Filles faciles : la faute des parents ?

Dans le monde animal, l’inégalité sexuelle entre mâles et femelles est intrinsèque à la reproduction. Les premiers ont toute liberté d’aller déposer leur semence à chaque fois que l’on voudra d’eux, sans trop se soucier de la suite en général : en multipliant les aventures, ils multiplient les chances de transmettre leurs gènes, ce qui semble être une de leurs priorités dans la vie (le fameux instinct de reproduction). C’est a priori différent pour les femelles qui, une fois inséminées, ne peuvent plus répandre leurs gamètes aux quatre vents. Il n’empêche que les cas de polyandrie sont nombreux, chez les insectes, les batraciens et même les mammifères. Ainsi, si l’on met de côté le cas un peu particulier d’Homo sapiens, on peut citer l’exemple de dame putois qui s’accouple souvent avec plusieurs mâles (pas en même temps…).

Sur le plan évolutif, ce comportement tient du mystère car le bénéfice que la femelle peut en tirer n’est pas évident à mettre en lumière (si l’on part du principe que la plupart des espèces animales ne font pas cela pour le plaisir). On peut même parier que, lorsqu’un seul accouplement suffit à féconder la femelle, celle-ci a tout à perdre sur le plan énergétique à rejouer plusieurs fois à la bête à deux dos, surtout qu’elle est d’ordinaire dessous : en théorie, elle a mieux à faire de ses calories que de les dépenser en d’inutiles galipettes. Néanmoins, ce comportement existe et il doit bien avoir une raison, si ce n’est plusieurs.

Une étude européenne publiée le 23 septembre dans Science semble avoir trouvé au moins une explication. Ses auteurs sont partis de l’hypothèse selon laquelle, dans les populations animales présentant un fort taux de consanguinité, les femelles devraient multiplier les accouplements pour être sûres de trouver des mâles dont les gènes seraient suffisamment différents des leurs pour assurer une descendance viable. En effet, une trop grande proximité génétique augmente la probabilité pour que des caractéristiques délétères s’expriment. Dans leur étude, ces chercheurs ont donc créé des lignées consanguines d’un petit insecte, le tribolion rouge de la farine, qui sert souvent de modèle aux généticiens. Ils ont tout d’abord vérifié deux choses. Primo, que, dans les populations normales utilisées pour le contrôle, le nombre de partenaires des femelles (un ou plusieurs) était sans conséquence significative sur le succès reproductif. Secundo, que le poids de la consanguinité était avéré. Par rapport à leurs congénères des populations normales, les femelles des populations consanguines qui ne s’accouplaient qu’une fois présentaient bien un succès reproductif nettement affaibli.

Restait donc à s’intéresser à la dernière catégorie d’insectes : les femelles des populations consanguines pratiquant la polyandrie. Et là, les chercheurs n’ont pas été déçus : tous les indicateurs qu’ils surveillaient se sont mis à clignoter. Ces dames tribolion se sont transformées en véritables marathoniennes du sexe, allant jusqu’à y consacrer près de 40 % de leur temps soit le double de ce qui a été mesuré pour les femelles des populations de contrôle. Non seulement le temps de récupération des “consanguines” entre deux copulations étaient drastiquement réduit, mais les actes sexuels en eux-mêmes étaient plus longs, histoire d’augmenter le transfert de gamètes… Et pour ce qui est du nombre de partenaires, il montait à 17 en moyenne contre 12 pour les “filles faciles” du groupe témoin. Grâce à toute cette activité, les femelles de la population à forte consanguinité ont obtenu un succès reproductif équivalent à celles, monogames ou polygames, de la population normale. La polyandrie permet donc à la femelle de sélectionner un mâle dont les caractéristiques génétiques sont le plus compatibles avec son propre génome.

