En matière de gaz de schiste, en France, il faut suivre… Le 14 septembre 2012, tout était interdit. Avec le rapport Gallois, le 5 novembre 2012, la porte de la recherche semblait entrouverte. Mais aussitôt, Jean-Vincent Placé, sénateur EELV, est monté au créneau, invoquant l’accord électoral entre le PS et les Verts (qui ne parle d’ailleurs pas de recherche…). Sans doute dans un souci d’apaisement, Jean-Marc Ayrault a “oublié” le gaz de schiste lors de sa présentation du pacte national. Les services du Premier ministre confirmaient alors que la proposition de Louis Gallois en faveur de la poursuite de la recherche sur le gaz de schiste ne serait pas retenue. (Lire le résumé du chapitre précédent). Placé arrivait alors gagnant…
Mardi 13 novembre 2012 : première conférence de presse de François Hollande. Le Président de la République déclare alors, au sujet de la technique de fracturation hydraulique :
“Tant qu’il n’y aura pas de nouvelles techniques, il n’y aura pas d’exploration et d’exploitation de gaz de schiste en France. Cette technique porte considérablement atteinte à l’environnement. Je le refuse tant que je serai là. La recherche continue. On ne peut pas empêcher la recherche sur d’autres techniques. Aujourd’hui, elle n’a pas abouti. Mais elle n’est pas interdite. Je laisse les chercheurs travailler. Je prendrai mes responsabilités le moment venu.”
Salutaire mise au point
Salutaire mise au point qui remet Jean-Vincent Placé… à sa place. C’est à dire celle d’un sénateur qui, tout Vert soit-il, n’est pas en position de diriger la recherche française. Le silence de Jean-Marc Ayrault, le 6 novembre, avait créé un véritable malaise. Le voilà dissipé par François Hollande. Tant mieux. Désormais, les laboratoire français vont pouvoir démontrer que la France reste un pays d’inventeur !
Cette clarification survient au moment où de multiples signaux conduisent à penser que le dossier du gaz de schiste n’est pas près de se refermer, n’en déplaise à Corinne Lepage qui le rejette en bloc dans les colonnes du Monde.,Le même quotidien reprend les prévisions publiées par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans son rapport annuel, le World Energy Outlook publié le 12 novembre.
Les États-Unis deviendront le premier producteur mondial de pétrole, dépassant l’Arabie saoudite, entre 2017 et 2020 et premier producteur de gaz dès 2015 en devançant la Russie. Tout cela grâce aux huiles et gaz de schiste. L’exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels est en train de bousculer en profondeur et de façon totalement inattendue l’échiquier énergétique mondial.
Toujours Le Monde, dans un entretien, rapporte l’opinion de Fatih Birol, économiste en chef de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) :
“La France réduit la part du nucléaire, interdit le gaz de schiste et vise à limiter plus fortement ses émissions de CO2. Ces trois éléments sont-ils compatibles ? Je n’en suis pas sûr. Je crois qu’il est possible d’exploiter proprement le gaz de schiste à condition de fixer un cadre réglementaire très strict aux industriels qui devront faire des investissements technologiques importants. Mais le jeu en vaut la chandelle, car les bénéfices à tirer de cette ressource peuvent être très élevés.”
La Suède, pays qui ne fait parti des pays les plus polluants, a découvert que son sous-sol contient pas moins de 1000 années de sa consommation de gaz… La Suède n’exploite pas ce gaz. Pour l’instant, elle explore, malgré l’opposition des Verts qui partagent le pouvoir. D’ici la fin de l’année, le gouvernement suédois se prononcera sur une éventuelle exploitation commerciale. En toute connaissance de cause. Ce qui n’est pas le cas en France puisque les forages d’exploration sont interdits. En France, comme en Suède d’ailleurs, si les Verts persistent dans leur position, une fracturation politique deviendra inéluctable dans la majorité présidentielle.
Michel Alberganti
lire le billetQui décide de la recherche française ? La ministre en charge, Geneviève Fioraso ? L’Agence nationale de la recherche (ANR) ? Le CNRS ? Les Universités ? Les Agences indépendantes ? Les Comités d’éthique ? Le dernier épisode en date du vaudeville français sur le gaz de schiste plaide pour une autre tutelle : les écologistes, plus précisément Europe Ecologie Les Verts. Plus personnellement, semble-t-il, un homme : Jean-Vincent Placé, sénateur qui, à 44 ans, cumule les responsabilités. La dernière en date : avoir contraint le gouvernement à reculer, une fois de plus, sur le gaz de schiste.
