Les SMS ont-ils contaminé votre cerveau ?

Selon ABI Research, un cabinet d’études spécialisé dans les nouvelles technologies, il s’enverra plus de 7 000 milliards de SMS dans le monde au cours de l’année 2011. Etant donné que la population de la Terre aura, d’ici au 31 décembre, passé la barre des 7 milliards d’individus, cela fera une moyenne de 1 000 SMS par personne. Même s’il existe encore bien des récalcitrants (comme l’auteur de ces lignes…), il est indéniable que la pratique du texto se répand de plus en plus. Mais jusqu’où ? De la même manière que l’on a pu dire que Google et Internet modifiaient notre façon de lire, de mémoriser et de penser, peut-on prétendre que les SMS se sont immiscés dans notre cerveau au point d’y laisser une insidieuse empreinte ?

Si l’on en croit une étude réalisée par Sascha Topolinski et publiée dans le numéro de mars de Psychological Science, la réponse est oui. Pour le prouver, ce chercheur en psychologie à l’université allemande de Wurtzbourg a, avec ses étudiants, concocté une série de petites expériences aux résultats troublants. Dans la première, il était demandé à deux groupes comptant chacun plusieurs dizaines de personnes, de composer des suites de chiffres, pour le premier groupe sur un clavier d’ordinateur, pour le second sur un téléphone portable dont les touches ne comportaient que les chiffres, et pas les lettres associées selon le standard international E.161 (voir photo ci-dessous).

Après avoir entré les chiffres, les cobayes des deux groupes devaient ensuite regarder un écran sur lequel apparaissait un mot et devaient, le plus vite possible, dire si c’était un mot existant ou inventé. Il se trouve que, de temps en temps, les chercheurs glissaient des mots qui auraient pu être composés, en mode SMS, par la suite de chiffres qu’ils venaient de saisir. Par exemple, le 5683 qui figure sur la photo ci-dessus correspond au “code” du mot anglais “love” (“amour” en français, pour ceux qui sont encore plus réfractaires à la langue de Shakespeare que je ne le suis à l’utilisation des SMS). Dans la langue de Molière, cette suite peut donner le mot “joue” car les touches des téléphones ne sont pas bijectives : à une touche ne correspond pas une lettre mais trois ou quatre. Lorsque le mot “collait” à la suite de chiffres, ceux qui avaient tapé celle-ci sur un portable répondaient un peu plus vite que ceux qui l’avaient composée sur un clavier d’ordinateur. D’une certaine manière, l’action physique d’appuyer sur les touches d’un téléphone activait le mode SMS dans le cerveau des utilisateurs… Aucun n’a d’ailleurs deviné le but de l’expérience et les cobayes croyaient qu’il s’agissait d’un test d’ergonomie.

Pour la deuxième expérience, Sascha Topolinski a voulu aller plus loin. Il a demandé à un autre groupe de volontaires de composer des suites de chiffres sur le téléphone puis d’évaluer si la combinaison de ces chiffres était agréable ou pas. Dans un pré-test effectué sans portable, les cobayes n’avaient vu aucune différence significative entre ces combinaisons. Tout a changé dès qu’il a fallu tapoter des touches de téléphone. Les combinaisons 242623, 373863, 54323, 787263, 87286, 87383, 94373 et 242763 ont été plus appréciées que les suites 26478, 24267, 37825, 35363, 57473, 534243, 7245346 et 8375878. Il faut dire que les premières, en langage SMS, correspondaient aux mots allemands signifiant “chance”, “ami”, “amour”, “plage”, “rêve”, “fidélité”, “prairie” et “charme”, tandis que les secondes codaient pour des mots à connotation négative : “crainte”, “chaos”, “pression”, “malheur”, “crise”, “cadavre”, “bave” et “perte”. Encore une fois, les participants à l’expérience, avec un clavier sans lettres, n’avaient aucun moyen de deviner, si tant est qu’ils y aient pensé, les mots qu’ils pouvaient bien taper… C’est un peu comme si les suites de mouvements réalisées pour entrer les combinaisons de chiffres renvoyaient, dans les profondeurs du cerveau, au souvenir du sentiment ressenti lorsque ces combinaisons avaient été saisies par le passé. Ce que Sascha Topolinski nomme l’“incarnation cognitive”. Des études ont montré que demander à quelqu’un de sourire va induire une sensation d’amusement, qu’un poing levé engendrera une sensation de pouvoir et que des mouvements lents seront associés à l’idée de vieillesse.