Reste à savoir ce qui conduit ces insectes à adopter ce comportement. La consanguinité a-t-elle, au fil des générations (15 en l’occurrence), rapidement sélectionné des individus à forte constitution et gros appétit sexuel ? Ou existe-t-il, dans ces populations, une alarme secrète, génétique ou épigénétique, qui pousse les femelles à multiplier les accouplements pour compenser le handicap de la consanguinité ? Quoi qu’il en soit, rien ne prouve que l’exemple des tribolions puisse être transposé à l’espèce humaine. Alors, si votre épouse vous apprend qu’elle vous a trompé avec tous vos copains de l’équipe de rugby, ne commencez pas à suspecter vos beaux-parents d’avoir fait un mariage consanguin…

Pierre Barthélémy

lire le billet

La taille du pénis se lit-elle dans les doigts ?

Rares sont celles et ceux qui n’ont jamais reçu de pourriel pour telle petite pilule bleue à effet turgescent ou telle méthode pour augmenter la taille du pénis. C’est à croire que la Terre ne tourne pas autour du Soleil mais autour du membre viril (et je ne parle ici ni de l’affaire DSK, ni des mariages princiers, ni des grossesses présidentielles). Comme je suppute qu’il y a dans cet organe de quoi en intéresser plus d’un(e) et que, visiblement, la taille semble avoir son importance, voici un petit truc scientifique pour se donner une idée de la chose sans baisser culotte.

Tout tient dans la main. Dit comme ça, on a sans doute l’impression que je vais me lancer dans quelque apologie de l’onanisme. Non, ce que je veux dire, c’est que la main donne des indices sur la taille du pénis. Contrairement à ce que les chiromanciennes espèrent, rien ne se lit dans les lignes de la main car dans “ligne de vie”, vie s’écrit avec un “e” au bout et non pas avec un “t”. Autre cliché déçu : on n’apprendra rien non plus en mesurant le majeur tendu. Il faut plutôt s’intéresser aux deux doigts qui l’encadrent, l’index et l’annulaire, et plus précisément au rapport entre leurs deux longueurs (taille de l’index divisée par celle de l’annulaire). En effet, depuis la publication d’une étude en 1998, on pense que ce ratio digital est corrélé aux hormones sexuelles. Dès le XIXe siècle, les médecins avaient noté que ce rapport était plus faible chez les hommes que chez les femmes : les mâles de l’espèce Homo sapiens ont, beaucoup plus souvent que leurs compagnes, l’index nettement plus court que l’annulaire. Ce dimorphisme sexuel est déjà présent in utero. Les chercheurs estiment, sans en être complètement certains, qu’il pourrait s’agir là d’un indice du taux d’exposition prénatale aux androgènes. Pour le dire clairement, ils pensent que plus le fœtus a fabriqué d’hormones androgènes, plus cela se verra dans le rapport entre ces deux doigts. En effet, le développement des membres (y compris celui des doigts et des orteils) est contrôlé par les mêmes gènes que ceux qui s’occupent du développement du système génital.

Et la taille du pénis dans tout cela ? Dans une étude qui paraît ce lundi 4 juillet dans la revue Asian Journal of Andrology, une équipe de chercheurs sud-coréens montre qu’une corrélation existe entre la longueur du sexe masculin et ce ratio digital. Plus la différence entre les deux doigts est marquée, plus le pénis est grand en moyenne. A l’inverse, si l’index a tendance à rivaliser avec l’annulaire, le sexe sera en moyenne plus petit. Les auteurs de l’étude ont travaillé sur la longueur du sexe au repos (flaccide pour les puristes) et sur celle du sexe “étiré”. La mesure du pénis étiré permet en effet d’avoir une bonne estimation de la taille du sexe en érection. Pour les curieux qui s’interrogent sur les conditions de l’expérience, je précise que les cobayes étaient des hommes venant se faire opérer à l’hôpital. On leur a demandé s’ils étaient d’accord pour que l’on procède à cette “manipulation” une fois anesthésiés. 144 ont donné leur consentement, prêts à payer de leur personne pour l’avancement de la science… On a également mesuré leur ratio digital sur la main droite qui, pour une raison encore inconnue, montre des différences plus marquées que la main gauche.

