Gilles-Eric Séralini, GES pour les intimes, prend un gros risque avec le dernier chapitre en date de sa croisade anti-OGM. Et la France, aussi, en soutenant ses résultats avant même qu’ils ne soient vérifiés et en envisageant, si vite, comme le Premier ministre Jean-Marc Ayrault en déplacement à Dijon, une demande de l’interdiction pure et simple des OGM en Europe.
Gilles-Eric Séralini dirige l’équipe qui a publié l’étude «Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize» montrant que des rats nourris aux OGM et au Roundup meurent beaucoup plus vite que les rats du groupe de contrôle recevant une nourriture sans OGM ni Roundup.
Moins de 24 heures après la divulgation des résultats de l’étude dans la revue Food and Chemical Toxicology, la déclaration de Jean-Marc Ayrault confirme l’impression d’affolement que le gouvernement a donné après l’orchestration à grand spectacle de la révélation, par le Nouvel Obs daté du 20 septembre, des résultats obtenus sur des rats.
Une médiatisation hors du commun pour une publication scientifique de chercheurs, certes français, dans une revue de renommée moyenne (facteur d’ impact de 3, loin de celui des principales revues: 38 pour The Lancet, 36 pour Nature, 31 pour Science, 16 pour PLoS Medecine…). Food and Chemical Toxicology est donc une revue, à comité de lecture certes, mais plutôt spécialisée et dont l’autorité n’a rien de comparable avec celle des grands journaux scientifiques. Elle n’atteint pas, non plus, le facteur d’impact de Toxicology and Applied Pharmacology (4,4). La publication, encore absente du site de la revue, de l’article cosigné par Gilles-Eric Séralini ne peut donc pas être considérée comme totalement validée.
D’ailleurs, le gouvernement appelle les autorités compétentes –l’agence de sécurité sanitaire (ANSES) et l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)– à vérifier l’étude au plus vite. Cela induit une analyse des données brutes et des résultats publiés mais ne permet pas de refaire l’expérience qui a pris deux années aux chercheurs français.
Les réactions à l’enquete montrant les dangers… par Maxisciences
Au stade actuel, moins de deux jours après «l’événement», un premier bilan se dessine. Avec des points forts, des points faibles et des zones d’ombres.
Désormais, il faut attendre l’avis des autorités saisies par le gouvernement sur la nouvelle étude. Dans l’intervalle, la campagne médiatique de Gilles-Eric Séralini et de ses soutiens va se poursuivre. Il semble donc que l’on ait mis la charrue avant les bœufs, avec tous les risques d’accidents que cela comporte. Si jamais l’étude était invalidée, la carrière de Gilles-Eric Séralini ne s’en remettrait pas et la France serait ridicule. Si elle est confirmée et que des dangers pour l’homme peuvent en être déduits, Gilles-Eric Séralini deviendra le héros de la lutte contre Monsanto et la diablerie des OGM.
Michel Alberganti
Photo: Gilles-Eric Séralini. REUTERS/Yves Herman
lire le billetLes photos illustrant l’étude publiée le 19 septembre 2012 par Gilles Eric Séralini (Université de Caen, Institut de biologie, CRIIGEN) dans la version en ligne de la revue Food and Chemical Toxicology rappellent celles qui ornent… les paquets de cigarettes. Reprises par le Nouvel Obs qui fait la couverture de son édition du 20 septembre avec le titre “Oui, les OGM sont des poisons!”, elles montrent des rats perclus de tumeurs après avoir été alimentés avec du maïs Monsanto NK603, résistant à l’herbicide Roundup de… Monsanto, et de l’herbicide Roundup. Résultat : les rats ainsi nourris meurent beaucoup plus vite que les rats du groupe de contrôle recevant une nourriture sans OGM ni Roundup.