Dans une troisième et dernière expérience qui complète les deux précédentes, les participants devaient composer huit numéros de téléphone, correspondant à huit sociétés (fictives) : un fleuriste, une agence matrimoniale, une boutique de cadeaux, etc. Pour quatre des sociétés, le numéro de téléphone codait, en langage SMS, pour l’activité, par exemple 25863 (“blume”, fleur en allemand) pour le fleuriste, 54323 (“liebe”, amour) pour l’agence matrimoniale, etc. Pour les quatre autres, les combinaisons de chiffres ne renvoyaient à aucun mot. A chaque fois, les cobayes étaient mis en relation avec un répondeur qui donnait des variantes du même message, seule changeant la description de l’activité. Au bout des huit appels, les participants devaient noter l’attractivité de la société sur une échelle allant de 0 à 10. Sans grande surprise au vu des résultats précédents, quand l’activité était codée dans le numéro de téléphone, la note était légèrement meilleure, quelle que fût, d’ailleurs, l’activité. L’entreprise de pompes funèbres était ainsi plus appréciée quand le mot “cadavre” en langage SMS était caché dans son numéro de téléphone !

Les effets, faibles, de ce phénomène d’incarnation cognitive semblent néanmoins significatifs. Appuyer sur les touches du téléphone active inconsciemment, dans le cerveau de ceux qui pratiquent l’art du texto, des concepts concordant avec les combinaisons saisies. De quoi donner des idées aux spécialistes du marketing. Longtemps ont été privilégiés les numéros de téléphone faciles à retenir. Peut-être le temps est-il venu des numéros codés, intégrant des messages subliminaux en langue SMS…

743773 Barthélémy

 

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Votre démarche dit qui vous êtes

La biométrie, technologie d’identification des personnes grâce à leurs caractéristiques physiques uniques, s’est longtemps focalisée sur deux parties de nos corps : les mains et le visage. On pense bien sûr en tout premier lieu aux empreintes digitales, dont l’utilisation à des fins policières remonte au XIXe siècle. Mais d’autres mesures et techniques servent à différencier un individu de son prochain, comme la géométrie de la main ou ses motifs veineux, la structure du visage, la reconnaissance de la voix, de l’iris, de la rétine, la dynamique de la signature ou encore la manière dont on tape sur un clavier d’ordinateur. La plupart de ces solutions biométriques nécessitent la participation active de la personne dont on souhaite vérifier l’identité : il faut mettre son doigt sur un capteur, ses yeux devant une caméra, sa main dans un appareil, etc. Dès que les policiers, douaniers et autres représentants de l’ordre veulent identifier des personnes dans une foule de manière discrète et non invasive, seule la reconnaissance du visage peut fonctionner, via les caméras de surveillance. Mais cette technologie a ses limites, notamment si la lumière est très mauvaise ou si les gens se promènent tête baissée. C’est pour cette raison qu’elle est généralement implantée aux points de contrôles, que ce soit dans les aéroports ou dans les stades.

Difficile, donc, d’identifier des personnes sur un quai de métro ou dans une salle des pas perdus… A moins qu’on ne tente de les reconnaître non pas avec leur visage mais avec… leur démarche. Une approche paradoxale car, en apparence, comme le suggère la chanson (“la meilleure façon de marcher, c’est encore la nôtre, c’est de mettre un pied devant l’autre et de recommencer”), rien n’est plus banal que de marcher. Le talon se pose le premier, le pied se déroule vers l’avant puis se soulève sur sa plante et l’on pousse jusqu’au bout des orteils (voir photo ci-dessous).

Pourtant, derrière cette banalité répétitive, il existe une infinité de petites variantes et chacun, en fonction de ses caractéristiques corporelles et de la manière de mouvoir ses membres, a une démarche qui lui est propre. Les humains sont d’ailleurs assez doués pour reconnaître leurs proches à leur façon de se déplacer. Toute la question est de savoir si une machine est capable d’effectuer cette tâche sans se tromper ?

