Pas de fleurs pour Curiosity sur Mars

La nature a horreur du vide. La presse aussi. Surtout lorsque, après l’enthousiasme suscité par l’atterrissage du rover Curiosity sur la planète rouge, elle attend depuis 5 mois de nouvelles chroniques martiennes croustillantes. Hélas, Curiosity nous laisse, pour l’instant, sur notre faim. Pas la moindre trace de vie détectée par sa panoplie d’instruments de mesure. Pour l’heure, le Rover se ballade lentement. Il se prend en photo. Il shoote le panorama autour de lui. Et il vient de commencer à utiliser sa “balayette” pour épousseter une zone ovale. Très bien nettoyée, semble-t-il… Mais des découvertes majeures annoncées, point.

Alors, désœuvrés, les chroniqueurs fouillent dans l’album de photos de Curiosity. Dans la grisaille verdâtre, soudain, quelques points blancs surgissent ! Aussitôt agrandie et “photoshopée”, la photo révèle… les pistils d’une fleur. On aurait pu y voir des pétales… Qu’à cela ne tienne ! Une fleur sur Mars ? On se serait contenté d’un fossile de fleur. Le site bien nommé Above Top Secret cueille la nouvelle et titre, le 29 décembre 2012 : “Une “fleur martienne” ! Curiosity 132 ème jour !

Quelques jours plus tard, le 3 janvier 2013, un blogueur sur NBCNews, Alan Boyle, reprend l’affaire. En titrant sur la fleur, mais en commençant son article sur le panorama pris par Curiosity lors du 132 ème jour de son séjour martien. L’une des photos utilisées est, justement, celle débusquée par Above Top Secret. La rigueur pousse le journaliste à investiguer.

Pour éviter la mésaventure du mois d’octobre 2012, où une “anomalie” sur une photo s’était révélée être un morceau de Curiosity lui-même, Alan Boyle interroge Guy Webster, principal porte-parole au JPL des missions de la Nasa sur Mars. Réponse : “Il apparaît que cela fait partie du rocher et n’est pas un débris du vaisseau spatial”. Ouf, la possibilité d’une fleur est sauve. Mais le doute persiste. Alan Boyle promet de nous tenir au courant.

En attendant, Fox News reprend, le 7 janvier 2013,  le sujet et titre : “Le rover Curiosity trouve une “fleur” sur Mars“. Sans apporter d’information supplémentaire et en profitant de l’occasion pour mentionner les dernières étapes de Curiosity près du rocher baptisé “Snake River”.

Faute de percer le mystère, Curiosity s’apprête à forer un premier trou dans une roche martienne. Espérons que ses analyses seront plus sérieuses que cette fleur imaginaire (la Nasa n’a rien publié sur le sujet, alors que si c’était vraiment une fleur…). Le rover qui a coûté 2,5 milliards de dollars est attendu au tournant. On se souvient des polémiques sur le choix de son lieu d’atterrissage. Pour l’instant, son concurrent, le rover mort-vivant Opportunity lui taille des croupières. Après 9 années d’exploration au lieu des 90 jours de mission prévus au départ et le décès de son collègue Spirit en 2010, Opportunity a découvert, en décembre 2012, des dépôts d’argile, similaires à ceux qui se forment sur Terre en présence d’eau. Hélas pour lui, il ne dispose pas des même instruments d’analyse que Curiosity. Sinon, il aurait peut-être pu tomber, le premier, sur des traces de vie. La prime à l’ancienneté…

En attendant l’issue de la course qui se joue sur Mars entre les deux robots, il reste les sublimes images prises par Mars Reconnaissance Orbiter qui continue à photographier la planète rouge. En particulier son hivers de neige de gaz carbonique. Un hivers glacé à -125°C. Mais quelle étonnante beauté…

Michel Alberganti

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Réveillon d’enfer sur le Soleil [Vidéo]

S’agit-il d’une sorte de feu d’artifice de fin d’année pour le Soleil ? Plus surement, c’est un hasard qui a provoqué une formidable éruption solaire, qualifiée pourtant de “relativement mineure” par la Nasa, le 21 décembre 2012. Néanmoins, le jet de plasma éjecté par notre étoile a atteint l’altitude de quelque 257 500 km, soit un peu plus de 20 fois le diamètre de la Terre (12 756 km).

