Un éléphant de modèle courant est doté d’un cœur, de neurones et de cellules de peau. Une musaraigne à trompe possède aussi tous ces organes, mais elle pèse dix mille fois moins que son camarade à défenses. Ce n’est qu’un exemple d’un problème universel : en biologie, la question de l’échelle des organismes se pose souvent et les réponses sont variées.
Par exemple, le ver Caenorabditis elegans, qui dépasse rarement un millimètre de longueur, se montre fort économe et fonctionne avec seulement un millier de cellules, c’est-à-dire environ dix milliards de fois moins que toi, ô lecteur. Une stratégie très efficace, mais pas forcément suffisante à la miniaturisation extrême de certains aventuriers du microscopique.
Prenons le cas d’un des plus petits insectes connus, trompeusement nommé Megaphragma mymaripenne , ou plus joliment « guêpe-fée » (fairywasp) en anglais : ce moucheron atteint avec difficulté le quart de millimètre des antennes à l’abdomen. Il se fait donc ridiculiser par des organismes unicellulaires comme la paramécie et l’amibe que voici :
Pour fonctionner à une taille pareille, le système nerveux est réduit à 7 400 neurones, cent fois moins que pour une simple abeille, mais ce nombre reste énorme pour la taille de l’animal : comment caser tout cela dans une si petite tête ?
Son astuce pour gagner de la place a été découverte par Alexey Polilov, chercheur à l’université Lomonosov de Moscou. Les neurones de M.mymaripenne se débarrassent tout simplement de leur plus gros composant : ils deviennent des cellules sans noyau comme de vulgaires globules rouges, ce qui permet à la petite bête d’avoir une tête à la fois bien pleine et bien faite.
Et si l’image ci-dessus vous intrigue, cette animation très réussie de l’université d’Utah sur les échelles du monde cellulaire vous donnera à coup sûr le tournis :
Fabienne Gallaire
Sources
Mise à jour : correction d’une erreur sur le rapport du nombre de neurones chez C. elegans et chez l’être humain.
lire le billetL’homme a pris la mesure du monde, au sens propre comme au figuré. Il l’arpente autant qu’il le soupèse, il l’évalue, le mètre et le calcule. Il a créé des échelles pour presque tout : l’échelle de Richter pour la magnitude des séismes, l’échelle de Beaufort pour la vitesse des vents, l’échelle de Saffir-Simpson pour l’intensité des cyclones, l’échelle de Turin pour la menace que font peser les astéroïdes sur la Terre, des échelles de température (Kelvin, Celsius, Farenheit, Réaumur, etc), l’échelle de Kinsey pour l’orientation sexuelle, l’échelle de Bristol pour la typologie des excréments humains (à déconseiller à l’heure des repas), etc. Et, il fallait bien que cela arrive, Homo sapiens a aussi inventé une échelle pour mesurer l’immesurable, classifier l’inclassifiable, rationaliser l’irrationnel de la passion amoureuse, voir de combien de centimètres s’enfonce la flèche de Cupidon.
Pour ma part, j’en étais resté au “Je l’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout” des amours enfantines effeuilleuses de marguerites et de pâquerettes. Mais, cela n’était visiblement pas assez précis, pas assez quantifiant pour mes amis en blouse blanche. J’ai découvert l’échelle de l’amour passionnel au détour d’une récente étude assez amusante publiée dans PLoS One : des chercheurs y ont établi que, chez des jeunes gens très amoureux, la douleur provoquée par une brûlure était fortement atténuée dès lors que leurs cobaye regardaient une photographie de l’être aimé, un phénomène mettant en jeu le système de récompense installé dans notre cerveau. En lisant cela, je me suis demandé comment on pouvait, objectivement, recruter des personnes très amoureuses. Je me suis donc intéressé à la partie méthodologique de cette étude et j’ai constaté que les quinze sujets retenus avaient totalisé au moins 90 points dans la forme abrégée de la Passionate Love Scale (PLS).
Celle-ci a sans doute déjà due être surexploitée par les magazines féminins tant elle ressemble aux fameux tests psycho “Etes-vous vraiment amoureuse ?” qui vous font passer le temps dans la salle d’attente du dentiste. J’ai retrouvé l’article original racontant comment cette échelle a été très sérieusement mise au point, testée et validée comme fiable. Publié en 1986 dans le Journal of Adolescence, cet article est l’œuvre d’une psychologue et d’une sociologue américaines, Elaine Hatfield et Susan Sprecher. Elles y expliquent comment elles ont intégré dans ce test des composants cognitifs, émotionnels et comportementaux. A partir de ces éléments, elles ont rédigé 165 items dont, au final, seulement 30 ont été retenus pour la PLS normale, et 15 pour la PLS abrégée.
Intéressons-nous à cette dernière. Vous voilà donc en face de 15 affirmations, allant de “Je me sentirais désespéré(e) si Trucmuche me quittait” à “Je sens que mon corps réagit quand Trucmuche me touche”, en passant par “Je veux que Trucmuche me connaisse – mes pensées, mes craintes et mes espoirs”. Il faut noter chacune de ces affirmations de 1 à 9, 1 signifiant “Pas vrai du tout” et 9 “Entièrement vrai”. Faites le total. Si vous avez obtenu entre 106 et 135 points, vous êtes dans la partie la plus extrême et la plus chaude de la passion, vous ne pouvez pas vous empêcher de penser à Trucmuche et, si on vous enfonce des aiguilles rouillées sous les ongles, la simple vue d’une photo de Trucmuche vous ôte toute sensation de douleur. Entre 86 et 105 points, c’est encore le grand amour, avec tout de même moins d’intensité. Plus le score baisse, plus les bouffées passionnelles se font rares. Enfin, si vous avez totalisé moins de 45 points, Trucmuche ne vous attire pas plus qu’une méduse échouée sur une plage. Vous pouvez le (ou la) larguer et vous inscrire dare-dare sur Meetic. C’est la science qui vous le dit.
Pierre Barthélémy
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