Mais qui est le lapin tueur des Monty-Python ?

Le sorcier – « Ce lapin n’est pas comme les autres, il est plus sournois cruel et irascible que n’importe quel rongeur. Il atteint sa victime à 100 toises, c’est un tueur. Il ne fera qu’une bouchée de vous. Ses dents sont acérées, il bondit ! ». Moi aussi j’ai toujours bien ri. Le célèbre monstre des Monty-Python est probablement l’un des plus féroces et des plus grotesques de l’histoire du cinéma. J’ai toujours bien ri, jusqu’à hier en tout cas, quand un ami inquiet me montre une réalisation d’un taxidermiste allemand qui connait un grand succès auprès de certains de ses collègues de travail. Crocs pointus, cornes et ailes de canard, on appelle cette chimère le Wolpertinger.

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Le Wolpertinger nous vient tout droit du coin d’un feu de cheminée bavaroise. Si l’origine de ces légendes se perdent dans l’oubli, les frères Grimm en font état en 1753, et on le retrouve dans diverses gravures de la même époque. Ce féroce prédateur des noires forêts d’Allemagne s’en prenait au voyageurs égarés. Certains racontent qu’il imitait à la perfection le son de la voix humaine pour isoler ses proies.

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On retrouve des évocations correspondantes dans divers folklores : sous le nom de Dilldapp en Hesse, Rasselbock en Autriche, Skvader en Suède… Il est devenu Jackalope aux États-Unis, au gré des flux migratoires. Son homologue écossais qu’affrontent piteusement les chevaliers du rois Arthur dans « Sacré Graal », le Haggis, servait aussi de quolibet adressé par les anglais à leur cousins nordiques, barbares mangeurs de panse farcie.

 

Avec le temps la légende du Wolpertinger s’est transformée en farce, à l’image de celle du Dahu, que l’on assène aux touristes pour se moquer et les envoyer se perdre à la chasse. Pour le capturer, il faut lui saupoudrer la queue de sel. Les jeunes ne peuvent pas le voir, et il aime se manifester auprès des femmes les soirs de pleine lune. Comme le Dahu il ne peut jamais reculer, il faut donc l’effrayer pour qu’il tombe et se laisse capturer.

 

Aux États-Unis la légende du Jackalope est encore vivace. Il y est appellé lapin-combattant ou lapin-cornu quand on se réfère aux vertus aphrodisiaques du lait des femelles. On dit l’espèce éteinte, mais de nombreux témoins assurent l’avoir croisé, notamment à Douglas dans le Wyoming, où une statue de la chimère trône en centre-ville.  

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Et pour cause, la légende du Wolpertinger provient probablement de la forte impression faite aux générations passées par les lapins atteints de Papillomavirus. La maladie provoque des tumeurs noires de forme allongées sur leur corps, notamment dans la gueule et autour du cou.

Les évadés de l’île du Docteur Moreau

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Les taxidermistes du monde entier se sont divertis de tout temps à créer des chimères à leurs heures perdues, parfois pour la gloire, parfois pour entreprendre une supercherie scientifique. En 1918 un taxidermiste suédois Rudolf Granberg, réalise le premier « vrai » Wolpertinger connu, sur commande du Centre historique de préservation des espèces de la ville de Sundsvall. Il s’agissait soi-disant d’immortaliser la prise d’Håkan Dahlmark, un vieux chasseur qui prétendait avoir abattu le seul spécimen connu en 1874. Il lance alors sans le savoir un hobby qui fait toujours de vieux os : la fabrication de chimères.

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Dans les années 30 les négociants Ralph et Douglas Herrick, font fortune avec une séries de cartes postales montrant des Chimères de leur fabrication. Rapidement les trophées de lièvres cornus s’arrachent sur les étalages, ainsi que toutes sortes de réalisations toujours plus fantasques. Après guerre apparaissent les kits type « Do it yourself » (fais le toi même) et font de la taxidermie un hobby rêvé pour les dépeceurs en herbe.

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De nos jours la lyophilisation à remplacé la paille, mais la taxidermie reste largement pratiquée, malgré l’aura de morbidité dont elle pâtit. C’est un art mésestimé qui permet de peupler les musées, les photos d’art et l’imaginaire de ceux qui l’admirent. C’est aussi une industrie fort lucrative : alors qu’aux USA le marché de l’animal de compagnie naturalisé est florissant, en Bavière les Wolpertinger s’arrachent toujours à près de 150 euros la pièce

 

 

Un souvenir « trop mignon » pour agrémenter la cheminée des touristes. Si vous vous sentez le cœur trop fragile pour acheter ces créations faites en vrais morceaux d’animaux morts, sachez que certains fabricants de peluches allemands ont créé des restes synthétiques réalistes pour assembler son propre Wolpertinger sur mesure.

 

MdB

3 commentaires pour “Mais qui est le lapin tueur des Monty-Python ?”

  1. […] Ce billet était mentionné sur Twitter par Claire, CadetRoussel. CadetRoussel a dit: Chasseur d étrange » Mais qui est le lapin tueur des Monty-Python ? http://goo.gl/M9F9 […]

  2. Wow ! Quel article ! Voilà de quoi nourrir davantage mon amour de la taxidermie et de ses pratiquants !

    Et merci pour le tag 😀

  3. Pas de modèles comestibles ! ouf … y’aurait il des limites ? ….

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