Plusieurs études ont déjà été réalisées à ce sujet. Pour ce faire, les chercheurs ont installé des réseaux de capteurs de pression dans le sol et y ont fait marcher des volontaires, pieds nus, pour une meilleure précision. Les taux de reconnaissance ont été assez bons, entre 80 et 85 % pour la plupart, avec quelques pointes au-dessus des 90 %. Toutefois, dans une étude publiée le 7 septembre par la revue Interface, une équipe internationale souligne que les échantillons testés jusqu’à présent étaient relativement faibles (au maximum 30 personnes) et a fait le pari de tenter l’expérience avec plus de 100 personnes. Cent quatre cobayes ont donc été recrutés qui ont chacun fait dix pas, cinq du pied droit et cinq du pied gauche, sur un sol suffisamment truffé de capteurs de pression pour obtenir des images avec une résolution de 5 millimètres (voir ci-dessous).

La dynamique de chacun de ces pas, la pression exercée par chaque centimètre carré, la forme du pied, toutes ces données ont été enregistrées et passées à la moulinette d’un algorithme optimisé. Sur les 1 040 pas testés, le programme mis au point par l’équipe en a reconnu 1 036 sans se tromper (519/520 pour le pied droit, 517/520 pour le pied gauche), soit un taux de réussite de 99,6 %. Le genre de chiffre qui commence à plaire aux spécialistes de la biométrie. Le hic, c’est que l’on va rarement pieds nus dans le métro ou à l’aéroport. La prochaine étape sera donc de tester la technique avec des chaussures, ce qui risque de réduire la précision des mesures (ou bien obliger les chercheurs à travailler sur plusieurs pas). De plus, on ne marche pas de la même façon en tongs qu’en talons aiguilles… Enfin, contrairement à ses empreintes digitales, il est possible de modifier sa démarche pour ne pas être reconnu.

Rappelez-vous, l’un des plus grands méchants de cinéma des années 1990, Keyser Söze (voir la scène finale mythique de The Usual Suspects ci-dessus), faisait semblant de boîter…

Pierre Barthélémy

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Et si E.T. nous voulait du mal ?

Dans le film E.T. de Steven Spielberg, l’extra-terrestre à grosse tête veut “téléphoner maison”. A priori, c’est pour rentrer chez lui et faire un rapport scientifique sur la Terre. L’histoire gentillette et fédératrice ne nous dit pas ce qui se passe après. Après ce premier contact, bien sûr les extraterrestres reviennent. Le tout est de savoir si c’est en pacifistes, version Rencontres du troisieme type (du même Spielberg) ou bien avec des intentions nettement plus hostiles, dans le style Mars Attacks ! (photo ci-dessus) ou dans celui, moins drôle et nettement plus angoissant, de L’Invasion des profanateurs. Une problématique de pure science-fiction ? Pas seulement.

Nous considérons depuis longtemps qu’un des plus grands événements de l’histoire de l’humanité sera ce fameux “contact” avec une civilisation extra-terrestre et cela fait un demi-siècle que nous “écoutons” les étoiles à l’aide de radio-télescopes. Le plus connu de ces programmes est celui du SETI Institute (SETI pour Search for Extraterrestrial Intelligence, Recherche d’une intelligence extraterrestre en français), dont j’ai déjà parlé sur ce blog. Mais la communication marche dans les deux sens. Depuis l’invention de la radio puis de la télévision, nous émettons vers l’ailleurs les preuves de notre existence technologique. Et même si nous ne disions rien, la relative puissance de notre civilisation serait détectable pour des astronomes extra-terrestres : les flashes des différentes explosions atomiques qui ont eu lieu à la surface de la Terre se promènent à la vitesse de la lumière dans l’espace interstellaire. Autre indice décelable, la modification de la composition de l’atmosphère terrestre sous l’action de notre vie moderne, et notamment la hausse rapide de la teneur en dioxyde de carbone.

