– L’impact des grands prédateurs sur l’environnement en général et leurs écosystèmes respectifs en particulier, serait sous-évalué, selon une récente étude publiée dans Science. C’est avec la diminution de leurs populations qu’on s’aperçoit de leur rôle essentiel dans l’équilibre naturel. «Les recherches récentes montrent que la disparition de ces animaux a des conséquences beaucoup plus importantes que ce que l’on pensait sur des questions telles que la propagation des maladies, le développement des espèces invasives, la séquestration du carbone ou encore les incendies », souligne l’étude signalée par Le Figaro.
– Restons dans les prédateurs. Outre-Manche, The Independent s’intéresse à la reconquête de la France par les loups, qui seraient environ 200 dans l’Hexagone. Sous la pression des éleveurs, la ministre de l’environnement, Nathalie Kosciusko-Morizet, vient d’assouplir considérablement le dispositif sur l’abattage de ces animaux. Alors même qu’il s’agit d’une espèce protégée par la convention de Berne que la France a ratifiée en 1990.
– Une des grandes questions sans réponse de la paléoanthropologie concerne la raison de la disparition des hommes de Néandertal. Peut-être ont-ils simplement été submergés par le nombre d’hommes modernes déferlant sur l’Europe il y a quarante millénaires.
– Alors qu’une page de la conquête spatiale vient de se tourner avec la fin des navettes américaines, je vous signale une série d’été de Libération consacrée à la question.
– On peut aller étudier l’évolution du vivant dans les forêts vierges. On peut aussi le faire en pleine ville, à New York par exemple.
– Comme c’est toujours en été, au moment où l’actualité se fait moins abondante, que les journaux généralistes se souviennent que la science existe, voici une autres série estivale, celle que Le Temps a commencée au début du mois de juillet, qui passe en revue les éléments chimiques du tableau de Mendeleïev.
– Lovotics (mot-valise mélangeant “love” et “robotics”) vous proposer de tomber amoureux d’une boule de poils robotisée (une sorte de serpillière à franges et à roulettes parlant comme R2D2) et de s’en faire aimer en retour. Bon…
– Pour finir : c’était une des photos d’OVNI les plus célèbres de la planète. Prise en 1990, elle matérialisait la vague d’objets volants non identifiés qui “déferlait” sur la Belgique à cette époque. Plus de vingt ans après, son auteur vient de reconnaître qu’il s’agissait d’un canular et qu’il avait photographié… un triangle de polystyrène muni de spots lumineux !
Pierre Barthélémy
lire le billetLe véritable “Flower Power” n’est pas celui que l’on croit. Les fleurs ont le pouvoir d’alanguir le cœur des femmes et de leur inspirer des sentiments romantiques, si l’on en croit une astucieuse étude réalisée par le Français Nicolas Guéguen, professeur en sciences du comportement à l’université de Bretagne-Sud, et publiée dans la revue Social Influence. En clair, les fleurs profitent aux dragueurs.
Dans un précédent travail dont je m’étais fait l’écho dans ce blog, Nicolas Guéguen, auteur de plusieurs livres sur la psychologie de la séduction et du consommateur, avait montré que les femmes acceptaient plus volontiers un rendez-vous galant après avoir entendu une chanson d’amour. Reprenant une partie de la méthodologie employée à l’époque, le chercheur a organisé deux petites expériences pour tester la capacité des fleurs à appuyer sur le bouton “Romantisme” placé dans le cerveau de ces dames. Dans la première, il s’agissait de voir si, en présence de fleurs, des femmes trouveraient un homme plus attractif que sans l’environnement floral. 46 représentantes du beau sexe ont donc été conviées dans une pièce pour regarder, seules, pendant 5 minutes la vidéo d’un jeune homme. Dans la moitié des cas, trois bouquets de fleurs mélangeant roses, marguerites et œillets d’Inde, étaient disposés dans la pièce. Pour les 23 autres cobayes, les vases étaient vides et placés aux mêmes endroits. Après avoir regardé la vidéo, les femmes quittaient la pièce et allaient répondre à un questionnaire leur demandant, sur une échelle allant de 1 à 7, de donner leur impression sur le jeune homme. A quel point le trouvaient-elles attirant physiquement et sexuellement, et accepteraient-elles un rendez-vous avec lui. Les femmes qui avaient vu le film en présence de fleurs ont en moyenne significativement mieux noté le garçon que celles qui l’avaient visionné dans une pièce sans bouquet…
Dans la seconde expérience, on est passé de la théorie à la pratique, avec l’aide d’un complice sélectionné pour son charme. Cette fois-ci, 64 femmes ont été “testées”. Le scénario était le suivant. Comme dans la première expérience, l’échantillon était divisé en deux (un avec bouquets, l’autre sans). Là encore, chaque femme regardait, seule, une courte vidéo et, au terme du visionnage, quittait la pièce pour retrouver le fameux complice (dont elle ignorait évidemment le rôle) en présence d’une expérimentatrice censée prendre des notes. Très vite, celle-ci quittait la pièce sous un faux prétexte et laissait le couple en tête à tête. C’est à ce moment-là que l'”Adonis” jouait un petit sketch, toujours le même. D’abord un grand sourire puis deux phrases : “Je m’appelle Antoine, je te trouve très jolie et je me demandais si tu me donnerais ton numéro de téléphone. Je t’appellerai plus tard et nous pourrions prendre un verre quelque part la semaine prochaine.” Puis silence, regard charmeur et re-sourire. Si la jeune femme acceptait, Casanova-pour-la-science notait son numéro. S’il se prenait un râteau, il répondait : “Dommage. Mais bon, pas de problème.” Et re-re-sourire.
