Les écologistes interdisent jusqu’à la recherche sur le gaz de schiste

Qui décide de la recherche française ? La ministre en charge, Geneviève Fioraso ? L’Agence nationale de la recherche (ANR) ? Le CNRS ? Les Universités ? Les Agences indépendantes ? Les Comités d’éthique ? Le dernier épisode en date du vaudeville français sur le gaz de schiste plaide pour une autre tutelle : les écologistes, plus précisément Europe Ecologie Les Verts. Plus personnellement, semble-t-il, un homme : Jean-Vincent Placé, sénateur qui, à 44 ans, cumule les responsabilités. La dernière en date : avoir contraint le gouvernement à reculer, une fois de plus, sur le gaz de schiste.

Préambule

Avant même la publication du rapport Gallois, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, réaffirme l’opposition du gouvernement à la fracturation hydraulique mais dit vouloir “réfléchir” à l’exploitation du gaz de schiste, qui “sera certainement sur la table” à l’occasion de la publication du rapport, comprend-t-on. Arnaud Montebourg est alors rejoint par le ministre délégué aux relations  avec le Parlement, Alain Vidalies, qui assure qu’au sein du gouvernement personne ne pense qu’il faut écarter le gaz de schiste “pour l’éternité”, selon l’AFP.

Acte 1

Lundi 5 novembre 2012, Louis Gallois, ancien président l’EADS, après Airbus, la SNCF, Aerospatiale, Snecma et ex directeur de cabinet de Jean-Pierre Chevènement en 1981 avant de devenir directeur général de l’industrie en 1982, remet son très attendu rapport au Premier ministre intitulé “Pacte pour la compétitivité de l’industrie française“.

Au chapitre sur “la priorité à l’investissement, un choc de confiance”, la cinquième proposition est : “mener les recherches sur les techniques d’exploitation du gaz de schiste”. Louis Gallois s’explique ainsi dans son rapport :

“Nous plaidons pour que la recherche sur les techniques d’exploitation des gaz de schiste soit poursuivie. La France pourrait d’ailleurs prendre l’initiative de proposer avec l’Allemagne à ses partenaires européens un programme sur ce sujet. L’exploitation du gaz de schiste soutient l’amorce de réindustrialisation constatée aux États-Unis (le gaz y est désormais 2 fois et demi moins cher qu’en Europe) et réduit la pression sur sa balance commerciale de manière très significative.”

Acte 2

Jean-Vincent Placé réagit aussitôt en déclarant à l’AFP  :

“Si le Premier ministre reprend ces propositions du rapport Gallois, il y aura une large fracture dans la majorité avec les écologistes. Un revirement du gouvernement serait une violation absolue de l’accord passé (entre) le PS et Europe Écologie-Les Verts”.

Acte 3

Louis Gallois a sans doute l’impression d’avoir été mal compris. Il précise donc sa position, pendant le journal télévisé de France 2 de lundi soir et sur RTL mardi 6 novembre :

“Je n’ai pas dit qu’il fallait poursuivre l’exploration, c’est interdit par la loi. J’ai dit qu’il fallait continuer de travailler sur la technique d’exploration, ça me paraît naturel.”

Acte 4

Mardi 6 novembre, Jean-Marc Ayrault présente le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi qui s’inspire fortement du rapport Gallois mais il ne mentionne même pas le gaz de schiste. Les services du Premier ministre confirment au magazine Le Point que la proposition correspondante de Louis Gallois n’est pas retenue par le gouvernement.

Acte 5

En apparence, le gouvernement se plie aux termes de l’accord pré-électoral entre le PS et EELV. En apparence seulement. Car voici ce que dit le document en question sur ce sujet :

“L’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels (gaz et huiles de schiste) seront interdits, les permis en cours seront abrogés et les importations découragées”.

Epilogue

Il apparaît ainsi que l’interdiction de la recherche sur les techniques d’exploitation ne fait pas partie de l’accord PS-EELV.
Le renoncement du gouvernement sur la proposition de Louis Gallois à propos du gaz de schiste peut paraître anecdotique par rapport aux autres points du “pacte national”. En fait, il ne l’est pas. Il s’agit même d’une grave défaillance du fonctionnement de la majorité présidentielle et d’un signal catastrophique donné en direction de la recherche française.

En effet, voici qu’un parti politique crédité de 2,31% des voix à l’élection présidentielle de mai 2012 et 5,4% des voix au premier tour des législatives suivantes grâce à l’accord conclu avec le PS (63 circonscriptions réservées à EELV), se trouve en position de dicter sa loi au gouvernement. Voilà qu’il étend, de lui-même, les termes de l’accord qui lui a permis d’obtenir 18 députés à l’Assemblée nationale.