Donc, si cela se trouve, les extra-terrestres sont déjà en route… Alors, amis ou ennemis ? Dans un article d’une trentaine de pages publié par la revue Acta Astronautica, trois chercheurs américains se donnent pour objectif de répondre à la question, en essayant d’envisager toutes les possibilités. Ce qui est compliqué étant donné que nous n’avons pas l’assurance que les systèmes de valeurs morales des extra-terrestres ressemblent aux nôtres… Mais quand même, trois scénarios principaux sont retenus. Tous partent du principe que les autres civilisations technologiques seront plus avancées que la nôtre. Logique si l’on considère, comme les auteurs, que “les humains et la technologie humaine sont des phénomènes relativement récents dans l’histoire de la Terre”. Pour résumer, le premier scénario nous est bénéfique : les extra-terrestres sont sympathiques et généreux, ils partagent avec nous leur savoir philosophique, mathématique et scientifique, nous donnent des conseils pour éviter toute catastrophe écologique et enrayer le réchauffement climatique. Et j’imagine qu’ils reçoivent le prix Nobel de la paix. Youkaïdi, youkaïda, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Deuxième scénario : E.T. sait que nous sommes là mais il joue le bel indifférent. Une hypothèse qui passionnera les fans des théories du complot car les extra-terrestres nous observent tout en se cachant de nous. Soit ils sont trop loin et n’ont pas les moyens de nous rendre visite, soit ils n’ont aucune envie de communiquer avec nous, ce qui serait un peu normal s’ils ont réussi à décrypter les programmes télé que nous leur envoyons depuis des décennies. J’imagine sans peine l’effet de “L’île de la tentation” ou des deux mille épisodes d’un “soap opera” brésilien sur le cerveau d’un chercheur extra-terrestre. Juste envie de débrancher le radiotélescope.

Troisième et dernier scénario : E.T. ressemble davantage à Alien qu’à un Bisounours sans poils et se moque pas mal de faire voler les vélos d’adolescents américains. Lui, ce qu’il veut, c’est les bouffer (les gamins, pas les vélos) ou bien les réduire en esclavage. Il pourrait considérer la Terre comme une station-service sur sa voie de la conquête galactique. Il s’y arrête pour faire le plein de carburant, de protéines, d’animaux humains de compagnie, pour faire un safari en plein New-York et jouer avec les potes à qui dégommera le plus de bipèdes. Autre possibilité, tout aussi réjouissante : que les extra-terrestres soient bienveillants en général, mais nous considèrent comme potentiellement nuisibles (leurs chercheurs ont analysé des décennies de journaux télévisés et le verdict est sans appel). Partant du principe qu’il vaut mieux prévenir que guérir, ils décident de nous écraser avant que, pareils à un nuée de criquets, nous nous mettions à proliférer dans la galaxie et à dévaster tout sur notre passage.

Détruire la Terre, oui, mais comment ? Les scénaristes de science-fiction ont la réponse toute trouvée : on construit une Etoile de la mort dotée d’un laser capable de désintégrer une planète, sort tragique que subit Alderaan, la planète de la princesse Leïa dans Star Wars : épisode 4 – Un nouvel espoir (voir la vidéo ci-dessous) :

La destruction d’Alderaan constitue un très beau cas d’école. Selon la fiche Wikipedia consacrée à cet astre imaginaire, cette planète est une quasi-jumelle de la Terre. Elle n’a qu’un seul soleil dont elle en fait le tour en 364 jours. Le jour dure 24 de nos heures. Etant donné son inclinaison de 23° par rapport au plan de l’écliptique, elle connaît des saisons semblables aux nôtres. Surtout, on apprend que son diamètre est de 12 500 km (contre 12 700 pour notre grosse boule bleue). Et c’est là que le bât blesse. Car, pour pulvériser une planète de cette dimension, un rayon laser ne pas pas suffire… L’astronome et vulgarisateur américain Phil Plait, auteur de l’excellent blog “Bad Astronomy”, vient d’écrire un article publié sur le site Blastr où il explique qu’il s’est amusé à calculer l’énergie nécessaire pour désintégrer la Terre (ou Alderaan, c’est pareil). Il faut, selon lui, une énergie égale à 2×1032 joules pour y parvenir. Le joule étant une unité faible qui parle peu, j’ai préféré prendre pour unité l’énergie de la bombe atomique de Hiroshima (15 kilotonnes de TNT). Après conversion, on arrive au chiffre de 3,2 milliards de milliards de bombes de ce genre. Ce qui fait vraiment beaucoup pour un simple rayon laser, même dans un monde où les vaisseaux voyagent dans l’hyperespace aussi facilement que nous prenons le TGV. Quant à utiliser de l’antimatière, qui présente la particularité de se transformer en énergie pure au contact de la matière ordinaire, mieux vaut non plus ne pas trop y compter : il faudrait environ 1 000 milliards de tonnes d’antimatière pour faire exploser la Terre. Or, le CERN, qui est l’organisme le mieux équipé du monde pour la fabrication d’antiprotons, explique qu’au rythme où il crée ces antiparticules, 2 milliards d’années seraient nécessaires pour en fabriquer… 1 gramme. Et on ne parle même pas du coût.