Les résultats sont plutôt éloquents. Les femmes qui avaient eu droit aux fleurs pendant le visionnage du film ont accepté la proposition à 81% (26 sur 32). A titre de comparaison, dans l’échantillon non “imprégné” par les bouquets, seulement une sur deux a donné son numéro de téléphone (16 sur 32). Aucune des 64 ne s’est doutée de l’objet véritable de l’étude. Ce qui est intéressant, c’est que, comme dans l’expérience que j’ai citée plus haut sur les chansons d’amour, les fleurs font simplement partie du décor. Elles ne sont pas mises en avant, on ne les offre pas aux sujets et elles agissent même quand on n’est plus en leur présence. Ce que l’on mesure, d’une certaine façon, c’est l’effet d’une exposition aux fleurs sur les aspects romantiques de l’humeur.
Des expérimentations sur l’influence des fleurs ont déjà été réalisées, mais dans des contextes différents. Ainsi, dans une étude publiée en 2008, des chercheurs se sont aperçus qu’en plaçant un bouquet et une petite plante verte dans la chambre de personnes venant de subir une opération de l’appendicite, celles-ci demandaient en moyenne moins d’analgésiques que les personnes dont la chambre était dépourvue de végétation. Les premières présentaient une tension artérielle plus basse ainsi qu’un rythme cardiaque moins élevé que les secondes et se sentaient moins stressées et moins fatiguées par leur hospitalisation. Dans un article de vulgarisation paru en 2010 dans le magazine Cerveau & Psycho, Nicolas Guéguen rapporte que “le psychiatre John Talbott et ses collègues de l’université de Baltimore dans le Maryland ont montré que des patients placés en institution psychiatrique pour des troubles graves, parlent davantage, restent plus longtemps au réfectoire de l’établissement et mangent plus lorsque des plantes florales (ici, des chrysanthèmes jaunes) font partie du décor. Ce détail a son importance, car de nombreux patients en institution psychiatrique mangent peu. Dès lors, les psychiatres préconisent d’installer des plantes et des fleurs pour rendre le lieu plus proche de l’environnement extérieur associé à des événements agréables, et améliorer l’état des patients et leur volonté de se nourrir.”
L’influence des fleurs semble donc bien réelle et c’est sans doute aussi pour cette raison que l’homme s’est échiné à les cultiver depuis des millénaires alors qu’elles ne se mangent en général pas. Mais par quel mécanisme cette influence se fait-elle sentir, notamment sur le plan sentimental ? Les chercheurs n’ont, pour l’heure, pas la réponse. Couleurs ? Parfum ? Conditionnement social (étant donné que les fleurs sont associées aux mariages, aux rendez-vous galants, à la Saint-Valentin, etc) ? Quoi qu’il en soit, Messieurs, la prochaine fois que vous voudrez séduire une femme, donnez-lui rendez-vous devant un magasin de fleurs qui diffuse des chansons d’amour. Et arrivez un peu en retard, mais pas trop : elle pourrait vite préférer le fleuriste.
