C’était dimanche 15 août, à Santa Clara, en Californie, où s’achevait la convention SETI 2010. Pour ceux qui l’ignorent, SETI est l’acronyme de Search for Extraterrestrial Intelligence (recherche d’une intelligence extraterrestre). Cette convention ne réunissait pas une bande d’ufologues allumés, passionnés de Roswell et de soucoupes volantes, mais des chercheurs et des ingénieurs qui écoutent le ciel pour détecter les signaux d’une autre civilisation que la nôtre. Et devant ces personnes invitées par le très sérieux SETI Institute dont il est l’astronome en chef, Seth Shostak déclara ceci : ” Je pense vraiment que les chances que nous trouvions E.T. ne sont pas mauvaises du tout. Jeunes gens qui êtes dans le public, je pense qu’il y a une vraie bonne chance pour que vous voyiez cet événement se produire.”
Il faut préciser que cette convention 2010 était un peu particulière. On y fêtait les 80 printemps de l’astronome Frank Drake qui, il y a un demi-siècle, fut le premier à tendre son radio-télescope (celui de Green Bank en Virginie occidentale) vers les étoiles Tau Ceti et Epsilon Eridani, pendant quelque 150 heures (sans entendre le moindre message extraterrestre). Autre anniversaire : le SETI Institute soufflait quant à lui ses 25 bougies. Mais Seth Shostak n’est pas du genre à laisser l’émotion lui faire dire n’importe quoi. S’il affirme que les astronomes trouveront la trace d’E.T. d’ici “une à deux douzaines d’années”, c’est en référence à une formule “magique”, l’équation que Frank Drake a écrite en 1961.
Que dit cette équation ? Commençons par rassurer ceux à qui les maths donnent de l’urticaire, c’est très simple. L’équation de Drake sert à évaluer “N”, le nombre de civilisations intelligentes censées exister dans notre galaxie, la Voie lactée. Différentes versions de cette formule sont connues mais la plus populaire est celle-ci :
Sans avoir fait Polytechnique, on voit que N est le produit de sept facteurs : N*, le nombre d’étoiles dans notre galaxie ; fp, la fraction de ces étoiles qui sont entourées de planètes ; ne, le nombre moyen de planètes, dans ces systèmes solaires, capables d’accueillir la vie ; fl, la fraction de ces planètes où la vie existe vraiment ; fi, la fraction de ces planètes où se trouve une vie dite intelligente ; fc, la fraction de ces planètes dont les habitants sont capables et désireux de communiquer avec d’autres astres ; L, la fraction de ces planètes dont la durée de vie et d’émission correspond à l’époque à laquelle nous les écoutons (eh oui, pour communiquer, il faut être un tantinet synchrone : si la poste met deux siècles à acheminer une lettre chez vous, vous ne pourrez pas la lire). Toute la beauté, la difficulté ou la bêtise (suivant le point de vue selon lequel on se place) de cette équation consiste à attribuer des valeurs à ces paramètres. En effet, la science n’a de réponse précise pour aucun d’entre eux. Ce qui explique pourquoi certains surnomment l’équation de Drake la “paramétrisation de l’ignorance”.
Ceci posé, on doit ajouter que les astronomes ont tout de même des idées pour remplir les blancs. Ainsi, le nombre total d’étoiles dans notre galaxie avoisine les 200 milliards aux dernières estimations (mais d’aucuns jugent que 400 milliards est aussi une bonne évaluation). Pour le facteur suivant, la moisson croissante de planètes extrasolaires, depuis la découverte de la première d’entre elles en 1995, laisse penser qu’au moins la moitié des étoiles sont accompagnées. Après cela, on entre dans la zone du doigt mouillé… Le nombre moyen de planètes situées dans la zone d’habitabilité de leur étoile (c’est-à-dire, comme la Terre, suffisamment près de leur soleil pour que l’eau y soit liquide, mais assez loin pour que la température ambiante soit acceptable) pourrait être de 2 selon Frank Drake. Pour la valeur suivante, à savoir le pourcentage de ces planètes sur laquelle la vie s’est effectivement développée, des chercheurs australiens ont affirmé que cette proportion dépassait 13% dès lors que la planète était stable sur plus d’un milliard d’années. Faisons-leur confiance et mettons un généreux 20%. Frank Drake a estimé à 1% la fraction de ces planètes où une vie intelligente a pris place. Pourquoi pas ? Nous n’avons qu’un seul exemple connu, le nôtre, et il est bien difficile de généraliser. Idem pour la fraction de planètes communicantes et la fraction de planètes technologiques vivant peu ou prou en même temps que nous (je dis “peu ou prou” car, en raison de la vitesse finie à laquelle voyagent la lumière et les ondes électromagnétiques, nous pouvons parfaitement entendre les signaux d’une civilisation disparue depuis des siècles, si sa planète est loin de la Terre). Pour la première, Drake a écrit 1% et pour la seconde un millionième. Ce dernier chiffre est plutôt optimiste car il sous-entend que les civilisations technologiques survivent dix millénaires…
Au bout du compte, l’équation de Drake me donne 400 planètes, dans toute la Galaxie, susceptibles de communiquer avec nous. Il faut noter que ce résultat est bien plus bas que les premières approximations. Ainsi, il y a trente ans, le célèbre astronome américain Carl Sagan (1934-1996), en plus d’attiser ma curiosité pour le Cosmos avec sa formidable série télévisée du même nom, estimait-il possible que la valeur de “N” soit de plusieurs millions. Seth Shostak, quant à lui, s’accroche au nombre de 10.000 avancé par Frank Drake en personne. L’astronome en chef du SETI Institute pense qu’avec le Allen Telescope Array, un réseau de petits radiotélescopes dont il dispose désormais, et la puissance toujours croissante des ordinateurs, détecter une civilisation communicante n’est qu’une question de temps… A condition que ses hypothèses de départ soient correctes.