A celles et ceux à qui l’objet de ce billet importe et qui veulent passer à la pratique, je propose donc un petit exercice avec des photos de personnages anonymes que j’ai sélectionnées sur la Toile. Pour le sérieux de l’expérience et qu’il n’y ait pas de biais lié à l’origine ethnique, j’ai choisi des hommes que les Américains qualifient de “caucasiens”. Munissez-vous donc d’une règle et d’une calculatrice, et dites-moi lequel de ces messieurs est, en théorie, le mieux pourvu par la Nature…

S’agit-il de A ?

S’agit-il de B, qui n’a pas l’air d’avoir bien compris l’expérience ?

Ou s’agit-il de C (une seule main suffira, cher Monsieur, vous n’avez qu’un pénis, non ?) ?

Pierre Barthélémy

lire le billet

L’insecte qui chante avec son sexe

C’est un insecte curieux et minuscule, qui va servir de modèle aux derniers des crooners lascifs. Il s’appelle Micronecta scholtzi et appartient à la famille des corises, punaises aquatiques que l’on surnomme aussi “cigales d’eau” en raison de leur chant. En réalité, parler de chant avec les insectes est incorrect puisqu’à de très rares exceptions, aucun son ne sort de leur bouche. Qu’il s’agisse de grillons, de sauterelles, de capricornes, de certaines fourmis ou de corises, ces petits animaux stridulent (mais pas la cigale, qui cymbalise). Comme l’explique le site de l’Office pour les insectes et leur environnement (OPIE), la stridulation est le résultat du frottement d’une râpe ou d’un archet sur un grattoir, comme si on faisait passer une lime ou les dents d’un peigne sur le bord d’une table : “Le son ainsi produit pourrait se comparer à celui d’un instrument à cordes, comme le violon, ou au washboard.”

La plupart du temps, ce sont les mâles qui stridulent, afin d’être choisis par une femelle. Pour ce faire, ils utilisent comme archet soit leurs élytres, leurs pattes, mais aussi leurs ailes, leurs antennes, leurs mandibules, etc. Le cas de Micronecta scholtzi est un peu particulier. En effet, même si l’affaire n’est pas bien claire car la bestiole ne mesure que 2,3 millimètres, il semblerait bien qu’elle réussisse l’exploit de striduler avec… son appareil génital, comme une réincarnation d’Elvis Presley, dont le succès auprès de ses groupies féminines tenait tant à sa voix qu’à ses déhanchements suggestifs, au point qu’on l’avait surnommé “Pelvis”. Cette corise se sert d’un paramère (sorte d’appendice situé près du pénis) qu’il frotte contre une arête de son abdomen. On peut écouter ici ce que cela donne.

Le plus incroyable, dans l’histoire, n’est pas tant que cet insecte joue du violon avec son sexe (après tout, il fait ce qu’il veut) mais que cet archet de seulement 50 microns produise autant de bruit. En effet, comme vient de le montrer une équipe franco-britannique dans une étude publiée le 15 juin par la revue en ligne PLoS ONE, Micronecta scholtzi fait beaucoup de boucan pour une bête de moins de 3 millimètres, vivant dans l’eau et dénuée d’appareil amplificateur qui plus est. On peut l’entendre à plusieurs mètres. Evidemment, si l’on s’en tient à la valeur absolue du chant émis, cette corise n’entre pas dans le Livre des record, malgré des pointes stridentes à 105 décibels. D’autres animaux, beaucoup plus gros, comme le cachalot ou l’éléphant, sont aussi plus bruyants, mais si l’on rapporte le son émis à la taille de l’animal, M. scholtzi apparaît comme un champion du monde (une “donnée aberrante” disent les chercheurs qui n’ont pas le sens de la compétition).

Pourquoi cet insecte au sexe stridulant fait-il autant de bruit ? Madame est-elle dure d’oreille ? L’idée du mâle est sûrement de brailler plus fort que les autres pour se faire détecter et choisir par la femelle. C’est une variante acoustique de la livrée chatoyante du faisan doré mâle qui est aussi voyant qu’une Ferrari dans un parking de supermarché. La stratégie a son revers de la médaille : plus on tente de se faire remarquer, plus on risque de l’être… par un prédateur. Apparemment, cela n’a pas l’air de gêner notre punaise aquatique. Peut-être les animaux qui la chassent sont-ils sourds ?

