Du sable d’Hawaï… sur Mars

Curiosity, qui reste assez discret depuis son atterrissage sur Mars il y a près de trois mois, vient de réaliser la première analyse minéralogique du sable martien sur lequel il se déplace. Surprise : la composition se révèle similaire à celle du sol basaltique érodé que l’on trouve à… Hawaï. L’instrument CheMin de Curiosity a ainsi détecté du feldspath, des pyroxènes et de l’olivine. A peu près la moitié de l’échantillon prélevé par Curiosity est composé de matériaux non cristallins tels que du verre volcanique ou des produits de l’érosion de ce verre.

Pour David Bish, co-responsable du CheMin à l’université de Bloomington, “jusqu’à présent, les matériaux analysés par Curiosity correspondent à nos idées initiales sur le fait que le cratère Gale a pu enregistrer la transition entre les périodes humides et sèches sur Mars. Les roches anciennes suggèrent le passage d’eau tandis que les minéraux plus jeunes montrent une faible interaction avec l’eau”.

Pour parvenir à ce résultat, Curiosity a tout simplement plongé une sorte de pelle dans le sol martien pour en retirer un échantillon. La régularité du sol est remarquable sur les photos ci-dessus. Le prélèvement a été tamisé pour éliminer les particules supérieures à 150 microns, soit le diamètre d’un cheveu humain. Il reste deux composants : la poussière qui circule sur la surface de Mars au grès des tempêtes et le sable fin dont la provenance est plus locale. Contrairement aux conglomérats tels que celui que Curiosity a analysé il y a quelques semaines, qui datent de plusieurs milliards d’années et qui sont marqués par la circulation de l’eau, le sable et la poussière de cet échantillon sont représentatifs de périodes plus récentes.

Pour l’instant, donc, le tableau de chasse de Curiosity reste maigre… A ce rythme, il va falloir patienter de longs mois avant qu’il ne fasse, peut-être, “la” découverte que l’on attend de lui.

Michel Alberganti

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Avec le CO2 et le méthane, l’azote du permafrost menace le climat

Pas moins de 44 milliards de tonnes d’azote et 850 milliards de tonnes de carbone seraient stockés dans le permafrost de l’Arctique.  Telle est la nouvelle estimation fournie par l’US Geological Survey et qui a fait l’objet d’une publication dans la revue Geophysical Research Letters du 7 août 2012.  Au cours du prochain siècle, le dégel du permafrost de l’Arctique pourrait relâcher cet azote et ce carbone captifs dans l’atmosphère et accroître ainsi l’effet de serre responsable du réchauffement climatique.

Ces émissions s’ajouteraient à celle du méthane, également emprisonné dans le permafrost de l’Arctique et de l’Antarctique, dont nous avons déjà parlé. En Arctique, la quantité de méthane piégé atteindrait 4 milliards de tonnes, à peu près autant qu’en Antarctique.

Les auteurs de la nouvelle publication de l’US Geological survey notent que les 850 milliards de tonnes de carbone présents dans le permafrost de l’Arctique sont équivalents à la quantité de carbone actuellement présente dans l’atmosphère.

Cette nouvelle donnée devra être prise en compte par le cinquième rapport du GIEC prévu pour 2014.

Michel Alberganti

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Peindre les astéroïdes en blanc : une idée pour les détourner de la Terre…

Tandis que les astronomes et autres astrophysiciens s’interrogent sur le meilleur moyen de détourner un astéroïde menaçant la Terre, un diplômé du Massachusetts Institute of Technology (MIT) propose une stratégie originale. Nul besoin d’une bombe atomique enfouie par un Bruce Willis, ni de laser de l’espace ou de vaisseau tracteur. Pour Sung Wook Paek, qui travaille dans le département Aéronautique et Astronautique du MIT, de simples bombes de peinture suffiraient. De la peinture blanche… En effet, le chercheur explique que grâce à cette version spatiale du paintball, l’albédo de l’astéroïde serait doublée. Ainsi, l’énergie due à l’impact des bombes de peinture commencerait à dévier l’astéroïde. La pression des photons réfléchis par la surface blanche achèverait le travail !

