Il y a les vivants, les morts, et il y a l’entre-deux. On l’appelle état végétatif chronique et ceux qui s’y trouvent sont parfois péjorativement qualifiés de “légumes” par ceux qui jouissent de tous les attributs de la vie. D’où le débat qui surgit de manière récurrente (et vive) pour savoir si l’on peut ou non les “débrancher” des appareils qui les alimentent. Une étude qui vient d’être publiée par la revue Cognition montre que, d’une certaine façon, les personnes en état végétatif chronique sont considérées comme… plus mortes que les morts eux-mêmes.
En introduction, les auteurs, chercheurs en psychologie de l’université du Maryland et de Harvard, écrivent que “les morts ont une certaine présence dans nos perceptions et nos pensées, qu’on les voie comme des fantômes, des habitants du paradis ou de l’enfer, ou comme des souvenirs. Par contraste, une personne en état végétatif chronique (EVC) semble généralement perçue comme n’ayant pas de présence du tout – le patient en EVC est simplement vu comme un corps soutenu par des machines, dénué de capacité mentales. Ces images antagonistes suggèrent que, même si l’EVC peut, sur le plan biologique, être catalogué entre la vie et la mort, il est possible que les patients en EVC soient, curieusement, perçues comme plus mortes que les morts, avec des capacités mentales moindres que celles des morts.”
A priori, il peut sembler étrange que l’on trouve aux morts des capacités mentales, mais il faut compter avec les forces de l’esprit que les vivants peuvent leur attribuer. C’est ainsi que l’étude a proposé un sondage aux résultats étonnants. Les chercheurs ont inventé une petite histoire dans laquelle un personnage nommé David a un accident de voiture au cours duquel il est gravement blessé. Dans le scénario A, il se rétablit parfaitement. Dans le scénario B, il meurt. Dans le scénario C, il entre dans un état végétatif, qui est décrit sans ambiguïté ainsi : “Tout le cerveau de David a été détruit, à l’exception de la partie qui lui permet de continuer à respirer. Ainsi, alors que son corps est techniquement toujours en vie, il ne se réveillera jamais.” Chacune des quelque 200 personnes sondées a reçu un fiche résumant un des trois scénarios. On lui a ensuite posé six questions sur l’esprit de David (qui, je le rappelle, est soit guéri, soit mort, soit en EVC) : peut-il influencer l’issue d’une situation, faire la différence entre le bien et le mal, se souvenir des événements de sa vie, avoir des émotions et des sentiments, être conscient de ce qui l’entoure et avoir une personnalité ? Les sondés devaient noter chaque question de -3 (“Pas du tout d’accord”) à 3 (“Tout à fait d’accord”), en passant par 0 (“Ni d’accord ni pas d’accord”).
Il y a au moins un résultat rassurant : c’est le David guéri de ses blessures et en pleine possession de ses capacités mentales qui obtient le score le plus élevé, avec en moyenne 1,77. En deuxième position, arrive… le David mort, avec un résultat faiblement négatif (-0,29). Bon dernier est le David en EVC, avec -1,79, plus mort que les morts. Pour affiner les résultats, les chercheurs ont réalisé deux autres sondages. Dans le premier, ils se sont aperçus que les personnes croyantes et/ou croyant à la vie après le trépas plaçaient l’esprit des décédés nettement au-dessus de zéro et reléguaient dans les limbes spirituelles les patients en EVC. Les non-croyants quant à eux estimaient que les cadavres et les personnes en EVC disposaient des mêmes capacités mentales… faibles mais pas nulles. Dans le dernier sondage, les personnes interrogées ont clairement dit qu’elles préféraient la mort à l’EVC, ce qui est finalement logique avec le reste.
Les auteurs de l’étude rappellent que d’autres recherches ont déjà montré que “mettre l’accent sur le corps d’humains vivants normaux tend à les dépouiller de leur esprit et que la nature biologique des patients en EVC pourrait de manière similaire conduire les gens à les “démentaliser”. En d’autres mots, les patients en EVC pourraient être vus comme des corps sans esprit tandis que les morts pourraient être vus comme des esprits sans corps.” Une hypothèse qui s’appuie sur le fait que l’on a fréquemment une vision dualiste des êtres, en les considérant soit comme des corps, soit comme des esprits, mais pas comme un assemblage indissoluble des deux.
Depuis 2006, d’étonnantes expériences ont prouvé que certains patients en EVC étaient parfaitement conscients. Lorsqu’on leur demandait d’imaginer jouer au tennis ou de se promener par la pensée dans leur appartement, deux zones bien différentes de leur cerveau s'”allumaient” en IRM, les mêmes qui s’activaient lorsqu’on soumettait des personnes saines au même exercice mental. Un résultat que, jusqu’à preuve du contraire, on aura du mal à obtenir avec des morts.
Pierre Barthélémy
lire le billet– La vedette de ce week-end s’appelle Irène. A suivre sur le site du New York Times, entre autres… Sur la vidéo ci-dessus, on assiste à sa formation et à son parcours le long de la côte est des Etats-Unis. Même si on sait mieux prévoir leur trajectoire, il reste compliqué d’évaluer à l’avance l’intensité des ouragans.
– Cela dit, par rapport à ce qui se passe sur d’autres planètes comme Saturne et Jupiter, Irène est une naine dans la catégorie des cyclones.
– Le phénomène climatique cyclique El Niño est-il responsable d’un certain nombre de conflits sous les tropiques ? Un article publié dans Nature s’est intéressé aux années 1950-2004 et a montré une corrélation entre plusieurs dizaines de guerres civiles et les années à Niño.
– La moitié des digues et barrages chinois sont en mauvais état, rapporte Le Monde. Or, un quart des villes du pays se situent en aval de ces ouvrages fatigués…
– C’est suffisamment rare pour être signalé : coup sur coup, deux fusées russes, qui ont pourtant une excellente réputation de fiabilité, ont raté leur mission. Ce quelques semaines avant le premier décollage d’un lanceur Soyouz sur la base guyanaise de Kourou.