Pierre Barthélémy

(© G. Visser)

lire le billet

Scandales sexuels chez les manchots

Je suis un peu jaloux de mes confrères journalistes qui, sous prétexte que l’actualité est aux frasques des uns ou des autres, trempent leurs plumes dans une encre glauque, celle avec laquelle on écrit des canards au sexe, comme jadis on faisait des canards au sang en mettant les faits divers les plus horribles à la “une” : ça fait vendre. Voulant, tout comme eux, ma part d’audience, je vais me complaire dans le stupre et dénoncer les scandales sexuels qui entachent le continent blanc.

Il s’en passe de belles chez les manchots Adélie. Sous leurs dehors de petits couples fidèles, bien mis en livrée noire et blanche, deux enfants par foyer comme papa et maman, se cachent des mœurs pas très avouables, dévoilées dans une étude publiée en 1998 par The Auk, revue scientifique d’ornithologie. Monogames, ces oiseaux qui ne volent pas profitent du court été de l’Antarctique pour se reproduire. A cette fin, le mâle et la femelle commencent par construire un nid au sol, avec des petits cailloux. Cette plateforme permettra de tenir les deux futurs œufs au sec quand la glace fondra. Mais, que ce soit en Terre Adélie où j’ai pris la photo ci-dessus ou dans les autres colonies situées sur le pourtour du continent, ces cailloux sont rares et valent de l’or.

Que ne ferait-on pas pour en avoir plus ! Ceux qui osent en chiper dans le nid du voisin sont poursuivis, insultés copieusement et se prennent des roustes à grands coups de bec et d’ailerons. Certaines femelles ont donc mis au point une stratégie que d’aucuns qualifient de prostitution. Les belles commencent par repérer un mâle solitaire. En attendant de trouver sa dulcinée et aussi dans le but de l’attirer, celui-ci a bâti son nid d’amour. Arrive une femelle. Elle est déjà en couple mais comme les manchots ne portent pas d’alliance et n’ont ni livret de famille ni attestation de pacs, il est difficile de le savoir. Petite séance de drague, bonjour bonjour, vous êtes charmant, vous jouez en équipe de France de foot ? Et, ni une ni deux, la femelle s’allonge sur le ventre, sous le bec du mâle qui se dit que son jour de chance est venu. S’ensuit ce que vous imaginez, scène qui a été censurée dans Happy Feet.

Et là, la femelle se relève, prend un caillou pour sa peine et retourne compléter son nid où l’attend son cocu, son régulier ou son proxénète, cela dépend des points de vue. Il arrive d’ailleurs souvent que la belle revienne sur les lieux de son aventure extra-conjugale pour chercher une seconde pierre (mais sans repasser à la casserole), comme si le tarif était “un coup=deux cailloux, mon chou”… Les auteurs de l’étude ont même observé une femelle prélever son écot pas moins de dix fois : donne-moi ton portefeuille, je me sers, ça ira plus vite. A chaque fois, le mâle laisse faire sans râler, sans doute content de la chance qui lui a été donnée de perpétuer ses gènes sans avoir à élever les gosses ! Les auteurs de l’étude se demandent si tout le monde n’est pas gagnant dans l’histoire : le couple parce qu’il a récupéré des cailloux pour son nid, et donc augmenté les chances de survie de sa future couvée, le mâle solitaire parce que, même délesté de quelques galets, il va peut-être avoir une descendance à bas prix.