On se demande pourquoi personne n’avait eu cette idée auparavant… Sans doute parce que ce n’est pas aussi simple. Néanmoins, Sung Wook Paek a reçu le prix du meilleur article technique lors de la compétition “Fais bouger un astéroïde 2012” organisée à Naples en octobre 2012. L’article du jeune chercheur utilise Apophis comme exemple. Cet astéroïde fait partie des géocroiseurs qui pourrait menacer la Terre. Ses prochains passage près de chez nous sont prévus pour 2029, et, surtout, en 2036, où il se rapprochera sensiblement. Avec une masse de 27 mégatonnes pour un diamètre de 270 mètres environ, nul doute que son impact sur Terre aurait des conséquences désastreuses.

5 tonnes de peinture

Sung Wook Paek a utilisé la période de rotation de l’astéroïde, environ 30 heures, pour le calcul du moment de lancement des boules de peinture. Celles-ci seraient envoyées en deux vagues afin d’atteindre les deux faces d’Apophis. Au contact, les boules explosent et déposent sur la surface une couche de peinture de 5 microns d’épaisseur. Cinq tonnes de peintures suffiraient pour couvrir la totalité de la surface d’Apophis. Les boules seraient lancées à partir d’un vaisseau spatial croisant à proximité.

20 ans de délais

D’après les calculs de Sung Wook Paek, il faudrait 20 années d’effets cumulés des rayons solaires sur sa surface blanche pour détourner Apophis de sa trajectoire. Une durée qui n’est pas incompatible avec la fréquence des passages de l’astéroïde près de la Terre. Bien que ce soit raté pour 2029. En revanche, il suffirait d’exécuter le plan de Sung Wook Paek en 2016 pour qu’Apophis soit dévié en 2036. Pour l’instant, toutefois, il semble que les probabilités d’impact soient très faibles pour cette date. Néanmoins, l’opération peinture blanche permettrait de mieux suivre l’évolution d’Apophis dans le système solaire et d’améliorer ainsi la précision du calcul de sa trajectoire.

Bientôt, peut-être, de nouveaux objets célestes seront visibles dans le ciel : les astéroïdes peints en blanc.

Michel Alberganti

A ce sujet, vous pouvez (ré) écouter l’émission Science Publique que j’ai animée le vendredi 26 octobre 2012 sur France Culture :

Espace

26.10.2012 – Science publique
Un astéroïde peut-il provoquer la fin du monde? 57 minutes Écouter l'émissionAjouter à ma liste de lectureRecevoir l'émission sur mon mobilevideo

La fin du monde, que certains prévoient pour le 21 décembre 2012 à partir d’une interprétation du calendrier maya,pourrait-elle être provoquée par une collision entre un astéroïde géant et la Terre ? Nous en débattons avec nos invités : jean-Pierre Luminet, astrophysicien,Patrick Michel,astrophysicien et David Bancelin, astronome.

 


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Procès de L’Aquila : une confusion dans les responsabilités ?

Le 6 avril 2009, un séisme de magnitude 6,3 a fait 309 victimes parmi la population de cette ville italienne d’Aquila dans les Abruzzes.  Un article rédigé par le sismologue Max Wyss, directeur de l’agence mondiale de suivi planétaire et de réduction du risque sismique (WAPMERR), installée à Genève, et publié dans la revue Earth le 26 octobre 2012 éclaire la communication officielle qui a précédé le drame. Elle jette également un nouveau jour sur la sentence prononcée le 22 octobre 2012 par le juge Marco Billi qui a condamné 7 personnes à  6 ans de prison ferme et 7,8 millions d’euros de dommages et intérêts à verser solidairement aux parties civiles. Après la première réaction que peut susciter un tel verdict, il est maintenant possible de préciser les rôles des 7 condamnés dans ce drame. Pour cela, il est important de préciser les fonctions de chacun des “sept de L’Aquila”, comme ils sont désormais appelés :

– Franco Barberi : volcanologue ayant une longue expérience en protection civile

– Enzo Boschi : alors vice-président de l’Institut national de géophysique et de volcanologie (INGV)

– Gian Michele Calvi : président du Centre européen pour la recherche et la formation sur l’ingénierie des tremblements de terre à Pavie

– Bernardo De Bernardinis : alors directeur adjoint du Département de la protection civile, ingénieur en mécanique des fluides

– Mauro Dolce : chef du bureau des risques sismiques au Département national de la protection civile à Rome.

– Claudio Eva : professeur à l’université de Gênes.

