La semaine dernière, le Scottish National Party (SNP), le parti indépendantiste écossais, a obtenu la majorité absolue au Parlement d’Edimbourg. Et, dans l’élan de cette victoire, son leader, Alex Salmond, qui est déjà premier ministre d’Ecosse depuis 2007, a promis d’ici cinq ans un référendum sur l’indépendance de ce pays constitutif du Royaume-Uni (avec l’Angleterre, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord). Mister Salmond aime beaucoup l’indépendance puisqu’il en vise une autre, énergétique celle-là. En septembre 2010, il s’est fixé un objectif ambitieux : 80% de l’électricité issus d’énergies renouvelables d’ici à 2020. Quelques jours plus tard, il a ajouté que 100% en 2025 étaient possibles.
Cela peut sembler présomptueux mais il faut tout de même dire que l’Ecosse a quelques atouts dans le domaine. Tout d’abord un gros potentiel éolien, que ce soit dans les terres ou offshore. Tellement gros qu’il a fallu, pendant quelques heures au mois d’avril, couper six fermes éoliennes (et dédommager leurs exploitants) parce qu’en raison des forts vents, les “moulins” produisaient trop par rapport à la capacité d’absorption du réseau électrique ! Ensuite, ce pays maritime souhaite exploiter l’énergie véhiculée par les océans (vagues, courants, marées) avec des hydroliennes. Plusieurs machines ont été et vont être testées au Centre européen des énergies marines, qui est situé… en Ecosse. Enfin, dans la panoplie des énergies renouvelables, il y a la biomasse.
Pour mettre mes gros sabots dans un bon vieux cliché, j’écrirai que penser à l’Ecosse, c’est certes penser à Nessie, mais surtout au whisky. Quel rapport avec l’énergie de la biomasse ? D’aucuns riront en lançant que cette boisson alcoolisée réchauffe et ils ne croiront pas si bien dire. Comme l’a annoncé The Guardian dans un article paru la semaine dernière, le dernier projet d’énergie renouvelable made in Scotland est une petite centrale (7,2 mégawatts) qui fournira chaleur et électricité en brûlant les résidus de la fabrication du whisky mélangés à des copeaux de bois. De quoi alimenter 9 000 foyers. Si tout va bien, cette unité entrera en production en 2013. Elle sera implantée dans le Speyside, où se concentrent plusieurs dizaines des quelque cent distilleries écossaises. Pour que le projet soit intéressant sur le plan du bilan carbone, il faut que le transport de la matière première soit réduit au maximum afin de limiter les émissions de CO2 : la centrale n’accueillera donc que les déchets provenant de seize distilleries proches, toutes situées dans un rayon de 40 kilomètres.
Puisqu’on parle de camions, le whisky et ses résidus de production intéressent aussi le secteur du transport. Ainsi, en 2010, des chercheurs écossais de l’université Napier à Edimbourg ont déposé un brevet pour un agrocarburant fabriqué à partir des déchets de l’industrie du whisky. L’idée consiste à les transformer en butanol, que l’on mélangerait à l’essence ou au gazole, le butanol présentant l’avantage d’être plus énergétique que l’éthanol, le plus connu des “carburants verts”. Au bout du compte, avec un carburant issu de la fabrication du whisky, l’expression “un dernier verre pour la route” pourrait retrouver une deuxième jeunesse…
Pierre Barthélémy
lire le billetIl y avait la machine à écrire, la machine à laver, la machine à coudre, la machine à pain, la machine à sous et la machine à perdre. Voici désormais venu le temps de la machine à grimaces. C’est une (ré)invention que l’on doit à Daito Manabe, un Japonais à la fois musicien et programmeur, et avant tout artiste de l’électricité. Vous vous souvenez peut-être avoir fait à l’école cette sympathique expérience qui consiste à faire bouger des cuisses de grenouille séparées du cerveau de la bête en reliant les nerfs du batracien à une pile. Une expérience directement inspirée des travaux de Luigi Galvani (1737–1798).
Dans ses notes de travail, Galvani, professeur d’anatomie à Bologne, écrit ceci : “J’ai disséqué et préparé une grenouille [et] j’ai placé celle-ci sur la table sur laquelle se trouvait une machine électrique, à l’écart du conducteur de la machine et à une assez grande distance de celui-ci. Lorsque l’un de mes aides, par hasard, toucha légèrement avec la pointe de son scalpel, les nerfs cruraux internes de cette grenouille, on vit tous les muscles de ses membres se contracter de telle sorte qu’ils paraissaient pris de très violentes contractions tétaniques. Un autre des assistants qui était présent lors de nos expériences sur l’électricité eut l’impression que ces contractions se produisaient au moment où une étincelle jaillissait du conducteur de la machine. […] Je fus alors pris d’un incroyable désir de refaire l’expérience et d’expliquer le mystère de ce phénomène. J’approchai donc la pointe du scalpel de l’un ou l’autre des nerfs cruraux, tandis que l’un des assistants faisait jaillir une étincelle. Le phénomène se reproduisit de la même manière.”