Par chance pour nous, l’énorme attraction gravitationnelle exercée par le Soleil a fait retomber l’essentiel de ce plasma sur sa surface. L’éruption a duré 4 heures et a été filmée par le Solar Dynamics Observatory de la Nasa au rythme d’une image toutes les 36 secondes dans l’ultraviolet extrême. C’est donc une vidéo très accélérée et spectaculaire que nous fournit l’observatoire :

Les éruptions solaires n’engendrent pas que de magnifiques spectacles. Elles constituent également un sévère danger pour les installations électriques sur Terre. Le phénomène a été enregistré dès les débuts du développement de technologies comme le télégraphe. Ainsi, en 1859, la tempête solaire dite de Carrington, du nom de l’astronome qui l’a observée, a fortement endommagé des stations télégraphiques, certaines prenant même feu. Il s’agissait en fait d’une double tempête solaire dont la seconde est arrivée très vite sur Terre (en 17 heures au lieu de 60 pour parcourir 150 millions de km) et a fortement compressé le champ magnétique terrestre, le faisant passer d’un diamètre de 60 000 km à seulement quelques milliers.

Blackout au Québec en 1989

Outre le bombardement par les particules du fait d’une protection magnétique affaiblie, les variations de champ magnétique induisent des courants très intenses dans les installations électriques. C’est ce qui s’est produit en 1989, en particulier au Quebec où 6 millions de foyers ont été privés d’électricité pendant 9 heures.  Dans cette intéressante vidéo (en anglais…), l’expert explique que les courants induits par la tempête solaire dans un transformateur de la centrale nucléaire de Salem, dans le New-Jersey, a fait monter la température dans les conducteurs en cuivre à plus de 1000 °C. Ce qui fortement déformé la structure de l’installation pesant pourtant quelque 200 tonnes. La montée en température qui commencé à faire fondre le cuivre s’est produite en quelques secondes. C’est dire la violence de l’impact d’un tel orage magnétique.

Ces événements démontrent notre vulnérabilité face aux sautes d’humeur de notre étoile. Une très violente tempête solaire, similaire à celle de 1859 pourrait avoir, aujourd’hui, des conséquences catastrophiques sur l’alimentation en électricité. Des coupures durant des jours, des semaines ou des mois sont envisagées par les experts.
D’où les programmes de recherche lancés aux Etats-Unis (Solar Shield) et en Europe (EURISGIC). Il s’agit d’aider les entreprises productrices de courant électrique à concevoir des réseaux pouvant mieux résister aux courants induits par les orages magnétiques. Pour cela, des simulations du comportement de la magnétosphère terrestre sont réalisées. Objectifs : éviter les blackouts et protéger les transformateurs. Plus que le risque d’une collision avec un gros astéroïde, celui d’une éruption solaire majeure fait partie des catastrophes possibles à tout moment pour notre civilisation entièrement dépendante de la fée électricité.

Michel Alberganti

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2013 : si les maths, chaque jour, nous étaient contées…

Le problème des maths, finalement, c’est peut-être plus une question de forme que de fond. Imaginez que, tous les jours, en écoutant la radio le matin, en lisant votre journal ou en regardant la télévision le soir, un mathématicien vous raconte une histoire. Pas avec des formules hiéroglyphiques, des mots barbares ou des phrases absconses. Non, juste des histoires qui nous parleraient de la Terre, de la nature, des formes, des couleurs. De notre univers, quoi… Mais alors, quel lien avec les mathématiques ? Eh bien justement, des liens sans fin. Car les maths ne vivent pas uniquement sur les tableaux noirs des profs ou les carnets griffonnés des chercheurs. Les maths existent partout autour de nous. Seulement voilà, souvent, nous l’ignorons.

Prenons la circonférence de la Terre, par exemple. Nous avons tous appris qu’elle mesure 40 000 km. Rares sont ceux, sans doute, qui ont trouvé cette valeur étrangement… ronde. Pas moi, en tous cas… Or, si cette circonférence mesure exactement 40 000 km (à quelques mètres près), cela ne tombe pas du ciel. Dieu, non plus, n’y est pour rien. En fait, ce sont trois mathématiciens qui en ont décidé ainsi : Borda, Condorcet et Lagrange.

