Chasing Ice : la plus extraordinaire formation d’iceberg jamais filmée

Après l’Antarctique, dont la partie ouest se réchauffe à grande vitesse, voici l’Arctique et le Groenland qui a, lui aussi, fait parlé de lui en 2012, surtout en juillet avec des records de surface de fonte de sa calotte glaciaire. Le 14 décembre 2012, le documentaire Chasing Ice du réalisateur Jeff  Orlowski est sorti sur les écrans… en Angleterre. Auparavant, il avait été diffusé aux États-Unis et avait été sélectionné au festival Pariscience d’octobre 2012 à Paris. Ayant eu l’honneur de faire partie du jury cette année, je l’avais défendu, sans succès. Il vient de remporter le prix du meilleur documentaire aux Satellite Awards de l’International Presse Academy.

Des photos prises pendant des mois sur plusieurs années

Chasing Ice n’a pas que des qualités. Il est trop long, 80 minutes, et trop axé sur un personnage, James Balog, photographe américain qui s’est pris de passion pour le réchauffement climatique et, en particulier, son impact sur le Groenland. Pour démontrer la réalité de ce phénomène, le photographe a consacré plusieurs années à photographier, à l’aide d’appareils installés pendant des mois en différents points du Groenland, l’évolution des glaciers. Il a ainsi pu enregistrer avec précision leur perte de volume au fil du temps comme le montrent ces images prises à trois années d’intervalle :

Le documentaire relate, avec moult détails, les préparatifs des expéditions, la réalisation et l’installation des boitiers de protection contenant les appareils photo ainsi qu’un système spécialement conçu pour ces missions de time-lapse, c’est à dire de prise de vue automatique à intervalle de temps donné. Les difficultés de réalisation n’ont pas manqué dans un environnement aussi hostile. Soumis au froid… polaire, aux vents extrêmes et à de longs mois d’abandon avec les problèmes de durée de vie des batteries, les appareils ont souvent été arrachés par les tempêtes et détruits. A force d’obstination, James Balog a fini par obtenir les images qui montrent la fonte rapide des glaciers.

Comme si l’île de Manhattan s’effondrait

Mais il voulait aussi filmer la fragmentation des icebergs, appelés “vêlage” ou calving en anglais, c’est à dire, littéralement, la mise bas. Mais là, pas question d’abandonner une caméra en fonctionnement pendant des mois. L’équipe du film s’est donc postée, pendant de longues semaines, dans l’attente d’un événement… Au bord du découragement, ils ont finalement été largement récompensés par la plus extraordinaire fragmentation jamais filmée. Pas moins de 7,4 km3 de glace se sont lentement effondrés devant les objectifs pendant 75 minutes. A peu près la taille de l’île de Manhattan s’est ainsi détachée du glacier d’Ilulissat. Un spectacle grandiose et apocalyptique que, espérons le, vous pourrez, un jour, voir sur les grands écrans de cinéma ou de la télévision française. Faute d’une programmation annoncée, en voici l’extrait le plus spectaculaire diffusé sur le site du journal The Guardian à l’occasion de la sortie du film en Angleterre. A recommander aux climatosceptiques qui, souvent dans les commentaires de ce blog, sont persuadés que la température de la Terre n’augmente plus depuis 20 ans…

Michel Alberganti

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L’ouest de l’Antarctique se réchauffe beaucoup plus vite que prévu

Le doute semble levé. L’Antarctique, lui aussi, se réchauffe plus rapidement que prévu. Tout du moins, un point chaud apparaît dans sa partie ouest avec des températures très supérieures à celles des autres régions du continent. Dans l’article publié le 23 décembre dans la revue Nature Geoscience, David Bromwich de l’université de l’Ohio et son équipe déclarent, à la suite d’une analyse des données relevées par la station de Byrd :

“Les enregistrements révèlent une croissance linéaire de la température annuelle entre 1958 et 2010 atteignant 2,4°C (+/- 1,2°C), ce qui établit que le centre de la région ouest de l’Antarctique est l’une des zones du globe dont le réchauffement est le plus rapide.”