L’interdiction de l’exploration et de l’exploitation vaut désormais aussi pour la recherche de nouveaux moyens d’exploitation. Rappelons que le gouvernement fonde le moratoire actuel sur le gaz de schiste sur les dangers présentés par la fracturation hydraulique, seule technologie existant à ce jour. Le rapport Gallois préconise d’en trouver d’autres, mois dangereuses pour l’environnement. Mais non, pas question pour les écologistes. Ces derniers, eux, ne sont pas opposés à une technologie particulière mais bien au gaz de schiste lui-même. Facteur de retard, de leur point de vue, dans le développement des énergies renouvelables en France.

Au moment où la situation économique est si tendue que le gouvernement augmente les impôts et les taxes et où la faiblesse de la compétitivité de l’industrie arrive en tête du diagnostic des experts tels que Louis Gallois, la France se prive de la possibilité d’une ressource qui pourrait jouer un rôle important pour l’aider à traverser cette période difficile. En réduisant la facture énergétique, le gaz de schiste français diminuerait aussi les coûts de production.

Une embellie économique serait le meilleur instrument pour stimuler les investissements dans les énergies renouvelables, dans la transition énergétique. La France, en pointe dans l’exploitation pétrolière, dispose de tous les laboratoires nécessaires pour inventer une nouvelle technologie moins dangereuse que la facturation hydraulique. Ou pour perfectionner cette technique afin d’éviter tous risques de pollution ou de maladie.

Eh bien non. Jean-Vincent Placé en a décidé autrement. Un tel dogmatisme, qui piétine jusqu’au principe de précaution, peut apparaître absurde et mortel pour l’avenir de la France. Comme le note Louis Gallois, même l’Allemagne n’adopte pas une telle ligne. Et la nécessité du lancement d’une recherche européenne commune dans ce domaine, qu’il propose, apparaît comme une évidence.

Est-il supportable que ce soit sans la France ?

Michel Alberganti

12 commentaires pour “Les écologistes interdisent jusqu’à la recherche sur le gaz de schiste”

  1. Merci de ce “coup de gueule” salutaire.
    En dehors de la méprisable cuisine politique qui n’a malheureusement pas de camp, même si les socialistes sont des experts en ce domaine, la question que pose cette incurie gouvernementale est celle de savoir si les hommes politiques qui décident de notre avenir “comprennent” simplement les enjeux de leurs décisions?
    On se souvient de l’empressement des politiques à réagir à chaud après l’annonce de l’étude biaisée de Séralini.
    Heureusement le public n’a pas cédé à la panique qu’un tel manque de sang froid aurait pu provoquer.
    On voit aussi la difficulté d’avoir un débat serein sur l’avenir du nucléaire qui lui aussi a besoin de recherche (en plus du mythe du soleil sur terre que représente Iter dont les résultats putatifs sont à un horizon bien lointain).
    On se souvient des arrachages sauvages des vignes OGM à Colmar.
    La recherche est avec l’investissement l’une des clefs vitales du redressement de l’industrie française et la contraindre par dogmatisme est criminel comme vous le soulignez.
    Soyez en remercié!

  2. interdire la recherche c’est un retour au Moyen âge

  3. Un début d’autocritique, M. Alberganti ?

  4. @ naivement moral – A quel sujet ?

  5. Les écogistes se contrefoutent de l’économie, de la croissance et du chômage, ce qui importent pour les bobos des beaux quartiers et les hippies défoncés au shit certifié AB des campagnes c’est le maintient de l’ordre naturel. S’opposer est leur mode de vie.

  6. @M.A.
    Vous faites une fois de plus le constat, que je partage, que le pouvoir politique IGNORE (dans tous les sens du terme) la science et ses représentants, à un point effarant. Certains cas extrêmes la nient complètement comme par exemple Mme Lepage qui appelle de ses voeux une “jurisprudence l’Aquila”. Il est donc temps que l’on se demande comment on en est arrivé là et comment en sortir.
    Je pense que les journalistes scientifiques ont une responsabilité particulière et un rôle privilégié à jouer dans ce domaine. Je me suis exprimé là dessus plusieurs fois. Il serait sûrement utile à l’intérêt général et à la démocratie qu’ils soient plus rigoureux et moins complaisants envers certains discours peut-être sympathiques mais en contradiction avec les faits. Il ne manque sûrement pas de chercheurs disposés à les aider en cela.

