L’homme a pris la mesure du monde, au sens propre comme au figuré. Il l’arpente autant qu’il le soupèse, il l’évalue, le mètre et le calcule. Il a créé des échelles pour presque tout : l’échelle de Richter pour la magnitude des séismes, l’échelle de Beaufort pour la vitesse des vents, l’échelle de Saffir-Simpson pour l’intensité des cyclones, l’échelle de Turin pour la menace que font peser les astéroïdes sur la Terre, des échelles de température (Kelvin, Celsius, Farenheit, Réaumur, etc), l’échelle de Kinsey pour l’orientation sexuelle, l’échelle de Bristol pour la typologie des excréments humains (à déconseiller à l’heure des repas), etc. Et, il fallait bien que cela arrive, Homo sapiens a aussi inventé une échelle pour mesurer l’immesurable, classifier l’inclassifiable, rationaliser l’irrationnel de la passion amoureuse, voir de combien de centimètres s’enfonce la flèche de Cupidon.
Pour ma part, j’en étais resté au “Je l’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout” des amours enfantines effeuilleuses de marguerites et de pâquerettes. Mais, cela n’était visiblement pas assez précis, pas assez quantifiant pour mes amis en blouse blanche. J’ai découvert l’échelle de l’amour passionnel au détour d’une récente étude assez amusante publiée dans PLoS One : des chercheurs y ont établi que, chez des jeunes gens très amoureux, la douleur provoquée par une brûlure était fortement atténuée dès lors que leurs cobaye regardaient une photographie de l’être aimé, un phénomène mettant en jeu le système de récompense installé dans notre cerveau. En lisant cela, je me suis demandé comment on pouvait, objectivement, recruter des personnes très amoureuses. Je me suis donc intéressé à la partie méthodologique de cette étude et j’ai constaté que les quinze sujets retenus avaient totalisé au moins 90 points dans la forme abrégée de la Passionate Love Scale (PLS).
Celle-ci a sans doute déjà due être surexploitée par les magazines féminins tant elle ressemble aux fameux tests psycho “Etes-vous vraiment amoureuse ?” qui vous font passer le temps dans la salle d’attente du dentiste. J’ai retrouvé l’article original racontant comment cette échelle a été très sérieusement mise au point, testée et validée comme fiable. Publié en 1986 dans le Journal of Adolescence, cet article est l’œuvre d’une psychologue et d’une sociologue américaines, Elaine Hatfield et Susan Sprecher. Elles y expliquent comment elles ont intégré dans ce test des composants cognitifs, émotionnels et comportementaux. A partir de ces éléments, elles ont rédigé 165 items dont, au final, seulement 30 ont été retenus pour la PLS normale, et 15 pour la PLS abrégée.
Intéressons-nous à cette dernière. Vous voilà donc en face de 15 affirmations, allant de “Je me sentirais désespéré(e) si Trucmuche me quittait” à “Je sens que mon corps réagit quand Trucmuche me touche”, en passant par “Je veux que Trucmuche me connaisse – mes pensées, mes craintes et mes espoirs”. Il faut noter chacune de ces affirmations de 1 à 9, 1 signifiant “Pas vrai du tout” et 9 “Entièrement vrai”. Faites le total. Si vous avez obtenu entre 106 et 135 points, vous êtes dans la partie la plus extrême et la plus chaude de la passion, vous ne pouvez pas vous empêcher de penser à Trucmuche et, si on vous enfonce des aiguilles rouillées sous les ongles, la simple vue d’une photo de Trucmuche vous ôte toute sensation de douleur. Entre 86 et 105 points, c’est encore le grand amour, avec tout de même moins d’intensité. Plus le score baisse, plus les bouffées passionnelles se font rares. Enfin, si vous avez totalisé moins de 45 points, Trucmuche ne vous attire pas plus qu’une méduse échouée sur une plage. Vous pouvez le (ou la) larguer et vous inscrire dare-dare sur Meetic. C’est la science qui vous le dit.
Pierre Barthélémy
[…] Ce billet était mentionné sur Twitter par Arnaud@Thurudev, Fabienne Billat. Fabienne Billat a dit: Frissonnons : mesurer la passion amoureuse.. c'est beauuu !! "Passionate Love Scale" http://bit.ly/frTj7t RT @arnaud_thurudev […]
Si c’est la science qui le dit…
J’aime bien votre blog, continuez !
@Clément : merci pour les encouragements, ça fait toujours plaisir !
Je fais un test dédié tout entier à MAM et il est risque d’être très très positif, surtout en imaginant nos futurs séjours cartaginois. Mais j’ai appris qu’elle allait me quitter ce week end !!! Comment faut-il s’y prendre pour faire baisser la température dans ce genre de cas bien imprévu ?
Moi aussi j’aime bien ton blog… et m’en vais grimper sur l’échelle pour voir où j’en suis !!
Comment pourrait on mesurer son amour? l’amour ne sairait avoir de mesure, mais le seul moyen d’en partager, c’est de faire de ceci la base de son avoir, son guide et le bousol de ses activites. On ne saurait rien atteindre si l’amour pour son entreprise est absent. On aime meme quand on ne veut plus aimer et la seule mesure de l’amour c’est de tout faire en affectionnant et en priorisant tout se qui demande de l’amour.