Ah! Le café… Sans céder au cliché du petit noir sur le zinc d’un bistrot, il faut bien reconnaître que ce breuvage est un compagnon incontournable, pour beaucoup d’entre nous, des journées de travail tout comme des moments de détente. Wikipédia nous apprend que cette boisson psychoactive, fruit du caféier, ne date pas d’hier. Son introduction en Europe date de 1600 et il séduit tant que le pape Clément VIII le baptise… Aujourd’hui, il est souvent considéré comme un excitant dont on ignore les impacts sur la santé. Depuis des années, les études s’accumulent pour tenter de cerner les multiples effets du café sur l’organisme humain. Au cours des derniers jours, pas moins de trois ont ainsi été publiées dans les revues scientifiques. Ces travaux révèlent deux point positifs et un négatif.
Consommé quotidiennement avec modération, le café pourrait protéger significativement contre les défaillances cardiaques selon l’article publié le 26 juin 2012 dans le journal de l’association américaine du coeur, Circulation Heart Failure. En revanche, une consommation excessive aurait les effets exactement inverses. Attention, l’acception américaine de la modération risque de décevoir vos espoirs… Pour Murray Mittleman, directeur de l’unité de recherche en Épidémiologie cardiovasculaire du centre médical Beth Israel Deaconess de Boston, elle se limite à l’équivalent de deux cafés américains classiques par jour. Dans ce cas, la réduction du risque cardiovasculaire atteindrait les 11%. La frontière de l’excès arrive très vite. “Cinq ou six tasses de café américain par jour n’apportent pas de bénéfices et peuvent même être dangereuses”, indique Murray Mittleman qui souligne la vertu, dans ce cas comme dans tant d’autres, de la mo-dé-ra-tion…
Pour atteindre ce résultat, les chercheurs ont analysé les résultats de 5 études pourtant que 6522 cas de défaillances cardiaques parmi 140 220 personnes (hommes et femmes). Quatre de ces études ont été réalisées en Suède et une en Finlande. L’origine des études complique leur interprétation tant les modes de consommation du café varient en fonction des pays. La consommation modérée dans le Nord de l’Europe correspond à 4 cafés par jour, soit environ 220 g de liquide qui sont l’équivalent de 2 cafés américains servis dans les coffee shops. La consommation excessive commence à 10 cafés au Nord de l’Europe, soit 4 ou 5 cafés américains. Ces doses varient sensiblement d’un établissement à l’autre puisqu’elles peuvent atteindre plus de 500 grammes, soit un demi-litre, par café en Amérique du Nord.
Il n’a pas échappé aux chercheurs que la force du café, au delà de son volume, varie également fortement suivant les pays. En moyenne, elle est plus faible aux Etats-Unis qu’en Europe. Ils n’ont guère pu tenir compte du caractère caféiné ou décaféiné des boissons car les Suédois et les Finlandais semblent adeptes de la caféine. Malgré ces biais multiples, la conclusion de l’étude prend à contre-pied les prescriptions habituelles qui déconseillent la consommation de café aux personnes susceptibles d’avoir des problèmes cardiaques. Ces dernières vont donc pouvoir passer de l’interdiction à la modération. Un indéniable avantage pour celles qui aiment le café. La Fédération américaine du coeur préconise, pour les personnes sensibles, la boisson d’un à deux cafés américains ou autres boissons caféinées par jour.
Pour la peau, le régime est différent. Selon l’étude publiée le 2 juillet 2012 dans le journal américain Cancer Research, plus nous buvons de tasses de café caféiné, plus nous sommes protégés contre les risques de développer un cancer de la peau, un carcinome basocellulaire. Jiali Han, professeur à l’hôpital Brigham and Women à l’école de médecine de Harvard à Boston, reste toutefois aussi prudent qu’ambigu: “Je ne recommanderai pas que vous augmentiez votre consommation de café à partir des seules données de cette étude. Néanmoins, nos résultats incluent le carcinome basocellulaire à la liste des maladies pour lesquelles le risque décroit avec l’augmentation de la consommation de café. Dans cette liste, on trouve des pathologies telles que le diabète de type 2 et la maladie de Parkinson”.
Le carcinome basocellulaire est le plus fréquent des cancers de la peau au Etats-Unis. Malgré son évolution lente, il provoque une morbidité considérable et met à mal les systèmes de santé. “Etant donné le grand nombre de nouveaux cas, tout changement dans le régime alimentaire quotidien ayant un effet protecteur peut avoir un impact sur la santé publique”, précise Jiali Han.