Mais il n’est pas besoin de réduire sa planète en miettes pour se débarrasser d’une humanité jugée nocive. On peut, en déviant astucieusement (et à moindre coût) quelques astéroïdes de bonne taille, assurer aux hommes une fin semblable à celle des dinosaures. Autre solution évoquée par les auteurs de l’article paru dans Acta Astronautica, introduire sur Terre un virus extraterrestre, inoffensif pour E.T., mais contre lequel l’organisme d’Homo sapiens sera sans défense. Une sorte de Guerre des mondes à l’envers.

Pierre Barthélémy

Post-scriptum : après la publication de ce blog hier soir mercredi, mon ami l’astrophysicien Roland Lehoucq, auteur de l’excellent (mais épuisé) Faire de la science avec Star Wars (éd. Le Pommier), m’a adressé quelques précisions sur l’énergie nécessaire à l’Etoile de la mort pour détruire Alderaan (Alderande dans la version française). Les voici : “Tu cites l’énergie qu’a calculée Phil Plait (2×1032 J), qui correspond en fait à l’énergie de liaison gravitationnelle de la planète. J’avais fait ce calcul de façon plus précise dans mon livre. Dans l’hypothèse où le superlaser fournit tout juste cette énergie de liaison, les débris de la planète se répandront dans l’espace à une vitesse voisine de celle qu’une fusée aurait dû atteindre pour échapper à sa gravité. Dans le cas de la Terre, cette vitesse de libération vaut environ 11 km/s. Il faudra donc attendre plusieurs minutes avant de constater les effets de la frappe, et des heures pour que les débris soient raisonnablement dispersés. Mais c’est bien connu, Dark Vador est impatient. Les jolis effets pyrotechniques qu’il aime à contempler depuis son destroyer interstellaire ne peuvent être obtenus que si le superlaser fournit une énergie supplémentaire, nécessaire pour assurer aux débris une expansion rapide. Dans l’épisode IV, l’explosion et la dispersion d’Alderande ne prend sûrement pas plus de deux secondes, ce qui laisse supposer que la vitesse d’expansion est bien supérieure à la vitesse de libération. En visionnant le film image par image et en supposant que la taille d’Alderande est égale à celle de la Terre, la vitesse d’expansion des parties externes de la planète peut être estimée : elle est de l’ordre de 10 000 km/s. L’énergie de l’explosion vaut alors 6 ×1037 J, soit 300 000 fois plus que la limite inférieure fixée précédemment. Résultat : c’est encore plus difficile de faire exploser une planète que de simplement la détruire (i.e. fournir son énergie de liaison gravitationnelle). Et pour sortir l’énergie vraiment nécessaire, la seule solution “viable” est de l’extraire d’un trou noir en rotation rapide d’environ 1 mètre de diamètre. J’avoue que ce n’est guère plus facile que de fabriquer un gros tas d’antimatière…”

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Passez votre permis de ne pas conduire

Cela devait arriver aux Etats-Unis, le pays de l’automobile, du GPS et de Google réunis. Le 16 juin, le gouverneur de l’état du Nevada a approuvé une loi demandant à son Department of Motor Vehicles (qui enregistre les véhicules et les permis de conduire) de mettre en place des règles autorisant l’utilisation de la voiture “autonome”. Comme le spécifie le texte, il s’agit d’“un véhicule à moteur qui utilise l’intelligence artificielle, des capteurs et les coordonnées GPS pour se conduire lui-même sans l’intervention active d’un opérateur humain”.