Les scientifiques se prononceront sur le fond de cette étude. Ils devront, en particulier, reproduire l’expérience afin de vérifier qu’ils obtiennent les même résultats que l’équipe de Gilles-Eric Séralini. La procédure classique. En cas de confirmation de l’effet de ce cocktail mortel, il restera à extrapoler ses effets sur l’être humain. Il faudra enfin vérifier que les doses utilisées par les chercheurs français, transposées à la masse corporelle humaine, sont représentatives de ce que nous consommons. C’est dire s’il reste des choses à vérifier avant de conclure, comme nos confrères du Nouvel Observateur, que les OGM sont des poisons. Si tel était le cas, un désastre sanitaire majeur serait à craindre aux Etats-Unis, grands consommateurs d’OGM depuis des décennies. Pour l’instant, donc, il s’agit d’une alerte très inquiétante qui impose de lancer de nouvelles études indépendantes.
S’il est trop tôt pour statuer sur la valeur scientifique de cette étude, il est d’ores et déjà possible d’en analyser le traitement médiatique et la composante éthique. Il se trouve en effet que le principal auteur de l’étude, Gilles-Eric Séralini, est également ouvertement militant anti-OGM. A la fin de la publication dans Food and Chemical Toxicology, il est mentionné:
Conflict of Interest
The authors declare that there are no conflicts of interest.
Les mêmes auteurs remercient ensuite, pour leur support, la fondation “Charles Leopold Meyer pour le progrès de l’homme” et le CRIIGEN (Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le génie Génétique), l’équivalent de la CRIIRAD, spécialisée dans le nucléaire, mais pour le génie génétique. Le CRIIGEN se déclare un comité “apolitique et non-militant d’expertise, de conseil, indépendant des producteurs d’OGM“. Le président de son comité scientifique est… Gilles-Eric Séralini. Parmi ses membres, on trouve Corinne Lepage, présidente d’honneur, et Jean-Marie Pelt, secrétaire général.
Gilles-Eric Séralini publie, le 26 septembre prochain chez Flammarion, un ouvrage intitulé : “Tous cobayes, OGM, pesticides, produits chimiques”. Le même jour, sort au cinéma un documentaire de Jean-Paul Jaud, “Tous cobayes”, adapté du livre de Gilles-Eric Séralini. Ce film sera diffusé sur France 5 le 16 octobre. Quelques jours auparavant, le 22 septembre, les éditions Charles Leopold Meyer auront publié un ouvrage intitulé “Pour qu’ils ne puissent plus dire qu’ils ne savaient pas !” signé par Corinne Lepage. Le livre “démontre l’absolue nécessité et l’urgence dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui de mener des études indépendantes” sur les OGM, selon l’éditeur. Cela fait beaucoup. Même si l’on considère comme aussi salutaire que nécessaire l’alerte de l’opinion publique sur les questions que soulèvent les OGM et les agissements de Monsanto, largement exposés dans le remarquable documentaire Le Monde selon Monsanto, réalisé par Marie-Monique Robin.
Indépendant, le CRIIGEN n’en est pas moins militant, quoi qu’il en dise. Les écrits de ses principaux membres en témoignent largement. Gilles-Eric Séralini est l’auteur de Génétiquement incorrect (Flammarion, 2003, 2012), Ces OGM qui changent le monde (Flammarion, 2004) et Nous pouvons nous dépolluer ! (Josette Lyon, 2009). Avec Jean-Marie Pelt, il a publié Après nous le déluge ? (Flammarion, 2006). Quant à Joël Spiroux de Vendômois, docteur en médecine et président du CRIIGEN, il signe aujourd’hui même, dans le Nouvel Observateur, une tribune intitulée: “OGM, Monsanto, Roundup & Co : comment notre société produit des malades”. Difficile, dans ces conditions, d’arguer d’une quelconque indépendance d’opinion du CRIIGEN et de ses membres vis à vis des OGM. Tous mènent un combat ouvert contre les organismes génétiquement modifiés.