Par rapport aux autres régions du continent, la partie ouest autour de la station de Byrd affiche une augmentation de température trois supérieure (+0,9°C contre +0,3°C sur la carte ci-dessus). Et si l’on compare les 2,4°C révélés par cette étude au réchauffement constaté sur le globe depuis le début de la révolution industrielle (+0,51°C), on constate que ce point chaud de l’Antarctique s’est réchauffé 5 fois plus au cours des 25 dernières années que le reste du globe pendant quelque 150 à 200 ans. C’est dire le niveau inquiétant atteint par cette zone.

Est-ce, pour autant, dangereux ? Après tout, il ne s’agit que d’une partie limitée de l’Antarctique. Eh bien, oui, cela pose problème en raison des quantités très importantes de glace stockées au pôle Sud. En 2009, la Nasa notait que cette partie ouest est particulièrement vulnérable au réchauffement parce que la calotte de glace repose que un sol se trouvant en dessous du niveau de la mer. “Si la calotte de glace de l’ouest de l’Antarctique fondait totalement, elle provoquerait une montée des eaux sur le globe comprise entre 5 et 6 mètres”, notait alors la Nasa. L’ordre de grandeur de ces chiffres est très différent de celui que nous avons enregistré jusqu’à présent. Les dernières estimations tablent sur une augmentation du niveaux des mers de 11 mm en 20 ans.

Il apparaît donc que la fonte des glaces des l’ouest Antarctique pourrait, à l’avenir, jouer un rôle majeur sur ce phénomène qui compte parmi les plus préoccupants en matière de conséquences du réchauffement climatique. Les nouveaux relevés devraient ôter un argument aux climatosceptiques qui citaient souvent la situation en Antarctique comme, contrairement à l’Arctique, une preuve d’une stagnation de la température du globe au cours des 20 dernières années. Désormais, il apparaît comme certain que les glaces des deux pôles fondent rapidement et qu’elles joueront, avec le phénomène de dilatation de l’eau des océans, un rôle prépondérant dans l’augmentation future du niveau des mers.

Michel Alberganti

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Découverte de neurones qui régulent les fonctions cardiovasculaires

Personne ne doute des limites des connaissances actuelles des scientifiques en matière de fonctionnement du cerveau, malgré l’accélération des découvertes engendrées par l’imagerie médicale, telle que l’IRM fonctionnelle. Mais, de là à imaginer qu’un type de cellules nerveuses, de neurones, leur ait échappé… C’est pourtant ce que semble révéler la publication d’un article rédigé par Jens Mittag, responsable d’équipe au département de biologie cellulaire et moléculaire du célèbre Institut Karolinska en Suède, et publié dans le Journal of Clinical Investigation du 21 décembre 2012. Avec des collègues en Allemagne et en Hollande, Jens Mittag a découvert que les hormones thyroïdiennes, bien connues pour agir directement sur les fonctions cardiovasculaires, peuvent également passer par le cerveau pour réguler indirectement ces fonctions, vitales pour l’organisme puisqu’elles comprennent le rythme cardiaque et la pression sanguine.

Régulation de la tension et du rythme cardiaque

Ces travaux ont mis en évidence une population, inconnue jusqu’à présent, de neurones dits “parvalbuminergique” (pv) situés dans la parti antérieure de l’hypothalamus. En réalisant une ablation de ces neurones dans le cerveau de souris, les chercheurs ont constaté une hypertension et une tachycardie dépendante de la température. Ils ont ainsi vérifié le rôle essentiel des nouveaux neurones dans la régulation des fonctions cardiovasculaires. De plus, ce sont les hormones thyroïdiennes qui sont à l’origine du développement de ces neurones dans le cerveau.