L’équation de Drake est en effet intéressante en ce qu’elle souligne à quel point nous ne savons rien des autres mondes. Et c’est en réalité exactement ce que son auteur voulait qu’elle soit lorsqu’il l’écrivit en 1961 à l’occasion de la réunion qui allait donner naissance à SETI : un cadre de travail pour tous ceux qui s’intéresseraient à la recherche d’une vie extra-terrestre. En la lisant, on a l’impression d’avancer étape par étape, de zoomer virtuellement vers E.T. Ceux qui, comme Paul Myers, l’auteur de l’excellent blog Pharyngula, critiquent cette formule oublient qu’il ne s’agit pas réellement d’un outil de science. Juste d’un pense-bête des questions à explorer.
Pour être honnête, l’équation de Drake permet aussi à Seth Shostak de justifier, un peu facilement, le programme SETI d’écoute des signaux radio venus de l’espace… Néanmoins, je ne lui jette pas la pierre. Je me souviens être allé interviewer Jill Tarter, la responsable de ce programme, au radio-télescope d’Arecibo (Porto-Rico), le plus grand du monde avec son antenne géante de 305 mètres de diamètre. Plusieurs heures durant, celle qui a servi à Carl Sagan de modèle pour son roman Contact (transposé au cinéma avec Jodie Foster dans le rôle principal) m’avait expliqué tous les détails de sa quête avec une conviction que j’ai rarement vue. Jill Tarter et ses collègues de SETI veulent ni plus ni moins répondre à une des plus vieilles interrogations de l’humanité : sommes-nous seuls dans l’Univers ?
Pierre Barthélémy
Post-scriptum 1 : malheureusement, l’article que j’avais écrit sur Jill Tarter et SETI, publié dans Le Monde 2 sous le titre de “E.T. y es-tu ?” ne se retrouve pas dans les archives du site Internet du Monde. Et je n’en ai hélas pas de copie papier ni au format pdf.
Post-scriptum 2 : je me souviens de ma première rencontre avec l’équation de Drake. J’ai rempli toutes les cases au “pif”. J’ai trouvé la valeur 1. Il n’y avait, avec les paramètres que j’avais fournis, aucune autre planète communicante que la nôtre… Si vous voulez vous prêter au jeu, la formule de Drake sur Internet est ici.
No comment,
JM
Je pense qu’il est inutile d’aller chercher aussi loin dans le cosmos s’il existe un signal extra-terrestre… il faut déclassifier plutôt les dossiers “secret-defense” de la plupart des gouvernements occidentaux comme l’a fait le gouvernement britannique il y a peu concernant les OVNI. En parcourant ces dossiers, je suis tombé sur le cas d’un OVNI faisant 20 fois la taille d’un terrain de football… j’ai moi-même été témoin d’un OVNI et je l’ai photographié, personne n’a été en mesure de me dire ce que ça peut être…ça se trouve les OVNI se manifestent chaque jour dans notre quotidien et le SETI cherche un hypothétique signal à je ne sais combien d’années-lumière de la terre…c’est un peu ridicule.
[…] Lire la suite […]
Bien comme article.
Qques remarques :
– pourquoi une civilisation ayant par exemple 1 million d’année d’avance sur nous , et des milliards de gens disparaitrait-elle ? Même malgrés des guerres & catastrophes, il est probable qu’ils soient assez répendus dans la galaxie
– colonisation ? terraforming ? OK il n’y a peut-être que 400 ‘berceaux’ de vie intelligentes, mais en leur donnant 1000 ans, 1 milliard d’année, on peut raisonnablement penser qu’ils ont colonisés d’autres systemes… et émettent de la bas…
(ps : notre Galaxie a des planetes depuis pffff plus de 10 milliard d’années)
– quel intérrêt aurait une civilisation ayant par ex. 1 million d’année sur nous à se faire connaitre par nous ? Nous même ‘laissons’ les indiens & indigènes évoluer sans nous en Amazonie. Le concept de ‘Prime Directive’ de Star trek pourrait très bien être appliqué par les ET. Ce serait même le plus sage… Ne pas contacter/contaminer/changer l’évolution naturelle d’autres civilisations pas assez évoluées. Tant que les humains ne vont pas sur d’autres étoiles… on représente pas de danger : autant se désitéresser de nous.
