Ce serait la solution du désespoir pour le cas où le réchauffement climatique atteindrait des niveaux insupportables, selon le conseiller scientifique du président Obama, John P. Holdren. Sorte de bombe atomique du climat, la géo-ingénierie consiste à expédier dans la stratosphère terrestre des particules à base de souffre pour réduire la quantité de lumière solaire parvenant sur la Terre. Une sorte de filtre anti-réchauffement qui s’inspire de la nature. En effet, les grandes irruptions volcaniques du passé ont provoqué des refroidissements planétaires engendrés par les particules rejetées. Si un volcan peut le faire, pourquoi pas l’homme ? Surtout s’il est Américain.
L’idée n’est pas nouvelle et l’on pouvait même la croire enterrée, tant elle suscite de critiques de la part des climatologues. La mise en pratique de la géo-ingénierie serait la version climatique de l’apprenti-sorcier. Réduire la quantité de lumière solaire parvenant sur la Terre peut en effet avoir des effets totalement imprévisibles sur les équilibres climatiques terrestres et engendrer des catastrophes naturelles bien plus graves que celles du réchauffement lui-même. Le médicament pourrait tuer le malade…
Toutes ces considérations n’ont pas empêché Justin McCLellan (Aurora Flight Science Corporation), David Keith (université d’Harvard) et Jay Apt (université de Carnegie Mellon) d’évaluer la faisabilité et de chiffrer cette solution. Juste histoire de voir… Résultat: la géo-ingénierie est à la fois faisable et rentable. Leur étude, publiée dans la revue Environmental Research Letters de l’Institut de Physique (IOP) britannique du 31 août 2012, porte sur l’injection d’un million de tonnes d’aérosols par an à des altitudes comprises entre 18 et 25 km. Coût estimé: 5 milliards de dollars par an. Une bagatelle comparée au coût de la réduction des émissions de CO2 estimé, lui, entre 200 et 2000 milliards de dollars pour 2030.
Forts de ce constat encourageant, les chercheurs ont analysé les technologies exploitables pour transporter et répandre ce million de tonnes de poussières. Comme par hasard, alors qu’un représentant d’un fabricant d’avions sans pilote, Aurora Flight Science, fait partie de l’équipe, c’est justement la solution aéronautique qui se révèle la plus économique. Moins coûteuse que l’adaptation d’un avion existant, la construction d’un aéronef dédié au vol à très haute altitude et capable de disperser les particules reviendrait entre 1 et 2 milliards de dollars par an. Les canons et les fusées seraient, eux, beaucoup trop onéreux car non réutilisables. En fait, ce qui serait encore plus économique que l’avion spécialisé, ce serait une sorte de pipeline aérien de 20 km de long maintenu en l’air par des ballons gonflés à l’hélium…
Les trois chercheurs prennent toutes les précautions nécessaires en précisant que leur étude est purement économique et qu’elle ne prend pas en compte les impacts climatiques de cette solution. Du coup, elle est incapable de déterminer si les dégâts causés par la “solution” ne reviendraient pas plus chers que ceux du réchauffement climatique lui-même. Ce qu’il faudrait démontrer…
Une telle étude est probablement révélatrice de l’état d’esprit général des Américains vis à vis de la question climatique. Avec une opinion publique peu convaincue de la responsabilité de l’homme dans le réchauffement, ils s’accommoderaient volontiers d’une solution leur permettant de poursuivre leurs émissions massives de CO2 dans l’atmosphère tout en évitant une augmentation de la température du globe. Continuer à polluer en paix, en somme.
Michel Alberganti
lire le billet– De temps en temps, un cocorico ne fait pas de mal. C’est donc une équipe française qui a réalisé la première transfusion de sang fabriqué à partir de cellules souches. Cette nouvelle source de produits sanguins pourrait pallier le manque de donneurs dans certaines régions.
– Les recherches actuelles en géo-ingénierie ont pour but de contrecarrer les effets du changement climatique, notamment en injectant des particules dans l’atmosphère pour limiter l’éclairement de la Terre. La première expérience grandeur nature pourrait bien être réalisée en Grande-Bretagne où le concept d’un immense ballon diffuseur d’aérosols va être testé en octobre.
– Le nombre des débris spatiaux aurait atteint un point critique, ce qui mettrait en danger astronautes et satellites, selon un rapport américain. Il est temps de passer l’aspirateur au-dessus de nos têtes…
– On sait pratiquement tout d’Ötzi, cet homme préhistorique congelé et momifié retrouvé il y a exactement vingt ans sur un glacier à la frontière entre l’Italie et l’Autriche. On apprend aujourd’hui ce qu’il a mangé pour son dernier repas, avant d’être tué d’une flèche dans le dos : du bouquetin.
– Restons dans le passé avec les plus vieux bifaces jamais découverts. Ces outils en pierre taillée ont 1,76 million d’années et un lointain ancêtre de l’homme les a fabriqués dans ce qui est actuellement le Kenya.
– Pour la première fois, un reptile voit son génome séquencé : il s’agit d’un lézard américain.
– Petit scandale dans le monde de l’édition scientifique : le rédacteur en chef de la revue Remote Sensing vient de présenter sa démission après que son journal eut publié un article signé de deux climato-sceptiques américains, qui n’aurait jamais dû passer le crible du peer-reviewing car il a volontairement “omis” de citer les arguments scientifiques le remettant en question.
– Pour finir : on parle souvent de la “culture de l’aveu” dans les enquêtes policières françaises et des dérives qu’elles impliquent parfois. The Economist consacre un article à ces chercheurs qui montrent, expériences à l’appui, avec quelle facilité certaines personnes avouent des actes… qu’elles n’ont pas commis.
Pierre Barthélémy
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