Daito Manabe a repris l’idée en changeant d’animal… L’information nerveuse voyageant aussi chez l’humain via un courant électrique, l’artiste nippon a connecté les muscles faciaux de quatre de ses amis à des électrodes. Les impulsions que celles-ci transmettaient étaient synchronisées et suivaient le rythme d’une musique électronique. Le spectacle des contractions involontaires provoquées par la machine à grimaces est franchement drôle :
L’artiste japonais a décliné son idée sur d’autres modes. Sur cette autre vidéo, on le voit (au centre) grimacer, le visage muni de capteurs. Les signaux électriques recueillis fabriquent une musique électronique tout en étant renvoyés vers le visage de deux “cobayes”, lesquels reproduisent involontairement les grimaces de Daito Manabe.
Pierre Barthélémy
Non, non, sous couvert de science et de technologie, pas question de verser ici dans l’urophilie. Néanmoins, comme le suggère humoristiquement le Manneken-Pis depuis des siècles, l’urine est source de bienfaits cachés… Le premier est évident : composée à 95% de cette fameuse molécule qui associe deux atomes d’hydrogène et un atome d’oxygène, l’urine constitue une réserve d’eau douce considérable, surtout si on la multiplie par les 7 milliards d’individus que va bientôt compter la population humaine mondiale (et je ne parle même pas des populations diverses d’animaux domestiques). Il y a un an, on s’est esbaudi sur le système de recyclage de la Station spatiale internationale, qui a enfin permis aux astronautes de l’ISS de savourer l’eau qui avait transité par eux-mêmes et à la NASA d’économiser la mise en orbite de bidons de flotte. En réalité, cela fait de nombreuses années que le traitement des eaux usées est capable de renvoyer dans nos robinets de l’eau parfaitement potable… provenant de nos toilettes. Certains l’acceptent, d’autres non, car il est difficile de surmonter le “facteur beurk”.
Le second atout de l’urine, en ces temps d’écologie obligatoire, est beaucoup moins évident : on pourrait fabriquer de l’électricité avec ! La NASA, encore elle, a déjà commencé à étudier le concept d’un recyclage électrico-excrémentiel il y a quelques années : le voyage pour Mars d’un équipage de six personnes produisant plus de 6 tonnes de déchets organiques solides, il y avait de quoi se poser la question. L’idée consistait à développer une pile à combustible microbienne (PaCMi) ultra-compacte, capable d’arracher des électrons à ces déchets et produisant ainsi du courant (cliquer ici pour voir comment marche une PaCMi). Etant donné que l’odyssée martienne a été repoussée au-delà de 2030 par l’administration Obama, le projet n’est plus trop d’actualité… Cela dit, les piles à combustible microbiennes n’intéressent pas que la NASA. Depuis quelques années, le domaine est exploré par un nombre croissant de laboratoires. Le projet le plus en vogue est le Geobacter Project (du nom du microbe utilisé par une équipe de l’université du Massachusetts à Amherst), qui a été retenu en 2009 dans la prestigieuse liste des 50 meilleures inventions de l’année du magazine Time.
Et parmi les fondus des PaCMi, on trouve les chercheurs du Laboratoire de robotique de Bristol (BRL, Royaume-Uni), qui vont se pencher sur le cas de l’urine, donc. Pourquoi des roboticiens ? Parce qu’ils veulent que leurs machines fabriquent leur propre électricité en digérant des déchets. Pendant trois ans et demi, cette équipe a déjà mené des tests avec d’assez rudimentaires bidons à roulettes et il faut bien reconnaître, en regardant la vidéo mise en ligne sur leur site, que le rendement de leurs PaCMi est loin d’être fantastique. Cela pourrait s’améliorer en changeant de matériau de base, comme l’explique Ioannis Ieropoulos : “Au cours de ces années, nous avons nourri nos PaCMi avec des fruits pourris, de l’herbe tondue, des carapaces de crevettes et des mouches mortes pour tester différents types de déchets. Nous nous sommes concentrés sur la recherche des meilleurs déchets, ceux qui créent le plus d’énergie. L’urine est très active chimiquement, riche en azote et a des composants comme l’urée, les ions chlorure, le potassium et la bilirubine qui la rendent excellente pour les piles à combustible microbiennes. Nous avons déjà effectué des tests préliminaires qui montrent qu’il s’agit d’un déchet très efficace.”
Alors, après l’or noir, l’or jaune (question stupide, l’or est déjà jaune…) ? Le docteur Ieropoulos vient en tout cas de recevoir une bourse de près de 700.000 euros pour développer ses pipiles au pipi. Et le BRL est déjà en contact avec Ecoprod Technique, une société fabriquant des urinoirs sans eau. A terme, le laboratoire britannique espère produire un prototype de vespasienne mobile “qui utiliserait l’urine pour créer de l’énergie à partir de ses piles à combustible, ajoute Ioannis Ieropoulos. Nous envisageons par exemple de l’utiliser lors de festivals de musique ou pour d’autres manifestations en plein air.” La fête de la bière à Munich ?
Pierre Barthélémy
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