Nous sommes alors juste après la Révolution française et les idées foisonnent. Les mathématiciens y contribuent en définissant une unité de mesure. Pour cela, ils décident de prendre une référence incontestable : la Terre. Plus précisément le quart de son périmètre, c’est à dire la distance séparant le pôle nord et l”équateur. Une bien grande distance. Qu’à cela ne tienne : ils la divisent par 10 millions et obtiennent : un mètre. Il s’agit là de la première définition de cette unité de longueur. Si la référence a changé depuis, l’unité persiste.

Voilà une histoire qui donne une autre sonorité au mot “mètre” et un autre rôle aux mathématiciens que celui de gribouiller des formules incompréhensibles. On pourrait imaginer un cours alliant la géographie, l’histoire, la physique et les mathématiques autour d’un tel sujet. Mais, bon, ne rêvons pas… En fait, cette histoire n’est pas issue d’un manuel scolaire, ni même de Wikipédia, mais d’un nouveau site créé à l’occasion de l’année des mathématiques de la planète Terre, décrétée par l’Unesco pour 2013.

Outre de multiples manifestations organisées dans le monde entier, le site français de l’opération publiera, du 1er janvier au 31 décembre 2013, du lundi au vendredi de chaque semaine, une brève, c’est à dire un court article, écrit dans un langage compréhensible par tout le monde. L’histoire du mètre, la première de la série publiée le 1er janvier 2013, est due à la contribution d’Etienne Ghys, directeur de recherche au CNRS et membre de l’Académie des sciences. Elle a été suivie, le lendemain, par une brève de Lionel Roques, de l’Inria, sur la recolonisation par les végétaux après une ère de glaciation. Également passionnante.

Ainsi, l’année 2013 commence bien pour la science. Cette initiative promet de nous tenir en haleine jusqu’à l’arrivée de la comète Ison, bouquet final de l’année. Elle donnera aussi du grain à moudre à tous les professeurs de mathématiques soucieux d’attirer l’attention des leurs élèves en leur montrant que l’abstraction pure n’est pas le seul destin des mathématiques ni leur seul usage dans notre vie de tous les jours.

Michel Alberganti

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2013 sera illuminée par le passage de la comète Ison

La nouvelle année commence sous de bons auspices. Au moins dans les astres… Ceux-là même qui servaient, jadis, à prédire l’avenir. Certains ont cru que l’année 2012 serait la dernière en raison du choc avec une planète imaginaire, Nibiru. Fin 2013, l’astronomie nous conviera à un spectacle à la fois bien réel, probablement splendide et assurément sans risque d’apocalypse. De plus, la représentation sera particulièrement démocratique puisque la population de l’hémisphère nord, soit près de 90% de l’humanité, y aura accès gratuitement, sans même recourir à un télescope. Ce feu d’artifice de fin d’année nous sera offert par une comète, Ison.

C/2012 S1, pour être précis, a été découverte très récemment. Ce sont deux astronomes, le biélorusse Vitali Nevski et le russe Artyom Novichonok, qui a sont à l’origine de sa détection, le 21 septembre 2012 à l’aide d’un télescope de 40 cm de diamètre de l’International Scientific Optical Network – d’où le surnom d’Ison – près de Kislovodsk (Russie). A l’époque, Ison n’est qu’un point dans le ciel plus de 10 000 fois moins lumineux que l’étoile la plus pâle visible à l’œil nu. Il faut dire qu’elle se trouvait encore à environ 1 milliard de km de la Terre. Et à 939 millions de km du Soleil, son objectif.

Nuage d’Oort et ceinture de Kuiper

Les comètes comme Ison ne devraient pas traverser, ainsi, notre ciel par surprise. Elles sont essentiellement rassemblées dans l’hypothétique nuage d’Oort, situé à la frontière du système solaire, à environ une année lumière du Soleil. Nous sommes, là, bien au delà de la ceinture de Kuiper avec ses dizaines de milliers d’astéroïdes et… ses comètes, car elle en contient elle aussi. Le nuage d’Oort et la ceinture de Kuiper rassemblent les restes du système solaire. Si les planètes sont nées de la matière provenant de la formation du Soleil, astéroïdes et comètes constituent les restes des restes… Normalement, tout cela tourne autour du Soleil malgré son influence gravitationnelle faible à cette distance.

