Le “rayon tracteur” de Star Trek sort de la pure science fiction

Moins célèbre de la téléportation (Beam me up, scotty !), le rayon tracteur de Star Trek fascine également les amateur de science fiction. Un rayon de lumière capable d’attraper les objets comme un lasso et de les ramener vers soi… Très utile lorsqu’on ne dispose pas du magnétisme ou de la gravité. Et puis, la lumière est beaucoup plus précise pour viser une cible. Malheureusement, l’effet naturel d’un faisceau de lumière sur un objet est exactement opposé. Le phénomène est connu depuis 1629, date à laquelle Johannes Kepler remarque que la queue de comète est toujours dirigée dans la direction opposée à celle du soleil. Ce sont les rayons lumineux qui dévient les fines particules. Il parait donc très improbable d’utiliser la lumière pour attirer un objet, a fortiori un vaisseau spatial comme dans Star Trek. Autant essayer d’attraper une mouche avec un ventilateur…

Inverser la force de la lumière

Cet obstacle de taille n’a pas découragé une équipe de chercheurs dirigée par Tomas Cizmar, de l’école de médecine de l’université de St Andrew, en Ecosse, et de scientifiques de l’Institut des instruments scientifiques (ISI) de la République Tchèque. Ses travaux ont été publiés dans la revue Nature Photonics le 20 janvier 2013. Il y affirment avoir réussi à inverser le sens de la force exercée par la lumière sur un objet. En la circonstance, il s’agit d’objets microscopiques. Mais l’important est d’avoir trouvé un moyen expérimental pour réussir cette délicate manœuvre.

Le détail du travail des chercheurs est réservé aux abonnés à la revue Nature Photonics ou à ceux qui ont les moyens de payer 30 € pour accéder au texte complet de la publication. Les autres doivent se contenter du résumé, font succinct, dans lequel les chercheurs indique fournir “une géométrie qui génère un “rayon tracteur” et qui démontre expérimentalement son fonctionnement sur les microparticules sphériques de tailles variés, tout comme son amélioration par des structures de microparticules optiquement auto-arrangées”. Les chercheurs ajoutent avoir montré que le mouvement en deux dimensions et le tri dans une dimension peut être contrôlé grâce à la rotation de la polarisation du faisceau incident.

Trier des particules comme les globules blancs

A la BBC qui l’a interrogé, Tomas Cizmar n’a pas donné d’autres précisions sur le système mis au point mais il en a précisé les utilisations possibles. “Les applications pratiques peuvent être superbes et très excitantes. Le rayon tracteur est très sélectif en fonction des propriétés des particules sur lesquelles il agit. Il pourrait donc permettre de prélever certaines d’entre elles dans un mélange. Il pourrait, par exemple, servir à prélever les globules blancs dans le sang”.

Aspirer la queue d’une comète

Pourvoir ainsi “aspirer” les particules désirées dans un mélange serait effectivement précieux. Les Américains travaillent sur un système similaire qui pourrait servir sur une sonde spatiale. Grâce à un laser tracteur, le vaisseau pourrait prélever, à distance, des particules se trouvant à proximité d’un astéroïde ou dans la queue d’une comète. Si l’on reste bien de la tractation d’un vaisseau par un autre, comme dans Star Trek, rien ne dit que cette nouvelle maîtrise de la lumière et de son interaction avec la matière ne pourra pas effectivement trouver un grand nombre d’applications.

Michel Alberganti

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À quoi sert de briller lorsqu’on est aveugle ?

Tout le monde connaît les extravagances du monde animal en matière de couleurs, de l’éclat des papillons Morpho à la roue du paon, en passant par les coloris éblouissants d’insectes-bijoux comme les cantharides ou les cétoines. Mais il faut bien admettre que dans ce défilé de mode la pilosité des Mammifères fait figure de parent pauvre, avec une palette assez limitée et une notable absence de quoi que ce soit d’étincelant.

À ce triste constat, une seule exception : les Chrysochlores, dont les poils présentent une délicate iridescence allant du violet au vert, à laquelle les photos peinent à faire justice. Peut-être à la lecture de cette description, imaginez-vous une importance capitale à cette livrée mordorée : briller de mille feux pour aider à la parade nuptiale, pour effrayer les prédateurs ou encore pour attirer les proies ?

Hé bien pas vraiment.

Les Chrysochlorides, dans leur ensemble, font penser à une espèce de quenelle poilue dotée d’une truffe rose et, point important, sont complètement aveugles, leurs yeux étant recouverts de peau.  Ces taupes dorées, comme leurs cousines plus communes, vivent sous terre : elles n’ont que peu l’occasion de faire la démonstration de leur iridescence, et encore moins de la voir.

Mais alors, comment expliquer cette propriété ? Très probablement par l’adaptation des poils de ces taupes à leur mode de vie.

Les  poils de ces taupes viennent en effet d’être étudiés à l’échelle microscopique. Les chercheurs ont pu constater qu’ils sont aplatis et extrêmement lisses (contrairement à nos cheveux cylindriques et pleins d’écailles). Ils forment donc des couches très fines et empilées, comme les épaisseurs de chitine des élytres des scarabées ou les couches des écailles de poissons. La lumière qui passe à travers — une fois la bestiole extraite de son terrier — est donc à la fois réfléchie et réfractée, et c’est cette interférence qui cause l’aspect brillant du pelage.

Quant à la variété des couleurs visibles sur le même animal, elle proviendrait des différences d’épaisseurs entre les poils.

Mais quel est l’intérêt adaptatif d’avoir des poils si lisses, me direz-vous ? C’est que lorsqu’on vit sous terre, un manteau de poils qui n’accroche ni le sable ni la crasse constitue simplement un avantage indubitable, tant pour faciliter le nettoyage que pour limiter les forces de frottement lors des déplacements. Utile : assurément, mais ornemental,  guère…

 

Fabienne Gallaire

 

Source : Iridescent colour production in hairs of blind golden moles (Chrysochloridae), Holly K. Snyder et al., Biology Letters, 2012.

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