Les dangers de l’hypothyroïdie pendant la grossese

Cette découverte démontre, une fois de plus, la complexité du fonctionnement de notre organisme. Ainsi, les hormones produites par la thyroïde n’agissent pas uniquement sur les fonctions cardiaques de manière directe. Pour ce faire, elles passent également par le cerveau grâce à ces nouveaux neurones situés dans l’hypothalamus. De quoi donner de nouvelles pistes de recherche pour le traitement de l’hyper et de l’hypothyroïdie. Pour Jans Mittag, cette découverte est majeure :

“Cela ouvre des voie entièrement nouvelles pour la lutte contre les maladies cardiovasculaires”. Si nous apprenons à contrôler ces neurones, nous serons capables de traiter à travers le cerveau certains problèmes cardiovasculaires comme l’hypertension. Ce n’est pas, néanmoins, pour demain. Dans l’immédiat, cette découverte nous conduit à la certitude qu’il faut traiter l’hypothyroïdie des femmes enceintes. Un faible niveau d’hormones thyroïdiennes peut endommager la production de ces neurones dans le cerveau du fœtus. Ce qui, par la suite, pourrait être à l’origine de problèmes cardiovasculaires”.

Michel Alberganti

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Le robot mulet répond à la voix du soldat, le suit et porte son barda

Lorsqu’il fera son apparition sur les champs de bataille, nul doute que le robot mulet LS3 donnera l’avantage aux soldats qui l’utiliseront, ne serait-ce que par l’effet de surprise de leurs adversaires. L’engin développé par l’entreprise Boston Dymanics est probablement le plus gros robot parvenu à un stade aussi avancé de développement. Il peut en effet transporter environ 180 kg de matériel et dispose d’assez de carburant pour parcourir 30 km et fonctionner pendant 24 heures. Déjà, lorsque le LS3 était à l’entrainement dans un laboratoire, bardé de fils et de câbles, il impressionnait par les mouvements de ses quatre pattes, très proches de celles d’un animal comme une vache, un cheval ou un mulet, mais aussi par ses capacités de relèvement après une chute. Mais les premiers séquences vidéo filmées dans la nature sont, elles, tout bonnement sidérantes. Vous pouvez juger par vous-même :

La dernière vidéo date du 19 décembre 2012 et montre, pour la première fois, le LS3 lourdement chargé et, surtout, capable de suivre un soldat sur des terrains accidentés. On note qu’il répond aux commandes vocales et qu’il est capable de trouver son chemin pour rejoindre le soldat en évitant les obstacles. L’engin conserve son aptitude à se relever après une chute, même sur un terrain boueux. Une fonction essentielle car, vu son poids, il est impossible à un homme seul de le remettre debout. Ses flancs équipés d’arceaux jouent un rôle important pour cette opération tandis qu’un réseau de barres protègent la tête et son électronique.

Un tel engin démontre, une nouvelle fois, les ressources fournies par le biomimétisme. La démarche des quadrupèdes est, ici, parfaitement reproduite. Au trot, le LS3 semble ne plus toucher le sol. Et il compense son manque de souplesse par un  jeu des articulations des pattes avant qui lui permettent de se sortir de tous les mauvais pas.

Financé par la Darpa, l’agence américaine des projets avancés de l’armée, et par la marine américaine, le LS3 préfigure peut-être l’équipement des soldats de demain. Difficile de ne pas penser, en le voyant évoluer, à certains robots de Star Wars. Pourtant, la fonction de ce mulet métallique n’est guère belliqueuse puisqu’elle se limite au transport de matériel. La tentation de l’équiper d’armement doit néanmoins titiller certains responsables militaires. Le mulet se transformerait alors en dragon crachant du feu et des balles sur son passage, sorte d’hélicoptère au sol… De quoi rêver, ou cauchemarder…

Michel Alberganti

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Fin du monde : dernier coup d’oeil aux merveilles de la vie sur Terre

Bon, c’est pour demain… Pour ceux qui croient à la fin du monde et qui risquent de céder à la panique, voici une forme d’antidote. Comment imaginer que de telles merveilles disparaissent demain ? Combien de temps a-t-il fallu pour atteindre un tel mariage de la beauté et de l’efficacité ?