Avec son équipe, Jiali Han a analysé les données provenant de la surveillance médicale de femmes et d’hommes. Sur les 112 897 personnes suivies, 22 786 ont été victimes d’un carcinome basocellulaire au cours des 20 années de suivi médical. Une corrélation inverse est apparue entre la consommation de café et le risque de développer cette maladie. La même corrélation inverse existe avec la consommation de toutes les boissons caféinées (café, tea, cola et chocolat). En revanche, cette corrélation n’est pas apparue avec la consommation de boissons décaféinées. C’est donc bien la caféine qui apparaît comme le facteur protecteur contre ce type de cancer de la peau. Ce résultat confirme celui d’études réalisées sur des souris qui montrent que la caféine peut bloquer la formation de tumeur de la peau.
Il est notable que l’impact de la caféine sur le carcinome basocellulaire ne se retrouve pas sur les deux autres formes de cancer de la peau: le carcinome spinocellulaire et le mélanome malin, le plus mortel. Sur les 112 897 personnes suivies, ces deux maladies ont affecté, respectivement 1953 et 741 individus. “Il est possible que ces chiffres soient trop faibles pour détecter l’impact de la caféine”, note Jiali Han qui estime qu’il faudra encore 10 années de suivi de la cohorte pour avoir une meilleure appréciation sur ce point.
La situation se complique encore pour les candidates à la fécondation in vitro. Pour ces femmes, la consommation de 5 tasses ou plus de café par jour pourrait réduire de 50% les chances de succès de leur FIV. L’étude présentée le 3 juillet 2012 par Ulrik Schiøler Kesmodel, de la clinique de la fertilité de l’hôpital universitaire d’Aarhus, au Danemark, à la réunion annuelle de la société européenne pour la reproduction humaine et l’embryologie (ESHRE) qui se tient à Istanbul du 1 au 4 juillet, indique ne pas avoir été surpris que la consommation de café affecte les taux de réussite des FIVs. En revanche, l’importance de cet impact n’était pas attendue. Le lien entre caféine et fertilité avait déjà été étudié mais avec des résultats contradictoires. Certaines indiquaient une augmentation des taux d’avortements spontanés liée à la consommation de café, mais d’autres non.
La dernière étude danoise a porté sur 3959 femmes engagées dans une procédure de fécondation in vitro. Les informations sur la consommation de café ont été recueillies au début du traitement. Les effets statistiques d’autres facteurs comme l’âge, le consommation de tabac ou d’alcool, la cause de l’infertilité, la masse corporelle, la stimulation ovarienne ou le nombre d’embryons fécondés ont été contrôlés. Résultat: une frontière apparaît à 5 tasses de café par jour. Mais, contrairement à l’analyse sur les risques cardiaques, la définition de la tasse ne semble pas précisée dans le résumé de l’étude… Outre un taux de succès réduit de 50%, les chercheurs ont noté une baisse de 40% des chances de naissance d’un bébé viable, bien que la valeur statistique de ce chiffre semble contestable, selon les chercheurs eux-mêmes. Ces derniers estiment que le café a un effet négatif similaire à celui du tabac en matière de FIV.
“Il existe peu de preuves concluantes concernant le café dans la littérature”, note Ulrik Kesmodel. “Aussi, nous ne voulons pas inquiéter outre mesure les parents engagés dans une FIV. Mais il semble raisonnable, d’après nos résultats, que les femmes ne boivent pas plus de 5 tasses de café par jour pendant une FIV.”
Ces trois études semblent significatives de l’approche actuelle d’une partie de la recherche médicale qui se fonde sur des études statistiques pour tenter de dégager des corrélations entre des causes et des effets. Elles rappellent les suivis de grandes cohortes de patients destinés à détecter les causes du cancer. Cette approche semblent révéler l’incapacité de la médecine actuelle à comprendre les mécanismes à l’oeuvre. Aucune cause biologique n’est évoquée pour expliquer pourquoi le café peut protéger contre les risques cardiaques ou les favoriser, réduire les risques de cancer de la peau ou diviser par deux les chances de succès de la FIV. Pas plus d’informations sur les doses maximales découvertes. Tous ces résultats sont issus de pures observations statistiques. Sans nier leur valeur, qui peut exister, il faut bien admettre, et les chercheurs eux-mêmes le soulignent souvent, qu’elles peuvent être sujettes à caution, tant les facteurs perturbateurs semblent nombreux.