Est-ce à dire que l’on pourra bientôt, dans le désert du Nevada ou dans les rues de Las Vegas, s’endormir au non-volant, comme le fait Will Smith dans I, Robot ? Parier que la réponse est “oui” n’équivaut pas à prendre de gros risques et si cette loi est passée, ce n’est pas seulement parce que Google, qui teste une voiture sans conducteur depuis quelque temps, a fait du lobbying en ce sens, mais, plus simplement, parce que les prototypes sont au point, parce que la technologie est prête. Plusieurs exemples le prouvent.

Pour ceux qui voient des militaires partout, je signalerai le Grand Challenge de la Darpa, l’agence chargée de la recherche pour le compte de l’armée américaine, dont l’engagement dans la mise au point de voitures sans pilote remonte aux années 1980.  Ce défi a permis à plusieurs instituts et universités d’outre-Atlantique, comme Carnegie Mellon ou Stanford, de développer des projets. Ainsi, l’équipe de Stanford a-t-elle présenté Stanley (vainqueur du Grand Challenge en 2005) et Junior (deuxième en 2007). Dans la vidéo ci-dessous on peut voir Junior se garer dans un créneau en effectuant un tête-à-queue en marche arrière (ce que, pour ma part, je ne m’aventurerais pas à tenter, même avec la voiture de mon pire ennemi) ! La “manœuvre” nécessite de combiner un modèle dynamique classique (la voiture roule) avec un modèle nettement plus complexe (la voiture dérape).

Avec ses caméras et tous ses capteurs, Junior a vraiment la tête d’un prototype de chercheur mais son successeur est nettement moins moche. Pour construire Shelley, les ingénieurs de Stanford se sont en effet installés dans une Audi TTS. Il s’agit évidemment d’un partenariat avec la marque aux anneaux mais le choix de ce coupé sport s’explique aussi par le test, en 2010, de la voiture sans pilote sur le parcours de la mythique course de côte de Pikes Peak, une montagne du Colorado qui culmine à 4 301 mètres d’altitude. Faire évoluer un véhicule sans conducteur sur le terrain de jeu d’une des compétitions automobiles les plus exigeantes du monde, qui combine sections asphaltées et sections en terre au bord de précipices, tient de la gageure. Cela ressemble aussi à s’y méprendre à la démarche des concepteurs de logiciels d’échecs qui ont rapidement voulu confronter leurs produits aux meilleurs pousseurs de bois, dans les conditions de la compétition. Pour ses premiers essais à Pikes Peak, Shelley a gravi la montagne en 27 minutes, soit 17 minutes de plus que les meilleurs pilotes de rallye, qui conduisent des engins autrement plus puissants. On estime que, sur la même voiture, un champion automobile aurait mis 17 minutes. Combien de temps faudra-t-il à l’auto sans conducteur pour battre les Kasparov du volant ? Sur cette vidéo, on peut voir Shelley gravir Pikes Peak, à une vitesse plus que raisonnable :

Une chose est de rouler sur une route fermée pour les besoins d’une course, sur un parking désert ou dans un pré. Une autre est de s’insérer dans la circulation. C’est ce qui a été fait, toujours en 2010, lors d’une expérience hors du commun, le projet VIAC (pour VisLab Intercontinental Autonomous Challenge). Pendant trois mois, entre Milan et Shanghai, quatre camionnettes (électriques !) ont parcouru quelque 13 000 kilomètres sans conducteur. Bardées de caméras, de lasers et aussi de panneaux solaires pour alimenter les systèmes électroniques, ces deux paires de vans orange comprenaient leur environnement : ils détectaient les piétons, les cyclistes, les feux rouges et décodaient les panneaux de circulation. Ils évoluaient en duo selon la technique du convoi. Le véhicule de tête, bien qu’autonome, pouvait être repris en main par un conducteur à chaque fois que c’était nécessaire, notamment sur les routes d’Asie pour lesquelles il n’existait pas de carte géographique électronique. La camionnette de queue le suivait visuellement mais aussi grâce aux coordonnées GPS qu’il émettait, ce qui était utile lorsqu’un véhicule s’intercalait entre les deux. Une présentation vidéo du projet ici (en anglais) :

