En fait, l’homme descendrait du rat…

Ceux qui ont eu du mal à accepter que l’homme descende du singe vont encore passer un mauvais moment. Non seulement, cette origine n’est pas remise en question mais les chercheurs, en remontant beaucoup plus loin, ont abouti à un autre ancêtre: une sorte de rat… Publiée dans Science du 8 février 2013, l’article qui nous ôte tout espoir d’avoir été créé à l’image de Dieu. A moins de croire, comme les Indiens, à la réincarnation et de dédier certains temples aux… rats (voir la vidéo ci-dessous).

L’ancêtre commun des mammifères placentaires

L’équipe de 22 chercheurs américains, plus un Canadien, dirigée par Maureen O’Leary, du département de sciences anatomiques de l’école de médecine de l’université Stony Brook, a reconstruit l’arbre généalogique des mammifères placentaires. C’est-à-dire ceux qui se reproduisent à l’aide d’un véritable placenta qui alimente l’embryon et le fœtus. Dans ce groupe, on trouve les chats, les chiens, les chevaux, les musaraignes, les éléphants, les chauve-souris, les baleines  et… les hommes. Il s’agit du plus important groupe de mammifères avec plus de 5000 espèces dans une centaine de familles.

Juste après les dinosaures

En remontant aux origines de ce groupe, les chercheurs sont presque parvenus jusqu’aux dinosaures. Du moins jusqu’à leur extinction à la fin du Crétacé, il y a 65 millions d’années. Il semble que notre ancêtre rongeur soit apparu entre 200 000 et 400 00 ans après cette extinction. Deux à trois millions d’années plus tard, le groupe des mammifères placentaires modernes se mit à proliférer. Ces résultats bouleversent la chronologie admise auparavant puisque qu’elle fait reculer l’apparition du premier ancêtre commun aux mammifères placentaires de… 36 millions d’années.

Le plus remarquable, dans ce travail, est qu’il ne repose pas sur de nouveaux fossiles mais sur l’analyse des caractères anatomiques, morphologiques et moléculaires des animaux. Les chercheurs ont exploité les informations rassemblées dans la plus grande base de données mondiale sur les caractères morphologiques, la MorphoBank, soutenue par la National Science Foundation (NSF). Ils ont utilisé de nouveaux logiciels pour analyser les caractéristiques d’espèces de mammifères vivantes et éteintes. Pas moins 4541 phénotypes de 86 fossiles et espèces vivantes ont été associés à des séquences moléculaires. Au final, ce sont les traits morphologiques qui ont pris le dessus et conduit les chercheurs dans leur reconstruction de l’arbre de la vie des mammifères. Ce travail fait partie du projet Assembling the Tree of Life financé par la NFS. L’approche morphologique des chercheurs présente l’avantage d’aboutir à une image, certes reconstruite, de l’ancêtre commun. Elle ne pouvait que chatouiller les spécialistes de biologie moléculaire et de génétique.

Fossiles contre horloges

Ainsi, le jour même de la parution de l’article dans Science, une réponse a été publiée par Anne Yoder, biologiste spécialiste de l’évolution de l’université Duke ( Caroline du nord). Sous le titre : “Les fossiles contre les horloges”, Anne Yoder commence par rendre hommage au travail de ses collègues avant de lancer sa flèche. Selon elle, les chercheurs de l’équipe de Maureen O’Leary, en se focalisant sur les caractéristiques morphologiques s’est plus attachée à décrire la forme de l’arbre que la longueur des branches. D’où la non prise en compte des conséquences de cette longueur des branches déterminée par les horloges moléculaires de la génétique. On peut espérer que les deux approches s’associent et permettent affiner les résultats.

Michel Alberganti

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