–Le chiffre de la semaine : il y aurait plus de 8,7 millions d’espèces vivantes sur Terre. Ce qui signifie qu’il nous en reste presque 6 millions à découvrir.
– Un immense fleuve souterrain coulerait sous l’Amazone, à 4 kilomètres de profondeur, et se jetterait, comme son homologue de surface, dans l’océan Atlantique. Tout le monde ne semble néanmoins pas d’accord avec l’appellation de “fleuve” donnée à cette circulation d’eau souterraine.
– Les paris sont toujours ouverts pour savoir si la fonte de la banquise arctique battra, cet été, le record de 2007. En attendant, le passage du Nord-Est est suffisamment ouvert pour que l’empruntent des tankers russes contenant du gaz à destination de la Thaïlande.
– Un serpent de mer, pour finir : la fresque de Léonard de Vinci La Bataille d’Anghiari, que le peintre a commencée, sans jamais l’achever, dans une salle du Palazzo Vecchio de Florence, a-t-elle été détruite ou bien protégée par un mur de briques sur lequel Giorgio Vasari a peint d’autres scènes de batailles ? Une équipe tente de trouver le financement pour détecter la présence ou non de cette œuvre maudite sans toucher à rien…
Pierre Barthélémy
lire le billetIl y a exactement quarante ans avait lieu une expérimentation psychologique aussi fascinante que controversée à la prestigieuse université californienne de Stanford, à Palo Alto. Conduite par le professeur Philip Zimbardo, elle est connue aujourd’hui sous le nom d’expérience de Stanford. L’objectif consistait à comprendre comment et pourquoi les situations arrivaient à se dégrader dans les prisons militaires. L’idée a donc germé de créer une prison dans les locaux de l’université. Une petite annonce a donc été publiée, qui invitait des étudiants masculins, contre une rémunération de 15 dollars par jour (environ 80 $ d’aujourd’hui), à participer à cette expérience qui devait durer une à deux semaines, pendant les grandes vacances de cette année 1971. Plus de 70 volontaires ont répondu à l’appel et 24 d’entre eux ont été sélectionnés sur des critères d’équilibre mental et de forme physique. En tirant à pile ou face, 9 ont été affectés au groupe des “prisonniers”, 9 à celui des “gardiens”, les 6 derniers servant de remplaçants.
Trois cellules contenant chacune trois détenus avaient été aménagées dans le sous-sol du bâtiment de psychologie, où les gardiens, divisés en équipes de trois, devaient se relayer toutes les huit heures. Pour ces derniers, les chercheurs avaient déniché des uniformes kaki dans un surplus de l’armée, ainsi que des lunettes de soleil à verres réfléchissants, destinées à éviter le contact visuel avec les étudiants-prisonniers. Pour ceux-ci, tout était fait afin qu’ils se sentent déshumanisés, démunis, humiliés, dépossédés d’eux-mêmes : tout d’abord, ils avaient été arrêtés chez eux par la véritable police de Palo Alto, qui avait accepté de participer à l’expérience. Chaque étudiant avait donc subi l’arrestation, la prise des empreintes digitales et des fameuses photos de face et de profil, avant d’être conduit “en prison”. Là il s’était retrouvé avec un bas nylon sur la tête, pour modifier son apparence (comme si on lui avait rasé le crâne, voir la photo ci-dessus), privé de tout vêtement à l’exception d’une longue chemise de nuit sur laquelle était cousu son numéro de matricule, des tongs inconfortables en guise de chaussures, un matelas à même le sol et, pour faire bonne mesure, une chaîne cadenassée à ses pieds non pour l’entraver mais juste pour lui rappeler à tout moment l’oppression que lui faisait subir le monde extérieur. Même si les pseudo-“matons” étaient équipés de matraques, ils n’étaient pas censés en faire usage. Les chercheurs commirent néanmoins l’erreur de s’impliquer eux-mêmes dans l’expérience en jouant le rôle des administrateurs de la prison. Ils n’avaient pas encore saisi à quel point tous les participants allaient finir par investir leurs rôles respectifs…
Pourtant, il ne se passa rien de spécial la première journée. De fait, Philip Zimbardo, interviewé à l’occasion d’un article qui vient de paraître dans la revue des anciens élèves de Stanford, explique que les “gardes”, comme beaucoup d’étudiants de l’époque, étaient imprégnés de la “mentalité antiautorité. Ils se sentaient gauches dans leurs uniformes. Ils ne sont pas entrés dans leur rôle de gardiens jusqu’à ce que les prisonniers se révoltent.” On est au matin du deuxième jour et tout va basculer. Au moment de la relève, les prisonniers retirent le bas qu’ils avaient sur la tête, arrachent leur numéro et se barricadent dans leurs cellules en mettant leurs matelas contre la porte. Les trois gardiens du matin appellent en renfort les trois gardiens de l’après-midi, qui viennent, tandis que les trois gardiens de nuit restent. A l’aide des extincteurs de sécurité dont ils se servent pour asperger les détenus de neige carbonique, les neuf hommes entrent dans les cellules, en extraient les matelas, obligent les prisonniers à se dévêtir, mettent le “chef” des rebelles à l’isolement. Bref, ils reprennent la situation en main. Bien conscients qu’ils ne peuvent rester de garde 24 heures sur 24 pour maintenir l’égalité numérique, ils se réunissent et décident d’utiliser leur pouvoir pour contraindre les prisonniers à l’obéissance.
