Leap : la main qui va tuer la souris

“A small step for computers, a giant leap for users”. Telle pourrait être le slogan de l’entreprise Leap Motion, s’inspirant des mots de Neil Armstrong posant le pied sur la Lune.  Le nouvel interface d’ordinateur Leap présenté par cette start-up de San Francisco et débusquée, entre autres, par Louis Naugès dans son blog Entreprise 2.0, promet de faire indéniablement partie de ces innovations, extrêmement rares, qui laissent bouche bée. Cette vidéo suffit pour s’en convaincre :

Bien entendu, cela ne peut manquer de rappeler fortement l’émotion qui a saisi les spectateurs de Minority Report, le film de Steven Spielberg sorti en 2002, il y a tout juste 10 ans. Pourtant, en regardant bien, vous noterez une petite différence :

La différence, c’est que notre Tom Cruise a l’air passablement ridicule avec ses gants à trois doigts agrémentés de petites loupiotes. Leap Motion fait tout aussi bien, et même mieux semble-t-il, à main nue. Et c’est bien là l’exploit. La manette de la Wii de Nintendo est sortie en 2006 et Kinect de Microsoft en 2010 ont déjà révolutionné ce qu’il est convenu d’appeler l’interface utilisateur (IU). Mais le premier impose d’utiliser une manette et la précision du second n’est compatible qu’avec des jeux. Leapmotion propose un véritable bond en avant. Pour au moins trois raisons :

  • La précision

Leap Motion annonce une sensibilité 200 fois supérieure à celle de tous les systèmes existants, dont les souris, quelque soit leur prix. Le Leap distingue les mouvements de tous les doigts dont le pouce, ou d’un crayon, et peut distinguer un déplacement jusqu’à un centième de mm….

  • La vitesse

D’après ce que montre la vidéo, il n’existe pas de délai de latence entre les mouvements de l’utilisateur et la réaction sur l’écran. Ce n’est pas tout à fait le cas avec la Wii ou Kinect. La simultanéité parfaite est indispensable pour donner la sensation de manipuler avec ses propres mains ce qui se passe à l’écran. Le volume dans lequel doivent se situer les mouvements de la main est un cube de 60 cm de coté (merci à Sylvain qui a fait le calcul dans son commentaire…). Ce qui est très confortable.

  • Le prix

Leap Motion annonce un prix de vente de 70 $ ce qui n’est pas le moindre exploit de l’entreprise. Certes une souris vaut moins de 20 €, moins de 10 € même pour les premiers modèles, mais offrir une telle avancée pour seulement 3 ou même 10 fois plus cher est tout bonnement incroyable. De plus, le Leap semble très facile à installer (il suffit de brancher le minuscule boitier sur un port USB) et à utiliser après une brève séquence de calibration. Pas de manuel ni d’apprentissage…

La seule photo de David Holtz sur le web

Comment une start-up, une fois de plus américaine, peut-elle réaliser, sous réserve de juger les produits réels lorsqu’ils seront sur le marché, un tel exploit ? La recette est simple: un ou deux génies, du travail, du temps et de l’argent. Pour Leap Motion, le génie se nomme David Holtz, directeur technique, docteur en mathématiques appliquées et ancien employé de la Nasa et du Max Planck Institute, associé à Michael Buckwald, PDG, ancien PDG de Stratics Media et de Zazuba pour créer Leap Motion en 2010 à San Francisco. Du travail, c’est 200 à 300 000 lignes de code informatique pour mettre loin derrière l’objet qu’ils admiraient: Kinect de Microsoft. Du temps, c’est quatre années de travail avant de pouvoir lancer un  produit sur le marché. Le Leap est attendu fin 2012, début 2013. De l’argent, c’est 14,5 millions de dollars levés à ce jour.

Le résultat sera peut-être l’un de ces bonds en avant qui marquent l’histoire de l’informatique: le microprocesseur, l’interface graphique,  la souris, le web… Tous, à l’exception du web né au CERN de Genève, ont été réalisés aux Etats-Unis. Sans parler d’Amazon, eBay, Skype, Google (qui est en train de racheter Motorola) Facebook, Tweeter… De quoi faire réfléchir un pays qui produisait des génies à la pelle il y a un siècle et qui, aujourd’hui, se retrouve en pleine désindustrialisation, non ?

 

Allez, pour le plaisir, la version longue de la présentation du Leap, qu’il faudra encore attendre pendant de longs mois…

 

 

Michel Alberganti

lire le billet