Les merveilles de notre univers sont révélées depuis des décennies grâce aux progrès de l’imagerie scientifique. La biologie, comme l’espace, est une source inépuisable d’émerveillement visuel. Depuis 10 ans, la filiale américaine du fabricant d’appareils photo et de microscopes japonais Olympus organise un concours annuel international  intitulé BioScapes. Les lauréats de l’édition 2012 viennent d’être révélés et ils donnent largement raison au président d’Olympus America lorsqu’il déclare: “Les images au microscope forgent un lien extraordinaire entre la science et l’art”. Contrairement aux images des télescopes qui bénéficient de l’impulsion de puissantes agences comme la Nasa, celles qui proviennent de la biologie sont beaucoup moins popularisées. Même si elle n’est pas dénuée d’objectifs commerciaux, on ne peut donc que saluer l’initiative d’Olympus America.

Vous pouvez découvrir les 10 images et vidéos gagnantes ainsi que les 62 mentions honorables décernées cette année. Vous y retrouvez l’image ci-dessus ainsi que celles ci-dessous. Je ne résiste pas au plaisir de vous montrer mes préférées. Avec une mention spéciale pour la vidéo sur les Rotifères, classée première. On note que plusieurs Français se trouvent parmi les lauréats et les mentions.

Michel Alberganti

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Tau Ceti : une autre Terre, à 12 “pas” ?

Le rêve de découvrir une autre Terre n’en finit pas de se régénérer. Il faut dire que l’avalanche permanente des annonces de nouvelles exoplanètes ne risque pas de le laisser s’évanouir. Et puis, plus notre planète semble mal partie – trop peuplée, polluée, réchauffée…- plus l’appel de l’exode devient puissant. L’instinct explorateur, voire colonisateur, ne demande qu’à se rallumer. Et quelques heures avant une “fin du monde”, même aussi fausse que stupide, le sentiment de vulnérabilité, d’insécurité, nous étreint. Un jour, peut-être, sans doute, faudra-t-il partir. Mais pour aller où ?

En cadeau de Noël, les astronomes nous apportent ce qu’ils ont trouvé de mieux: un autre système solaire, avec son étoile, Tau Ceti, et 5 planètes. Pas de quoi être déboussolés par rapport à notre système actuel, avec son étoile, le Soleil, et ses 8 planètes. Si Tau Ceti fait rêver, c’est aussi, sans doute, parce qu’elle est visible à l’oeil nu dans le ciel, depuis l’Europe. Comme à portée de la main… Toutes proportions gardées. Nous parlons d’une étoile, certes parmi les plus proches puisqu’elle ne se situe que trois fois plus loin qu’Alpha du Centaure. Ce dernier est un système à trois étoiles ce qui se semble guère propice à la présence de planète à une distance suffisante d’une étoile pour que des conditions compatibles avec la vie y règnent. La fameuse zone habitable.

A 120 000 milliards de km

Tau Ceti, elle, est seule. Et c’est l’étoile la plus proche de nous dans cette situation. Toutefois, la distance à parcourir pour l’atteindre est tout de même de 12 années-lumière. Le chiffre est faible mais l’unité est grande. D’où un voyage de 120 000 milliards de km. Aujourd’hui, les vaisseaux spatiaux les plus rapides atteignent des vitesses encore inférieures à 100 000 km/h. Admettons qu’ils l’atteignent un jour. Sauf erreur de calcul, ils pourraient alors parcourir 876 millions de km par an, soit environ 0,9 milliard de km par an. Pour atteindre Tau Ceti, il faudrait alors plus de 130 000 ans. Ce qui paraît très excessif, même en plongeant l’équipage dans un sommeil profond. A titre de comparaison, les vaisseaux qui ont parcouru la plus grande distance sont aujourd’hui les sondes Voyager qui sont en passe de sortir du système solaire. Lancées en 1977, elles ne se trouvent qu’à environ 18 milliards de km de la Terre. Pour parvenir à la distance de Tau Ceti, il leur faudrait encore pas loin de 240 000 ans.


