La sélection du Globule #65

– Que ce soit par la chaleur, le manque d’eau, les incendies plus fréquents ou les ravageurs qu’il favorise, le réchauffement climatique tue de plus en plus de forêts dans le monde. Forêts qui présentaient jusque là l’avantage de stocker beaucoup de carbone. Cela s’appelle un cercle vicieux.

– Après avoir été secoué, la semaine dernière, par l’expérience des neutrinos plus rapides que la lumière, l’héritage d’Albert Einstein vient d’être réconforté par une étude réalisée sur des milliers d’amas de galaxies, confirmant les prédictions de la théorie de la gravitation énoncée par le savant à moustache.

Après un quart de siècle de bons et loyaux services, le Tevatron, le plus puissant accélérateur de particules américain, a fermé ses portes le 30 septembre. Faute de crédits. Le LHC du CERN perd son principal concurrent.

La Chine a lancé le premier module de sa station orbitale. Histoire de montrer un peu plus qu’elle veut jouer dans la cour des grands du spatial.

Depuis quelques mois, la sonde Messenger travaille en orbite autour de Mercure. Et les informations qu’elle envoie vont forcer les astronomes à réécrire les chapitres qu’ils ont consacrés à la plus petite planète du système solaire, notamment sur sa formation.

Avant que la voiture sans pilote n’arrive sur le marché, nous connaîtrons peut-être la phase des autos capables de lire dans notre pensée et de se préparer à bifurquer à droite ou à gauche alors que nous n’aurons pas commencé à tourner le volant.

Le Danemark est le premier pays au monde à introduire une taxe sur les produits contenant des graisses saturées. Du coup, avant qu’elle n’entre en vigueur, les consommateurs se sont rués sur le beurre…

Pour finir : ma deuxième chronique d'”improbablologie” est parue dans Le Monde. Au menu cette fois-ci, une étude testant toutes les manières d’embarquer dans un avion… A lire ici.

Pierre Barthélémy

lire le billet

Un hôtel chinois de 15 étages construit en 6 jours

La vidéo s’est déjà bien promenée sur le web mais elle vaut vraiment le coup d’œil : on y voit un hôtel de 15 étages se construire en un peu moins de six jours (46 heures pour la structure et 90 heures pour les façades). La scène se passait en juin, dans la ville de Changsan, capitale de la province chinoise du Hunan. On imagine la tête des voisins, partis une semaine en vacances, qui ont retrouvé à leur retour un bâtiment de plusieurs dizaines de mètres de haut devant chez eux…

Evidemment, pour que l’exploit soit possible, il a fallu réunir de nombreuses conditions. Tout d’abord, les fondations étaient prêtes avant la phase de construction proprement dite. Ensuite, tous les éléments de la structure étaient préfabriqués en usine et il ne restait plus qu’à les assembler, comme un immense Lego. Enfin, plusieurs équipes se sont relayées jour et nuit et de nombreux commentateurs, sur les blogs ou les sites sur lesquels cette vidéo a déjà été mise en ligne, ont perfidement souligné que ce dernier élément indispensable à la rapidité de la construction n’aurait pas été possible aux Etats-Unis ou en France en raison de la législation sur le droit du travail…

D’autres ont critiqué la construction elle-même, disant qu’elle leur semblait de mauvaise qualité et qu’ils ne se risqueraient pas à dormir dans cet hôtel. C’est sans doute l’expression d’une certaine jalousie. Préfabriqué ne rime plus avec précarité. Les spécifications de ce bâtiment réalisé par la société chinoise Broad sont même assez étonnantes puisqu’il est censé résister à un tremblement de terre de magnitude 9 sur l’échelle de Richter, soit l’équivalent de séismes extrêmement dévastateurs. A titre de comparaison, rappelons que la magnitude du tremblement de terre du 12 janvier à Haïti n’était “que” de 7. Celle du séisme du Sichuan, le 12 mai 2008, était montée à 7,9. Au cours des dernières années, seul le fameux séisme du 26 décembre 2004, qui a entraîné un tsunami ravageur dans l’océan Indien, a passé la barre des 9. On peut voir sur cette autre vidéo, celle de la construction du pavillon Broad à l’exposition universelle de Shanghaï 2010 (monté, lui, en une journée…), que la structure très légère (6 fois moins lourde qu’une construction normale) résiste avec une certaine souplesse au test sismique. Par ailleurs, l’accent est mis sur l’efficacité énergétique, la purification de l’air intérieur et la minimisation des déchets de construction.

