La Banque mondiale envisage un réchauffement de 4°C en 2100

La prise de conscience du réchauffement climatique pourrait franchir une étape importante avec le rapport publié le 18 novembre 2012 par… la Banque mondiale. Si l’économie s’empare du problème, cela démontre peut-être qu’il a changé d’orbite dans le cerveau mondial. Déjà, les sociétés d’assurance avaient tiré la sonnette d’alarme en raison de l’envolée des coûts engendrés par la multiplication des catastrophes météorologiques comme la tempête Sandy qui a touché les Etats-Unis fin octobre.

Turn down the heat

Intitulé sobrement “Turn down the heat” (Baissons la chaleur), ce rapport scientifique a été réalisé par le Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK) et par Climate Analytics pour la Banque mondiale. Il répond à la question: “Que serait le monde s’il était plus chaud de 4°C ?” Ces instituts prennent ainsi le relais du GIEC qui, jusqu’à son dernier rapport de 2007, s’attachait à un objectif de réchauffement de 2°C en 2100.  Plus personne, aujourd’hui, ne parie sérieusement sur un tel résultat. Les réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES) nécessaires pour l’atteindre sont loin d’être réalisées. Les années passent et c’est toujours à une augmentation mondiale de ces émissions de GES que l’on assiste. Le manque de volontarisme des Etats-Unis et le développement de la Chine font partie des principales raisons de cet échec patent.

Désormais, donc, l’heure n’est plus aux imprécations. Nous entrons dans la période de préparation. Et cette perspective de 4°C en 2100, adoptée par le rapport de la Banque mondiale, paraît raisonnable, voire optimiste. Même si le président du groupe de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, fait mine de persister dans le rêve antérieur :

« Nous pouvons et nous devons éviter une hausse de 4 degrés. Il faut limiter le réchauffement à 2 degrés. Si nous n’agissons pas suffisamment contre le changement climatique, nous risquons de léguer à nos enfants un monde radicalement différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. Le changement climatique est l’un des  principaux obstacles auquel se heurtent les efforts de développement, et nous avons la responsabilité morale d’agir pour le bien des générations futures, et en particulier les plus pauvres. »

Déjà 0,8°C

A l’appui de cette thèse, le rapport tente d’imaginer ce que serait une Terre où régnerait une température supérieure de 4°C par rapport à l’ère préindustrielle, c’est à dire vers le milieu du 19e siècle. En raison de la forte accélération du réchauffement à partir des années 1960, nous en sommes aujourd’hui à +O,8 °C en moyenne sur la planète. Le rapport rappelle que la température des océans a augmenté de 0,09°C depuis les années 1950 ce qui a entraîné une acidification des eaux, que le niveau des mers a augmenté de 20 cm par rapport à l’ère préindustrielle et que cette tendance se poursuit au rythme de 3,2 cm par an. Sans parler de la multiplication des canicules, des sécheresses et ouragans et autres tempêtes dévastatrices. Tout indique donc que nous préparons une température moyenne supérieure d’au moins 4°C à celle de l’ère préindustrielle pour 2100.

Impacts sur le développement

Quelles en seront les implications, en particulier sur le développement, facteur important pour la Banque mondiale ? Le rapport détaille plusieurs conséquences graves :

– inondation des villes côtières
– risques accrus pesant sur la production vivrière
– hausse des taux de sous-alimentation et de malnutrition
– aggravation de la sécheresse dans les zones arides et du niveau d’humidité dans les zones humides
– vagues de chaleur sans précédent dans beaucoup de régions, et particulièrement sous les tropiques
-aggravation sensible des pénuries d’eau dans beaucoup de régions
– intensification des cyclones tropicaux
– perte irréversible de la biodiversité, y compris dans les systèmes de récifs coralliens

John Schellnhuber, directeur du PIK, souligne que “les réactions du système terrestre au changement climatique ne sont pas linéaires”. Un point très important car il peut expliquer pourquoi le dépassement des 2°C peut se révéler délicat. Au delà, en effet, une sorte de point de non retour peut être franchi. Il s’agit donc bien d’une cause qui devrait être mondiale. La seule solution passe par “la croissance verte et solidaire”, des mots qui peuvent prêter à sourire à une époque où la course aux profits immédiats semble l’emporter sur toute autres considérations sur l’avenir. Cet avenir que nous nous préparons en accordant 1000 milliards de dollars de subvention à l’exploitation de combustibles fossiles, comme le note le rapport qui précise certaines conséquences climatiques:

