gros étant la proto-Lune. Avec un diamètre trois fois moins important, le plus petit se serait installé sur un des points de Lagrange, non pas du couple Terre-Soleil que j’ai évoqué au début du billet mais du couple Terre-Lune, et y aurait vécu tranquille pendant quelques dizaines de millions d’années. Tout comme les madeleines se refroidissent plus vite que les quatre-quarts, il aurait eu le temps de durcir en profondeur, tandis que la Lune, plus volumineuse, n’aurait, dans le même intervalle, pu former qu’une croûte surmontant un océan global de magma.

Après quelques milliers de millénaires, le petit satellite aurait été délogé de sa niche et se serait dirigé vers la proto-Lune. En voyant se profiler la collision, on ne peut que se demander comment l’impact inéluctable ne va pas produire un cratère géant. En effet, dans ce genre de catastrophe, le choc est tel que des quantités énormes de matériaux sont généralement éjectées dans un grand splash : on obtient un grand bassin plutôt que les montagnes de la face cachée de la Lune. La modélisation réalisée par Jutzi et Asphaug montre que ce cas fait exception à la règle. La rencontre se produisant à une vitesse modérée (entre 2 et 3 kilomètres par seconde tout de même), l’impacteur s’écrase sur place sans en mettre trop partout, comme une boule de pâte à modeler que l’on jette par terre. Ses roches se seraient donc étalées sur la face cachée de la Lune, ce qui expliquerait l’épaisse croûte de montagnes que l’on trouve de ce côté-là, faites de roches plus froides et plus résistantes. Quant à la face visible de notre satellite, elle aurait été éclaboussée par une partie du magma éjecté sous le choc. Cela justifierait pourquoi certains terrains très particuliers riches en potassium, en phosphore et en terres rares, s’y retrouvent davantage.

Le meilleur moyen pour vérifier ce scénario consisterait à analyser les roches de la face cachée de la Lune. Provenant de l’impacteur, qui s’est solidifié plus vite que la proto-Lune, elles sont par conséquent plus anciennes que celles de la face visible, dont on possède des échantillons depuis les missions Apollo. Etant donné que la NASA n’a pas envoyé de géologue sur la Lune depuis 1972 et ne compte visiblement pas le faire dans les mois qui viennent, il faudra se contenter du relevé du champ de gravité lunaire que va effectuer la mission Grail (Gravity Recovery and Interior Laboratory), qui doit partir dans l’espace en septembre. A partir de ses données, il sera possible de déduire la structure interne de notre satellite bien plus précisément que cela n’a jamais été fait, de reconstituer tout ou partie de sa longue histoire et, peut-être, de retrouver les vestiges de la seconde lune de la Terre.

Pierre Barthélémy

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