Comme la fameuse comète de Halley qui nous rend visite tous les 76 ans, Ison proviendrait du nuage d’Oort. Car, contrairement à l’impression de stabilité que donne le système solaire, la mécanique céleste n’est pas à l’abri d’une perturbation. On ne sait pas très bien ce qui se passe au niveau du nuage d’Oort, par exemple. Il est situé si loin du Soleil qu’il peut subir l’influence d’autres étoiles. L’action gravitationnelle est si forte et complexe qu’elle peut alors éjecter une comète du nuage où elle est restée sagement parquée pendant quelques milliards d’années. La voilà alors projetée dans l’espace et attirée par ses origines, c’est à dire le Soleil. Commence alors un long périple pour parcourir, à l’envers, l’immense distance qui la sépare de son berceau. Pour Ison, 2013 pourrait marquer la fin de ce voyage ou bien une simple étape.

Rencontre de la glace et du feu le 28 novembre 2013

Les comètes sont essentiellement composées de glace. Or, la glace et le feu ne font guère bon ménage. Pourtant, c’est bien cette rencontre que va provoquer le passage d’Ison près du Soleil. Très près. D’après les calculs des astronomes, le 28 novembre 2013, l’orbite de la comète atteindra son point le plus proche du Soleil (périhélie) à une distance de 1,8 million de km du centre de notre étoile. Mais le diamètre du Soleil n’est plus négligeable à cette échelle. Son rayon étant de  695 000 km, Ison se retrouvera à seulement 1,1 million de km de la surface brulante de l’étoile. Que se passera-t-il alors ? Mystère. La taille d’Ison est très inférieure à celle de la comète de Halley (16 × 8 × 7 km). Sa largeur atteindrait seulement 3 km. Ce n’est déjà pas mal si l’on compare à la largeur de l’île de Manhattan (3,7 km). Mais par rapport au Soleil, il ne s’agit que d’une poussière. Sa survie dépendra sans doute de sa structure.

A 63 millions de km de la Terre

Beaucoup plus grosse, la comète Shoemaker-Levy 9 n’a pas supporté les forces de gravitation lorsqu’elle a croisé Jupiter. Après s’être fractionnée en morceaux dont certains dépassaient les 2 km de diamètre, elle a fini par s’écraser sur la planète gazeuse. Ison va-t-elle exploser ou fondre ? S’écrasera-t-elle sur le Soleil ? Nous le saurons quelques jours après le 28 novembre 2013. Après avoir fait le tour du Soleil, elle reviendra vers nous pour passer, le 26 décembre 2013 à 63 millions de km de la Terre. Il est possible de visualiser l’orbite d’Ison sur cette application Java fournie par la Nasa et le JPL dont voici deux extraits correspondants aux deux dates principales :


Visible en plein jour

Sur Terre, le spectacle devrait commencer dès l’été 2013. Au mois d’août, Ison sera visible avec de petits télescopes et des jumelles. En octobre, elle sera observable à l’œil nu et ceci jusqu’à la mi-janvier 2014 (si elle franchit l’épreuve du Soleil). Pendant cette période, certains astronomes pensent qu’elle pourrait devenir plus brillante que… la pleine Lune. Mais la prédiction semble délicate dans ce domaine. Ce qui est sûr, c’est qu’Ison irradiera de plus en plus au fur et à mesure de son approche du Soleil.

Sous l’effet de la chaleur son panache devrait grandir considérablement. Une sublimation qui devrait lui permettre d’être visible en plein jour. Il deviendra ensuite difficile de la distinguer lorsqu’elle s’approchera trop du Soleil dont elle devrait faire le tour en un clin d’œil sous l’effet de la gravitation. Sera-t-elle plus brillante que la comète Ikeya-Seki, visible en 1965, et qui avait atteint, sur l’échelle logarithmique inversée de magnitude apparente, la valeur de -10 ? Presque celle de la pleine Lune (-12,6) mais loin de celle du Soleil (-26,7). Au moment de sa découverte, en septembre 2012, la brillance d’Ison ne dépassait pas 18,8.

Aujourd’hui, elle n’est visible que par les astronomes équipés de gros télescopes. Il faudra donc attendre de longs mois avant qu’elle surgisse au dessus de l’horizon de l’hémisphère nord. Et que nous puissions enfin la découvrir, ébahi par cet objet céleste si élégant surgi des tréfonds du système solaire et qui repartira aussi vite qu’il est venu. Pour beaucoup, ce sera peut-être la seule occasion de profiter d’une tel spectacle. La comète de Halley ne reviendra nous visiter qu’en 2061…

Michel Alberganti

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