Les images du volcan Plosky (plat) Tolbachik (3085 m), dans le Kamtchatka sont rares à plusieurs titres. D’abord, il s’agit d’une éruption qui a commencé le 27 novembre 2012, après 36 ans de sommeil, et qui se poursuit aujourd’hui, sans signes d’arrêt prochain, dans cette région glaciale de l’extrême est de la Russie. Ensuite, au lieu d’être essentiellement verticale, même si les projections atteignent les 3000 m d’altitude pour la fumée et la poussière et 200 m pour la lave en fusion, le volcan a détruit une grande partie de la paroi de son cratère. La “fissure” mesurerait 5 km.
De véritables torrents de lave s’en écoulent et forment des rivières rougeoyantes sur plus de 20 km de distance qui finissent par se figer et se couvrir de neige. De plus, deux autres volcans de la région Kliuchevskaya, Shiveluch et Kizimen, sont également entrés en éruption. Le 12 janvier 2013, ils ont projeté des cendres jusqu’à une altitude d’environ 6 km au dessus du niveau de la mer, selon l’Observatoire géophysique russe de la région.
Un alerte orange, c’est-à-dire de moyenne gravité, a été déclenchée vis à vis de l’aviation internationale en raison des risques engendrés par les gaz, les cendres et les particules en suspension dans l’air. On se souvient de la paralysie des transports aériens provoquée par l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll, entre mars et octobre 2010. Rien de tel avec ceux du Kamtchatka pour l’instant. Néanmoins, le rapport émis par les autorités le 12 janvier fait état de 250 secousses sismiques engendrées par le volcan Kizimen. La plus puissance a projeté des cendres à 4,4 km d’altitude.
L’absence de victimes et de danger pour les villages les plus proches permettent de goûter sans amertume la beauté des images du volcan Plosky Tolbachik. Celle d’une équipe russe semblent les meilleures à ce jour. Elle est suivie par une autre vidéo réalisée par la chaine russe en langue anglaise, RT. Un spectacle dantesque…
Michel Alberganti
lire le billetUne éruption du Mont Tongariro, en Nouvelle-Zélande, a été saisie par la caméra de GNS Science, organisme de recherche en géophysique, le mercredi 21 novembre 2012. S’il ne s’est pas produit de coulée de lave, un panache de fumée et de cendres d’environ 4 km de haut s’est échappé du cratère Te Maari, sur la face ouest de la montagne. L’éruption n’était pas attendue par les scientifiques, d’autant qu’une autre s’était produite en août 2012 après un siècle sans activité. Des randonneurs et une classe d’enfants étaient en promenade à proximité au moment de l’éruption.
Voici les vidéos les plus révélatrices de cet événement impressionnant :
Michel Alberganti
lire le billet– D’ici quelques heures ou quelques jours, nous serons 7 milliards d’humains sur Terre. Grâce à ce petit site de la BBC, vous pouvez, en entrant votre date de naissance, voir quelle taille avait la population mondiale actuelle à l’époque. Ainsi, lorsque je suis né, il y avait exactement deux fois moins d’hommes et de femmes qu’aujourd’hui. Lire également le grand article que le National Geographic avait consacré, au début de l’année, à la question de la croissance démographique. Et un dossier du Temps. Et aussi ce reportage du Monde en Inde (qui ravira bientôt à la Chine sa place de pays le plus peuplé du monde), où l’accès des femmes au planning familial reste difficile dans les campagnes.
– Il est assez rare qu’un grand quotidien consacre sa “une” à un sujet scientifique pour le signaler. Voici donc un lien vers l’enquête que Stéphane Foucart, du Monde, a réalisée sur le scandale du bisphénol A. Où l’on voit que les risques sanitaires qu’implique ce perturbateur endocrinien, bien qu’identifiés à partir des années 1990, ont été systématiquement minorés par les agences de sécurité sanitaire, sous l’influence du milieu industriel.