Avant même la publication du rapport Gallois, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, réaffirme l’opposition du gouvernement à la fracturation hydraulique mais dit vouloir “réfléchir” à l’exploitation du gaz de schiste, qui “sera certainement sur la table” à l’occasion de la publication du rapport, comprend-t-on. Arnaud Montebourg est alors rejoint par le ministre délégué aux relations avec le Parlement, Alain Vidalies, qui assure qu’au sein du gouvernement personne ne pense qu’il faut écarter le gaz de schiste “pour l’éternité”, selon l’AFP.
Lundi 5 novembre 2012, Louis Gallois, ancien président l’EADS, après Airbus, la SNCF, Aerospatiale, Snecma et ex directeur de cabinet de Jean-Pierre Chevènement en 1981 avant de devenir directeur général de l’industrie en 1982, remet son très attendu rapport au Premier ministre intitulé “Pacte pour la compétitivité de l’industrie française“.
Au chapitre sur “la priorité à l’investissement, un choc de confiance”, la cinquième proposition est : “mener les recherches sur les techniques d’exploitation du gaz de schiste”. Louis Gallois s’explique ainsi dans son rapport :
“Nous plaidons pour que la recherche sur les techniques d’exploitation des gaz de schiste soit poursuivie. La France pourrait d’ailleurs prendre l’initiative de proposer avec l’Allemagne à ses partenaires européens un programme sur ce sujet. L’exploitation du gaz de schiste soutient l’amorce de réindustrialisation constatée aux États-Unis (le gaz y est désormais 2 fois et demi moins cher qu’en Europe) et réduit la pression sur sa balance commerciale de manière très significative.”
Jean-Vincent Placé réagit aussitôt en déclarant à l’AFP :
“Si le Premier ministre reprend ces propositions du rapport Gallois, il y aura une large fracture dans la majorité avec les écologistes. Un revirement du gouvernement serait une violation absolue de l’accord passé (entre) le PS et Europe Écologie-Les Verts”.
Louis Gallois a sans doute l’impression d’avoir été mal compris. Il précise donc sa position, pendant le journal télévisé de France 2 de lundi soir et sur RTL mardi 6 novembre :
“Je n’ai pas dit qu’il fallait poursuivre l’exploration, c’est interdit par la loi. J’ai dit qu’il fallait continuer de travailler sur la technique d’exploration, ça me paraît naturel.”
Mardi 6 novembre, Jean-Marc Ayrault présente le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi qui s’inspire fortement du rapport Gallois mais il ne mentionne même pas le gaz de schiste. Les services du Premier ministre confirment au magazine Le Point que la proposition correspondante de Louis Gallois n’est pas retenue par le gouvernement.
En apparence, le gouvernement se plie aux termes de l’accord pré-électoral entre le PS et EELV. En apparence seulement. Car voici ce que dit le document en question sur ce sujet :
“L’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels (gaz et huiles de schiste) seront interdits, les permis en cours seront abrogés et les importations découragées”.
Il apparaît ainsi que l’interdiction de la recherche sur les techniques d’exploitation ne fait pas partie de l’accord PS-EELV.
Le renoncement du gouvernement sur la proposition de Louis Gallois à propos du gaz de schiste peut paraître anecdotique par rapport aux autres points du “pacte national”. En fait, il ne l’est pas. Il s’agit même d’une grave défaillance du fonctionnement de la majorité présidentielle et d’un signal catastrophique donné en direction de la recherche française.
En effet, voici qu’un parti politique crédité de 2,31% des voix à l’élection présidentielle de mai 2012 et 5,4% des voix au premier tour des législatives suivantes grâce à l’accord conclu avec le PS (63 circonscriptions réservées à EELV), se trouve en position de dicter sa loi au gouvernement. Voilà qu’il étend, de lui-même, les termes de l’accord qui lui a permis d’obtenir 18 députés à l’Assemblée nationale.
L’interdiction de l’exploration et de l’exploitation vaut désormais aussi pour la recherche de nouveaux moyens d’exploitation. Rappelons que le gouvernement fonde le moratoire actuel sur le gaz de schiste sur les dangers présentés par la fracturation hydraulique, seule technologie existant à ce jour. Le rapport Gallois préconise d’en trouver d’autres, mois dangereuses pour l’environnement. Mais non, pas question pour les écologistes. Ces derniers, eux, ne sont pas opposés à une technologie particulière mais bien au gaz de schiste lui-même. Facteur de retard, de leur point de vue, dans le développement des énergies renouvelables en France.