– Giulio Selvaggi : directeur de l’INGV

Ces sept personnes faisaient partie de la Commission italienne des risques majeurs chargée d’évaluer les risques d’un séisme important dans la région de L’Aquila. Cette évaluation était motivée par une succession de centaines de séisme de faibles magnitudes survenus dans cette zone au cours du mois de mars 2009. Toute la question était de déterminer si cette série de secousses pouvait annoncer un séisme majeur ou non. La Commission, dirigée par Franco Barberi, comprenait trois véritables sismologues : Enzo Boschi, Claudio Eva et Giulio Selvaggi qui n’était pas un membre effectif de la Commission mais devait y présenter des données sismologiques.

L’article de Max Wyss retrace la chronologie des faits qui se sont déroulé le 31 mars 2009, quelques jours avant le séisme du 6 avril. Pour cela, il distingue trois temps.

Premier acte: les déclarations avant la réunion de la Commission des risques majeurs

Au sein des sept de L’Aquila, Bernardo De Bernardinis joue un rôle particulier. Une heure avant la réunion du 31 mars, il répond à une interview d’une chaîne de télévision locale affirmant que “la situation sismique de L’Aquila est certainement normale et ne présente pas de danger”. Et il aggrave encore son diagnostic en déclarant : “La communauté scientifique continue de m’assurer que, au contraire, la situation est favorable en raison de la décharge continue d’énergie”. Il fait ainsi référence aux centaines de tremblements de terre mineurs du mois de mars. Pour lui, ces phénomènes réduisent le risque d’un séisme majeur en raison de l’affaiblissement des contraintes sismiques qu’ils engendrent.

Pour Max Wyss, cette affirmation est “scientifiquement inexacte”. Le sismologue indique en effet qu’il existe une énorme différence d’énergie entre les petits tremblement de terre et les séismes majeurs. “La déclaration de De Bernardinis reviendrait à dire, à une moindre échelle, que le fait de retirer quelques tonnes d’eau dans la mer pourrait réduire le risque d’un tsunami”, explique-t-il. Pourtant, les propos de Bernardo De Bernardinis sont apparus comme essentiels lors du procès.

Un article paru dans la revue Nature du 14 septembre 2011 témoigne de l’impact de ces déclarations rassurantes sur la population. Elles engendrent alors un énorme soulagement: “Plus il y a de secousses, moins il y a de danger”. Cette assurance va jusqu’à altérer les habitudes locales lors des tremblements de terre. Les habitants de L’Aquila avait en effet coutume de sortir de leur maison pendant les secousses et même, parfois, de passer la nuit dehors. En raison des propos de Bernardo De Bernardinis, certains ont décidé de rester à l’intérieur des maisons ce qui a pu se révéler fatal le 6 avril.

Deuxième acte : la réunion de la Commission des risques majeurs du 31 mars 2009

Pendant que Bernardo De Bernardinis faisait ces déclarations, les trois sismologues devant participer à la réunion de la Commission des risques majeurs étaient… en route pour s’y rendre. Lorsqu’ils sont arrivés, il ont participé à la réunion, sans doute sans connaître les déclarations précédentes. La réunion dura exactement une heure, selon Max Wyss.  Enzo Boschi y déclare : “Il est peu probable qu’un séisme tel que celui de 1703 se produise à court terme, mais la possibilité ne peut être totalement écartée”.  En 1703, un séisme majeur avait tué 3000 personnes à L’Aquila. Claudio Eva, de son coté, déclare que “dans la région sismiquement active de L’Aquila, il n’est pas possible d’affirmer qu’un tremblement de terre ne va pas se produire”. Quant à Giulio Selvaggi, il précise que “bien que certains récents tremblements de terre aient été précédés par de petites secousses, il est également exact que, parfois, de telles séquences n’ont pas conduit à un important séisme”.

Tout est dit. Pour les sismologues, il est impossible à la fois d’être certain qu’un séisme majeur va se produire et d’écarter un tel risque. Cela signifie clairement que la science ne peut se prononcer clairement dans cette situation. Autrement dit, le risque ne peut, en aucun cas, être considéré comme nul.