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : le succès de Globule et télescope ne se dément pas puisque le blog a battu un record de fréquentation en avril avec près de 320 000 visiteurs uniques pour plus de 400 000 pages vues. Un grand merci à vous. Dans le même temps, en mai, le Globule reste bien accroché à sa place de numéro 2 dans le classement Wikio des blogs de science.
lire le billetL’homme a pris la mesure du monde, au sens propre comme au figuré. Il l’arpente autant qu’il le soupèse, il l’évalue, le mètre et le calcule. Il a créé des échelles pour presque tout : l’échelle de Richter pour la magnitude des séismes, l’échelle de Beaufort pour la vitesse des vents, l’échelle de Saffir-Simpson pour l’intensité des cyclones, l’échelle de Turin pour la menace que font peser les astéroïdes sur la Terre, des échelles de température (Kelvin, Celsius, Farenheit, Réaumur, etc), l’échelle de Kinsey pour l’orientation sexuelle, l’échelle de Bristol pour la typologie des excréments humains (à déconseiller à l’heure des repas), etc. Et, il fallait bien que cela arrive, Homo sapiens a aussi inventé une échelle pour mesurer l’immesurable, classifier l’inclassifiable, rationaliser l’irrationnel de la passion amoureuse, voir de combien de centimètres s’enfonce la flèche de Cupidon.
Pour ma part, j’en étais resté au “Je l’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout” des amours enfantines effeuilleuses de marguerites et de pâquerettes. Mais, cela n’était visiblement pas assez précis, pas assez quantifiant pour mes amis en blouse blanche. J’ai découvert l’échelle de l’amour passionnel au détour d’une récente étude assez amusante publiée dans PLoS One : des chercheurs y ont établi que, chez des jeunes gens très amoureux, la douleur provoquée par une brûlure était fortement atténuée dès lors que leurs cobaye regardaient une photographie de l’être aimé, un phénomène mettant en jeu le système de récompense installé dans notre cerveau. En lisant cela, je me suis demandé comment on pouvait, objectivement, recruter des personnes très amoureuses. Je me suis donc intéressé à la partie méthodologique de cette étude et j’ai constaté que les quinze sujets retenus avaient totalisé au moins 90 points dans la forme abrégée de la Passionate Love Scale (PLS).
Celle-ci a sans doute déjà due être surexploitée par les magazines féminins tant elle ressemble aux fameux tests psycho “Etes-vous vraiment amoureuse ?” qui vous font passer le temps dans la salle d’attente du dentiste. J’ai retrouvé l’article original racontant comment cette échelle a été très sérieusement mise au point, testée et validée comme fiable. Publié en 1986 dans le Journal of Adolescence, cet article est l’œuvre d’une psychologue et d’une sociologue américaines, Elaine Hatfield et Susan Sprecher. Elles y expliquent comment elles ont intégré dans ce test des composants cognitifs, émotionnels et comportementaux. A partir de ces éléments, elles ont rédigé 165 items dont, au final, seulement 30 ont été retenus pour la PLS normale, et 15 pour la PLS abrégée.
Intéressons-nous à cette dernière. Vous voilà donc en face de 15 affirmations, allant de “Je me sentirais désespéré(e) si Trucmuche me quittait” à “Je sens que mon corps réagit quand Trucmuche me touche”, en passant par “Je veux que Trucmuche me connaisse – mes pensées, mes craintes et mes espoirs”. Il faut noter chacune de ces affirmations de 1 à 9, 1 signifiant “Pas vrai du tout” et 9 “Entièrement vrai”. Faites le total. Si vous avez obtenu entre 106 et 135 points, vous êtes dans la partie la plus extrême et la plus chaude de la passion, vous ne pouvez pas vous empêcher de penser à Trucmuche et, si on vous enfonce des aiguilles rouillées sous les ongles, la simple vue d’une photo de Trucmuche vous ôte toute sensation de douleur. Entre 86 et 105 points, c’est encore le grand amour, avec tout de même moins d’intensité. Plus le score baisse, plus les bouffées passionnelles se font rares. Enfin, si vous avez totalisé moins de 45 points, Trucmuche ne vous attire pas plus qu’une méduse échouée sur une plage. Vous pouvez le (ou la) larguer et vous inscrire dare-dare sur Meetic. C’est la science qui vous le dit.