Il est également notable que jamais, dans ces trois études, il n’est fait mention du cas des expressos… Dommage quand on considère la quantité de ce type de café consommée dans le Sud de l’Europe, en particulier. Mais il semble que l’affaire intéresse surtout les pays du Nord et les Etats-Unis, amateurs de cafés américains…
Michel Alberganti
Comme d’habitude, il est bon de manger et (ici) boire un peu de tout avec modération. Les hommes qui boivent du café ne risquent pas grand chose avec la FIV 😉
Oups !
fruit du cafetier
pas moins de trois
Ces travaux révèlent
Cinq ou six tasses de café américain par jour n’apportent pas
Faut vous relire Michel 🙂
Autrement le fait que l’on constate des corrélations n’indique pas l’existence d’une causalité.
Par exemple la surconsommation de café en milieu professionnel est souvent liée à un niveau de stress important, quelquefois également à une surconsommation d’alcool et de tabac.
Il faudrait être sûr que les corrélations constatées ne soient pas des corrélations comportementales plus que des causes liées à la caféine elle-même.
@patricedusud. Merci Patrice ! Pas eu le temps de relire, en effet. Et j’ai trouvé pas mal d’autres fautes. Toutes mes excuses.
Je suis entièrement d’accord avec vous sur la différence entre corrélations et causalités. Etant donné le nombre de facteurs pouvant influencer la survenue de certains problèmes de santé, il sera toujours délicat de tirer des leçons de telles études statistiques. Il faut tout de même admettre que, lorsque la taille de l’échantillon augmente, les chances de dégager de véritables causalités augmentent également.
Mouais, une titraille de Slate donnait à peu prés ça “Ces études à la con qui nous prennent pour des connes”.. J’ai déjà lu des articles sur le sujet qui disaient en gros que 10 cafés par jour est bon pour la santé. C’est usant à la fin. Valery disait ” Trouver n’est rien, le difficile c’est de s’ajouter ce que l’on trouve”. Il était loin de la vérité, trouver n’est déjà pas simple alors s’ajouter… à part une cuillère de sucre pour la douceur peut être? C’est bon le sucre pour la santé?
Je ne vois pas comment des chercheurs ont pu tirer des conclusions de ces études. Ça m’aurait semblé vain dès le début puisqu’il paraît tout à fait impossible d’isoler le “facteur café”.
Le préalable aurait pu être une étude sociologique pour cerner l’alimentation et le mode de vie du buveur de café moyen (en admettant que ce soit faisable) et de pondérer les résultats des études pour être influencé au minimum par les facteurs extérieurs.
C’est un peu comme si on avait voulu étudier l’effet du vent sur la croissance des arbres sans tenir compte de la pluviométrie ou de la fertilité du sol, de l’exposition au soleil, et qu’on en tire des conclusions.
Ou peut être ai-je mal lu, ou peut être est-ce précisé dans l’étude en entier…
Moment Historique pour la physique
Le CERN VIENT D’ANNONCER la découverte d’une particule a l’énergie de 126,5 mH avec un sigma de 5,0 COMPATIBLE AVEC LE BOSON DE HIGGS!
Une nouvelle page s’ouvre pour la physique théorique après une traque qui a duré plus de 25 ans et plus d’un demi-siècle après la prévision théorique de son existence.
Peut-on être bien dans sa peau sans jamais boire de café ?
Ce ne sont que des corrélations et pas des causalités mais beaucoup de facteurs sont contrôlés dans ces études (comme cités, l’âge, la consommation de tabac ou d’alcool, la masse corporelle), ce qui fait que si on ne peut pas être certains de la causalité on élimine un certain nombre d’hypothèses, ce qui pourra servir pour d’autres études.
Une chose qui m’interpelle c’est comme vous Michel en conclusion, le fait qu’ils raisonnent sur des “tasses”. Probablement très pratique pour les chercheurs de l’étude mais pas pour les autres qui voudront reproduire les résultats. Pourquoi n’avoir pas converti les résultats en quantité de caféine (ou autre substance du café)? Surtout que même en se basant sur les tasses, la concentration en caféine va différer d’une tasse à l’autre en fonction de la méthode employée pour faire le café : café filtre, cafetière à piston, cafetière italienne, et bien sûr café expresso.
Très jolies photos sinon, ça me donne envie d’aller en reprendre un d’ailleurs.