Stuck In The Sound – Let's Go (Official Video) par Discograph

On constate donc que le voyage vers les étoiles ne peut se concevoir, à l’échelle de temps de la vie des êtres humains, que si l’on atteint des vitesses très proches de celle de la lumière. Cette limite indépassable, même par les neutrinos, fixe à un peu plus de 12 ans la durée minimale de l’exode vers Tau Ceti. Avant de parvenir à créer des vaisseaux capables de telles performances, dans le style de l’hyperespace des romans de science-fiction, pas mal d’eau coulera, sans doute, sous les ponts. Le temps de vérifier que les planètes détectées aujourd’hui par les astronomes sont effectivement hospitalières.

Une étoile moins lumineuse que le Soleil

Il reste l’exploit de l’observation. Obtenus à l’aide de trois télescopes, situés au Chili, en Australie et à Hawaï, les résultats obtenus par une équipe internationale dirigée par Mikko Tuomi de l’université du Hertfordshire en Angleterre ont été publiés dans la revue Astronomy & Astrophysics le 19 décembre 2012.  Les 5 planètes détectées ont des masses comprises entre 2 et 7 fois celle de la Terre. Leur distance par rapport à leur étoile, Tau Ceti, est inférieure à celle qui sépare notre Soleil de Mars. Toutefois, l’étoile émet seulement 45% de la lumière du Soleil. Si trois des planètes détectées semblent trop proches de Tau Ceti et donc trop chaudes pour le développement de la vie, il en reste deux…

Michel Alberganti

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Une sonde chinoise flashe l’astéroïde Toutatis

L’astéroïde Toutatis, l’énorme caillou qui a “rasé” la Terre les 12 et 13 décembre 2012, a bien la forme d’une pomme de terre. Et ce n’est pas grâce à la NASA ou à l’ESA que nous l’apprenons, mais grâce à une sonde chinoise, Chang’e 2. Une fois n’est pas coutume, mais cela pourrait le devenir. Discrètement pour l’instant, la Chine fait son long chemin dans l’espace. Chang’e 2 est une sonde spatiale lancée le premier octobre 2010 dans le cadre du programme chinois d’exploration lunaire de la China National Space Administration (CNSA).

Les photos de  Toutatis prises par la sonde sont le résultat d’une extension de sa première mission, la Lune. Là, en orbite, elle a réalisé la cartographie complète la plus détaillée, à ce jour, grâce à la résolution de 1,3 m de son appareil photo. Ensuite, en juin 2011, Chang’e 2 a entamé la seconde partie de sa mission: rejoindre le point de Lagrange L2 qu’elle a atteint le 25 août 2011. Elle y a réalisé des tests du système de suivi et de contrôle spatial chinois.

Le 15 avril 2012, la sonde a entamé sa troisième mission : croiser Toutatis afin de prendre des photos au plus près de l’astéroïde qui a pu contribuer à alimenter les frayeurs de fin du monde le 21 décembre 2012, malgré une date différente et une distance avec la Terre de… 7 millions de km.

A 3,2 km de distance

De fait, le jour dit, Chang’e 2 s’est trouvée à seulement 3,2 km de distance de Toutatis et a pu prendre une série de photos malgré une vitesse relative de 10,73 km/s. Ce qui reviendrait à flasher un objet se déplaçant, sur Terre ou ailleurs, à… plus de 36 000 km/h.