Troisième acte : les déclarations après cette réunion

Après cette courte réunion de la Commission des risques majeurs, une conférence de presse se tient à L’Aquila. Avec les sismologues ? Non. Ils n’y ont pas été conviés et sont déjà repartis vers Rome. Ils ne sont même pas au courant…  Il semble que Bernardo De Bernardinis n’ait pas souhaité qu’ils soient présents. Il n’a pas, non plus, corrigé ses propos trop optimistes lors de cette conférence de presse. Alors même qu’il venait d’entendre l’avis des sismologues.

Max Wyss note que la cour qui a prononcé le verdict du 22 octobre n’a fait aucune distinction entre les accusés. Il semble pourtant que leurs rôles ne soient pas du tout identiques dans cette affaire.

Michel Alberganti

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Bricolage à Flamanville : 20 m3 d’eau radioactive sur le plancher

L’image que l’on se fait d’une centrale nucléaire et de ce qui s’y passe en prend un coup lorsque l’on apprend les circonstances qui ont conduit à une fuite d’environ 20 m3 d’eau radioactive dans le bâtiment d’un réacteur de la centrale de Flamanville.  Mise en service en 1987 dans la Manche, cette dernière comprend deux réacteurs de 1300 MW chacun. Ces dernières années, Flamanville était surtout connue pour les retards dans la construction du controversé réacteur EPR de nouvelle génération.

Intervention de maintenance

Contrairement à l’impression que cela donne, la scène ne se passe pas dans le local à chaudière d’un immeuble quelconque mais bien dans le bâtiment de l’un des deux réacteurs de la centrale. Mercredi 24 octobre, dans la nuit, une intervention de maintenance est décidée dans la centrale de Flamanville sur un circuit d’eau connecté au circuit primaire du réacteur N°1. Ce circuit n’est autre que celui qui relie le réacteur au générateur de la vapeur qui entraîne les turbines qui produisent du courant électrique.

Arrêt à chaud

Le réacteur N°1 est alors en “arrêt à chaud”. Cela signifie qu’après son arrêt à froid du mois de juillet pour les opérations de rechargement de combustible, il a été progressivement remis en activité jusqu’à atteindre cet état dit d’arrêt à chaud qui précède la remise en service effective avec production d’électricité. Mercredi, donc, le circuit primaire se trouvait dans les conditions normales de fonctionnement : 150 bars de pression et 300°C de température pour l’eau du circuit primaire.

Un petit tuyau pour les sondes de température

L’opération de maintenance était motivée par une baisse de débit dans un petit tuyau de 60 mm monté en parallèle (dérivation) sur l’un des quatre gros tuyaux formant les boucles qui relient le coeur du réacteur au générateur de vapeur (circuit en rouge dans le schéma ci-dessus). Ce petit tuyau supporte des sondes de températures. Il capte une petite partie du circuit de refroidissement et il en réduit la pression grâce à un diaphragme, une pièce percée de trous qui obstrue partiellement le passage de l’eau. Les opérateurs de la centrale, ayant noté une baisse anormale du débit d’eau dans ce tuyau à sondes, dépêchent une équipe pour démonter le système.

Copeaux oubliés

Les techniciens se rendent sur place. Ils isolent le tuyau du circuit primaire à l’aide de vannes, démontent l’ensemble et découvrent que le diaphragme est obstrué par, entre autres, des copeaux métalliques. Thierry Charles, de l’IRSN, indique qu’il s’agit probablement de copeaux provenant d’une réparation précédente.  Pour remplacer une sonde thermique, c’est à dire un thermomètre, les techniciens auraient réusiné un pas de vis et… ils auraient laissé tomber les copeaux dans le tuyau… L’équipe effectue le nettoyage oublié par leurs collègues et referme le tout.

Vanne fuyarde et verrine faiblarde

Il leur est alors demandé d’en profiter pour vérifier les 3 autres tuyaux de dérivation se trouvant sur les 3 autres boucles du circuit primaire. C’est alors qu’ils découvrent, sur l’un des trois tuyaux, une vanne fuyarde… Ils parviennent à l’isoler et à la remplacer. Mais lorsqu’ils remettent le circuit en fonctionnement, c’est à dire lorsque l’eau sous pression revient dans le petit tuyau, un hublot en verre permettant d’en voir l’intérieur, une verrine en langage technique, se casse. Aussitôt, c’est la fuite.