Qui a traversé les banlieues de Pékin ou de Hongkong a constaté que leur démographie a imposé aux Chinois de construire vite et grand. Certes, beaucoup de choses horribles se sont bâties. Mais le BTP chinois a aussi beaucoup appris. En 2010, les deux leaders mondiaux du secteur ne sont plus les français Vinci et Bouygues. Ils ont été rétrogradés aux troisième et quatrième places. Les deux premières sont désormais occupées par des sociétés chinoises…

Pierre Barthélémy

lire le billet

Discrètes chinoiseries dans l’espace

Fusee-chinoiseC’est à un exercice spatial très délicat que s’est livrée la Chine, le 19 août dernier. Un véritable exploit. On n’a pas pour autant sorti les tambours ni les trompettes comme lorsque le premier cosmonaute de l’Empire du milieu, Yang Liwei, est parti dans l’espace le 15 octobre 2003. Cela n’a pas été non plus le grand tintamarre du 11 janvier 2007, jour où un missile balistique chinois est allé détruire un vieux satellite météorologique (lui aussi chinois), produisant du même coup une bonne dose de débris en orbite et montrant surtout au monde que la guerre des étoiles comptait un nouveau joueur, asiatique. Non, cette fois, la discrétion la plus absolue était de rigueur. Et, pour que cette scène ne demeure pas dans la confidentialité feutrée appréciée des Chinois, il a fallu la curiosité d’Igor Lissov. En analysant les données publiques fournies par l’armée américaine, ce spécialiste russe du spatial s’est aperçu que le satellite chinois SJ-12, lancé le 15 juin, avait progressivement gagné l’orbite d’un de ses cousins, SJ-06F (qui date, lui, de 2008), et s’en était rapproché si près, moins de 200 mètres, que l’on pouvait qualifier cette manœuvre de rendez-vous dans l’espace.

Un rendez-vous entre deux satellites, complètement automatique, sans contrôle humain à distance. Des analyses approfondies des orbites laissent aujourd’hui penser que les deux engins se sont même touchés. Comme l’a déclaré au New Scientist Brian Weeden, consultant dans le domaine spatial pour la Secure World Foundation,  “pour autant que je sache, c’est la première fois qu’un autre pays que les Etats-Unis effectue un rendez-vous rapproché qui ne soit pas dans le contexte d’une station spatiale. C’est une étape importante dans le développement de la technologie des Chinois et de leur capacité à opérer dans l’espace.”

Une question se pose tout de même. S’agit-il juste d’un exploit technique, d’une simple étape obligatoire avant que ne commence, en 2011, la construction de la station spatiale chinoise (vue d’artiste ci-dessous) ?

Station-spatiale-chinoiseSi nous vivions dans le monde des Bisounours, sans doute répondrait-on par l’affirmative. Ou peut-être chercherait-on un autre usage civil à ce genre de savoir-faire comme le nettoyage des déchets spatiaux, la mise hors orbite des vieux satellites ou un entraînement pour de futurs ravitaillements en orbite. Mais nous ne vivons pas dans le monde des Bisounours et le silence de Pékin sur le rendez-vous du 19 août suggère une autre possibilité, militaire celle-là : l’inspection, voire la destruction, de satellites “ennemis”. Quelques indices vont dans ce sens. D’une part, les engins utilisés pour ce rendez-vous, SJ-12 et SJ-06F, font partie d’une classe de satellites officiellement dédiés à la science, mais comme aucun chercheur n’a jamais publié d’article scientifique avec leurs données il est probable qu’ils soient consacrés à la collecte de signaux électroniques émanant de satellites étrangers. D’autre part, l’orbite choisie n’est pas anodine puisque c’est celle dédiée à l’observation de la Terre. Et qui dit observation dit satellites espions…

Parano ? Brian Weeden ne croit pas vraiment à ce scénario militaire mais il serait plus rassuré si les intentions chinoises étaient clairement affichées : “Si le but [des Chinois] était bienveillant, alors pourquoi ont-ils été si silencieux sur le sujet ? Si ce genre d’activité est fait en secret, si on les fait sans une certaine transparence, alors cela peut créer une perception erronée.” Belle litote. Interrogé par Wired, James Oberg, un ancien ingénieur de la NASA spécialisé dans les rendez-vous en orbite, voit dans cette affaire un coup d’intox’ à trois bandes : “Cela pourrait être simplement un jeu psychologique. Ils n’ont pas besoin d’attaquer les installations spatiales américaines – ils doivent juste nous faire croire qu’ils en sont capables.” Dans la grande course à la conquête spatiale, la Chine n’est pas partie la première mais elle refait rapidement son retard. Et beaucoup sont prêts à parier que le prochain drapeau qu’un homme plantera sur la Lune n’aura pas cinquante étoiles comme le précédent mais cinq. Jaunes, sur fond rouge.

Pierre Barthélémy

lire le billet