L’exploit est d’autant plus remarquable que les autres photos de Toutatis, réalisées depuis la Terre, étaient très mauvaises. A quelques millions de km, les meilleurs télescopes ne peuvent éviter le flou et le grain. D’où l’intérêt des images prises par Chang’e 2 qui vont enrichir la collection des nombreux guetteurs d’astéroïdes sur Terre.

Michel Alberganti

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Boson de Higgs: le CERN voit double

Décidément, on ne s’ennuie jamais au CERN de Genève. L’an dernier, à la même époque, les chercheurs pensaient que les neutrinos pouvaient se déplacer à la vitesse de la lumière. Démenti le 16 mars 2012. Cette année, on n’y parle que du boson de Higgs et de sa dernière aventure : un dédoublement imprévu, incongru et inquiétant.

Les résultats de l’expérience Atlas publiés le 13 décembre 2012 font en effet apparaître non plus un mais… deux bosons de Higgs. La détection de l’existence de la fameuse particule est obtenue grâce aux désintégrations engendrées par les collisions de particules à l’intérieur de l’accélérateur LHC du CERN. Le 4 juillet 2012,  le CERN a annoncé avec enthousiasme avoir obtenu les preuves expérimentales de l’existence d’un nouvelle particule ayant de très fortes probabilités d’être le boson de Higgs. Mais ils ont, semble-t-il, négligé alors de mentionner que l’une des deux expériences qui traque le boson, avait obtenu, dès le mois de mai 2012, la trace de… deux bosons.

Au lieu d’une seule particule dont la masse serait d’environ 125 gigaélectronvolts (GeV), voilà qu’elles seraient deux avec des masses de 123.5 GeV et 126.6 GeV. Une différence de 3 GeV qui pose un réel problème aux physiciens car elle est à la fois trop petite et trop grande. Trop petite pour qu’il s’agisse de deux particules très différentes. Trop grande pour que la différence de 3 GeV soit due à des erreurs d’expérience ou de calcul. D’autant que les données ont été triturées dans tous les sens pour tenter d’éliminer cette aberration. Sans résultat. L’expérience montre une désintégration du boson en deux photons. Sorte de boson Higgs-Higgs…

Est-ce grave ? Oui…

Après tout, est-ce si grave ? Si cette observation était confirmée, il semble que oui. L’apparition d’une seconde particule au lieu d’un seul boson de Higgs mettrait en effet à mal pas moins de deux théories. Le modèle standard, d’abord, pour lequel le boson de Higgs unique a été imaginé dans les années 1960. Sa découverte doit conforter cette théorie. En cas de bosons de Higgs multiples, une autre théorie, la supersymétrie, reprendrait-elle du poil de la bête? Rien n’est moins sûr. Selon un physicien du CEA interrogé par Globule et télescope, “la supersymétrie, qui prévoit plusieurs Higgs, n’envisage pas qu’ils soient si proches en masse”.

Trop proches ou trop éloignés… Le double boson de Higgs va faire jaser pendant des mois car il faudra attendre mars 2013 pour la prochaine mise à jour des résultats publiés par le CERN à partir de l’énorme quantité de données fournies par les expériences. Mars ? Le mois de la révélation de la bourde des neutrinos plus rapides que la lumière… Attendons donc la cuvée 2013 des révélations de printemps du CERN. Pour Peter Higgs, candidat au prix Nobel de Physique, ce délai risque d’être particulièrement pénible. C’est en effet en début d’année 2013 que la sélection des candidats est faite. Déjà, l’an dernier, ce calendrier, lui a été fatal. Sera-t-il victime, l’an prochain, du double Higgs ?