Une fuite de 7 m3/h

Pas moins de 7 m3/h d’eau radioactive à 300°C se répandent sur le sol du bâtiment réacteur N°1. L’accident sur produit à 23h15 le 24 octobre, selon le communiqué de l’ASN. Et la fuite ne sera arrêtée qu’à 5 heures au matin du 25 octobre. Soit près de 6 heures de fuite. A 7 m3/h, cela ferait environ 42 m3… L’IRSN avance néanmoins seulement 20 m3, ce qui indique que le débit s’est progressivement réduit. En effet, dès le début de la fuite, les opérateurs de la centrale ont décidé de déclencher la procédure d’arrêt à froid. Cela signifie que le coeur du réacteur est neutralisé par les barres de contrôle qui inhibent la réaction nucléaire. Progressivement, la pression et la température du circuit primaire baissent. A la fin de la procédure, le circuit se trouve à une température de 60°C et une pression d’environ 2 bars.

Pas de blessés… une chance

Par chance, aucun technicien ne se trouvait dans le bâtiment réacteur au moment du déclenchement de la fuite. Il reste néanmoins plusieurs zones d’ombres. D’abord, pour expliquer pourquoi la pression est montée jusqu’à faire exploser ce hublot. Ensuite, pour déterminer les responsabilités de cette erreur de manœuvre qui aurait pu avoir des conséquences graves en cas de présence humaine. L’équipe de maintenance provenait-elle d’EDF ou d’un sous-traitant ?  EDF devra donner des explications. Cela tombe bien, c’est l’une de ses spécialités…

Michel Alberganti

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Séisme d’Aquila: De la stupidité du verdict condamnant les experts

L'Aquila, le 8 avril 2009. REUTERS/Alessandro Garofalo

Les villes risquent d’être plus souvent évacuées qu’habitées. A la moindre alerte, séisme, tempête, crue, canicule ou épidémie de grippe, nous irons tous aux abris. Pour y rejoindre les experts.

Si le jugement du tribunal de l’Aquila est confirmé, en Italie, les prochains experts nous enverront systématiquement aux abris à la moindre alerte.
Le 22 octobre 2012, Franco Barberi, Enzo Boschi, Mauro Dolce, Bernardo De Bernardinis, Giulio Selvaggi, Claudio Eva et Gian Michele Calvi ont en effet été condamnés à six ans de prison ferme et à l’interdiction de tout office public pour homicide involontaire.Leur faute? Ne pas avoir alerté la population, avant le 6 avril 2009, de l’imminence d’un tremblement de terre. Ce jour-là, un séisme de magnitude 6,3 sur l’échelle de Richter s’est produit près de L’Aquila et a fait 309 victimes et plus de 50.000 sans-abri.

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Michel Alberganti

 

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Endoscope : Coup d’oeil sur l’avis de l’ANSES

Hier, 22 octobre 2012, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a organisé une conférence de presse afin de communiquer son avis sur l’étude du chercheur Gilles Eric Séralini au sujet de la toxicité du maïs transgénique Monsanto NK603 et de l’herbicide Roundup. Cette étude, publiée le 19 septembre 2012 dans la revue Food and Chemical Toxicology, a suscité un tel émoi  que le gouvernement a immédiatement saisi l’Anses pour qu’elle expertise le travail de Gilles-Eric Séralini. Nous en avons rendu compte hier.

De nombreuses questions, dans les commentaires des articles que nous avons écrit sur ce sujet, tournent autour du problème du nombre de rats utilisé pour l’expérience et de l’interprétation statistique des résultats de l’étude.
Justement, la rubrique Endoscope de Globule et Télescope était là pour glisser sa caméra dans la salle de la conférence de presse de l’Anses et y capter les informations intéressantes. Ainsi, voici les explications de Jean-Pierre Cravedi, directeur de recherche à l’INRA de Toulouse et de Marc Mortureux, directeur général de l’Anses :


G&T_22 octobre 2012_Conf de presse ANSES par VideoScopie


Endoscope : Extraits Conférence de presse ANSES… par VideoScopie

Michel Alberganti

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L’expérience de Gilles-Eric Séralini est nulle mais pleine d’avenir

Le professeur Gilles-Eric Séralini lors d'une conférence au Parlement européen à Bruxelles, le 20 septembre 2012. REUTERS/Yves Herman.Sollicitée par le gouvernement dans l’affaire des rats et du maïs génétiquement modifié de Monsanto, l’Agence nationale de sécurité alimentaire vient de rendre son avis: l’expérience du Pr Séralini n’a aucune valeur scientifique, mais ce n’est pas une raison pour ne pas en tenir compte. Une manière de conforter la volonté gouvernementale d’améliorer l’expertise toxicologique des OGM alimentaires. 