Si l’on excepte le fait que les vans ont oublié de s’arrêter à un péage en Serbie et qu’ils ont eu du mal à intégrer le style de conduite de certains automobilistes russes, il n’y a pas eu de problème majeur. Les promoteurs de la voiture sans conducteur mettent régulièrement en avant le fait que l’électronique contrôle déjà une partie des systèmes d’une auto, que les machines sont plus promptes à réagir que l’humain et qu’elles sont capables de suivre de très près et sans risque les voitures qui les précèdent, ce qui pourrait éliminer les bouchons sur les autoroutes. De plus, le système humain fait chaque année la preuve dramatique de son imperfection avec plus de 1,3 million de morts sur les routes. Et puis, dans un monde sans conducteur, plus de “boire ou conduire il faut choisir”, SMS illimités dans la voiture et, surtout, plus besoin de passer son permis.

Pierre Barthélémy

Post-scriptum : ce billet est dédié à mon ami Eric Azan qui prend sa retraite journalistique aujourd’hui, lui qui m’a mis le pied à l’étrier en me faisant entrer, en 1991, dans un “canard” de course automobile dont il était le rédacteur en chef technique… alors qu’il n’avait pas son permis de conduire.

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Un hôtel chinois de 15 étages construit en 6 jours

La vidéo s’est déjà bien promenée sur le web mais elle vaut vraiment le coup d’œil : on y voit un hôtel de 15 étages se construire en un peu moins de six jours (46 heures pour la structure et 90 heures pour les façades). La scène se passait en juin, dans la ville de Changsan, capitale de la province chinoise du Hunan. On imagine la tête des voisins, partis une semaine en vacances, qui ont retrouvé à leur retour un bâtiment de plusieurs dizaines de mètres de haut devant chez eux…

Evidemment, pour que l’exploit soit possible, il a fallu réunir de nombreuses conditions. Tout d’abord, les fondations étaient prêtes avant la phase de construction proprement dite. Ensuite, tous les éléments de la structure étaient préfabriqués en usine et il ne restait plus qu’à les assembler, comme un immense Lego. Enfin, plusieurs équipes se sont relayées jour et nuit et de nombreux commentateurs, sur les blogs ou les sites sur lesquels cette vidéo a déjà été mise en ligne, ont perfidement souligné que ce dernier élément indispensable à la rapidité de la construction n’aurait pas été possible aux Etats-Unis ou en France en raison de la législation sur le droit du travail…

D’autres ont critiqué la construction elle-même, disant qu’elle leur semblait de mauvaise qualité et qu’ils ne se risqueraient pas à dormir dans cet hôtel. C’est sans doute l’expression d’une certaine jalousie. Préfabriqué ne rime plus avec précarité. Les spécifications de ce bâtiment réalisé par la société chinoise Broad sont même assez étonnantes puisqu’il est censé résister à un tremblement de terre de magnitude 9 sur l’échelle de Richter, soit l’équivalent de séismes extrêmement dévastateurs. A titre de comparaison, rappelons que la magnitude du tremblement de terre du 12 janvier à Haïti n’était “que” de 7. Celle du séisme du Sichuan, le 12 mai 2008, était montée à 7,9. Au cours des dernières années, seul le fameux séisme du 26 décembre 2004, qui a entraîné un tsunami ravageur dans l’océan Indien, a passé la barre des 9. On peut voir sur cette autre vidéo, celle de la construction du pavillon Broad à l’exposition universelle de Shanghaï 2010 (monté, lui, en une journée…), que la structure très légère (6 fois moins lourde qu’une construction normale) résiste avec une certaine souplesse au test sismique. Par ailleurs, l’accent est mis sur l’efficacité énergétique, la purification de l’air intérieur et la minimisation des déchets de construction.