Pierre Barthélémy
Il y avait la brouette japonaise, la marmite à tourniquet, le tournedos béarnaise et le derviche à grand braquet. Dans la liste imagée des positions de l’amour, sans doute va-t-il falloir, au cours du siècle à venir, instaurer une nouvelle nomenclature, celle des positions interplanétaires, liée à l’exploration du système solaire. Car l’homme, en plus d’être une bête de sexe, est devenu depuis plus d’un demi-siècle, un animal spatial. Douze mâles sont déjà allés caresser la Lune (avec un L majuscule…) et, s’il est fort peu probable qu’on plante un jour un drapeau sur les monts de Vénus, planète fort inhospitalière, Mars constitue la prochaine étape de la conquête. Ce seront des voyages au long cours (520 jours aller-retour si l’on reprend les données de la mission Mars-500, mais cela peut aller jusqu’à deux ans et demi), avec des équipages mixtes – car les femmes apaisent les tensions dans les situations de confinement prolongé –, et en microgravité.
Si vous ne pouvez pas imaginer trois hommes et trois femmes flottant, pendant des mois, dans un vaisseau spatial, et voyant la Terre devenir un minuscule point bleuté dans l’immensité noire du vide interplanétaire, pas de problème, Rhawn Joseph l’a fait pour vous, dans un des 55 chapitres du livre collectif Human Mission to Mars. Colonizing the Red Planet. Je précise qu’il ne s’agit pas là d’une publication scientifique mais ce psychiatre passionné d’astrobiologie y a rassemblé de nombreuses études réalisées dans l’espace, qui donnent une idée des dangers qui entourent les amours spatiales. Il part du principe que, dans les les conditions très particulières de ce genre de voyage, il se passera ce qui est déjà advenu lors d’hivernages dans des stations polaires en Antarctique : liaisons, relations sexuelles, grossesses.
Le problème, c’est que dans l’espace, tout est plus compliqué. S’envoyer en l’air tout là-haut s’apparente à une véritable épreuve de gymnastique en raison de l’absence de gravité. Un mot d’ordre : se cramponner l’un à l’autre. Parce qu’un mouvement trop brusque risque de vous catapulter, votre partenaire et vous, aux deux extrémités du module martien. On peut néanmoins faire confiance à l’inventivité de l’homme (et de la femme) pour se dégoter des bittes d’amarrage. Il n’est d’ailleurs pas impossible que des précurseurs aient déjà mené quelques expériences, côté soviéto-russe sur la station Mir ou côté américain avec les navettes spatiales, comme le raconte ce documentaire (en anglais) :
On risque donc quelques bleus à monter au septième ciel. Mais tout cela n’est rien à côté du risque qu’il y aurait à essayer de se reproduire dans l’espace. L’absence de gravité et l’exposition aux rayons cosmiques peuvent avoir de graves conséquences : endométriose, menstruation rétrograde, perturbations hormonales, altération des gamètes (notamment chez l’homme), changements dans le noyau cellulaire et dans la forme des cellules, anomalie dans la formation du système nerveux primitif de l’embryon, développement fœtal anormal, fausses couches, stress pré- et post-natal, altérations génétiques, retard intellectuel chez les enfants, etc. Dans sa compilation, Rhawn Joseph rappelle notamment que, lors d’une expérience menée par les Soviétiques, des rats se sont accouplés, mais sans que cela soit suivi de naissances.
Une fois posés sur Mars, les astronautes n’auront plus à subir plus les effets délétères de la microgravité. Néanmoins, leur environnement sera sensiblement différent de celui de la Terre, dans lequel l’homme a toujours évolué (avec les deux sens du verbe “évoluer”). Par conséquent, si des humains naissent sur la planète Rouge, ils auront de bonnes chances de présenter des différences génétiques notables avec ceux venant au monde sur notre globe bleu. Ce qui pourrait (qui sait ?), à terme, nous conduire vers un processus de spéciation, avec l’apparition d’une espèce que les auteurs de science-fiction nous ont souvent appris à redouter : les Martiens.
Pierre Barthélémy
lire le billetVous avez trucidé des zombies à la tronçonneuse pendant cinq heures sur votre console vidéo tout en écoutant en boucle le dernier tube hard rock intitulé “Explose ton voisin” ? Dans ce cas, ne sortez pas tout de suite faire vos courses au supermarché du coin. Vous risquez fort de transformer votre chariot en rouleau compresseur sur la petite grand-mère qui – ARGHHH !!! – cherche ses pièces à la caisse depuis trois minutes pour payer sa salade, parce qu’elle ne s’est toujours pas habituée aux euros. C’est prouvé depuis de nombreuses années, l’exposition à des médias violents (jeux, vidéos, chansons) augmente l’agressivité. Mais l’inverse est-il vrai ? Ecouter une jolie chanson romantique incite-t-il à l’amour ?