Tullius Détritus, le méchant de l’album d’Astérix La Zizanie paru juste un an avant l’expérience de Stanford, n’aurait pas renié la stratégie adoptée par les gardes. Ceux-ci vont diviser les prisonniers en deux camps, les “bons”, choyés, bien nourris, et les “mauvais”, brimés, afin de créer des clans et de briser leur solidarité. Puis, ils vont mélanger de nouveau les détenus afin que les “privilégiés” passent pour des informateurs. Mais cela ne va pas s’arrêter là. Appels à toute heure du jour et de la nuit, privation de sommeil, interdiction d’utiliser les toilettes, remplacées par des seaux malodorants, corvées de chiottes à mains nues, séries de pompes à effectuer… Tout va très vite. Au bout de seulement 36 heures d’expérience, un des prisonniers craque moralement mais il n’est pas autorisé à partir tout de suite (il le sera un peu plus tard) et, renvoyé en cellule, va convaincre ses co-détenus qu’il s’agit d’une véritable prison. Les “parloirs” organisés avec les parents et amis donnent aussi des résultats surprenants car les visiteurs, étonnés de la rapide dégradation physique et morale des jeunes hommes, ne s’en offusquent pas plus que ça et, au lieu d’exiger la fin immédiate de l’expérience, jouent le rôle du “parent-qui-va-voir-son-fils-en-prison”… A maints égards, tout cela rappelle la très célèbre expérience de Milgram, réalisée exactement dix ans auparavant, qui a mis en lumière l’incroyable soumission à l’autorité que l’on peut obtenir d’individus lambda.
Les chercheurs organisent ensuite, pour tous les prisonniers, une audition pour une libération conditionnelle, présidée de manière impitoyable par le consultant de l’expérience, qui n’est autre… qu’un ancien véritable détenu. Quand on leur demande s’ils sont prêts à quitter la prison en renonçant à leur “salaire” de cobayes, la plupart disent oui, inconscients qu’il leur suffirait de demander à mettre fin à l’expérience pour que celle-ci s’arrête ! Toutes les libérations conditionnelles sont refusées et chacun retourne dans sa cellule sans rechigner, complètement soumis, désormais incapable de s’apercevoir qu’il a perdu pied avec la réalité.
L’expérience de Stanford a montré d’une manière spectaculaire et brutale que l’on pouvait en quelques jours transformer de jeunes hommes équilibrés et en bonne santé en loques ou en gardiens zélés, ouvertement sadiques pour certains. Cette expérimentation s’arrêta le 20 août 1971, au bout de seulement six jours sur les deux semaines prévues à l’origine. Sur son site, Philip Zimbardo explique qu’il y a eu deux causes à cette fin prématurée. Tout d’abord, les chercheurs se sont aperçus que les gardiens avaient tendance à être cruels la nuit, ne se croyant pas observés (alors qu’ils étaient secrètement filmés et enregistrés). Mais c’est sans doute grâce à Christina Maslach, la future Madame Zimbardo, que le calvaire des prisonniers et la dérive de leurs geôliers se sont achevés. Christina Maslach venait de soutenir sa thèse de doctorat et s’en fut visiter l'”expérience” un soir. Elle vit les détenus enchaînés, un sac en papier sur la tête, se faire hurler dessus par les gardes. Les larmes lui vinrent aux yeux, elle ne put supporter le spectacle et sortit du bâtiment, poursuivie par son petit ami. Philip Zimbardo raconte ainsi la scène : “Elle dit : ” C’est terrible ce que vous faites à ces garçons. Comment ne pas voir ce que j’ai vu et ne pas s’occuper de cette souffrance ?” Mais je n’avais pas vu ce qu’elle avait vu. Et j’ai soudain commencé à avoir honte. C’est alors que j’ai réalisé que l’étude m’avait transformé en administrateur de la prison. Je lui ai dit : “Tu as raison. Nous devons arrêter l’étude.”“
Deux mois après l’expérience, un des “détenus”, Clay, numéro de matricule 416, fit ce témoignage sur ce qu’il avait ressenti au cours de ces quelques jours : “J’ai commencé à sentir que je perdais mon identité, que la personne que j’appelais Clay, la personne qui m’avait mis à cet endroit, la personne qui s’était portée volontaire pour aller dans cette prison – parce que c’était une prison pour moi et c’en est toujours une, je ne considère pas cela comme une expérience ou une simulation parce que c’était une prison dirigée par des psychologues au lieu d’être dirigée par l’Etat –, j’ai commencé à sentir que cette identité, la personne que j’étais et qui avait décidé d’aller en prison s’éloignait de moi, était lointaine jusqu’à ce que, finalement, je ne sois plus elle, je sois 416. J’étais réellement mon numéro.”
Lorsque le scandale des tortures pratiquées par des militaires américains dans la prison irakienne d’Abou Ghraïb a éclaté en 2004, tous ceux qui avaient participé à l’expérience de Stanford se sont rappelé ce qu’ils avaient vécu, un été de 1971, sur le campus de l’université. L’étude avait à l’époque reçu l’aval du Comité sur la recherche sur des sujets humains.
Pierre Barthélémy
lire le billetSamedi 27 et dimanche 28 août, aura lieu la quinzième édition de la Nuit européenne de la chauve-souris. Une occasion de mieux connaître ces mammifères volants dont les mains se sont transformées en ailes il y a plusieurs dizaines de millions d’années. Qu’elles s’appellent vespertilion à moustaches, grand rhinolophe, pipistrelle pygmée, molosse de Cestoni, barbastelle d’Europe, etc, toutes les espèces de chauves-souris vivant sur le territoire français métropolitain sont plus ou moins menacées (fragmentation de leur habitat, usage intensif des insecticides qui tuent leurs proies ou les chauves-souris elles-mêmes) et donc protégées. Malheureusement, le public a plus de mal à se mobiliser pour cette famille d’animaux qui, s’ils fascinent parfois en raison de leur capacité à utiliser l’écholocation, ne bénéficient pas d’un capital de sympathie énorme. Au mieux associés à un héros sombre comme Batman, au pire à un monstre comme Dracula.