Rien de plus respectable. La question qui se pose concerne la conjonction entre la publication d’une étude scientifique et un battage médiatique visiblement orchestré s’exprimant simultanément dans la presse, dans l’édition, au cinéma et à la télévision. Bien entendu, l’objectivité scientifique n’existe pas plus que l’objectivité journalistique. Mais jusqu’où le militantisme peut-il influencer le protocole d’une expérience ? La publication d’aujourd’hui dans Food and Chemical Toxicology conduit forcément à cette interrogation du fait de l’engagement idéologique et politique de son auteur principal. Seule l’expertise scientifique de ses travaux pourra lever ce doute légitime. S’il est prouvé que la découverte de Gilles-Eric Séralini constitue effectivement une grave menace pour l’homme, cela démontrera que le militantisme peut servir de moteur efficace à la démarche scientifique. Dans le cas contraire…
Michel Alberganti
» A lire aussi: Maïs OGM Monsanto, l’étrange affolement du gouvernement français
(Ré) écoutez l’émission Science Publique que j’ai animée sur France Culture le 24 février 2012 :
Avec:
Philippe Chalmin, professeur d’économie à Paris-Dauphine.
François Houllier, directeur général délégué à l’organisation, aux moyens et à l’évaluation scientifique de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA.
Jean-Christophe Pagès, président du comité scientifique du Haut Conseil des Biotechnologies ( HCB).
Joël Spiroux de Vendomois, docteur en médecine générale et en environnement, président du Comité de recherche et d’informations indépendantes sur le génie génétique, le CRIIGEN.
“Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ?” assurait Alfred de Musset. En matière de bière, il avait tort. Dans ce domaine, tout dépend… de la forme du verre. C’est, en tous cas, ce qui ressort de la très sérieuse étude réalisée par une équipe de chercheurs de l’école de psychologie expérimentale de l’université de Bristol dirigée par Angela Attwood. Motivés par la pratique du binge drinking, ou biture express, qui consiste à boire le plus possible d’alcool le plus vite possible et qui est devenue un problème de santé publique en Grande-Bretagne, les scientifiques ont réalisé deux expériences avec le concours de 160 personnes ne buvant qu’en société (social drinkers), âgées de 18 à 40 ans et sans passé alcoolique.
Dans le premier test, les participants devaient boire de la bière ou une boisson non alcoolisée soit dans un verre de forme droite, soit dans un verre à bord incurvé, de type flûte. Le résultat est, pour le moins, surprenant. En effet, les participants ont bu leur bière près de deux fois plus vite dans le verre flûte que dans le verre droit. Plus étrange encore, ce phénomène ne se produit pas avec une boisson sans alcool…
Ensuite, les participants ont été soumis à un test sur ordinateur. Sur l’écran, leur étaient présentées plusieurs images des deux formes de verre contenant des quantités variées de liquide. Ils devaient alors dire si chacun des verres était rempli à plus ou moins de la moitié de leur contenance. Les chercheurs ont ainsi pu constater que le verre flûte induisait plus d’erreurs que le verre droit. Plus fort encore, le taux d’erreur semble corrélé à la vitesse de boisson. Ceux qui se sont le plus trompés sur l’évaluation du niveau médian de remplissage des verres étaient ceux qui avaient bu leur bière le plus vite…
Il semble que la vitesse d’absorption d’une boisson alcoolisée influence le degré d’intoxication ressenti. C’est d’ailleurs le principe même du binge drinking. De plus, la vitesse favorise la boisson d’un plus grand nombre de verres pendant une soirée. D’où l’espoir des chercheurs: réduire la vitesse de boisson pourrait avoir un impact positif sur les individus et sur l’ensemble de la population. Il sera néanmoins difficile de trouver un équivalent des radars routiers à installer sur le comptoir des bars pour mesurer les excès de vitesse de boisson…
Cela n’empêche pas Angela Attwood de garder l’espoir d’avoir fait oeuvre utile en alertant les buveurs sur un danger qu’ils ignoraient: la forme du verre. Son étude, publiée dans la revue PLoS ONE le 31 août 2012, pourrait facilement être prolongée. En effet, il existe autant de verres que de producteurs de bière. Et à chacun sa forme… Celle que les chercheurs de Bristol stigmatisent, la forme en flûte avec coté incurvé, est l’une des plus rares. Elle est néanmoins utilisée par une grande marque, Carlsberg. Même si le verre de la 1664 s’en rapproche. De même que les verres Kwak… En revanche, les fameuses abbayes belges, Leffe et Affligem en tête, sont loin de favoriser les excès de vitesse. Certains brasseurs auraient-il découvert le secret du binge drinking avant Angela Attwood ? Désormais, tout le monde est prévenu. Un verre droit, ça va. Un verre flûte, gare à la chute…
Michel Alberganti
lire le billetDans le règne animal, la plupart des femelles vivent plus longtemps que les mâles. Chez l’homme, cette différence est souvent attribuée au mode de vie masculin (alcool, tabac, prise de risques…) moins sain que celui des femmes. Difficile de transposer cette explication chez… la mouche du vinaigre (drosophile melanogaster), par exemple… Une équipe de chercheurs des l’université australienne de Monash et de l’université anglaise de Lancaster ont découvert une nouvelle piste: les mutations génétiques de l’ADN des mitochondries. Leur étude, publiée le 2 août 2012 dans la revue Current Biology, est fondée sur l’analyse de 13 groupes différents de mouches du vinaigre mâles et femelles.
