Selon l’étude Global Burden of Disease Study 2010 publié le 13 décembre 2012 dans la revue The Lancet, l’espérance de vie moyenne des hommes, dans les 187 pays pris en compte, est passée de 56,4 ans à 67,5 ans entre 1970 et 2010. Celle des femmes est passée de 61,2 ans à 73,3 ans. Ainsi, l’espérance de vie à la naissance a augmenté de 3 à 4 ans par décennie depuis 1970, sauf pendant les années 1990 où le gain pour les hommes a été limité à 1,4 an et pour les femmes à 1,6 an. L’article consacré à ce thème détaille les progrès par région du monde. Si ces dernières affichent de grandes disparités, toutes ont un résultat positif. La durée de vie a donc augmenté partout, même dans les pays durement frappés par le sida. L’évolution la plus spectaculaire concerne la réduction des décès avant l’âge de 5 ans avec une chute de près de 60% depuis 1970.
Un autre article issu de la même étude concerne l’espérance de vie en bonne santé (HALE ou healthy life expectancy). En 2010, la HALE atteint 58,3 ans pour les hommes et 61,8 ans pour les femmes. Il est intéressant que noter que cette espérance de vie en bonne santé augmente moins vite que l’espérance de vie tout court. Au cours des 20 dernières années, chaque fois que l’on gagnait un an d’espérance de vie, le gain de HALE n’était que de 0,8 ans. Là aussi, les disparités sont très fortes entre Haïti où la HALE est de 27,9 ans et le Japon où elle atteint 71,7 ans.
De ces résultats découlent une information claire : l’écart entre la durée de vie et la HALE se creuse donc en permanence. “Le nombre d’années en bonne santé perdues pour cause d’infirmité a augmenté dans la plupart des pays”, notent les auteurs de l’article. Il remarquent aussi que “comparés aux progrès substantiels réalisés dans la réduction de la mortalité au cours des 20 dernières années, des progrès relativement faibles ont été fait dans la réduction des effets des maladies non mortelles et des blessures sur la la santé de la population”. Pour les scientifiques, l’évolution de la HALE doit devenir un indicateur important pour le contrôle de la santé après 2015.
De fait, on peut s’interroger sur une médecine qui semble plus focalisée sur le prolongement de la vie que sur celui du maintien de la bonne santé. Progressivement, le système médical engendre ainsi un nombre croissant de personnes vivantes mais en mauvaise santé. Une dérive qui ne peut que mettre à mal les systèmes de financement comme les caisses d’assurance maladie. Et qui explique les délicats problèmes de fin de vie rencontrés de plus en plus souvent. Sans parler de l’évident désagrément d’une vieillesse en mauvaise santé.
On peut légitimement se demander si les fondements mêmes du système actuel ne sont pas à mettre en cause. Au fond, le corps médical tire ses profits de la maladie et non de la bonne santé. N’est-il pas fatal qu’il produise de plus en plus de personnes vivantes mais en plus ou moins mauvaise santé ? Sans y voir un noir dessin de la part des membres du corps médical, n’est-il pas possible que le système actuel produise mécaniquement, sans volonté consciente, de plus en plus de malades ? Étant donné l’évolution des chiffres, ne paraît-il pas nécessaire de poser une telle question ? Et d’y répondre ?
Michel Alberganti
lire le billetDans le règne animal, la plupart des femelles vivent plus longtemps que les mâles. Chez l’homme, cette différence est souvent attribuée au mode de vie masculin (alcool, tabac, prise de risques…) moins sain que celui des femmes. Difficile de transposer cette explication chez… la mouche du vinaigre (drosophile melanogaster), par exemple… Une équipe de chercheurs des l’université australienne de Monash et de l’université anglaise de Lancaster ont découvert une nouvelle piste: les mutations génétiques de l’ADN des mitochondries. Leur étude, publiée le 2 août 2012 dans la revue Current Biology, est fondée sur l’analyse de 13 groupes différents de mouches du vinaigre mâles et femelles.
Résultat: l’ADN mitochondrial subit des mutations qui affectent la durée de vie des insectes mâles alors qu’elles n’ont pas cet effet sur les insectes femelles. De plus, comme les mitochondries ne sont transmises que par les femelles, les mutations mâles sont éliminées naturellement pendant la reproduction sexuée. Cela n’empêche pas les mâles d’en être victimes mais cela évite qu’ils en fassent hériter leur descendance. Ainsi, les nouveaux-nés bénéficient-ils d’un ADN mitochondrial provenant de la mère non affectées par le vieillissement subi par celui de leur père.
Toute la question réside dans l’importance de ce facteur génétique différenciant entre mâle et femelles par rapport à d’autres cause du vieillissement des mâles. Il est tout de même remarquable qu’une très importante proportion des espèces animales présente cette même différence de durée de vie. En 2009, les chiffres de l’OMS donne une espérance de vie à la naissance de 66 ans pour les hommes et de 71 ans pour les femmes dans le monde (78 ans et 85 ans, respectivement, en France, 76 ans et 81 ans aux Etats-Unis, 47 et 50 ans en Afghanistan). Une différence de 5 à 7 ans apparaît donc clairement en faveur des femmes dans les pays développés. Mais il est notable que les conditions de vie jouent, à l’évidence, un rôle majeur comme le montre la différence entre pays pauvres et pays riches. Il est aussi notable que les Etats-Unis aient vu leur espérance de vie baisser en 2010 (77,9 à 77,8 ans soit 80,3 ans pour les femmes et 75,3 ans pour les hommes) en raison du développement de l’obésité et des cancers et ce, malgré la poursuite de la baisse de la mortalité infantile. Les progrès indéniables en matière d’espérance de vie ne doivent pas masquer les chiffres qui mesurent l’espérance de vie en bonne santé. Là, on tombe à 62,4 ans pour les hommes et 64,2 ans pour les femmes en France en 2008. Les femmes vivent donc plus longtemps mais l’écart avec les hommes, en matière de vie en bonne santé, est réduit à moins de deux ans.
Les mutations de l’ADN mitochondrial n’expliquent donc peut-être pas tout. Si elles jouent vraiment un rôle, il sera peut-être possible un jour de permettre aux hommes d’espérer vivre aussi longtemps que les femmes. Ce qui serait plutôt une bonne nouvelle…
Michel Alberganti
lire le billet
Derniers commentaires