– L’Antarctique a longtemps été considéré comme un grand sanctuaire naturel, notamment parce qu’il est très difficile d’aller y exploiter les ressources qu’il recèle. Mais aujourd’hui, les obstacles techniques ne semblent pas aussi insurmontables si on les met en rapport avec l’argent qu’on pourrait récolter sur un territoire qui n’appartient à personne. Ainsi, la Russie a-t-elle récemment exprimé son désir de faire de la prospection pour des minerais et des hydrocarbures…
– Les chercheurs qui, avec leur découverte de neutrinos un chouïa plus rapides que la vitesse de la lumière, ont secoué le monde de la physique fin septembre, s’apprêtent à reproduire leur test, avec un autre dispositif expérimental. Sans doute cela contribuera-t-il à faire baisser la tension au sein de l’équipe de chercheurs, dont on a appris récemment que certains étaient opposés à la grande opération de communication qui a eu lieu il y a un mois tant que toutes les précautions n’auraient pas été prises et toutes les vérifications faites. Par ailleurs, les résultats n’ont toujours pas été publiés par une revue scientifique à comité de lecture.
– Une nouvelle île va-t-elle sortir de l’eau aux Canaries ? C’est la question qui se pose depuis qu’un volcan sous-marin est entré en éruption et monte vers la surface.
– La NASA a lancé avec succès le satellite NPP. Il préfigure une série d’engins qui surveilleront depuis l’espace des indicateurs-clés du changement climatique.
– Le nautile, ce magnifique céphalopode à la coquille spiralée, qui est considéré comme un fossile vivant puisqu’il n’a quasiment pas évolué depuis plusieurs centaines de millions d’années, est victime de sa beauté. Sa coquille est tellement demandée comme objet de décoration que l’animal est chassé à outrance, raconte le New York Times.
– Certains grands dinosaures herbivores entreprenaient de longues migrations saisonnières en Amérique du Nord.
– Pour finir : ma chronique “Improbablologie” de cette semaine dans Le Monde nous le prouve : les lois de l’Univers sont contre nous. Et qui a déjà fait tomber sa tartine par terre s’en apercevra : le beurre et la confiture adorent le tapis/parquet/carrelage.
Pierre Barthélémy
lire le billetC’est avec une régularité et un catastrophisme non feints que les médias s’emparent de la question des géocroiseurs, ces astres, astéroïdes ou comètes, qui présentent la particularité de passer non loin de notre Terre. Comme je l’ai déjà fait remarquer dans un précédent billet de ce blog, la course à l’apocalypse et au ciel qui va nous tomber sur la tête est un sport international, tant chez certains astronomes qui aiment bien faire parler d’eux que chez certains de mes confrères en mal de sensationnalisme. Pour une fois, cherchons les sensations fortes de fin du monde non pas dans un futur toujours hypothétique, mais dans un passe forcément révolu. En effet, il se pourrait bien que nous l’ayons échappé belle, au mois d’août 1883.
Août 1883, dans l’histoire de la science, c’est avant tout, les 26 et 27 de ce mois-là, l’éruption du volcan indonésien Krakatoa, probablement une des plus violentes que l’homme moderne ait jamais connues. Des dizaines de milliers de morts, des dégâts immenses et un panache de cendres qui ne le fut pas moins, au point que l’injection de ces particules dans l’atmosphère terrestre provoqua un abaissement de la température mondiale. Pourtant, ce cataclysme ne fut, passez-moi l’expression, que du pipi de chat, de la gnognotte, à côté de ce qui aurait pu arriver exactement deux semaines plus tôt, du moins si l’on en croit une étude mexicaine soumise pour publication à la revue Earth and Planetary Astrophysics.