Au moment où la situation économique est si tendue que le gouvernement augmente les impôts et les taxes et où la faiblesse de la compétitivité de l’industrie arrive en tête du diagnostic des experts tels que Louis Gallois, la France se prive de la possibilité d’une ressource qui pourrait jouer un rôle important pour l’aider à traverser cette période difficile. En réduisant la facture énergétique, le gaz de schiste français diminuerait aussi les coûts de production.
Une embellie économique serait le meilleur instrument pour stimuler les investissements dans les énergies renouvelables, dans la transition énergétique. La France, en pointe dans l’exploitation pétrolière, dispose de tous les laboratoires nécessaires pour inventer une nouvelle technologie moins dangereuse que la facturation hydraulique. Ou pour perfectionner cette technique afin d’éviter tous risques de pollution ou de maladie.
Eh bien non. Jean-Vincent Placé en a décidé autrement. Un tel dogmatisme, qui piétine jusqu’au principe de précaution, peut apparaître absurde et mortel pour l’avenir de la France. Comme le note Louis Gallois, même l’Allemagne n’adopte pas une telle ligne. Et la nécessité du lancement d’une recherche européenne commune dans ce domaine, qu’il propose, apparaît comme une évidence.
Est-il supportable que ce soit sans la France ?
Michel Alberganti
lire le billetEn ouverture de la conférence sur l’environnement, François Hollande a annoncé ses décisions concernant l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste en France:
«J’ai demandé à Delphine Batho, ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, de prononcer sans attendre le rejet de sept demandes de permis déposées auprès de l’État et qui ont légitimement suscité l’inquiétude dans plusieurs régions (…) S’agissant de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, telle sera ma ligne de conduite tout au long de mon quinquennat. (…) Dans l’état actuel de nos connaissances, personne ne peut affirmer que l’exploitation des gaz et huiles de schiste par fracturation hydraulique, seule technique aujourd’hui connue, est exempte de risques lourds pour la santé et l’environnement.»
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Le président de la République a ajouté que«le gaz de schiste soulève bien des questions»,et il a dit «entendre les arguments économiques et les considérations souvent exagérées sur les gisements».
Ainsi, François Hollande cède aux arguments des écologistes. La France rejoint la Bulgarie et la Roumanie, les pays européens qui ont décidé d’un moratoire sur l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste.
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– Nous ne sommes qu’en avril mais c’est déjà la sécheresse dans le nord de l’Europe ainsi qu’en Suisse. Un certain nombre de limitations d’usage de l’eau sont déjà entrées en vigueur en France. La carte Meteo France ci-dessus montre les cumuls de précipitations en mars : on voit que le rouge (déficit de précipitations par rapport à la moyenne) est beaucoup plus répandu que le bleu (excédent de précipitations par rapport à la moyenne).
– Dans le dossier des gaz de schiste, que l’on croyait refermé après l’abrogation des autorisations d’exploration et d’exploitation , la commission nommée par le gouvernement vient de rendre son rapport d’étape. Celui-ci préconise, relate Le Figaro, «la réalisation de travaux de recherche et de tests d’exploration» dans les régions françaises les plus «prometteuses». L’affaire n’est donc pas définitivement close.
– Et si on remplaçait vos bougies de voiture par un laser ? Résultat escompté : meilleur rendement et moins de pollution.
– Avec la mise à la retraite des navettes spatiales, que vont bien pouvoir faire les astronautes américains ?
– On vous classait selon votre groupe sanguin ? On pourra peut-être le faire selon vos bactéries intestinales…
– C’est un reportage que j’avais toujours voulu faire et reporté à des jours meilleurs : un tour dans l’antre de Jack Thiney, taxidermiste depuis plus de quatre décennies au Muséum national d’histoire naturelle, un artiste au service de la science. Finalement, c’est mon ancienne consœur du Monde, Florence Evin, qui s’en est chargée…
– Une peinture d’automobile qui pourra se réparer toute seule après une rayure (à condition d’être exposée à des UV, tout de même), c’est une invention de chercheurs suisses rapportée dans Le Temps.
– Un joli portfolio sur les baleines, dû au photographe Charles Nicklin, sur le site de Time.
– Pour finir : toujours dans Time, un article que j’aurais pu écrire pour compléter mon billet sur la taille du pénis suivant les pays (billet qui a battu tous les records d’audience, bande d’obsédés !). Selon des chercheurs, en dehors de la chirurgie, il existe vraiment au moins une méthode efficace pour augmenter la longueur du membre viril… Prendre une loupe ? Non, tirer dessus.
Pierre Barthélémy
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