Mais il y a mieux. Certaines oiselles de petite vertu viennent se promener autour du “pigeon”, engagent la séance de flirt, bonjour, bonjour, on ne vous a jamais dit que vous devriez être président du conseil en Italie ? Cependant, au lieu de s’allonger, elles se contentent de prendre un caillou sous les yeux du gogo qui reste sans réaction, comme s’il était normal de payer pour avoir eu l’espoir de trouver chaussure à son pied. Les chercheurs ont observé ce comportement avec dix femelles différentes mais une d’entre elles a particulièrement attiré leur attention car elle a, en une heure de temps, piqué 62 pierres dans le nid de son naïf, sans que celui-ci lève le petit aileron, pour aller les mettre dans le sien qui devait forcément se trouver à proximité…

Cela dit, cette stratégie comporte quelques risques. On ne vient pas toujours impunément émoustiller le mâle, surtout quand il sort juste de l’océan glacial Antarctique. En de rares occasions, les ornithologues ont vu ce dernier sauter sur la femelle lorsque celle-ci s’est baissée pour prendre le caillou. A-t-il confondu la posture de dame manchot avec le salut qui précède la copulation ? A-t-il pris cette intrusion dans son territoire pour une invitation à l’acte sexuel ? Le fait est qu’à chaque fois, la femelle s’est débattue et n’a pas laissé le bougre venir à bout de son entreprise.

Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé ne serait que pure coïncidence.

Pierre Barthélémy

Post-scriptum : rien à voir avec ce qui précède, mais j’informe ceux que cela intéresse que je parlerai du mystérieux manuscrit Voynich, jeudi 19 mai, dans l’émission de Jacques Pradel sur RTL intitulée L’heure du crime. C’est entre 14 et 15 heures.

lire le billet

Pourquoi le pénis a-t-il cette forme ?

Phallus-impudicusAprès mon billet consacré à la fabrication des spermatozoïdes et à leur odyssée dans l’appareil génital féminin, une lectrice fort curieuse des choses de la nature me demande pourquoi le pénis a cette forme si caractéristique de champignon (voir la photo ci-dessus d’un Phallus impudicus, aussi appelé satyre puant…). Petite délurée, va… Puisque c’est ainsi, comme le chantait avec verve Pierre Perret, “tout tout tout, vous saurez tout sur le zizi. Le vrai, le faux, le laid, le beau, le dur, le mou qui a un grand cou, le gros touffu, le p’tit joufflu, le grand ridé, le mont pelé. Tout tout tout tout, je vous dirai tout sur le zizi.”

Avant de nous attaquer à la forme, répondons déjà à la question sensible de… la taille. N’en déplaise à tous les fabricants d’extenseurs de pénis, l’homme, comparativement à ses frères primates, est de loin le mieux doté et, étant donné les dimensions du vagin, n’a pas besoin d’être plus imposant qu’il n’est.

Size

Dans la figure ci-dessus sont figurées les tailles relatives des attributs sexuels masculins et féminins de cinq espèces de primates : le bonobo, le chimpanzé, l’homme, l’orang-outan et le gorille. C’est bien pratique car nous n’avons pas toujours les spécimens de ces cinq espèces dans une main et un mètre de couturière dans l’autre pour effectuer ce genre de mesures, surtout que je ne suis pas sûr de vouloir m’y risquer avec un gorille. Ce qui nous intéresse en particulier, c’est la première ligne. Les deux petits cercles inférieurs, on le devine, nous permettent de comparer la grosseur des testicules et, dans ce domaine, on s’aperçoit que le champion est le bonobo. En revanche, si l’on regarde les flèches, dont la longueur indique la taille du pénis, on constate non sans fierté qu’Homo sapiens est le roi du braquemart, avec un sexe en moyenne deux fois plus grand et plus gros que celui de son plus proche parent, le chimpanzé. Signalons, même si cela n’a pas grand rapport avec le sujet qui nous préoccupe, que, sur la deuxième ligne, la femme l’emporte devant toutes ses amies guenons par la taille de ses seins (j’imagine que, cette fois, c’est un lecteur et non pas une lectrice qui me réclamera bientôt un article sur le sujet…).

En plus de se distinguer par sa taille, le zizi humain se singularise par sa forme. Si vous n’en avez pas à disposition ou si vous êtes en train de me lire sur un iPad dans le métro et qu’il serait indélicat de vous livrer à un rappel d’anatomie dans les transports en commun, faites un effort de mémoire. Ou jetez de nouveau un œil sur le champignon du début si votre dernière confrontation avec la bébête remonte à trop loin. Chez l’homme, le gland est très marqué au point que le diamètre de la couronne, cette espèce de collerette qui sépare le gland du reste de la verge, est plus grand que celui du pénis lui-même. Chez nos frères singes, en revanche, cette rupture de continuité est nettement moins flagrante. Pourquoi ? Comment des millions d’années d’évolution ont-ils pu aboutir à cette forme particulière ?