On n’attendait plus qu’eux pour savoir à quoi s’en tenir sur les spectaculaires conclusions de l’expérience hautement médiatisée menée, sous la direction du Pr Gilles-Eric Séralini, sur des rats nourris avec un maïs génétiquement modifié de Monsanto et l’herbicide RoundUp de Monsanto.

Le 19 septembre, soit le jour même où cette étude était publiée dans une revue scientifique et relayée par le Nouvel Observateur, le gouvernement avait curieusement saisi en urgence l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et le Haut conseil des biotechnologies (HCB). Avec cette saisine, il s’agissait, en substance, pour les trois ministres directement concernés (Stéphane Le Foll, Marisol Touraine, Delphine Batho), de savoir à quoi s’en tenir sur un sujet hautement controversé. Plus d’un mois plus tard, ce lundi 22 octobre, ces deux institutions ont rendu leurs conclusions.

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Michel Alberganti et Jean-Yves Nau

 

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Le prix Nobel de physique n’est pas tendre pour la recherche française

Lors de l’émission du Club Science Publique que j’ai animée le vendredi 19 octobre 2012 sur France Culture, le prix Nobel de physique 2012, Serge Haroche a parlé de l’organisation de la recherche française, en préparation des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche qui se tiendront les 26 et 27 novembre 2012. A la lumière de son expérience, il se révèle assez sévère sur la structure actuelle du financement des laboratoires.

Voici, en vidéo, l’extrait de l’émission où Serge Haroche expose son sentiment sur ce sujet en réponse à une question d’Etienne Klein, physicien au CEA :


Club Science Publique : Prix Nobel de physique… par franceculture

Michel Alberganti

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OGM: six Académies plaident pour museler les chercheurs et la presse

Que s’est-il passé au sein des 6 Académies nationales qui, vendredi 19 octobre 2012, ont publié un avis commun sur l’affaire Séralini ? Dès le 19 septembre, jour de la publication de l’étude du chercheur français à la fois dans la revue Food and Chemical Toxicology et dans le Nouvel Observateur, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a demandé, via une saisine immédiate, l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Tandis que l’on attend toujours cet avis (annoncé pour le lundi 22 septembre à 14h00), voilà que 6 Académies nationales, auxquelles personne n’a rien demandé, décident de se prononcer sur l’étude de Gilles-Eric Séralini.

La surprise redouble, voire décuple, lorsque l’on lit ce texte de 5 pages sobrement intitulé “Avis des Académies nationales d’Agriculture, de Médecine, de Pharmacie, des Sciences, des Technologies, et Vétérinaire sur la publication récente de G.E. Séralini et al. sur la toxicité d’un OGM”. Outre le fait, sans doute rarissime, d’une telle association de doctes institutions, c’est la violence du propos qui surprend et amène à s’interroger. On se souvient des tergiversations, des débats à huis clos et du texte final de haute volée diplomatique qui avait suivi la demande à l’Académie des sciences de statuer sur le différend entre scientifiques au sujet du réchauffement climatique. Ici, l’équilibre cède la place une virulence inaccoutumée.

Sur le fond, les six Académies reprennent les avis déjà remis par les autorités européenne (EFSA) et allemande (BfR) sans attendre celui de la France… Dont acte. Le communiqué de presse accompagnant l’avis conclut : “En conséquence, ce travail ne permet aucune conclusion fiable”. Mais c’est sur la forme, c’est à dire la stratégie de communication de cette étude, que les Académiciens lâchent leurs bombes. Sans se priver d’attaques ad hominem:

“L’orchestration de la notoriété d’un scientifique ou d’une équipe constitue une faute grave lorsqu’elle concourt à répandre auprès du grand public des peurs ne reposant sur aucune conclusion établie”.