Qui a traversé les banlieues de Pékin ou de Hongkong a constaté que leur démographie a imposé aux Chinois de construire vite et grand. Certes, beaucoup de choses horribles se sont bâties. Mais le BTP chinois a aussi beaucoup appris. En 2010, les deux leaders mondiaux du secteur ne sont plus les français Vinci et Bouygues. Ils ont été rétrogradés aux troisième et quatrième places. Les deux premières sont désormais occupées par des sociétés chinoises…

Pierre Barthélémy

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Un trousseau de clés dans votre portable

Sans être un fan des téléphones portables (j’ai acheté mon premier mobile il y a quelques mois, contraint et forcé, après avoir résisté pendant des années) ni un client régulier des grandes chaînes d’hôtels de luxe, j’ai quand même été arrêté par cette information et la vidéo qui va avec : depuis début novembre, l’hôtel Clarion de Stockholm expérimente, pour quatre mois, un nouveau type d’accueil grâce auquel on évite le passage par la réception (et tout contact avec le personnel humain, c’est mieux).

Le principe est simple : comme toute personne civilisée du troisième millénaire, vous disposez d’un téléphone portable. Lorsque vous réservez votre chambre, vous donnez votre numéro. Peu avant votre arrivée, lorsque vous descendez de votre jet privé en provenance des Bahamas, vous recevez un SMS vous demandant de vous enregistrer en appuyant sur l’écran de votre smartphone. Ceci fait, vous savez quelle chambre vous est attribuée. Une fois à l’hôtel, vous y montez directement, en snobant le comptoir où la plèbe fait la queue pour avoir sa clef ou sa carte d’accès. Devant votre chambre, vous approchez votre portable de la serrure, vous dites “Sésame, ouvre-toi”, et la porte s’ouvre toute seule. Comme une petite vidéo (en anglais) vaut mieux qu’un long discours, voici la démonstration par l’exemple :

Evidemment, pour que la miracle s’accomplisse, il faut un téléphone portable d’un genre un peu particulier, acceptant la communication en champ proche, une technologie similaire à celle des passes sans contact Navigo des transports en commun franciliens. Pour son expérimentation, l’hôtel Clarion en a fourni à ses bons clients, évidemment… Ceux-ci n’ont même pas besoin de se rendre au comptoir pour régler la note : en partant, il leur suffit de passer leur portable devant une borne et c’est payé (et il n’y a personne pour leur demander s’ils ont ou non vidé le mini-bar). Le communiqué de presse du Clarion ne dit pas combien de salaires d’employés de l’hôtel on pourra économiser à la fin du test ni quel accueil ces derniers feront aux clients qui auront oublié leur téléphone dans leur chambre. Si le propriétaire du portable le perd ou se le fait voler, il prévient l’hôtel qui désactive le code d’entrée.

De manière plus générale, le téléphone cellulaire a vocation à devenir une extension à tout faire du corps humain, particulièrement dans ce domaine du contrôle d’accès. Pour le dire simplement, au lieu de se trimbaler un trousseau de clés souvent imposant (le mien compte un transpondeur pour l’accès à mon immeuble, la clé de mon appartement, de ma boîte à lettres, de la porte de ma cave, de mes antivols de vélo, du local à vélos de mon immeuble, sans oublier ma clé de voiture…), on pourra peut-être bientôt se contenter de son portable qui, de toute manière, devient aussi précieux que ses clés. Sauf pour moi qui ne sais pas toujours où il se trouve, mais j’imagine que c’est une question d’habitude. Dans cette petite animation-démonstration, Assa Abloy, le leader mondial des systèmes d’ouverture de porte, qui a équipé l’hôtel Clarion, a franchement l’air de penser que le mobile sera le passe-partout de demain (et j’imagine que les Arsène Lupin du futur seront des as de l’informatique) :

Quand j’étais petit, il y avait, au-dessus de mon lit d’enfant, l’icône de mon saint patron. Il portait à sa ceinture le trousseau de clés ouvrant et fermant les portes du Paradis. D’où ma question du jour : Saint Pierre, aujourd’hui, il a un Nokia, un Samsung ou un iPhone ? A vous de répondre…

Pierre Barthélémy

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