Tout part d’un petit mystère de l’histoire de l’astronomie. Les 12 août 1883, José Bonilla, le directeur du tout nouvel observatoire mexicain de Zacatecas, était en train, comme tous les jours, de noter les détails de la surface du Soleil, qu’il projetait sur une feuille de papier. Comme il le rapporta plus de deux ans après dans un article publié par la revue française L’Astronomie, “à 8 heures du matin, je commençais à dessiner les taches solaires, lorsque j’aperçus tout à coup un petit corps lumineux qui pénétrait dans le champ de la lunette, se dessinait sur le papier me servant à reproduire les taches et parcourait le disque du Soleil en se projetant comme une ombre presque circulaire. Je n’étais pas revenu de ma surprise que le même phénomène se reproduisit de nouveau et cela avec une telle fréquence que, dans l’espace de deux heures, je pus compter jusqu’à 283 corps traversant le disque du Soleil.”
Pendant qu’un assistant tient le décompte des objets passant rapidement (en une seconde maximum, mais souvent moins) devant notre étoile, José Bonilla prend des photographies du phénomène, que certains ufologues assimilent aujourd’hui comme les premiers clichés de vaisseaux extraterrestres… L’astronome mexicain fait les remarques suivantes : ” Bien que, dans la projection et à simple vue, tous les corps parussent ronds ou sphériques, on remarque dans les diverses photographies que les corps ne sont pas sphériques, mais pour la plupart de formes irrégulières. J’ai dit que, dans la projection du champ de la lunette, ces corps paraissaient lumineux et dégageaient comme des traînées brillantes ; mais qu’en traversant le disque solaire, ils paraissaient opaques. En observant avec attention la photographie et le négatif, on note un corps entouré d’une nébulosité et de traînées obscures qui, dans le champ de la lunette et en dehors du disque, paraissaient brillantes.” Le lendemain, rebelote : pendant les trois quarts d’heure durant lesquels les nuages ne l’empêchent pas de voir le Soleil, l’astronome mexicain continue de repérer le passage rapide de petits objets. La veille, après ses premières observations, José Bonilla a eu la présence d’esprit de télégraphier à ses collègues de Mexico et de Puebla, villes situées à plusieurs centaines de kilomètres, mais ceux-ci n’ont rien remarqué.
Dans son article, l’astronome ne formule pas d’hypothèse quant à la nature de ces corps. Ses successeurs de 2011, eux, ont été surpris par la description qu’il a faite du phénomène. Ces “nébulosités” et ces “traînées” évoquent, selon eux, une comète qui se serait brisée en de multiples fragments, comme cela arrive parfois. En partant de cette idée et avec les éléments fournis par Bonilla dans son compte-rendu, les trois auteurs de l’étude soumise à Earth and Planetary Astrophysics ont calculé les différents paramètres de cette hypothétique comète. Si celle-ci a été vue à Zacatecas mais pas à Mexico ni à Puebla, c’est qu’elle est passée très près de la Terre. Mais à quelle distance exactement ? En s’appuyant sur le fait que les objets traversaient le disque solaire en une seconde maximum et en connaissant les vitesses “normales” des comètes, ils ont calculé une fourchette allant de 538 à 8 062 kilomètres d’altitude, ce qui, dans les deux cas, est vraiment très peu. S’il s’agit bien des fragments d’une comète, ils nous ont frôlés de près.
Ensuite, grâce aux photographies, ces chercheurs ont pu mesurer la taille apparente de ces morceaux. S’ils étaient à 538 km, ils faisaient 46 mètres de large sur 68 et s’ils passaient à 8 062 km, leurs dimensions étaient forcément plus imposantes : 682 sur 1 022 mètres. Si l’on considère que cette comète était essentiellement faite de glace, on aboutit à des masses de 558 000 tonnes par morceau dans l’hypothèse basse et à 2,5 milliards de tonnes dans l’hypothèse haute. Toujours grâce au récit de Bonilla, il a été possible d’estimer le nombre total de fragments, sur les deux jours, à un peu plus de 3 000. Si l’on multiplie ce nombre avec la masse estimée de chaque fragment, on arrive à reconstituer la masse de la comète avant sa dislocation : celle-ci aurait été comprise entre 1,8 et 8 200 milliards de tonnes, une fourchette cohérente pour une comète. Evidemment, si un tel corps avait percuté la Terre, il s’en serait suivi un cataclysme comparable à celui qui a conduit les dinosaures à leur fin, il y a 65 millions d’années.