Résultat: l’ADN mitochondrial subit des mutations qui affectent la durée de vie des insectes mâles alors qu’elles n’ont pas cet effet sur les insectes femelles. De plus, comme les mitochondries ne sont transmises que par les femelles, les mutations mâles sont éliminées naturellement pendant la reproduction sexuée. Cela n’empêche pas les mâles d’en être victimes mais cela évite qu’ils en fassent hériter leur descendance. Ainsi, les nouveaux-nés bénéficient-ils d’un ADN mitochondrial provenant de la mère non affectées par le vieillissement subi par celui de leur père.
Toute la question réside dans l’importance de ce facteur génétique différenciant entre mâle et femelles par rapport à d’autres cause du vieillissement des mâles. Il est tout de même remarquable qu’une très importante proportion des espèces animales présente cette même différence de durée de vie. En 2009, les chiffres de l’OMS donne une espérance de vie à la naissance de 66 ans pour les hommes et de 71 ans pour les femmes dans le monde (78 ans et 85 ans, respectivement, en France, 76 ans et 81 ans aux Etats-Unis, 47 et 50 ans en Afghanistan). Une différence de 5 à 7 ans apparaît donc clairement en faveur des femmes dans les pays développés. Mais il est notable que les conditions de vie jouent, à l’évidence, un rôle majeur comme le montre la différence entre pays pauvres et pays riches. Il est aussi notable que les Etats-Unis aient vu leur espérance de vie baisser en 2010 (77,9 à 77,8 ans soit 80,3 ans pour les femmes et 75,3 ans pour les hommes) en raison du développement de l’obésité et des cancers et ce, malgré la poursuite de la baisse de la mortalité infantile. Les progrès indéniables en matière d’espérance de vie ne doivent pas masquer les chiffres qui mesurent l’espérance de vie en bonne santé. Là, on tombe à 62,4 ans pour les hommes et 64,2 ans pour les femmes en France en 2008. Les femmes vivent donc plus longtemps mais l’écart avec les hommes, en matière de vie en bonne santé, est réduit à moins de deux ans.
Les mutations de l’ADN mitochondrial n’expliquent donc peut-être pas tout. Si elles jouent vraiment un rôle, il sera peut-être possible un jour de permettre aux hommes d’espérer vivre aussi longtemps que les femmes. Ce qui serait plutôt une bonne nouvelle…
Michel Alberganti
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La vogue du vaccin ne se dément pas. Après la nicotine, voici l’obésité. Les vendeurs de régimes diététiques n’ont qu’à bien se tenir. Ils vivent peut-être leurs dernières années d’opulence. Et ce sont les firmes pharmaceutiques qui pourraient prendre le relais pour tirer profit d’un mal qui sévit dans le monde entier, Etats-Unis en tête. Les perspectives sont si considérables qu’une entreprise de biotechnologies américaine, Braasch Biotech LLC, a décidé de concentrer sa stratégie sur ce type de vaccin, dont la cible principale est l’obésité humaine et animale. Pour ce qui est des animaux, la société est parfaitement bien localisée. Elle est en effet implantée à Garretson, dans le Dakota du Sud, une “ville” de 1166 âmes… Son président et directeur scientifique est Keith Haffer, spécialiste du développement de vaccins depuis 30 ans.