  • Les vagues de chaleur extrême qui, dans un monde sans réchauffement climatique, ne devraient survenir qu’une fois toutes les quelques centaines d’années, séviront presque tous les étés dans beaucoup de régions. Leurs incidences ne seront pas réparties uniformément. Les hausses de température les plus importantes devraient survenir en zones terrestres et varier de 4 à 10 °C. On devrait s’attendre à des hausses de 6 °C ou plus des températures mensuelles estivales moyennes dans la région méditerranéenne, en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et dans certaines parties des États-Unis.
  • On observera vraisemblablement une élévation de 0,5 à 1 mètre du niveau moyen des mers d’ici à 2100, et des niveaux plus élevés sont également possibles. Certaines des villes les plus vulnérables à ce phénomène sont situées au Mozambique, à Madagascar, au Mexique, au Venezuela, en Inde, au Bangladesh, en Indonésie, aux Philippines et au Viet Nam.
  • Les régions les plus vulnérables se trouvent en zones tropicales, subtropicales et polaires, où de multiples impacts risquent de s’additionner.
  • L’agriculture, les ressources en eau, la santé humaine, la biodiversité et les services écosystémiques seront vraisemblablement gravement touchés. Ces répercussions pourraient engendrer de vastes déplacements de populations, réduire la sécurité et perturber les systèmes économiques et le commerce.
  • Beaucoup de petits États insulaires risquent de se trouver incapables d’assurer la survie de leurs populations.

Un changement d’ère climatique ?

La nouvelle perspective d’un réchauffement de 4°C nous projette dans un scénario proche de celui d’une changement d’ère climatique. En effet, la dernière période glaciaire se caractérise par une baisse de température de 4,5 à 7°C. On peut donc craindre qu’une augmentation de 4°C de la température moyenne sur Terre n’engendre pas une simple amplification des phénomènes climatiques que nous connaissons aujourd’hui. Nous risquons une véritable rupture avec des dérèglements dont l’ampleur semble difficile à prévoir avec précision. Nul doute qu’ils seront forts désagréables pour une grande partie des habitants de la planète d’ici 2100.

Michel Alberganti

4 commentaires pour “La Banque mondiale envisage un réchauffement de 4°C en 2100”

  1. Et comme pour enfoncer le clou, Octobre 2012 fût le 332ème mois consécutif avec un température globalement au dessus de la moyenne de celle du 20ème siècle…
    Octobre 2012 fût avec octobre 2008 le 5ème mois le plus chaud avec 0,63°C au dessus de la moyenne du 20ème siècle de 14° C pour le mois d’Octobre.
    Le début des enregistrements date de 1880.
    http://www.ncdc.noaa.gov/sotc/global/2012/10
    Intéressante aussi cette carte des événements climatiques extrêmes de l’année 2012 fournie par le National Climatic Data Center.
    On notera la fonte des glaces du Groenland qui a fait le buzz en Juillet suite à des interprétations un peu rapide du 97% associé au verbe fondre, les ravages de Sandy en particulier en Haïti (alors que tout le monde ne parle que de New York), les pluies records en Australie ou encore le froid inhabituel en Argentine en Octobre (le mois d’octobre le plus froid depuis 51 ans) .
    http://www.ncdc.noaa.gov/sotc/service/global/extremes/201210.gif
    https://blog.slate.fr/globule-et-telescope/2012/07/26/le-groenland-a-fondu-en-4-jours/

  2. L’important c’est de sortir du nucléaire, n’est-ce pas ?

  3. […] accélérer la transition énergétique et apporter les moyens nécessaires à la lutte contre un réchauffement climatique […]

  4. […] d’une augmentation limitée à 2°C en 2100. Désormais, les projections, comme celle de l’étude commandée par la Banque mondiale, tablent plutôt sur 4°C. Sans […]

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