Il n’en faut pas beaucoup pour faire peur. Une face peu avenante, une mauvaise réputation de suceur de sang, une couleur sombre et des mœurs mystérieuses parce que nocturnes. Batman et Dracula ne sortent que la nuit, les chauves-souris aussi. En général, trois hypothèses sont avancées pour expliquer pourquoi l’animal est nocturne. Les deux premières, plus populaires, ont trait aux oiseaux. La première dit que les chauves-souris, en chassant les insectes la nuit, évitent la concurrence de la gent aviaire. La deuxième assure qu’en choisissant la niche nocturne, ces petits mammifères se gardent des rapaces, même si cela ne les empêche pas, de temps en temps, de se faire croquer par des hiboux ou des chouettes. La troisième, plus audacieuse, dit que si les chauves-souris ne sortent pas (ou très peu) le jour, c’est parce qu’à l’instar des vampires de fiction, cela risque de les tuer.
Une étude allemande publiée en janvier dans les Proceedings of the Royal Society B, lesquels traitent de biologie, a voulu explorer cette hypothèse “physiologique” en comparant la température et les dépenses métaboliques d’une chauve-souris sud-américaine, Carollia perspicillata, lorsqu’elle évoluait de nuit et à la lumière du soleil. Les résultats sont plutôt éloquents. Après un vol nocturne, la température de ce petit mangeur de fruits tropical monte à 40,2°C tandis qu’après un vol diurne, elle grimpe à 41,9°C, soit près de la zone dangereuse. Même chose pour ce qui est du métabolisme, qui est 15% plus dépensier en cas de vol diurne. La faute en revient évidemment au soleil et à… un manque d’isolation. Contrairement aux oiseaux, dont les plumes constituent un excellent isolant, les grandes ailes sombres des chauves-souris absorbent jusqu’à 90% du rayonnement solaire et ne sont pas équipées pour dissiper ce surcroît de chaleur : elles risquent par conséquent l’hyperthermie et la mort. Pour ne rien arranger, les membranes de ces animaux ne sécrètent pas de sueur grâce à laquelle ils pourraient faire descendre leur température. Le seul moyen d’y parvenir consisterait à modifier la manière de voler, par exemple en battant des ailes plus vite… ce qui se paye cash sur le plan énergétique.
Cette étude donne du poids à l’hypothèse physiologique, sans toutefois invalider les deux autres. Ses auteurs expliquent qu’il n’est pas exclu que les chauves-souris s’aventurent à chasser de jour si nécessaire. Simplement, le rapport risque-bénéfice devient nettement moins bon : le risque d’entrer en compétition avec les oiseaux augmente, ainsi que celui de trouver un prédateur sur sa route, tandis que la dépense en énergie d’un vol diurne est nettement plus importante. Les chercheurs s’interrogent pour savoir si, à l’origine, ces animaux n’ont pas évolué vers des couleurs sombres, moins visibles des prédateurs, ce qui les a ensuite, en raison des contraintes physiologiques que j’ai évoquées plus haut, obligés à un mode de vie nocturne. Finalement, la comparaison avec les vampires, quoique peu flatteuse, n’est sans doute pas si dénuée de justesse : tous deux sont prisonniers de la nuit.
Pierre Barthélémy
lire le billet– Déjà constatée depuis plusieurs années, la migration des espèces animales et végétales vers des latitudes ou des altitudes plus élevées, sous l’effet du réchauffement climatique, s’effectue à une vitesse plus importante que ce que l’on croyait. Un constat dû à l’analyse de données portant sur plusieurs centaines d’espèces, publiée dans Science.
– Il y a quelques jours, Kazuma Obara est devenu le premier photojournaliste à pouvoir entrer dans la centrale nucléaire japonaise de Fukushima. Son reportage est à voir sur le site du Guardian.
– Une équipe américaine avait recréé des cœurs de rats en remplissant de cellules souches un “squelette” cardiaque entièrement décellularisé. Elle tente désormais la même chose avec des cœurs humains. La médecine régénératrice est une discipline qui explose.
– Des astronomes américains ont découvert une étrange planète extra-solaire, plus sombre que du charbon.
– En combinant les données de plusieurs satellites, une équipe de chercheurs vient de publier la première carte complète de l’écoulement des glaciers en Antarctique.
– Dans l’Antiquité, certains Egyptiens utilisaient déjà du gel pour maintenir leurs cheveux…
– Vos vieux DVD commencent à ne plus fonctionner, victimes de l’usure ou de la chaleur ? Vous pouvez désormais graver vos films de vacances sur des DVD qui dureront mille ans…
– Pour finir : la génétique va-t-elle enfin intéresser les trafiquants de drogue ? On le saura bientôt puisque le génome du cannabis vient d’être séquencé. Précisons que l’idée principale de ce séquençage est de travailler sur les vertus thérapeutiques de la plante…
Pierre Barthélémy
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Sorti il y a une semaine, La Planète des singes : les origines est LE blockbuster scientifique de l’été. Un film qui servira de prétexte pour aborder les questions de l’expérimentation animale sur les primates, des droits que l’homme pourrait accorder à ses frères grands singes, du risque qu’il y aurait à “humaniser” des singes par voie génétique ou médicamenteuse, de ces grosses sociétés pharmaceutiques qui poussent leurs chercheurs à mettre sur le marché des molécules qu’ils n’ont pas suffisamment testées, etc.
Ce ne sont pas ces sujets ô combien sérieux qui m’ont titillé le cerveau en sortant du cinéma. Nous le savons tous, même ceux qui n’ont pas vu cette “préquelle” du célèbre film de Franklin Schaffner sorti en 1968 avec Charlton Heston, ces singes de science-fiction subissent une évolution accélérée qui leur donne un surplus d’intelligence et leur permettra, à terme, de nous dominer. Toute la question est donc : qui d’eux ou de nous est le plus intelligent ? Avant d’essayer de répondre, je préviens ceux qui auraient envie de voir le film : ce billet va livrer des pans entiers du scénario, revenez le lire après la séance. Reprenons. Le chimpanzé César, héros de La Planète des singes : les origines, et ses congénères mutants, n’ont-ils fait que rattraper Homo sapiens ou bien leur cerveau est-il encore plus performant ?