On peut se demander pourquoi José Bonilla fut le seul astronome à voir le phénomène au cours de ces deux jours. Si l’hypothèse de la comète rasant la Terre est juste, seuls les observatoires situés à la même latitude que celui de Zacatecas avaient une chance de capturer l’astre errant. Or, il faut bien reconnaître, en regardant une carte, que cette latitude n’est pas le paradis des observatoires : les océans Atlantique et Pacifique l’occupent en grande partie, ainsi que les déserts du Sahara et d’Arabie. Restent l’Inde et une partie de l’Asie du Sud-Est, qui n’étaient pas forcément passionnés d’astronomie à l’époque… Mais il existe peut-être une autre explication à cette observation unique, avancée par la rédaction de la revue L’Astronomie en réponse à l’article de José Bonilla : “Nous serions portés à croire qu’il s’agit là d’oiseaux, d’insectes, ou de poussières supérieures, en tout cas de corpuscules appartenant à notre atmosphère.” Ce ne serait pas la première fois que l’on prendrait des oiseaux pour des étoiles filantes ou des ovnis… C’est à ce genre d’histoire que l’expression “tirer des plans sur la comète” prend une nouvelle saveur.
Pierre Barthélémy
lire le billet– Découverte en 1846, la planète Neptune, la plus éloignée du système solaire, vient de boucler sa première révolution depuis cette date. Un tour de Soleil qui lui a pris 165 ans. Pour rappel, la liste des planètes ne compte plus que 8 représentantes depuis que Pluton en a été exclue en 2006.
– Selon The Fiscal Times (je sais, j’ai parfois de curieuses lectures), la révolution des robots est en marche. Et la première victime pourrait bien être votre travail… De quoi entretenir le renouveau du luddisme.
– J’avais signalé, en juin, l’éruption du volcan chilien Puyehue. Le Boston Globe propose un magnifique portfolio sur les paysages environnants, recouverts de cendres. Certains clichés ont une atmosphère de fin du monde.
– Alors que la navette spatiale américaine effectue son dernier vol, Popular Science récapitule ce que les “shuttles” nous ont apporté dans la vie de tous les jours, d’un complément nutritionnel que l’on retrouve dans les aliments pour bébés à certains outils de désincarcération utilisés par les pompiers.
– Aux Etats-Unis, un nouvel herbicide est soupçonné de tuer les arbres.
– Les escargots aussi prennent l'”avion”. Des chercheurs nippons ont en effet constaté que 15 % des gastéropodes ingérés par un oiseau, le zostérops du Japon, survivaient à la digestion et reprenaient le cours de leur vie une fois relâchés avec les excréments. En ayant parfois parcouru de longues distances par la voie des airs.
– Les diamants n’aiment pas les UV qui leur arrachent des atomes. C’est évidemment insuffisant pour vous empêcher de sortir avec vos rivières de diamants et vos solitaires mais cette propriété pourrait intéresser les spécialistes des nanotechnologies désireux de sculpter très finement la surface de ces cristaux de carbone.
– Pour finir : une historienne équatorienne pense être sur la piste de la momie d’Atahualpa, le dernier empereur inca tué par les conquistadores espagnols en 1533.
Pierre Barthélémy
lire le billet– Je ne suis pas un inconditionnel des anniversaires mais certains valent la peine qu’on en parle. Il y a 30 ans, une étrange épidémie fait son apparition aux Etats-Unis. La pandémie due au virus du sida va tuer au moins 25 millions de personnes depuis 1981. Aujourd’hui, les antirétroviraux, dans les régions du monde où ils sont facilement disponibles, ont fait reculer la maladie en stoppant la prolifération du virus dans l’organisme. Mais ce n’est en aucun cas une guérison et, comme l’a rappelé Barack Obama le 2 juin, il ne faut pas baisser la garde. Time fait la liste des jalons qui ont marqué ces trois dernières décennies.