Braasch travaille sur une deuxième génération des vaccins fondés sur l’action sur une hormone, la somatostatine dont l’une des actions est d’inhiber le largage de l’hormone de croissance (GH) et d’une hormone secrétée par le foie (IGF-1). Ces deux hormones sont impliquées dans le métabolisme. Le vaccin utilise une somatostatine modifiée qui provoque la production par le système immunitaire d’anticorps contre la somatostatine naturelle. Il induit ainsi une suppression de l’inhibition de l’hormone de croissance sans interférer directement avec elle. Au final, l’organisme consomme plus d’énergie et il perd du poids.
Keith Haffer a testé le vaccin avec deux groupes de souris comprenant chacun 10 animaux obèses mâles. Le premier groupe a reçu le vaccin et l’autre des injections d’une solution saline. Toutes les souris avait été, auparavant, nourries avec un régime très gras pendant 8 semaines et elles ont continué à manger le même type de nourriture pendant les 6 semaines de l’expérience. Les vaccinations ont été administrées deux fois, la première injection ayant lieu au début de l’étude et la seconde 22 jours après.
Quatre jours après la première injection, les souris vaccinées ont affiché une perte de poids de 10% qui n’a pas été observée sur les souris non vaccinées. A la fin de l’expérience, les résultats ont montré que les deux injections ont provoqué la production d’anticorps à la somatostatine sans affecter les niveaux normaux d’hormone de croissance IGF-1 et d’insuline. Les souris traitées ont conservé leur perte de poids de 10% jusqu’à la fin du traitement.
“Cette étude démontre la possibilité de traitement de l’obésité par vaccination”, affirme Keith Haffer. “Bien que de nouvelles études soient nécessaires pour découvrir les effets à long terme de ce vaccin, la traitement de l’obésité humaine par vaccination devrait apporter aux médecins une alternative aux médicaments et à la chirurgie pour lutter contre l’épidémie de surcharge pondérale”. Les résultats de l’étude doivent être publiés dans la revue Journal of Animal Science and Biotechnology du 8 juillet 2012.
On se prend alors à rêver un peu. Il suffirait d’un double vaccin, nicotine et somatostatine, pour arrêter de fumer sans prendre de poids ! De quoi supprimer l’un des freins à l’arrêt du tabac. Et pour ceux qui ne fument pas, on imagine leur joie de pouvoir enfin dévorer sans grossir, et même maigrir en mangeant bien gras… Le paradis, non ?
Michel Alberganti
lire le billetSur les plus de 7 milliards d’individus de la population mondiale, le poids des adultes atteindrait 287 millions de tonnes, selon les chercheurs de la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Sur ce chiffre, le surpoids représenterait 15 millions de tonnes et l’obésité 3,5 millions de tonnes. L’étude publiée dans le journal BMC Public Health est motivée par le fait que les besoins en nourriture de la population humaine dépendent non seulement du nombre d’individus vivant sur Terre mais également de leur poids. Ainsi, alors que la masse corporelle moyenne est de 62 kg sur le globe, elle atteint 80,7 kg en Amérique du Nord. Cette région, qui compte 6% de la population mondiale représente 34% de la biomasse due à l’obésité. Avec 61% de la population mondiale, l’Asie, elle, ne contribue qu’à 13% de cette biomasse due à l’obésité.
Si tous les pays avaient le même indice de masse corporelle (IMB) que celui des Etats-Unis, la biomasse humaine mondiale totale augmenterait de 58 millions de tonnes, soit l’équivalent de 935 millions d’habitants ayant une masse corporelle moyenne. “Nos résultats mettent l’accent sur l’importance de considérer la biomasse et non seulement la population mondiale lorsque l’on étudie l’impact écologique d’une espèce, en particulier celle des hommes“, note Sarah Walpole, l’une des auteures de l’étude. Son collègue Ian Roberts ajoute que “tout le monde reconnaît que la croissance de la population humaine menace l’équilibre écologique mondial et notre étude montre que l’embonpoint est également un problème majeur. A moins de traiter les deux questions, nos chances sont minces”.