Bon, je me calme, j’ai pliens d’autres suggestions/questions : mais personne pour me répondre, alors…
[…] Source : SETI Institute (via Slate) […]
On ne sait en effet vraiment pas grand chose sur ces sujets. C’est à mon sens la plus grande justification du programme SETI.
Pour Bernard, les hypothèses sont plausibles j’en ajouterai une autre:
– une autre intelligence / civilisation pourrait être si différente de nous … qu’elle utiliserait des canaux de communication que nous ne connaissons pas.
L’idéal serait d’envoyer un téléscope en dehors de la zone d’influence du soleil. Il doit brouiller un peut les signaux 🙂 avec son champ magnétique…
Une sorte de répétiteur, qui emplifie les signaux reçus & nous les renvois (pas laser ?)
Bien sur : il lui faudrait une sacré source d’énergie pour tenir des années…
S’il est possible d’envoyer des signaux en utilisant autre chose (de plus rapide) que des photons/lumière : OK on va les ratter.
Par contre, il devrait avoir un paquet de trucs intéressants repérable (ondes radio & autre, et aussi ‘vrai images de planetes’). Il faut juste pointer un objectif assez puissant & surveiller les bonnes fréquences…
A propos des ET : je vote pour écouter. Mais pour diffuser notre présence le moins possible 🙂
À noter que N≥1 (puisque nous sommes – pour l’instant – là).
@ Bernard : ne pas diffuser notre présence ?
Trop tard avec la TV il y a des ondes plein la galaxie…
est ce que le nom d´une personne peut determiner sa personnalité ou sa date de naissance ?
Le changement d´une identité ( date de naissance et nom) peut-il entrainer le changement du physique de la personne ?
L´identité evolue t-elle avec la personne ou vis versa
Nom d’une nébuleuse ! Je suis découvert..;
[…] Source : SETI Institute (via Slate) […]
Je ne crois pas du tout que nous ayons reçu des visites d’OVNIs car absolument rien de concrêt n’a été démontré, nous n’avons que des suppositions et des vidéos / photos douteuses, en plus de pseudo-restes de vaisseaux soit-disant utilisés par des E.T. Je pense que l’être humain est beaucoup trop “pirate” et fabuleur pour que ce qu’il raconte sur les OVNIs soit pris au sérieux. Il y a énorméments de tests scientifiques liés à l’aviation réalisés par les gouvernements et c’est ce que nous prenons pour des manifestations d’OVNIs. Ne tombons pas dans le piège et soyons réalistes, si nous avions reçu une visite nous ne serions certainement plus en vie aujourd’hui, à cause d’épidémies ou bien d’une extermination. Les seuls E.T. sont les météorites, les poussières cosmiques, etc…mais une vie intelligente j’en doute fort.
Il manque peut-être un élément dans la fameuse formule :
Combien de civilisations “communicantes” sont-elles contemporaines de la notre?
La “durée de vie” de ces civilisation peut être de 100.000 ans, ou de 1 million d’années, si elles ont existé à l’époque de “nos” dinosaures, elles ont dû disparaitre depuis belle lurette! Sans compter celles qui pourront naître dans quelques centaines de millions de nos années…
Un élément qui réduit sensiblement la possibilité d’entrer en contact avec une autre civilisation technologique…
En fait, cet élément est intégré dans la formule, dans le facteur L, qui est sans doute le plus complexe.
facteurs manquants
– proportion des signaux que nous sommes capables de comprendre: il y a a portee de main des formes de vie raisonnablement intelligentes (chimpanzés, dauphins, chiens) avec qui nous sommes généralement incapables de communiquer finement
– proportion des ET ayant une forme d’intelligence proche de la notre: un humain moyen a un QI de 100, un chimpanze moyen un QI de 60 … si ET a un QI 150 il risque de ne pas trouver notre conversation passionnante. (Il y a un autre exemple basé sur la communication entre une dame (QI 100) et un monsieur (QI 100 aussi) mais on va me traiter de sexiste alors que ce n’est que de l’humour)
[…] : SETI Institute (via Slate) Mots-clefs :Ovni Comments RSS […]
[…] Le programme SETI qui écoute le ciel à la recherche de civilisations extra-terrestres, dont j’ai déjà parlé ici, analyse essentiellement la partie radio du spectre électromagnétique. Le problème, c’est […]