– Pendant ce temps-là, en Europe, les autorités sanitaires courent après une forme dangereuse de la bactérie E. coli, qui a tué 19 personnes.
– Au cas, peu probable, où cela vous aurait échappé, l’OMS a classé les téléphones portables, ainsi que les sans-fil, dans la catégorie des produits “peut-être cancérogènes”.
– Le Temps consacre un long article au projet Desertec qui consiste à implanter d’immenses centrales solaires dans les zones désertiques d’Afrique du Nord et du Proche-Orient puis d’acheminer l’électricité produite en Europe. Dans un contexte énergétique tendu (post-Fukushima, pétrole de plus en plus rare, gaz de schiste controversés), l’idée gagne des soutiens.
– Comment, dans un contexte de réchauffement climatique, la planète a de plus en plus de mal à produire de quoi nourrir les hommes. Une enquête du New York Times. La BBC évoque également le problème. Cela n’a pas grand chose à voir mais une énième étude montre que les récifs coralliens souffrent énormément de la montée des températures. Au fait, 2010 a été l’année où l’homme a émis le plus de dioxyde de carbone…
– C’était le dernier vol d’Endeavour. Et quand Atlantis aura effectué son ultime voyage en juillet, les navettes spatiales américaines prendront leur retraite.
– Au Chili, l’éruption du volcan Puyehue provoque l’évacuation de 3 500 personnes.
– Pour terminer : il y a peu, je vous parlais de ces corbeaux que l’armée américaine avait envisagé d’utiliser pour retrouver Oussama ben Laden ; aujourd’hui, la police allemande dresse des vautours pour retrouver des cadavres dissimulés dans la nature. Retrouveront-ils le corps du leader d’al-Qaïda ?
Pierre Barthélémy
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Comme vient de le confirmer tragiquement la catastrophe du 11 mars au Japon, l’immense majorité des tsunamis enregistrés dans le monde se produisent dans le Pacifique. L’océan Indien et la Méditerranée ont aussi eu leur lot, que ce soit avec le séisme de Sumatra en 2004 ou avec celui de 365 en Crète, qui ravagea Alexandrie. Pour ce qui concerne l’Atlantique, si l’on met de côté le tremblement de terre de Lisbonne de la Toussaint 1755 qui fut suivi d’un tsunami, peu d’événements majeurs sont à noter. Et pourtant, si l’on en croit plusieurs études, c’est peut-être là qu’un méga-tsunami se prépare. Plus précisément sur l’île de Palma (voir photo satellite ci-dessous), dans l’archipel des Canaries.
Comme l’expliquaient en 2001, dans un article publié par la revue scientifique Geophysical Research Letters, l’Américain Steven Ward et le Britannique Simon Day, le flanc ouest du volcan Cumbre Vieja, situé sur cette île, est instable et pourrait, à la suite d’une future éruption, s’écrouler dans l’océan. Dans le pire des scénarios que ces deux chercheurs ont retenu, c’est un énorme morceau long de 25 km, large de 15 et épais de 1 400 mètres qui se détacherait, soit un total de 500 kilomètres cubes de terres et de roches. Pour donner un ordre de grandeur, c’est à peu près l’équivalent du volume de 200 000 pyramides de Khéops. Beaucoup, donc.