Par bien des indices, le film montre que le traitement qu’ils ont reçu n’a fait qu'”humaniser” les singes : il leur a conféré des aptitudes semblables aux nôtres. César apprend la langue des signes ; son “maître”, le chercheur Will Rodman, dit que son QI a doublé, mais se garde bien de donner un chiffre ; le chimpanzé joue aux échecs sans que l’on puisse estimer sa force ; il est capable de raisonner, d’élaborer un plan complexe (voler un canif pour fabriquer un outil qui ouvrira la porte de sa cage), puis, l’action allant crescendo, d’organiser une grande évasion, de gagner une bataille contre les forces de police et, enfin, de parler pour partager ses pensées et ses sentiments. Tout cela n’est guère quantifiable et ne nous permet pas de nous différencier. Pourtant, au détour du scénario, on voit que les chercheurs évaluent l’intelligence des singes grâce aux tours de Hanoï, un divertissement utilisé par les spécialistes de la cognition. Ce jeu a été inventé par le mathématicien français Edouard Lucas (1842-1891) et se présente sous la forme de trois piquets sur lesquels on peut enfiler des disques de diamètres différents.
La photo ci-dessus montre la configuration de départ, avec les disques empilés du plus grand en bas au plus petit en haut. Le but du jeu consiste à transférer la tour du piquet de gauche au piquet de droite, en ne déplaçant à chaque mouvement qu’une rondelle et en ne pouvant la poser que sur un piquet vide ou sur une rondelle plus grande qu’elle. Dans ses Récréations mathématiques, Edouard Lucas avait prétendu, pour expliquer le nom de “tours de Hanoï”, que le jeu avait été imaginé par un ami nommé N. Claus de Siam (anagramme de Lucas d’Amiens, ville natale du mathématicien), soi-disant professeur au collège de Li-Sou-Stian (anagramme du collège Saint-Louis, à Paris, où Lucas enseignait). Pour enfoncer le clou dans le registre de l’exotisme facétieux, Edouard Lucas avait ainsi présenté le jeu, sous le titre Les brahmes tombent que Pierre Dac n’aurait pas renié : ” N. Claus de Siam a vu, dans ses voyages pour la publication des écrits de l’illustre Fer-Fer-Tam-Tam, dans le grand temple de Bénarès, au-dessous du dôme qui marque le centre du monde, trois aiguilles de diamant, plantées dans une dalle d’airain, hautes d’une coudée et grosses comme le corps d’une abeille. Sur une de ces aiguilles, Dieu enfila au commencement des siècles, 64 disques d’or pur, le plus large reposant sur l’airain, et les autres, de plus en plus étroits, superposés jusqu’au sommet. C’est la tour sacrée du Brahmâ. Nuit et jour, les prêtres se succèdent sur les marches de l’autel, occupés à transporter la tour de la première aiguille sur la troisième, sans s’écarter des règles fixes que nous venons d’indiquer, et qui ont été imposées par Brahma. Quand tout sera fini, la tour et les brahmes tomberont, et ce sera la fin des mondes ! “
Les tours de Hanoï suivent une loi mathématique bien précise. En fonction du nombre “n” de disques présents au début du jeu, celui-ci pourra être résolu en un nombre minimum de coups égal à 2n-1. Si, comme dans le film, on compte 4 rondelles, la tour peut être transférée en 2x2x2x2-1 coups, soit 15 mouvements. Si, comme sur la photo ci-dessus, on part avec 8 disques, il faut au minimum 2x2x2x2x2x2x2x2-1 coups, soit 255 mouvements, pour y parvenir. Si, comme dans la présentation de Lucas, il y a 64 disques, la résolution du jeu nécessitera quelque 18,4 milliards de milliards de coups. A supposer que l’on puisse jouer 1 coup par seconde, ce qui est très rapide, et que l’on ne se trompe jamais, il faudra presque 585 milliards d’années pour en venir à bout…
Dans le film, un des singes mutants réussit à résoudre les tours de Hanoï à quatre disques dans le minimum de coups requis, soit 15. C’est donc grâce à ce seul et maigre indice que vous allez pouvoir vous comparer à César et à ses collègues (étant donné que vous savez faire tout le reste, y compris tataner un peloton de policiers). Testez-vous ici. J’imagine que les singes, une fois le film terminé, ont eu le loisir de s’entraîner avec davantage de rondelles. Sur le site que j’ai mis en lien ci-dessus, vous pouvez relever le défi en allant jusqu’à huit, ce qui nécessite un peu de concentration pour obtenir le résultat parfait (César, si tu me lis, envoie-moi un e-mail pour me dire quel score tu as réussi) :
En réalité, résoudre les tours de Hanoï, exceller au jeu d’échecs, avoir un quotient intellectuel élevé, ne sont pas à coup sûr le gage d’une grande intelligence, car tout dépend de ce que l’on met derrière ce mot. Pour avoir couvert pendant quinze ans l’actualité internationale du jeu d’échecs pour Le Monde et côtoyé nombre de champions de ce noble jeu, je peux vous assurer que certains et non des moindres, à l’image du Mirko Czentovic inventé par Stefan Zweig dans son merveilleux roman Le joueur d’échecs
, sont de parfaits rustauds, dénués de toute finesse dès qu’ils sortent de leur sport. La notion d’intelligence est aussi vaste que floue et vouloir comparer l’intelligence d’untel avec celle de machin un exercice bien délicat, qui donnera des résultats très différents si les critères que l’on retient sont la logique ou l’ouverture au monde. De ce point de vue, la leçon que, malgré ses incohérences, le film veut nous donner est la suivante : les singes mettent leurs cellules grises en action non pas dans le but de gagner assez d’argent afin de s’offrir le
smartphone le plus à la mode ou le dernier disque de Larusso, mais pour reprendre leur liberté. Et échapper à leur condition humaine.