Quand aux leçons et préconisations, elles font froid dans le dos. Leur citation intégrale s’impose tant le propos sort des sentiers battus. Ainsi, les six Académies :

souhaitent que les universités et les organismes de recherche publics se dotent d’un dispositif de règles éthiques concernant la communication des résultats scientifiques vis-à-vis des journalistes et du public, afin d’éviter que des chercheurs privilégient le débat médiatique qu’ils ont délibérément suscité, à celui qui doit nécessairement le précéder au sein de la communauté. scientifique.

proposent que le Président du Conseil supérieur de l’audiovisuel s’adjoigne un Haut comité de la science et de la technologie chargé de lui faire part, de façon régulière, de la manière dont les questions scientifiques sont traitées par les acteurs de la communication audiovisuelle.

demandent aux pouvoirs publics et à la représentation nationale de tout mettre en œuvre pour redonner du crédit à l’expertise collective et à la parole de la communauté scientifique qui mérite une confiance qu’on lui refuse trop souvent, alors que chacun s’accorde à affirmer que l’avenir de la France dépend pour partie de la qualité de ses travaux de recherche.

Est-il nécessaire de commenter de tels propos ? Le “dispositif de règles éthiques” semble conduire directement à l’instauration d’une nouvelle censure en matière de communication scientifique. Le Haut conseil de la science et de la technologie, associé au CSA, ressemble à un service de renseignements chargé de faire la chasse aux journalistes maltraitant la science.

S’il avait existé, le premier instrument aurait pu servir à museler Gilles-Eric Séralini. En cas d’échec de cette première ligne, le second dispositif aurait conduit à dénoncer les journalistes du Nouvel Observateur qui ont relayé l’information le jour de la publication scientifique de l’étude. Les Académiciens ne précisent pas les sanctions qu’ils souhaitent voir appliquées. L’exclusion du chercheur de l’université ? L’interdiction de paraître du Nouvel Observateur ?

Que six Académies perdent à ce point leur sang froid qu’elles se laissent aller à publier un texte commun appelant à la censure et à la chasse aux sorcières révèle un malaise profond de ces institutions scientifiques vis à vis des médias et du public. A l’inverse du but recherché, ce texte pourrait conduire à :

Une défense, espérons-le, par l’ensemble des médias, aussi bien de la presse écrite, radio et télévisée, de la rédaction du Nouvel Observateur. Corporatisme ? Sans doute, si la liberté de la presse en est un. Sinon, ce sera aux lecteurs, c’est à dire aux citoyens, de se prononcer. Même ceux, dont je fais partie, qui considèrent la couverture du Nouvel Observateur du 20 septembre (“Oui, les OGM sont des poisons !”) comme indigne de l’éthique journalistique, ne pourront que défendre le droit de l’hebdomadaire à faire des erreurs. Tous les médias en ont fait, en font et en feront. Surtout dans les périodes économiquement difficiles comme celle que nous traversons. La disparition de la version papier de Newsweek en témoigne. Vouloir instaurer la censure ne peut avoir comme objectif que de hâter la disparition de la presse écrite. A moins que cette dernière ne sorte revigorée de cette attaque. Mais, pour cela, elle a besoin du soutien de ses lecteurs.

Une suspicion dans l’esprit des directeurs de journaux, de radios et de télévisions, vis à vis du traitement de la science dans leur média. Cette méfiance minera les décennies d’efforts des journalistes scientifiques pour convaincre leur direction, dont la culture est, le plus souvent, littéraire, d’accorder plus de place aux sujets scientifiques dans leur média. Sans une condamnation massive du texte des six Académies, la science occupera, demain, encore moins de place qu’aujourd’hui dans les journaux, les radios et les chaînes de télévision. Beau résultat…

Une fracture entre les chercheurs, les médias et le grand public. Là encore, des décennies d’efforts pour mettre les débats scientifiques sur la place publique risquent d’être ruinées. Ce ne serait pas le moindre des effets collatéraux de l’opération médiatique Séralini que de lui donner un tel pouvoir. Aujourd’hui, déjà , la parole des chercheurs n’est pas toujours libre. En faisant planer la menace d’une sanction de leur institution, la recherche sera muselée. Est-ce là le but des Académies nationales ? Veulent-elles que le débat scientifique soit réduit au huis clos jusqu’à ce qu’une communication officielle, une “vérité”, soit dispensée à la foule ignare, incapable de forger sa propre opinion ?

On peut se demander quelle mouche a piqué les six Académies pour les conduire à publier un tel texte. S’il n’est pas retiré au plus vite, une réaction s’impose de la part de l’ensemble des journalistes, bien entendu, mais également, et surtout, du public.

Alors, à vos plumes !

Michel Alberganti

 

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