  7. @ naïvement moral – Je suis entièrement d’accord avec vous. Sauf sur le procès que vous semblez “sous entendre” vis à vis des journalistes scientifiques. Or, cela n’existe pas, “les” journalistes scientifiques. Il y a bien “des” journalistes scientifiques aussi différents que le sont les bouchers ou les boulanger et toute autre profession artisanale. En ce qui me concerne, je suis opposé au journalisme militant. Je ne fais partie d’aucun parti ni d’aucun mouvement. Ce que j’écris n’est que le résultat de 30 ans de travail dans le domaine du journalisme scientifique et technologique. Cela veut dire que je ne m’empêche jamais d’écrire des choses qui peuvent déplaire à un camp ou à une autre. Voire aux deux (le nec plus ultra…). L’invocation de l’objectivité étant un rêve à la limite, parfois, de la supercherie, je n’y prétends pas non plus outre mesure. J’assume ma subjectivité dans la mesure où c’est bien la mienne et qu’elle tente de ne pas céder à une quelconque idéologie partisane. S’il faut choisir un camp, j’opterais volontiers pour celui du bon sens, du réalisme et de l’indépendance. C’est déjà assez contraignant. Quant à l’autocritique, les commentaires sur ce blog ou sur mes articles sur Slate ne me laissent guère le loisir de l’oublier. Et c’est très bien ainsi. Quant au gaz de schiste, je n’ai guère changé d’avis. Tapez “schiste” dans la zone de recherche sur le site de Slate.fr pour vous en convaincre.

  8. La “recherche” en question est de la R&D d’industriels, qui n’a rien à voir avec la recherche scientifique. D’abord parce que l’industriel reste maître de ce qu’il publie et de ce qu’il garde secret. Autant dire qu’il ne publie pas tout résultat faisant état d’inquiétudes environnementales, notamment sur la toxicité des molécules envoyées dans le sol ou les fortes émissions de méthane (un puissant gaz à effet de serre). D’autre part parce que dès que l’on veut en savoir plus sur les molécules ou les technologies employées, l’industriel nous oppose un “secret industriel”. Or, la vraie recherche scientifique se nourrit de transparence, de vérifications par les pairs, de confrontation d’idées et de résultats… toutes choses totalement absentes de cette R&D industrielle.
    Enfin, n’oublions pas que ce type de soi-disant recherche est trop souvent un apéritif pour des décisions purement industrielles. Ainsi, le laboratoire souterrain de Bure dans la Meuse a toujours été présenté comme un site de recherche sur les déchets radioactifs à vie longue… alors que tout le monde savait bien qu’il s’agissait de préparer la présente d’un vrai site industriel.

  9. “je suis opposé au journalisme militant … S’il faut choisir un camp, j’opterais volontiers pour celui du bon sens, du réalisme ”
    Où commence le militantisme ?
    Est-ce un acte militant pour un journaliste de choisir d’être réaliste et de bon sens ?
    Est-ce un acte militant qu’écrire qu’un mouvement politique choisit de ne pas être réaliste ?

  10. Je suis totalement en accord, c’est de l irresponsablitie de laisser un pay diriger par des extremiste ideoligique. Nous ne valons pas mieux que des etats theocratiques

    Il est clair que nous disposons de specialistes de capable de mener des etudes sur des methodes d’extraction nettement moins dommagables, par rapport aux americains font actuellement sans aucune retenue et se fichant eperdument des consequence.

    Combien meme des rejets poluants serait inevitable, En matiere de depolution et traitement des eaux et dechets nous avons la aussi fait demonstration de notre capacite a recycler traiter et depoluer avec nos centre de retraitement
    Bref les retomber economique si intelligeament encadrer permettrait des retomber economique consequent, alleger notre dependance energetique et ainsi on pourra financer la transition verte avec une eficacite d’echelle sans aucune mesure par rapport a notre presente situation

    Que propose nos brillant ecologistes? Fermer le nuclaire et acheter des ventilateur aux allemands et des panneaux au chinois?

    Bref je recommande vivement aux ecologiste les verts de virer sur le champ de leur partie Jean-Vincent Placé, leur credibilite et surtout leur avenir en depend !

  11. […] de la poursuite de la recherche sur le gaz de schiste ne serait pas retenue. (Lire le résumé du chapitre précédent). Placé arrivait alors […]

  12. @ Karg se
    je vous cite:
    “Les écogistes se contrefoutent de l’économie, de la croissance et du chômage, ce qui importent pour les bobos des beaux quartiers et les hippies défoncés au shit certifié AB des campagnes c’est le maintient de l’ordre naturel. S’opposer est leur mode de vie.”
    Qu’ajouter? Sinon, pauvre type!!

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