Pierre Barthélémy
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Les 5, 6 et 7 août ont eu lieu les 21es Nuits des étoiles, une manifestation où les astronomes amateurs accueillent le public, un peu partout en France. C’est souvent à la nuit tombée, en contemplant le ciel étoilé voire quelques galaxies au télescope, que nous nous interrogeons sur nos origines cosmiques. Si les animateurs de ces soirées d’initiation ont depuis longtemps pris conscience de la nécessité de trouver des astuces pour parler des distances immenses qui sont monnaie courante en astronomie, ils sont en général moins armés pour nous faire saisir une autre immensité : celle du temps qui s’est écoulé entre les grands moments de l’histoire du cosmos. Pourtant, il existe un outil fort pratique inventé par l’astrophysicien américain Carl Sagan (1934-1996), merveilleux vulgarisateur scientifique, sans qui je ne serais peut-être pas en train de vous écrire, tellement j’ai été impressionné par sa série télévisée Cosmos et son livre du même nom
.
Dans un précédent ouvrage, The Dragons of Eden, prix Pulitzer 1978, Carl Sagan a imaginé un calendrier résumant en une seule de nos années toute l’histoire de l’Univers, afin de nous donner une idée des différents âges cosmiques. Dans ce calendrier, le départ est donné par le Big Bang, le 1er janvier à 0 heure, et notre présent est représenté par le 31 décembre à minuit. La durée réelle de cet année condensée est de 13,7 milliards d’années puisque c’est l’âge de l’Univers. Chacun des jours du calendrier représente 37,5 millions d’années, chaque heure 1,6 million d’années, chaque minute 26 millénaires et chaque seconde 434 ans.
Le cosmos naît donc le 1er janvier. Et, très vite, probablement dans la nuit du 2 au 3 janvier, les premières étoiles se créent. Aucun de ces astres primitifs n’a jamais été observé jusqu’à présent mais les astrophysiciens supposent qu’ils étaient énormes, de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de fois plus massifs que notre Soleil, composés d’hydrogène et d’hélium et qu’ils n’ont pas vécu longtemps, car plus une étoile est grosse, plus elle brûle la chandelle par les deux bouts. Les premières galaxies se forment le 13 janvier mais il faut attendre longtemps pour que la nôtre, la Voie lactée, apparaisse. Même si certains amas d’étoiles qui lui sont raccrochés sont très anciens, notre galaxie ne se forme véritablement qu’aux alentours du 11 mai.
De nombreux événements ont lieu au cours des semaines qui suivent dans l’Univers mais, si l’on opte égoïstement pour un point de vue anthropocentrique, la principale étape suivante est l’éclosion, le 1er septembre dans un coin un peu reculé de la Voie lactée, de notre système solaire. La Terre en fait évidemment partie et c’est sur notre planète que se concentre, pour les quatre derniers mois de l’année, le calendrier cosmique. La plus ancienne roche qu’on y retrouve aujourd’hui, un gneiss du nord-ouest du Canada, a été formée le 16 septembre.
Cinq jours plus tard, c’est la vie qui apparaît sur Terre avec les premiers êtres monocellulaires, ancêtres des archées et des bactéries. Ce sont les premiers procaryotes, c’est-à-dire que, contrairement aux plantes, aux animaux et aux champignons qui sont des eucaryotes, leur matériel génétique n’est pas confiné dans un noyau cellulaire. Ils inventent la photosynthèse et oxygènent l’atmosphère de la planète pendant le courant du mois d’octobre. Beaucoup d’incertitudes subsistent sur l’émergence des premiers eucaryotes, mais on peut raisonnablement estimer qu’elle a lieu à cette époque. Il s’agit toujours d’êtres monocellulaires. Les premiers organismes pluricellulaires entrent en scène début novembre mais c’est dans la seconde moitié du mois de décembre que l’arbre du vivant va se ramifier à toute allure.
Le prologue de ce que l’on appelle l’explosion cambrienne se joue le 14 décembre. Ce jour-là, les premiers animaux, des éponges, sont signalés. Le 17 décembre, les arthropodes débarquent, avec notamment les fameux trilobites, rejoints le 18 par les poissons, le 20 par les plantes terrestres, le 21 par les insectes, le 22 par les amphibiens et le 23 par les reptiles. Dans notre calendrier cosmique, le jour de Noël, le 25 décembre, marque la naissance des… dinosaures qui vont dominer la Terre pour quelques jours. Le 26, les premiers mammifères se manifestent enfin, un jour avant les oiseaux et deux avant les fleurs. A l’aube du 30 décembre, un gros astéroïde percute notre planète, provoquant la disparition des dinosaures à l’exception des oiseaux. Le même jour, comme pour symboliser un changement d’ère, les premiers primates font leur apparition dans la famille des mammifères.
Nous sommes presque arrivés au terme de notre calendrier, aux petites heures du 31 décembre, le dernier jour de cette année dans laquelle on a condensé toute l’histoire de l’Univers. De la matière créée le 1er janvier un foisonnement de mondes a jailli, des myriades de galaxies, d’étoiles et de planètes. C’est cette matière qui est le fil conducteur de l’histoire. A nos yeux, il y a pourtant un absent : l’homme, qui n’est toujours pas paru sur le grand théâtre cosmique. Toute son évolution va se jouer sur ce dernier jour de l’année.