C’est ce qu’a voulu tester une équipe de psychologues français dans une étude aussi astucieuse qu’amusante, parue dans le numéro de juillet de la revue Psychology of Music. Nicolas Guéguen (dont Slate.fr a déjà parlé lorsqu’il a montré que le succès d’une auto-stoppeuse était directement relié à la grosseur de sa poitrine…), Céline Jacob et Lubomir Lamy ont mis sur pied une vraie petite machination, comme c’est souvent le cas en psychologie, pour que les cobayes ne se doutent pas une minute de ce que l’on mesurait réellement.
Le scénario était le suivant. Plusieurs dizaines d’étudiantes en sciences sociales ou sciences du management, dont une enquête préliminaire s’était assuré qu’elles n’avaient pas de petit ami, étaient recrutées pour un sondage-produit. Chacune devait goûter deux sortes de cookies en compagnie d’un étudiant et discuter avec lui des qualités des biscuits en présence d’une sondeuse. Un sondage très banal en apparence. Mais, lorsqu’elle se présentaient, l’étudiant en question (en réalité un complice choisi pour son physique avantageux) n’était pas encore arrivé. On invitait donc la jeune femme à patienter trois minutes dans une salle d’attente, laps de temps pendant lequel une chanson était diffusée. Soit Je l’aime à mourir, de Francis Cabrel, sélectionnée par un panel féminin pour les pensées et sentiments amoureux qu’elle suscite, soit L’heure du thé, de Vincent Delerm, retenue par le même panel pour sa neutralité de ton. A la fin de la chanson, l’étudiant arrivait et on pouvait goûter les cookies. Au bout de quelques minutes, la sondeuse faisait une pause et laissait en tête-à-tête la fille et le garçon.
Celui-ci jouait alors un petit sketch, toujours le même. D’abord un grand sourire puis deux phrases : “Je m’appelle Antoine, je te trouve très jolie et je me demandais si tu me donnerais ton numéro de téléphone. Je t’appellerai plus tard et nous pourrions prendre un verre la semaine prochaine.” Puis silence, regard charmeur et re-sourire. Si la jeune femme acceptait, Casanova-pour-la-science notait son numéro. S’il se prenait un râteau, il répondait : “Dommage. Mais bon, pas de problème.” Et re-re-sourire. A ce moment-là, la sondeuse revenait… et dévoilait le pot-aux-roses à l’étudiante.
Aucune n’a jamais fait le rapprochement entre la chanson écoutée et le jeu de séduction. Et les résultats ? Quand la chanson de Francis Cabrel était diffusée, plus de la moitié des demoiselles a accepté (23 sur 44, soit 52,2 %) de donner son numéro de téléphone et l’invitation à boire un verre y afférente. Lorsque c’était le titre de Vincent Delerm, un bon quart seulement de ces jeunes personnes s’est laissé enjôler (12 sur 43, soit 27,9 %). Quel tue-l’amour ce Delerm…
Pour les chercheurs, la différence – quasiment du simple au double – est significative et la musique adoucit vraiment les cœurs. “Ecouter les paroles d’une chanson romantique, par comparaison avec des paroles neutres, augmente la probabilité d’accepter, quelques minutes plus tard, une demande de rendez-vous galant, écrivent en conclusion les auteurs de l’étude. Cet effet confirme l’impact comportemental d’une exposition à un contenu médiatique. Cependant, il le confirme dans un nouveau registre comportemental qui n’avait pas été testé auparavant, étant donné que les recherches précédentes s’est surtout concentrées sur l’effet des médias violents sur les comportements, pensées et sentiments violents ou agressifs.” Cela dit, Nicolas Guéguen et Céline Jacob devaient s’attendre à ce résultat car, en 2009, avec deux autres collègues, ils avaient noté que les hommes dépensaient plus d’argent chez le fleuriste lorsqu’une chanson d’amour y était diffusée… Il faudrait aussi calculer l’impact des violonistes de restaurants sur la consommation de champagne. Et on ne saurait trop suggérer aux clubs de rencontres, agences matrimoniales et autres organisateurs de speed datings d’investir dans la sono et quelques CD romantiques.
Un dernier point. Francis Cabrel lui-même n’avait-il pas le pressentiment de ce phénomène quand il écrivait, précisément dans Je l’aime à mourir, “Pour monter dans sa grotte / Cachée sous les toits / Je dois clouer des notes / A mes sabots de bois” ?
Pierre Barthélémy
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