L’étude des chercheurs de la London School of Hygiene and Tropical Medicine est basée sur des chiffres des Nations Unies et de la World Health Organization (WHO) datant de 2005. Ce qui introduit une sous-estimation de la masse mondiale du fait de l’augmentation de l’obésité au cours des dernières années. Les Nations Unies indiquent que la population mondiale atteindra 8,9 milliards de personnes en 2050.
Les chercheurs soulignent que l’activité physique brule la moitié de l’énergie fournie par la nourriture ingérée. La croissance de la masse corporelle induit une augmentation des besoins énergétiques car la mise en mouvement d’un corps plus lourd requiert plus d’énergie. Même au repos, un corps plus lourd consomme plus.
Il apparaît ainsi que l’obésité n’est pas seulement un problème de santé publique. Elle a également un impact direct sur les besoin de l’humanité en termes de ressources agricoles, entre autres. Le développement des pays émergents comme la Chine et l’Inde risque fort d’aggraver encore la situation créée en grande partie par les États-Unis. A moins que la raréfaction de la nourriture n’apporte une solution naturelle au phénomène. La question est de savoir si cela fera maigrir la population des pays riches ou mourir de faim celle des pays pauvres.
Michel Alberganti
lire le billet“No milk today”, le célèbre tube des Herman’s Hermits de… 1966, outre le plaisir inusable qu’il procure encore aujourd’hui, retrouve une forme d’actualité grâce à l’étude publiée par David Reay, professeur à l’université d’Edimbourg, dans la revue Nature Climate Change du 13 mai 2012. Consacrée aux émissions de dioxyde d’azote (NO2) par l’agriculture, la publication révèle quelques chiffres édifiants.
Les rejets annuels de 20 000 automobiles
D’après David Reay, les Anglais jetteraient dans leurs éviers pas moins de 360 000 tonnes de lait par an. Soit l’équivalent de 100 000 tonnes de CO2 émis dans l’atmosphère au cours des différentes étapes de la production de ce lait gaspillé. Cela équivaut aux rejets annuels de 20 000 automobiles… Pour les auteurs de l’étude, qui comprennent également des chercheurs de l’université d’Aberdeen et des partenaires en Europe et aux Etats-Unis, notre façon de consommer, en particulier lorsqu’il s’agit de nourriture, contribue significativement aux émissions de CO2 responsables du renforcement de l’effet de serre qui fait monter la température du globe. Pour les scientifiques, les consommateurs pourraient agir sur ces émissions en réduisant la quantité de nourriture qu’ils achètent, qu’ils mangent et qu’ils jettent. L’industrie agroalimentaire, de son coté, pourrait jouer également un rôle positif en utilisant les engrais de manière plus efficace.
Diviser par deux la consommation de poulets
Après le lait, le poulet… Les chercheurs estiment que la division par deux du nombre de poulets mangés en Grande-Bretagne et dans les autres pays développés serait équivalente au retrait de la circulation de 10 millions de voitures. Et ce n’est pas inconcevable si l’on considère l’exemple des Japonais. Ces derniers consomment chacun 12 kg de poulet par an. Contre 26 kg par an pour chaque habitant des pays développés. En les mettant ce dernier au régime nippon d’ici 2020, les émissions mondiales dues à l’élevage de la volaille tomberaient en dessous de leur niveau actuel malgré la croissance économique. Au total, les émissions de NO2 chuteraient de 20%.
Manger moins de viande, gaspiller moins de nourriture
En fait, la consommation de viande devrait plutôt augmenter dans les prochaines années du fait de la progression démographique et de l’impact des pays émergents dont les habitants s’y adonnent de plus en plus. Or, l’agriculture est la principale source de NO2. Produire de la viande en émet plus que la simple culture consommée directement du fait des quantités considérables de céréales qui servent à nourrir le bétail. D’où la conclusion de David Reay: “Manger moins de viande et gaspiller moins de nourriture peut jouer un grand rôle dans la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre face à la croissance de la population mondiale”. Commençons tout de suite: pas de lait aujourd’hui !
Michel Alberganti
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