Selon Ward et Day, si cette chose tombe dans l’océan, le déplacement de la masse d’eau va créer un méga-tsunami. Leur modélisation montre qu’un dôme d’eau de 900 mètres de haut se forme (soit un peu moins de trois fois la hauteur de la tour Eiffel), qui va donner naissance à un train d’ondes colossal. Les Canaries seraient évidemment les premières touchées. Hormis Palma, qui pourrait faire face à une vague de plusieurs hectomètres de haut, les îles d’El Hierro et de La Gomera verraient arriver des déferlantes pouvant dépasser les cent mètres. Ténérife serait également touchée par une vague de plus de 60 m. Le Sahara occidental constituerait la victime suivante, avec une montagne d’eau frôlant les cinq décamètres. L’île de Palma ayant fait bouclier, l’onde ne serait pas trop méchante avec les pays européens, les plus exposés étant l’Espagne et l’Angleterre, avec des vagues de 5 à 7 m. Vers l’ouest, en revanche, rien ne viendrait arrêter le tsunami et la déperdition due à la distance ne serait pas si grande qu’on pourrait l’imaginer. Ainsi, la simulation utilisée par les auteurs de l’étude montre que le sud de la Floride, Miami compris, serait noyé sous des vagues de 20 à 25 m !
Cette modélisation et ses résultats ont donné lieu à de nombreuses critiques qui les trouvaient exagérés. Pourtant, l’idée d’une vague de plusieurs centaines mètres de haut n’est pas folle. Le 8 juillet 1958, dans la baie de Lituya, en Alaska, un mur d’eau de plus d’un demi-kilomètre d’altitude, créé par un glissement de terrain consécutif à un tremblement de terre, a dévasté un fjord, comme le raconte la vidéo ci-dessous :
La conformation très particulière de cette baie ne ressemble toutefois pas à celle de l’océan ouvert. La principale question qui s’est posée après la publication de l’étude de Steven Ward et Simon Day était de savoir si la vague initiale pouvait traverser l’Atlantique en conservant une telle ampleur. En 2008, une modélisation différente et plus poussée, intégrant davantage de paramètres, a été publiée dans le Journal of Geophysical Research. Réalisée par une équipe norvégienne, cette étude estime pour commencer que le volume des 500 km3 retenu comme limite supérieure dans l’éventuel glissement de terrain de La Palma n’est pas imaginable et qu’il vaut mieux prendre 375 km3 comme barre haute. De plus, ses auteurs montrent que la propagation du tsunami ne se ferait pas aussi bien que Ward et Day l’avaient assuré.
Malheureusement, pour les îles Canaries, cela ne changerait pas grand chose, avec des vagues gigantesques synonymes d’apocalypse. Pour les autres régions, les estimations sont revues à la baisse, mais pas forcément de manière drastique. Voici les chiffres : Sahara occidental, 37 m ; Sénégal, 13,9 m ; Portugal, 7,8 m ; Cap Vert 33 m ; Madère, 40 m ; Açores 29 m ; Guyane, 14,7 m ; nord du Brésil, 15,3 m ; Floride 9,5 m ; nord des Etats-Unis 4,6 m. Autant dire que les îles de l’Atlantique seraient dévastées, ainsi que les côtes nord-est du continent sud-américain. Pour ce qui est de la Floride, même si la vague attendue a diminué de plus de la moitié, elle reste effrayante quand on sait que cette péninsule n’est pas très élevée au-dessus de la mer.
Il faut néanmoins garder à l’esprit qu’il s’agit là des chiffres correspondant au scénario le plus pessimiste. Il se peut que le volume de terrains décrochés soit nettement inférieur car au cours du dernier million d’années, plusieurs de ces événements se sont produits avec des volumes compris en moyenne entre 50 et 200 km3. Il se peut aussi que ce glissement de terrain ait lieu seulement dans plusieurs milliers d’années, voire davantage. Comme le disait, non sans humour, le Danois Niels Bohr, un des pères de la mécanique quantique et Prix Nobel de physique en 1922, “la prédiction est un exercice très compliqué, spécialement quand elle concerne le futur.”
Pierre Barthélémy
(Crédit de la photo d’ouverture, prise dans le Pacifique ce 13 mars :
REUTERS/U.S. Navy photo by Mass Communication Specialist 3rd Class Dylan McCord)
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