Michel Alberganti

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11 à 12 ans de vie gagnés en 40 ans mais souvent en mauvaise santé

Selon l’étude Global Burden of Disease Study 2010 publié le 13 décembre 2012 dans la revue The Lancet, l’espérance de vie moyenne des hommes, dans les 187 pays pris en compte, est passée de 56,4 ans à 67,5 ans entre 1970 et 2010. Celle des femmes est passée de 61,2 ans à 73,3 ans. Ainsi, l’espérance de vie à la naissance a augmenté de 3 à 4 ans par décennie depuis 1970, sauf pendant les années 1990 où le gain pour les hommes a été limité à 1,4 an et pour les femmes à 1,6 an. L’article consacré à ce thème détaille les progrès par région du monde. Si ces dernières affichent de grandes disparités, toutes ont un résultat positif. La durée de vie a donc augmenté partout, même dans les pays durement frappés par le sida. L’évolution la plus spectaculaire concerne la réduction des décès avant l’âge de 5 ans avec une chute de près de 60% depuis 1970.

La vie en bonne santé ne suit pas

Un autre article issu de la même étude concerne l’espérance de vie en bonne santé (HALE ou healthy life expectancy). En 2010, la HALE atteint 58,3 ans pour les hommes et 61,8 ans pour les femmes. Il est intéressant que noter que cette espérance de vie en bonne santé augmente moins vite que l’espérance de vie tout court. Au cours des 20 dernières années, chaque fois que l’on gagnait un an d’espérance de vie, le gain de HALE n’était que de 0,8 ans. Là aussi, les disparités sont très fortes entre Haïti où la HALE est de 27,9 ans et le Japon où elle atteint 71,7 ans.

L’écart se creuse

De ces résultats découlent une information claire : l’écart entre la durée de vie et la HALE se creuse donc en permanence. “Le nombre d’années en bonne santé perdues pour cause d’infirmité a augmenté dans la plupart des pays”, notent les auteurs de l’article. Il remarquent aussi que “comparés aux progrès substantiels réalisés dans la réduction de la mortalité au cours des 20 dernières années, des progrès relativement faibles ont été fait dans la réduction des effets des maladies non mortelles et des blessures sur la la santé de la population”. Pour les scientifiques, l’évolution de la HALE doit devenir un indicateur important pour le contrôle de la santé après 2015.

Une médecine focalisée sur le prolongement de la vie…

De fait, on peut s’interroger sur une médecine qui semble plus focalisée sur le prolongement de la vie que sur celui du maintien de la bonne santé. Progressivement, le système médical engendre ainsi un nombre croissant de personnes vivantes mais en mauvaise santé. Une dérive qui ne peut que mettre à mal les systèmes de financement comme les caisses d’assurance maladie. Et qui explique les délicats problèmes de fin de vie rencontrés de plus en plus souvent. Sans parler de l’évident désagrément d’une vieillesse en mauvaise santé.

… engendre-t-elle mécaniquement plus de malades ?

On peut légitimement se demander si les fondements mêmes du système actuel ne sont pas à mettre en cause. Au fond, le corps médical tire ses profits de la maladie et non de la bonne santé. N’est-il pas fatal qu’il produise de plus en plus de personnes vivantes mais en plus ou moins mauvaise santé ? Sans y voir un noir dessin de la part des membres du corps médical, n’est-il pas possible que le système actuel produise mécaniquement, sans volonté consciente, de plus en plus de malades ? Étant donné l’évolution des chiffres, ne paraît-il pas nécessaire de poser une telle question ? Et d’y répondre ?

Michel Alberganti

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Le jour d’après : la vidéo du lendemain de la fin du monde

La Nasa vient de publier une vidéo datée… du lendemain de la fin du monde qui, comme tout le monde le sait désormais est programmée pour le 21 décembre 2012. Avec 10 jours d’avance, la NASA tente de désamorcer la panique. “La preuve que le monde ne s’est pas terminé hier”,selon l’agence spatiale américaine.