Le lointain ancêtre commun aux hommes et aux singes apparaît peu après 14 heures en ce 31 décembre. Dans la soirée, entre 20 heures et 21 heures, la lignée humaine se sépare de celles des gorilles, des bonobos et des chimpanzés. Aux environs de 23 heures, Homo erectus se promène à la surface de la Terre. Homo sapiens, l’homme moderne, s’invite enfin sur la scène du monde à 23h52 et l’on a peu de traces de son activité jusqu’à la dernière minute de l’année. A 23h59mn20s, il orne la grotte de Lascaux. Dans les secondes qui suivent, il invente l’agriculture. A 23h59mn47s, il commence à écrire et à fondre les métaux. Deux secondes plus tard, il construit les grandes pyramides de Gizeh.
Nous voici dans les dix dernières secondes du calendrier, dix secondes qui résument l’histoire de l’humanité et qui, ramenées sur une année entière, donnent la mesure de notre place minuscule dans l’Univers. Dix secondes avant la fin de cette année, Sargon fonde l’empire akkadien en Mésopotamie et des pierres commencent à se dresser sur le site de Stonehenge. A 23h59mn51s, c’est le début du Nouvel Empire en Egypte. Une seconde plus tard naît le judaïsme, première grande religion monothéiste. Athènes et Rome sont fondées dans la seconde suivante. Encore un décalage de la trotteuse et Alexandre le Grand conquiert le monde. A 23h59mn55s, le christianisme apparaît et l’Empire romain est à son apogée. Une seconde plus tard, il chute et Mahomet naît, vit et meurt. Puis Charlemagne est sacré empereur et les croisades commencent. Il est 23h59mn58s et la guerre de Cent Ans fait rage, Constantinople est prise et Christophe Colomb découvre l’Amérique. Au cours de l’ultime seconde de cette année cosmique, les peuples se révoltent contre leurs rois, deux guerres mondiales ont lieu, l’homme est assez avancé technologiquement pour aller sur la Lune, modifier le climat de sa planète… et retracer l’histoire du cosmos.
A l’aune de ce calendrier, les 70-80 années que dure la vie d’un Occidental représentent un sixième de seconde… L’astronomie, en ne nous attribuant aucune place privilégiée dans l’Univers et en nous donnant l’idée de notre infime mesure, dans l’espace et dans le temps, a le pouvoir de nous rendre modestes.
Pierre Barthélémy
lire le billet– Un essai clinique, très restreint puisqu’il a porté sur trois malades, apporte un nouvel espoir pour le traitement de la leucémie la plus courante. Des chercheurs de l’université de Pennsylvanie ont modifié génétiquement les lymphocytes T (qui assurent l’immunité cellulaire) de ces trois patients, afin qu’ils attaquent plus efficacement les cellules cancéreuses. Deux de ces trois personnes sont en rémission depuis plus d’un an.
– Une expérience pour le moins surprenante aux Pays-Bas, où le gouvernement a émis l’idée de taxer les automobilistes en fonction du nombre de kilomètres qu’ils ont parcourus, afin de faire prendre conscience du poids écologique et financier que la voiture représente pour la société (émissions de polluants et de gaz à effet de serre, entretien des chaussées, etc.). Des taximètres ont donc été installés dans les véhicules de particuliers et des factures virtuelles leur sont adressées à la fin de chaque mois. Inutile de préciser que cette proposition gouvernementale est controversée…
– Fermé en avril par manque de fonds, le réseau de radiotélescopes du SETI Institute, qui écoute le cosmos à la recherche de signaux artificiels émis par des civilisations extraterrestres, va reprendre du service en septembre grâce aux donations du public.
– En cette année internationale des forêts, une étude du Cemagref montre, selon lemonde.fr, “que le réchauffement climatique conduirait les arbres à compter moins de branches, d’où une plus grande vulnérabilité aux parasites et un cycle de reproduction perturbé”.
– Selon un rapport gouvernemental australien cité par la BBC, la Grande Barrière de corail souffre d’une mauvaise qualité de l’eau, due à l’usage de pesticides par les agriculteurs. Les coraux sont également menacés de blanchissement par la montée des températures.
– Cela s’appelle l’adermatoglyphie. C’est le fait, rare, de ne pas avoir d’empreintes digitales. Pratique pour un cambrioleur, moins drôle quand on veut se rendre dans un pays comme les Etats-Unis, dont le contrôle d’immigration a recours à cette technique biométrique pour identifier les personnes. Des chercheurs viennent de découvrir que cette particularité était due à la mutation d’un gène s’exprimant dans la peau.
– Un reportage du Temps dans un laboratoire de l’Ariège, le seul au monde à étudier le protée, curieux amphibien en forme d’anguille qui est capable de vivre 120 ans.
– Pour finir : en 2012, le ramadan coïncidera avec les Jeux olympiques. Comment les quelque 3 000 athlètes musulmans qui concourront à Londres pourront-ils concilier jeune et performance sportive de très haut niveau ? Réponse dans le New Scientist.
Pierre Barthélémy
lire le billet” Mais qu’est-ce qu’elles lui trouvent toutes ? ” Cette question énervante s’est un jour ou l’autre immiscée dans notre cerveau à la vue du bellâtre de la Grande-Motte aux faux airs de David et Jonathan, auprès duquel roucoulait un parterre de filles, et qui partait à la fin de la soirée en emmenant Corinne sur sa 125 cm3 alors qu’il venait juste de larguer Stéphanie… Comment expliquer cet effet play-boy, cette attirance des femmes pour… les hommes à femmes ? Selon certains spécialistes des comportements, pas la peine de chercher les clés de la séduction chez le séducteur (phéromones, forme du visage, tonalité de la voix, etc.). Les clés sont chez les femmes : peut-être les demoiselles et dames qui en pincent pour les tombeurs ne font-elles que s’imiter les unes les autres.