Dans un article remarqué publié en 2003 dans Evolution and Human Behavior, le psychologue évolutionniste américain Gordon Gallup a émis une hypothèse audacieuse basée sur l’idée qu’il s’agit d’une stratégie développée par l’homme pour maximiser ses chances de devenir père (et donc de transmettre ses gènes) en refoulant mécaniquement du vagin le sperme qui pourrait y avoir été déposé – éventuellement par un autre mâle car, c’est bien connu, femme est volage – lors d’un précédent rapport sexuel. Les spermatozoïdes ayant en effet la capacité de survivre entre 48 et 72 heures, la compétition entre mecs pourrait aussi se jouer à l’intérieur même du corps féminin. Et Gordon Gallup, qui s’est rendu célèbre en concevant le test du miroir destiné à mesurer la conscience de soi chez les animaux, est allé au bout de son idée en effectuant des expériences grâce à des prothèses sexuelles. Pour ce faire, ses collègues et lui ont injecté dans des vagins artificiels différents mélanges liquides d’eau et de farine, dont la viscosité se rapprochait de celle du sperme. Puis, ils ont introduit des godemichés de formes différentes, deux reproduisant un pénis de manière réaliste, avec des couronnes plus ou moins marquées, et un sans couronne, plutôt genre concombre.

En observant ce coït synthétique, les chercheurs se sont vite aperçus que le pseudo-sperme injecté au début de l’expérience était à 91 % déplacé derrière la couronne, comme ramoné vers l’entrée du vagin. En revanche, en l’absence de collerette, ce chiffre tombait à 35 %. Evidemment, plus le pénis artificiel était enfoncé profondément et plus les mouvements de va-et-vient étaient énergiques, plus la couronne évacuait de “sperme”. Ce phénomène pouvait-il “coller” avec l’hypothèse de départ ? Pour le dire clairement, quand l’homme avait des raisons de penser que sa compagne avait pu avoir des rapports sexuels avec d’autres (soit qu’elle ait reconnu l’avoir trompé, soit qu’il ait été absent pendant quelques jours), mettait-il plus d’ardeur ? Afin de le savoir, Gallup et ses collègues ont réalisé deux sondages anonymes auprès de plus de 200 étudiants, filles et garçons confondus. Les personnes interrogées ont majoritairement convenu qu’après une infidélité de sa compagne ou une absence, le “mâle”, lors de l’acte charnel, augmentait à la fois la profondeur de la pénétration et le rythme de ses coups de reins… CQFD.

L’hypothèse de la compétition spermatique pour expliquer la forme si particulière du pénis humain a donc semblé très convaincante suite à cette étude pour le moins originale. Néanmoins, dans une lettre publiée en 2009 dans les Archives of Sexual Behavior, le gynécologue américain Edwin Bowman a remis en cause cette théorie. Ce praticien est d’accord pour dire que la couronne sert en quelque sorte à faire du ménage sur les parois du vagin. Mais, pour lui, il ne s’agit pas d’éliminer d’éventuels spermatozoïdes concurrents, parce qu’ils sont probablement soit déjà morts, soit déjà plus avancés dans l’intimité féminine. Si nettoyage il y a, c’est celui des sécrétions vaginales acides, souvent mortelles pour les spermatozoïdes. Selon Edwin Bowman, le pénis s’est adapté au vagin afin de préparer le terrain et de donner le plus de chances possibles aux gamètes qui vont s’y aventurer. C’est bien la preuve que, depuis des millions d’années, un vrai dialogue entre les sexes est possible…