L’intérêt de cette vidéo réside dans ses motivations et dans la méthode narrative utilisée. Pour en comprendre l’objectif, il faut suivre les informations qui proviennent des Etats-Unis et d’autres pays au sujet des croyances de fin du monde liées aux interprétations apocalyptiques du calendrier maya. Les Américains, en particulier, craignent des réactions incontrôlables de leurs concitoyens, comme des suicides, des vagues de panique, la construction d’abris antiatomiques et autres actes désespérés. C’est pour tenter de désamorcer de tels mouvements que la Nasa a réalisé cette vidéo et mis en place un groupe de chercheurs chargé de répondre aux questions des Américains angoissés. L’exercice de la vidéo se révèle ainsi plein de leçons :

1°/ Le procédé du “jour d’après”

L’idée de proposer, dix jours avant, une vidéo censée se passer le lendemain de la fin du monde semble relever d’une manœuvre désespérée ou insultante. Désespérée parce que cela révèle que les responsables de la Nasa, à cours d’arguments rationnels, acceptent de jouer le jeu des croyances qu’ils dénoncent. Les voilà en train de faire un exercice d’anticipation pour contrecarrer une croyance… anticipatrice. Le mal par le mal, en somme. Légèrement insultante, ou méprisante, vis à vis du public aussi. Si l’on décrypte le message, cela donne : Vous croyez n’importe quoi. Eh bien pourquoi ne croiriez-vous pas aussi à ceci !”

La Nasa, très sérieuse agence spatiale, verse ainsi dans la technique de la projection futuriste à vocation pédagogique inaugurée explicitement par le film : “Le jour d’après”, réalisée par Roland Emmerich en 2004. Il s’agissait alors d’alerter la population mondiale sur les effets du dérèglement climatique. Un autre catastrophe. La pédagogie réside dans le fait de montrer ce qui va se produire grâce à la science fiction. La Nasa, elle, fait de la fiction grâce à la science.

2°/ La pédagogie de l’anticipation

Sur un ton extrêmement sérieux, la voix off souligne le titre du clip: “Le monde ne s’est pas terminé hier”, sur le mode du message à la postérité : “22 décembre 2012. Si vous regardez cette vidéo, cela signifie une chose : le monde ne s’est pas terminé hier”. Vient ensuite la mention de la croyance en la prédiction du calendrier Maya. Et, bien entendu, le démontage scientifique des fondements même de cette croyance. Entrée en scène d’un spécialiste, le docteur John Carlson, directeur du centre pour l’archéoastronomie, qui explique que le calendrier Maya ne prédit pas la fin du monde le 21 décembre 2012 mais seulement la fin d’un cycle. Ainsi, au lieu d’un lendemain de cataclysme, le 22 décembre sera le premier jour d’une nouvelle période de 5125 ans, soit 13 baktunob ou 1 872 000 jours, suivant celle que les mayas ont connu pendant plus de 2500 ans.

3°/ Le rationnel contre la croyance

Après avoir démonté la croyance en une fin du monde fondée sur le calendrier maya, la Nasa semble considérer que cela ne suffit pas. Revenant dans son domaine de prédilection, elle s’attaque à deux des principales causes de fin du monde réellement possibles : la collision avec un astéroïde et l’activité du soleil. Dans le premier cas, la Terre exploserait sous l’impact, dans le second elle se consumerait. Pour démontrer qu’aucune rencontre avec un objet céleste n’est programmée pour le 21 décembre, la Nasa déclare d’abord que les observations des scientifiques ne montrent aucun danger. Et puis, et c’est sans doute le meilleur moment du clip, la voix off, sans changer de ton, indique qu’il n’est d’ailleurs pas nécessaire d’appeler le gouvernement pour s’en convaincre. Il suffit de sortir de chez soi et de regarder le ciel. Si un astéroïde géant devait heurter la Terre le 21 décembre, il serait déjà l’objet le plus gros et brillant visible dans le ciel… Petit demi-tour temporel. Le spectateur auquel s’adresse alors la Nasa n’est plus celui du 22 décembre mais bien celui du 12 décembre…

Michel Alberganti

A retrouver sur Slate.fr: notre dossier «Fin du monde»

» C’est à quelle heure, la fin du monde?

» Ce qui se passera vraiment le 21 décembre selon le calendrier maya

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