L’hypothèse sous-jacente est simple : je vois une femme séduite par un homme, c’est donc qu’il constitue un bon partenaire, je vais le choisir à mon tour. Cela peut paraître horriblement machiste mais plusieurs travaux récents ont pointé cette imitation dans la sélection du partenaire, ce que les Anglo-Saxons appellent le “mate copying” et que les enfants ont parfaitement senti en chantant “Oh, la copieuse, elle est amoureuse”. L’avantage procuré par ce comportement n’est pas évident, ce qui n’empêche pas le comportement d’exister bel et bien. Dans une étude publiée en 2008 par le Personality and Social Psychology Bulletin, Sarah Hill et David Buss (université du Texas) ont montré qu’une femme trouvait plus attirant un homme photographié avec une autre femme que le même homme tout seul ou en compagnie d’un autre homme. A noter que l’inverse n’est pas vrai : un homme voyant une femme photographiée en compagnie d’un autre homme la trouvera moins attirante que vue toute seule ou en compagnie d’autres femmes. Les hommes préfèrent ne pas avoir de rival… Un an auparavant, une étude analogue avait montré que les hommes vus avec une femme qui leur souriait semblaient plus attirants pour les observatrices féminines que les mêmes messieurs vus avec une femme qui leur faisait la tête. Le succès de la séduction appelle d’autres conquêtes…
Avant d’être étudié chez les hommes, le “mate copying” a été mis en évidence chez les femelles de nombreux animaux (poissons, oiseaux, mammifères), ce qui prouve qu’ils sont parfaitement capables d’extraire et d’exploiter les informations sociales mais aussi que ce comportement d’imitation est peut-être transmis de génération en génération sur des bases non pas génétiques mais “culturelles”. Le plus fou, c’est que l’on a aussi retrouvé cette imitation dans la sélection du partenaire chez… des mouches, des drosophiles, dont le cerveau est beaucoup plus petit qu’une tête d’épingle. L’expérience, publiée dans Current Biology en 2009, est assez étonnante. Ses auteurs ont eu l’idée de saupoudrer des mâles de poudres rose et verte fluo, afin de créer deux catégories bien distinctes. Ils ont mis dans un tube un mâle vert et deux femelles, la première avec lui, la seconde séparée du couple par une paroi transparente. Comme dans un peep show, le mâle et la première femelle se sont accouplés sous les yeux de la “voyeuse”. Puis ce couple a été remplacé par un autre, constitué d’un mâle rose et d’une femelle qui, venant elle aussi de copuler, n’avait pas envie de remettre le couvert et a refusé les avances du mâle. La scène se déroulait là encore sous les yeux de la femelle témoin. Enfin, dans un troisième temps, celle-ci a été mise en présence de deux mâles, un rose et un vert, sans que plus aucune paroi ne les sépare. Et que croyez-vous qu’il arriva. Dame drosophile choisit de préférence le play-boy vert et non pas le pauvre garçon rose qui s’était pris un râteau. L’expérience a été reproduite de nombreuses fois et inversée (le séducteur en rose, l’éconduit en vert), montrant que, quelle que fût la couleur, la mouche calquait son choix sur celui de la femelle qu’elle avait vue s’accoupler.
Un conseil, donc, aux hommes qui me lisent et veulent jouer les tombeurs, à la Grande-Motte ou ailleurs, pendant ce qu’il reste de l’été : invitez donc une amie jolie et souriante à danser en boîte de nuit et affichez-vous avec elle. Les copieuses vont adorer.
Pierre Barthélémy
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Il y a un an, le 9 août 2010, Slate.fr lançait officiellement ce blog, Globule et télescope, après quelques semaines de rodage. 365 jours plus tard, il est toujours là et c’est le moment de dresser un bilan. Côté chiffres et fréquentation, plus de 1,7 millions de pages ont été vues (lues, c’est moins sûr…). Etant donné que j’ai publié quelque 170 billets, cela nous fait donc 10 000 pages vues par billet en moyenne. Bien sûr, il ne s’agit que d’une moyenne et certains papiers ont eu beaucoup plus de succès que d’autres. Le podium est le suivant : médaille d’or incontestée pour le moment, “Comment on cartographie la taille du pénis” (bande d’obsédés !) ; médaille d’argent “De quel côté embrassez-vous ?” (décidément, on voit bien ce qui vous intéresse dans la science…) ; médaille de bronze “L’affaire des irradiées du New Jersey”, billet mis en ligne peu après la catastrophe de Fukushima. Pour ce qui est des commentaires, plus de 2 500 ont été publiés.
Ce petit succès d’audience n’aurait pas été possible sans l’aide de toute l’équipe de Slate.fr, que je veux remercier chaleureusement, à la fois pour sa confiance, son écoute et son soutien, qu’il soit technique ou éditorial. Et puis, évidemment, rien de tout cela ne serait arrivé sans vous, mes lecteurs. Certains sont désormais des fidèles qui soit le déclarent en laissant un commentaire à chaque billet, soit viennent en silence, semaine après semaine, lire ce que j’écris. Qu’ils soient tous remerciés ici, ceux qui, comme je l’ai dit ailleurs, “dans l’océan immense et mouvementé qu’est Internet, surfent avec assiduité vers mon petit phare”.
Je ne saurais terminer sans évoquer tous ceux qui, au cours de cette année, m’ont insulté pour ce que j’avais écrit et dont j’ai, pour la plupart, censuré les commentaires injurieux et/ou diffamatoires qui, si l’on s’en tient à la stricte application de la loi, auraient pu les mener devant le tribunal : en vrac, des climatosceptiques, des conspirationnistes en tout genre mais en particulier ceux du 11-Septembre, des ufologues, des amis des médiums, des militants anti-vaccination, des fans du paranormal, des créationnistes, des intégristes religieux et j’en oublie sûrement car je n’ai pas tenu le décompte de ces merveilleux amis de l’information et de la science. A ceux-là également, qui mentent souvent avec un aplomb remarquable, je dis merci. Eux aussi me rappellent tous les jours pourquoi j’écris.
Bon. Et si on repartait pour un an ?
Pierre Barthélémy
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