Pierre Barthélémy

Post-scriptum : pour finir, je ne résiste pas à l’envie d’insérer le clip du Zizi de Pierre Perret…

lire le billet

Les dangers des amours spatiales

Kiss

Il y avait la brouette japonaise, la marmite à tourniquet, le tournedos béarnaise et le derviche à grand braquet. Dans la liste imagée des positions de l’amour, sans doute va-t-il falloir, au cours du siècle à venir, instaurer une nouvelle nomenclature, celle des positions interplanétaires, liée à l’exploration du système solaire. Car l’homme, en plus d’être une bête de sexe, est devenu depuis plus d’un demi-siècle, un animal spatial. Douze mâles sont déjà allés caresser la Lune (avec un L majuscule…) et, s’il est fort peu probable qu’on plante un jour un drapeau sur les monts de Vénus, planète fort inhospitalière, Mars constitue la prochaine étape de la conquête. Ce seront des voyages au long cours (520 jours aller-retour si l’on reprend les données de la mission Mars-500, mais cela peut aller jusqu’à deux ans et demi), avec des équipages mixtes – car les femmes apaisent les tensions dans les situations de confinement prolongé –, et en microgravité.

Si vous ne pouvez pas imaginer trois hommes et trois femmes flottant, pendant des mois, dans un vaisseau spatial, et voyant la Terre devenir un minuscule point bleuté dans l’immensité noire du vide interplanétaire, pas de problème, Rhawn Joseph l’a fait pour vous, dans un des 55 chapitres du livre collectif Human Mission to Mars. Colonizing the Red Planet. Je précise qu’il ne s’agit pas là d’une publication scientifique mais ce psychiatre passionné d’astrobiologie y a rassemblé de nombreuses études réalisées dans l’espace, qui donnent une idée des dangers qui entourent les amours spatiales. Il part du principe que, dans les les conditions très particulières de ce genre de voyage, il se passera ce qui est déjà advenu lors d’hivernages dans des stations polaires en Antarctique : liaisons, relations sexuelles, grossesses.

Le problème, c’est que dans l’espace, tout est plus compliqué. S’envoyer en l’air tout là-haut s’apparente à une véritable épreuve de gymnastique en raison de l’absence de gravité. Un mot d’ordre : se cramponner l’un à l’autre. Parce qu’un mouvement trop brusque risque de vous catapulter, votre partenaire et vous, aux deux extrémités du module martien. On peut néanmoins faire confiance à l’inventivité de l’homme (et de la femme) pour se dégoter des bittes d’amarrage. Il n’est d’ailleurs pas impossible que des précurseurs aient déjà mené quelques expériences, côté soviéto-russe sur la station Mir ou côté américain avec les navettes spatiales, comme le raconte ce documentaire (en anglais) :

On risque donc quelques bleus à monter au septième ciel. Mais tout cela n’est rien à côté du risque qu’il y aurait à essayer de se reproduire dans l’espace. L’absence de gravité et l’exposition aux rayons cosmiques peuvent avoir de graves conséquences : endométriose, menstruation rétrograde, perturbations hormonales, altération des gamètes (notamment chez l’homme), changements dans le noyau cellulaire et dans la forme des cellules, anomalie dans la formation du système nerveux primitif de l’embryon, développement fœtal anormal, fausses couches, stress pré- et post-natal, altérations génétiques, retard intellectuel chez les enfants, etc. Dans sa compilation, Rhawn Joseph rappelle notamment que, lors d’une expérience menée par les Soviétiques, des rats se sont accouplés, mais sans que cela soit suivi de naissances.

Une fois posés sur Mars, les astronautes n’auront plus à subir plus les effets délétères de la microgravité. Néanmoins, leur environnement sera sensiblement différent de celui de la Terre, dans lequel l’homme a toujours évolué (avec les deux sens du verbe “évoluer”). Par conséquent, si des humains naissent sur la planète Rouge, ils auront de bonnes chances de présenter des différences génétiques notables avec ceux venant au monde sur notre globe bleu. Ce qui pourrait (qui sait ?), à terme, nous conduire vers un processus de spéciation, avec l’apparition d’une espèce que les auteurs de science-fiction nous ont souvent appris à redouter : les Martiens.

Pierre Barthélémy

lire le billet